Tribunal du travail, 24 janvier 2002, c. AB. épouse RO. c/ f. FA.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Heures supplémentaires - Calcul - Exclusion des périodes d'astreintes

Résumé🔗

Les périodes d'astreintes sont exclues du décompte des heures supplémentaires.

Constituent des heures supplémentaires ouvrant droit à majoration de salaire, aux termes de l'article 8 de l'ordonnance loi n° 677 du 2 décembre 1959, les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail de 39h par semaine ou de la durée considérée comme équivalente dans la profession considérée. La durée du travail s'entend, quant à elle, en application de l'article 2 de ladite ordonnance loi, du temps de travail effectif, ce qui exclut le temps d'astreinte au cours duquel le salarié reste à la disposition de l'employeur sans accomplir une prestation de travail lequel ne rentre pas en compte dans le calcul du nombre d'heures supplémentaires effectuées.

Le tribunal du travail, saisi par une salariée d'une demande de paiement d'heures supplémentaires qu'elle prétendait avoir accomplies pour le compte de son employeur, déclare cette demande infondée. La demanderesse s'était, en effet, bornée à produire une fiche comportant le détail mensuel des heures effectuées, établie par ses soins, alors que le décompte des heures revendiquées n'avait pas été effectué par semaine civile et qu'il englobait les heures effectuées de jour et de nuit. Le décompte établi ne tenait pas seulement compte du temps de travail effectif mais aussi des périodes d'astreinte. Or ces périodes sont exclues des heures supplémentaires.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 29 janvier 2001 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 13 février 2001 ;

Vu les conclusions déposées par Maître c. PALMERO, avocat-défenseur, au nom de Madame c. AB. épouse RO., en date du 15 mars 2001 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de Monsieur f. FA., en date du 28 juin 2001 ;

Après avoir entendu Maître Roland TAMISIER, avocat au barreau de Nice, au nom de Madame c. AB. épouse RO., et Maître Christophe SOSSO, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Monsieur f. FA., en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

*

Embauchée le 1er août 1999 en qualité d'employée de maison par f. FA., c. RO. a été licenciée de cet emploi par lettre en date du 7 avril 2000, pour « manque de confiance absolue doublé d'une incompatibilité d'humeur » et dispensée de l'exécution de son préavis.

Soutenant d'une part qu'elle n'avait pas été remplie de ses droits, au cours de l'exécution du contrat de travail, et d'autre part que son licenciement, motivé par une prétendue insuffisance professionnelle, tendait en réalité à sanctionner sa demande visant à obtenir la rémunération des nombreuses heures supplémentaires effectuées par ses soins et que cette mesure revêtait, en conséquence, un caractère manifestement abusif, c. RO., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 12 février 2001, a attrait son ancien employeur devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, afin d'obtenir l'allocation à son profit des sommes suivantes :

  • 35.548,56 F, représentant le montant des 582 heures supplémentaires (majorées à 50 %) qui ne lui ont pas été réglées,

  • 407,20 F, correspondant à 8 heures supplémentaires (majorées à 25 %) qui ne lui ont pas davantage été payées,

  • 3.194,48 F, à titre de « solde de préavis de licenciement » (1/2 mois de salaire),

  • 4.779,13 F, représentant le solde de ses congés payés (25 jours),

  • 20.000,00 F, de dommages et intérêts pour « licenciement sans cause réelle ni sérieuse ».

Elle sollicitait en outre la délivrance d'un certificat de travail.

À l'audience fixée par les convocations les parties ont comparu par leurs conseils.

Puis, après quatre renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été contradictoirement débattue le 15 novembre 2001 et le jugement mis en délibéré pour être prononcé, après prorogation, ce jour 24 janvier 2002.

c. RO. soutient en premier lieu à l'appui de ses prétentions qu'à partir du moment où elle disposait d'une ancienneté supérieure à six mois lors de son licenciement, elle aurait dû en application des dispositions de l'article 7 a) de la loi n° 729 du 16 mars 1963 bénéficier d'un délai de préavis d'un mois ; qu'en conséquence, son employeur ne lui ayant octroyé que quinze jours, elle est fondée à réclamer une somme de 3.194,48 F, correspondant aux quinze jours lui restant dus.

Prétendant par ailleurs avoir travaillé au minimum 64 heures par semaine et souvent davantage, ainsi que le démontre d'une part l'agenda versé aux débats « sur lequel l'employeur et son épouse indiquaient le travail à effectuer avec diverses mentions horaires » et d'autre part le solde de tout compte proposé par l'employeur faisant ressortir un temps de travail de soixante quatre heures pour la seule première semaine d'avril 2000, elle sollicite l'allocation d'un rappel de salaires se décomposant ainsi :

  • 407,20 F, au titre des heures supplémentaires majorées à 25 %,

  • 35.548,56 F, au titre des heures supplémentaires majorées à 50 %.

Estimant en outre ne pas avoir reçu paiement des vingt cinq jours de congés payés auxquels ouvrait droit sa période d'activité au service de f. FA., en ce compris la durée du préavis, elle réclame la condamnation à ce titre de son ancien employeur au paiement d'une indemnité compensatrice de 4.779,13 F.

Soutenant enfin que les allégations fantaisistes contenues dans la lettre de licenciement sur ses prétendues insuffisances professionnelles ne sont étayées par aucun élément de preuve et qu'elle a en réalité été congédiée parce qu'elle avait cherché à faire respecter ses droits, elle demande que le caractère abusif de la rupture soit consacré et sanctionné par l'allocation d'une somme de 20.000,00 F, à titre de dommages et intérêts.

f. FA. conclut pour sa part au rejet de l'intégralité des demandes formées à son encontre par c. RO.

Il invoque à cette fin en substance les moyens suivants :

En ce qui concerne les heures supplémentaires

  • c. RO. ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées, les deux éléments versés aux débats à cet effet, à savoir le planning de travail par mois écrit de sa main d'une part, et la photocopie d'agenda d'autre part, étant à cet égard insuffisants et inopérants.

En ce qui concerne le licenciement

  • la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse est irrecevable, cette notion n'existant pas en droit monégasque,

  • le licenciement a été mis en œuvre en raison de l'exécution défectueuse par c. RO. de sa prestation de travail (non respect des règles de sécurité et d'hygiène notamment), laquelle a entraîné une perte de confiance entre l'employeur et sa salariée,

  • alors que la lettre de rupture contient l'énonciation de griefs précis, c. RO. n'y a apporté aucune réponse jusqu'à l'introduction de la présente procédure.

En ce qui concerne les autres demandes

  • en l'état des explications particulièrement succinctes de c. RO. qui ne précise pas le fondement de ses demandes, celles-ci ne peuvent qu'être rejetées.

SUR CE,

1) SUR LES DEMANDES RELATIVES À L'EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

a) Congés payés

c. RO. réclame à ce titre la somme de 4.779,13 F, correspondant à la totalité des droits à congés payés qu'elle a acquis au cours de l'exécution du contrat de travail.

Force est de constater toutefois, à l'examen du document intitulé « Planning de travail par mois » établi par c. RO. elle même, que cette dernière a bénéficié entre le 1er août 1999 et le 7 avril 2000 de trente huit jours ouvrables de congés au total, qui lui ont été payés par son employeur, la rémunération qui lui a été versée au cours de chacun des mois considérés (septembre 1999, novembre à février 2000) n'ayant subi aucun abattement.

Cette dernière, qui a été ainsi remplie de ses droits, ne peut prétendre à aucun rappel à ce titre.

b) Heures supplémentaires

Il est constant en droit positif monégasque qu'il appartient au salarié qui soutient avoir effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées d'en rapporter la preuve.

Que par ailleurs, en application des dispositions de l'article 8 de l'Ordonnance loi n° 677 sur la durée du travail, ne constituent des heures supplémentaires ouvrant droit aux majorations de salaire de 25 % pour les huit premières et 50 % pour les heures suivantes que les heures effectuées au delà d'une durée de travail de 39 heures par semaine ou de la durée considérée comme équivalente dans la profession considérée.

La référence hebdomadaire étant expressément précisée par le législateur monégasque, le décompte des heures supplémentaires réclamées par le salarié, pour pouvoir être pris en considération par le Tribunal, doit être établi par semaine civile.

Dès lors enfin que la durée du travail prévue par l'article 8 de l'Ordonnance n° 677 s'entend, en application de l'article 2, du même texte, du temps de travail effectif, la période située pendant ou en dehors des horaires de travail au cours de laquelle le salarié reste à la disposition de son employeur sans pour autant accomplir une prestation de travail, doit s'analyser juridiquement en un temps d'astreinte, lequel, s'il peut certes donner lieu au versement de primes ou d'indemnités, ne rentre pas en revanche en compte dans le calcul du nombre d'heures supplémentaires effectuées.

En l'espèce, pour établir l'existence des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir accomplies pour le compte de son employeur, c. RO. verse aux débats, en tout et pour tout :

  • une fiche intitulée « planning de travail par mois » comportant le « détail mensuel des heures effectuées », établie par ses soins,

  • un agenda pour l'année 1999 comportant diverses annotations ainsi qu'un programme prévisionnel du premier semestre 2000.

Nul ne pouvant se constituer de preuve à soi même, ces deux documents qui ont été soit conçus et établis par c. RO. elle-même, soit complétés et annotés par cette dernière, ne peuvent constituer la preuve matérielle des horaires de travail revendiqués par l'intéressée.

Au surplus, à supposer même que les indications portées sur ces deux documents puissent être tenues pour réelles et exactes, il n'en demeure pas moins :

• que le décompte des heures supplémentaires revendiquées par c. RO. n'a pas été effectué par semaine civile mais mensuellement,

• que le calcul des majorations de salaires auquel a procédé l'intéressée n'est pas conforme aux dispositions de l'article 8 de l'Ordonnance loi n° 677, la référence aux huit premières heures posée par ce texte étant une référence hebdomadaire,

• que ledit décompte, qui englobe selon les propres indications de la demanderesse les heures effectuées de jour et de nuit entre le mardi 5 heures 30 et le jeudi soir 22 heures 30, ne tient à l'évidence pas seulement compte du temps de travail effectif de la salariée, mais aussi des périodes d'astreinte, lesquelles ne rentrent pas en considération pour le calcul des heures supplémentaires.

Au vu de l'ensemble de ces éléments c. RO. doit être déboutée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires.

2) SUR LES DEMANDES RELATIVES A LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

a) Préavis

À la date de première présentation de la lettre de rupture qui se situe, selon les indications fournies par le salarié, le 12 avril 2000 (l'accusé réception n'a pas été produit aux débats par l'employeur), c. RO., qui avait été embauchée le 1er août 2000, justifiait d'une ancienneté de huit mois et douze jours au service de f. FA.

Conformément aux dispositions de l'article 7 a) de la loi n° 729 du 16 mars 1963 et en l'absence de dispositions conventionnelles plus favorables, elle aurait dû bénéficier d'un délai congé d'un mois.

f. FA. ne lui ayant accordé à ce titre qu'une indemnité égale à quinze jours de salaire, ce dernier doit être condamné à verser à son ancienne salariée la somme nette de 3.194,00 F, (y compris indemnité monégasque de 5 % et déduction faite des cotisations sociales), correspondant à 486,92 €.

b) Dommages et intérêts pour licenciement abusif

Si c. RO. a certes, dans un premier temps, sollicité l'allocation d'une somme de 20.000,00 F à titre de dommages et intérêts pour « licenciement sans cause réelle ni sérieuse », notion inconnue du droit monégasque, elle a par la suite, dans ses conclusions déposées devant le Bureau de Jugement, explicité cette demande en indiquant avoir été victime d'un licenciement abusif.

Si en application des dispositions de l'article 13 de la loi n° 729 toute rupture abusive d'un contrat de travail peut certes donner lieu à des dommages et intérêts qui seront fixés par le juge à défaut d'accord des parties, il appartient toutefois au salarié qui sollicite le bénéfice de tels dommages et intérêts non seulement de démontrer l'existence et l'étendue du préjudice qu'il prétend avoir subi mais également d'établir la faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture, laquelle peut consister dans l'allégation d'un faux motif ou dans la légèreté blâmable avec laquelle le congédiement a été donné.

En l'espèce, si c. RO. soutient certes dans ses écritures que le licenciement pour insuffisance professionnelle dont elle a été l'objet viserait en réalité à sanctionner sa demande en paiement d'heures supplémentaires, force est de constater toutefois que cette affirmation, qui se heurte aux faits précis énoncés dans la lettre de rupture, stigmatisant les manquements de l'intéressée aux règles de sécurité et d'hygiène ainsi que sa disponibilité insuffisante, ne sont étayés par aucune pièce. Que la précipitation ou la légèreté dont se serait rendu coupable l'employeur ne sont pas davantage établies, ni même alléguées par la demanderesse.

Cette dernière ne justifiant, en tout état de cause, ni de l'existence ni de l'étendue du préjudice qu'elle prétend avoir subi (sa situation professionnelle depuis le mois d'avril 2000 tout comme ses moyens d'existence n'ont pas été précisés à la présente juridiction), la demande de dommages et intérêts n'est pas fondée et ne pourra dès lors qu'être rejetée.

En l'état de la succombance respective des parties il y a lieu d'ordonner le partage entre elles des dépens dans les conditions précisées au dispositif du présent jugement.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort après en avoir délibéré.

Condamne f. FA. à payer à c. RO. à titre de complément d'indemnité de préavis, la somme nette de 486,92 euros, (quatre cent quatre vingt six euros et quatre vingt douze centimes), laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2001, date de la convocation en conciliation valant mise en demeure .

Déboute c. RO. du surplus de ses prétentions.

Ordonne le partage des dépens, qui seront supportés à raison d'un quart par f. FA. et des trois quarts restant par c. RO.

  • Consulter le PDF