Tribunal du travail, 24 janvier 2002, La SAM A. RE. c/ j.-p. DE.

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Abstract🔗

Tribunal du Travail - Compétence d'attribution - Actes de concurrence déloyale - Présence ou non d'une clause de non concurrence dans le contrat de travail

Résumé🔗

L'action en concurrence déloyale relève de la compétence des juridictions de droit commun à défaut de clause de non concurrence.

Si la violation par un salarié, après la rupture de son contrat de travail, d'une clause de non concurrence incluse dans celui-ci, relève de la compétence du Tribunal du Travail, il demeure qu'à défaut de stipulation d'une telle clause dans son contrat de travail, l'action en concurrence déloyale dirigée contre ce salarié relève de la compétence de la juridiction de droit commun.

En l'espèce, un salarié se voyait reprocher des actes de concurrence après la rupture du contrat de travail. Or, si le projet de contrat de travail faisait apparaître le principe d'une obligation de non concurrence mise à la charge de l'intéressé, les parties n'avaient pas réussi à s'accorder, tant sur la durée de l'interdiction de concurrence que sur la zone géographique et le domaine d'activité couverts.

La juridiction saisie par l'employeur, décide que, dans ces conditions, faute pour celui-ci d'avoir établi l'existence d'un engagement contractuel de non concurrence clair et précis quant à la période et au lieu concernés, c'est à bon droit que le Tribunal du Travail s'est déclaré incompétent pour connaître d'une action en concurrence déloyale ressortissant de la compétence de la juridiction de droit commun.

Cette décision a été confirmée par le Tribunal de Première Instance en date du 3 avril 2003.


Motifs🔗

Le Tribunal,

Après en avoir délibéré conformèrent à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 15 octobre 1997 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 18 novembre 1997 ;

Vu les conclusions déposées par Maitre Christine PASQUIER CIULLA, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE A. RE., en dates des 8 janvier 1998, 2 avril 1998, 1er septembre 1998, 14 janvier 1999, 7 juin 2001 et 18 octobre 2001

Vu les conclusions déposées par Maître Evelyne KARCZAG MENCARELLJ, avocat-défenseur, au nom de Monsieur j.-p. DE., en dates des 5 mars 1998, 30 avril 1998, 15 octobre 1998, 12 juillet 2001 et 8 novembre 2001.

Après avoir entendu Maître Olivier RIFFAUD-LONGUESPE, avocat au barreau de Nice, au nom de la SOCIÉTE ANONYME MONÉGASQUE A. R., et Maitre Nicole COHEN, avocat au barreau de Nice, au nom de Monsieur j.-p. DE., en leurs plaidoiries ;

Vu les pièces du dossier ;

Désireux d'acquérir une entreprise commerciale, j.-p. DE., qui occupait alors un emploi de Directeur Commercial auprès de la SAM CDC, a conclu après de longs pourparlers avec Madame CE.-RE. le 1 août 1995 d'une part une promesse synallagmatique de cession d'actions sous conditions suspensives, et d'autre part une convention d'actionnaires.

Parallèlement à ces deux conventions j.-p. DE. a par ailleurs été embauché par la SAM A. RE. aux termes d'une autorisation d'embauche et permis de travail en date du 27 septembre 1995 faisant suite à une offre d'emploi du 13 septembre 1995, en qualité de Directeur chargé du développement, moyennant un salaire brut mensuel de 28.289,00 F pour quarante cinq heures hebdomadaire de travail, la date d'entrée en fonction étant fixée au 2 octobre 1995 avec une période d'essai de six mois.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 17 juillet 1996, Madame CE.-RE. a adressé à j.-p. DE. la copie d'un projet de protocole et offre d'achat de la totalité des actions de la SAM A. RE. par Messieurs DESP. et FE., mettant ainsi fin aux engagements souscrits quelques mois auparavant avec j.-p. DE.

L'embauche de j.-p. DE. n'ayant été que l'accessoire de la convention d'actionnaires et de la promesse de cession d'actions, les parties mettaient fin à l'ensemble de leurs conventions.

j.-p. DE. était en conséquence licencié le 31 juillet 1996 par la SAM A. RE. pour « désaccord sur la stratégie commerciale de développement à suivre avec la Direction de la société et objectif non atteint », et dispensé de l'exécution de son préavis.

Aux termes d'un document intitulé « Convention de rupture » en date du 1er août 1996, j.-p. DE., en contrepartie du règlement par la SAM A. RE. d'une somme forfaitaire et définitive de 120.000,00 F, renonçait à toutes réclamations et indemnités.

Par un second acte du même jour conclu entre Madame CE.-RE. et j.-p. DE., les parties résiliaient par ailleurs la promesse synallagmatique de cession d'actions sous conditions suspensives et la Convention d'actionnaires susvisée, j.-p. DE. s'engageant en outre, aux termes de ce document, d'une part à ne formuler aucune réclamation au titre d'une indemnité quelconque en relation avec son contrat de travail et d'autre part « à respecter les clauses de non concurrence spécifiées dans ledit contrat ».

Soutenant que j.-p. DE. avait délibérément violé la clause de non concurrence à laquelle il était contractuellement tenu en créant, deux mois après son départ, une société concurrente dénommée Or et Ambre dont l'activité, la méthode et les produits vendus se sont avérés rigoureusement identiques à ceux de son ancien employeur, et dont le siège social se situe à Antibes, la SAM A. RE., ensuite d'un procès- verbal de non-conciliation en date du 17 novembre 1997, a attrait ce dernier devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail afin :

  • d'obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 8.362.766,00 F, à titre de dommages et intérêts.

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont comparu par leurs conseils respectifs.

Puis, après de nombreux renvois intervenus à la demande des avocats, en raison notamment de l'instance pénale parallèlement introduite par j.-p. DE. devant le Premier Juge d'Instruction, l'affaire a été contradictoirement débattue le 15 novembre 2001 et le jugement mis en délibéré pour être prononcé, après prorogation, ce jour 24 janvier 2002.

La SAM A. RE. expose à l'appui de ses prétentions que l'ensemble des documents versés par ses soins aux débats, auxquels s'ajoutent désormais divers éléments recueillis dans le cadre de l'enquête effectuée auprès du personnel de la société par les services de Police

Judiciaire, à la demande du Magistrat Instructeur (déposition de Mesdames ME., VA., SA.) démontrent, sans la moindre ambigüité possible, que j.-p. DE. a, de façon délibérée, bafoué ses engagements contractuels et véritablement spolié la force de vente de la SAM A. RE.

Elle fait valoir à cet effet que j.-p. DE. a directement participé à la création d'une société située à Antibes dénommée Or et Ambre, immatriculée au répertoire du commerce le 31 octobre 1996, dont l'activité, la méthode de vente et les produits se sont avérés rigoureusement identiques a ceux de son ancien employeur.

Elle prétend par ailleurs que ce dernier s'est livré, après son départ de ladite société, a un véritablement détournement de la clientèle et du personnel de la SAM A. RE. ; Qu'ainsi les quatre salariés ayant le statut de VRP qui occupaient la fonction de manager et qui avaient réalisé à elles seules près de 10 millions de francs de chiffre d'affaires au cours de l'exercice 1995/1996 ont démissionné massivement le même jour, le 31 octobre 1996, pour rejoindre aussitôt, suivis par leurs équipes de vente (soit quarante deux personnes entre le 31 octobre et le 15 décembre 1996) les effectifs de la société Or et Ambre.

Soutenant que cette concurrence interdite et déloyale exercée par j.-p. DE. a entrainé pour elle un préjudice considérable, lequel s'est concrètement traduit:

  • - par une diminution de plus de 60 % de ses effectifs depuis le mois d'octobre 1996,

  • par une chute de 45,33 % du chiffre d'affaires entre le mois d'octobre 1996 et celui de septembre 1997,

  • par un résultat déficitaire de 603.490,00 F, à l' expiration de cet exercice,

  • par une perte de marge brute s'élevant pour la même période d'octobre 1996 à septembre 1997 à la somme de 8.362.766,00 F,

elle demande au Tribunal du Travail, dans le dernier état de ses écritures, de condamner son ancien salarié à lui payer à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi la somme de 8.362.766,00 F, outre celle de 150.000,00 F, à titre de dédommagement des frais engagés dans le cadre de la présente instance.

Après avoir soulevé in limine litis l'incompétence rationae materiae du Tribunal du Travail au profit du Tribunal de Grande Instance de Grasse, j.-p. DE. conclut à titre principal à l'irrecevabilité des demandes introduites à son encontre par la SAM A. RE. et à titre subsidiaire au débouté pur et simple de cette dernière.

II demande en outre à titre reconventionnel que le caractère « abusif et vexatoire » de la procédure diligentée à l'initiative de la SAM A. RE. soit sanctionné par l'allocation à son profit d'une somme de 100.000,00 F, à titre de dommages et intérêts.

II invoque à cette fin, en substance, les moyens de droit et de fait suivants :

Sur l'irrecevabilité

En sollicitant sa condamnation non seulement pour violation d'une clause de non concurrence qui serait contenue dans le contrat de travail mais également pour agissements de concurrence déloyale, la SAM A. RE. a modifié le fondement de son action.

Dès lors que cette nouvelle demande n'a jamais été soumise au préliminaire de conciliation, elle doit être déclarée irrecevable.

Le Tribunal du Travail, qui ne peut connaître que des conséquences qui découlent d'une relation de travail, n'a pas compétence pour connaître d'une action en concurrence déloyale, laquelle relève de la juridiction de droit commun, de sorte qu'en l'espèce seul le Tribunal de Grande Instance de Grasse est compétent rationae materiae et rationae loci pour traiter le présent litige.

Au fond

a) sur l'existence d'un contrat de travail stipulant une clause de non concurrence

  • il n'a jamais existé entre lui même et Madame A. RE. de contrat de travail écrit et signé, les pourparlers entre les parties s'étant limités à l'établissement de quatre projets établis par la société CAPITAL ET STRATÉGIE, conseil de Madame A. RE., en l'état du refus de cette dernière de modifier le contenu de la clause de non concurrence spécifiée dans ces divers documents,

  • en effet, si les parties ont toujours été d'accord sur le principe d'une clause de non concurrence elles ne sont en revanche jamais parvenues à s'entendre sur sa durée et surtout sur son étendue géographique,

  • le document versé aux débats par la SAM A. RE., dont il conteste formellement être le signataire et qui a été établi par Madame A. RE. après son départ de l'entreprise sur la base des projets susvisés, doit être écarté des débats,

  • en tout état de cause le fait que la plainte déposée à l'encontre de Madame A. RE. ait abouti à une ordonnance de non lieu ne constituant pas la preuve de l'existence du contrat de travail et surtout de la clause de non concurrence, objet du présent litige, ce document ne peut servir de fondement à l'action diligentée par la SAM A. RE.

b) sur les agissements de concurrence déloyale

  • les pièces produites aux débats par la société demanderesse ne constituent nullement la preuve des agissements de concurrence déloyale qui lui sont imputés, les prétendus témoins qui sont tous en contact avec Madame CE.-RE. s'étant contentés de répéter ce qui leur était demandé, par pure complaisance,

  • le jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse dont se prévaut la SAM A. RE. qui a été rendu à son insu et qui contient de « fausses énonciations » ne lui est pas opposable des lors qu'il n'y était pas partie.

c) sur le quantum du préjudice

  • le préjudice, dont la SAM A. RE. sollicite aujourd'hui l'indemnisation, a d'ores et déjà été réparé par les sommes qui lui ont été allouées à ce titre par le jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse ainsi que par les condamnations obtenues de certaines revendeuses pour les mêmes faits de concurrence,

  • il n'est pas démontré en tout état de cause de façon péremptoire que la perte invoquée par la SAM A. RE. soit la conséquence directe et exclusive des arguments qui luit sont reprochés.

La SAM A. RE. fait valoir en réplique à ces divers moyens, les arguments suivants :

  • Sur l'exception d'incompétence

Cette exception n'est pas fondée et doit être rejetée, dès lors que la juridiction du travail bénéficie d'une compétence exclusive, qu'il s'agisse de la violation par le salarié de la clause de non concurrence dont il est débiteur ou d'actes de concurrence déloyale, connexes à celle-ci.

  • Sur l'irrecevabilité

Si la violation par j.-p. DE. de la clause de non concurrence dont ce dernier est débiteur envers la SAM A. RE., constitue certes le fondement de la demande en justice introduite par ses soins, il n'en demeure pas moins que les actes de concurrence déloyale imputés à ce dernier font partie intégrante de la violation de cette clause.

Dès lors qu'il est impossible d'opérer une distinction entre la violation, en elle-même, de la clause de non concurrence et les actes de concurrence déloyale qui en résultent, l'exception d'irrecevabilité soulevée par j.-p. DE. n'est pas fondée et doit dès lors être rejetée.

  • Sur l'existence du contrat de travail et de la clause de non concurrence :

  • les deux ordonnances de non lieu, qui n'ont fait l'objet d'aucun recours, étant aujourd'hui revêtues de l'autorité de la chose jugée et s'imposant de plein droit au Tribunal du Travail, j.-p. DE. doit être débouté de sa demande tendant à voir rejeter des débats le contrat de travail le concernant,

  • les annotations manuscrites, qui figurent en marge des quatre projets produits aux débats par j.-p. DE., confirment que ce dernier avait soigneusement préparé la signature do son contrat de travail et en particulier étude et discute les termes de son engagement de non concurrence,

  • en s'engageant expressément, dans un document intitulé « convention de rupture d'une promesse synallagmatique de cession d'actions sous conditions suspensives, d'une convention d'actionnaires et d'un contrat de travail », dont il n'a jamais contesté l'authenticité, à respecter les clauses de non concurrence spécifiées dans son contrat de travail, j.-p. DE. a implicitement mais nécessairement reconnu d'une part que ce contrat de travail existait bien et d'autre part qu'il comportait bien de telles clauses.

  • Sur la violation de la clause de non concurrence et ses conséquences

Le bénéfice d'une société s'appréciant, en Principauté de MONACO, avant la rémunération de l'administrateur, les comptes annuels pour les exercices 1995 à 2000 versés aux débats établissent, de façon incontestable, l'existence et l'ampleur du préjudice subi.

SUR CE,

Il résulte des pièces versées aux débats que j.-p. DE., qui avait été embauché à effet du 2 octobre 1995 par la SAM A. RE. en qualité de directeur chargé du développement, a été licencié de cet emploi le 31 juillet 1996 et dispensé par son employeur de l'exécution de son préavis.

Les actes de concurrence déloyale invoqués par la SAM A. RE., qu'il s'agisse de la participation de j.-p. DE. a la création de la SA Or et Ambre, du débauchage massif de la quasi totalité de sa force de vente ou enfin du détournement de sa clientèle, étant tous postérieurs à la rupture du contrat de travail de l'intéressé, la demande en dommages et intérêts formée par cette société ne constitue un conflit de travail relevant de la compétence du Tribunal du Travail que si le contrat de travail du salarié concerné comporte une clause de non concurrence.

À défaut de stipulation d'une telle clause, l'employeur doit en effet engager une action en concurrence déloyale, sur le fondement des règles générales de la responsabilité civile délictuelle, devant la juridiction de droit commun.

Pour démontrer l'existence de l'obligation de non concurrence souscrite à son égard par j.-p. DE., la SAM A. RE. verse en l'espèce aux débats :

  • la copie (l'original ayant été perdu ou volé) d'un contrat de travail daté du 2 octobre 1995, comportant en son article 7 une clause de non concurrence, dont elle estime que l'authenticité aurait été définitivement consacrée, en vertu du principe de l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil, par les deux ordonnances de non lieu rendues le 2 avril 2001 par le Juge d'Instruction en faveur de Madame A. RE. et Monsieur MA.

  • l'original d'un document intitulé convention de rupture d'une promesse synallagmatique de cession d'actions sous conditions suspensives, d'une Convention d'actionnaires et d'un contrat de travail, daté du 1er août 1996, aux termes duquel j.-p. DE. a pris « l'engagement envers la SAM A. RE. de respecter les clauses (sic) de non concurrence spécifiées dans son contrat de travail ».

Il est constant, en droit, que l'autorité de la chose jugée au pénal qui ne s'attache qu'aux décisions des juridictions de jugement définitives et statuant sur le fond de l'action publique n'appartient pas aux ordonnances de non lieu, lesquelles sont provisoires et révocables en cas de survenance de charges nouvelles; qu'en conséquence, de telles décisions, quels qu'en soient les motifs en fait, ne peuvent exercer aucune influence sur l'action portée devant les Tribunaux Civils.

La SAM A. RE. ne pout donc éluder le débat sur l'authenticité du contrat de travail versé aux débats en se retranchant derrière les décisions de non lieu rendues le 2 avril 2001 par le Magistrat Instructeur.

À supposer même que ces deux ordonnances bénéficient de l'autorité de chose jugée, cette autorité ne s'attache, en tout état de cause, qu'au dispositif de la décision et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire.

En l'espèce, dès lors que le Magistrat Instructeur, dans les motifs de son ordonnance, n'a nullement consacré l'authenticité du document argué de faux par j.-p. DE. mais seulement relevé :

  • que plusieurs exemplaires ou projets de contrat de travail avaient été rédigés sans que l'on sache si l'un d'entre eux avait finalement été signé par les parties et le cas échéant lequel,

  • qu'en admettant que l'exemplaire du contrat de travail présenté en justice soit un faux, ce qui était loin d'être formellement établi, il n'avait pas été possible d'en identifier l'auteur.

le Tribunal du Travail, conserve son entière liberté d'appréciation.

Force est de constater en l'espèce que l'avis technique fourni à partir de constatations d'ordre matériel par l'expert en vérification d'écriture se trouve conforté en tous points d'une part par la présence, dans le contrat du 2 octobre 1995, d'anomalies ou d'omissions conséquentes, voire même substantielles, et d'autre part et surtout par la contradiction flagrante existant entre le contenu de cc document et la volonté exprimée par les parties, telle qu'elle ressort des quatre projets précédemment établis.

Ainsi, alors que le versement d'un salaire en contrepartie de la prestation de travail constitue avec le lien de subordination l'un des critères essentiels et décisifs du contrat de travail, il apparaît pour le moins étonnant que le document versé aux débats par la SAM A. RE. ne comporte pas l'indication du montant de la rémunération servie à j.-p. DE.

Par ailleurs, alors qu'au cours de leurs pourparlers (dès le troisième projet établi par la société CAPITAL ET STRATÉGIE conseil de la SAM A. RE.), les parties s'étaient mises d'accord d'une part pour ramener à un an la durée de la clause de non concurrence et d'autre part pour limiter son champ d'application au seul domaine de la vente directe par réunions de produits cosmétiques et diététiques, le contrat argue de faux par j.-p. DE. reprend très curieusement, sans qu'aucune explication plausible n'ait été fournie sur ces points, les conditions posées par le premier projet, au tout début des négociations, à savoir :

  • une durée de trois années à compter de la cessation du contrat,

  • un domaine d'application couvrant la diffusion par la vente directe ou non, l'achat la vente, la commission, le courtage, l'importation et l'exportation de tous produits de beauté et cosmétique se rapportant généralement à l'esthétique et à la parure féminine et masculine.

Compte tenu au surplus des déclarations précises effectuées par Madame IN., sur sommation interpellative, et réitérés au cours de la procédure d'information, selon lesquelles cette dernière a indiqué avoir dactylographié le contrat de travail litigieux daté du 2 octobre 1995 au cours du quatrième trimestre de l'année 1996, ce document, dont l'authenticité apparaît en définitive pour le moins contestable, ne peut servir do fondement à une action en responsabilité contractuelle et doit donc être rejeté des débats.

L'analyse des quatre projets de contrats susvisés révélant enfin que le principe d'une obligation de non concurrence n'a jamais été remis en cause par les parties, qui n'ont en revanche pas réussi à s'entendre sur les modalités concrètes d'application d'une telle obligation (durée de l'interdiction, champ d'application géographique, domaines d'activités couverts) aucune conséquence précise, quant au contenu de la ou des clauses souscrites, ne peut être tirée de l'engagement pris par j.-p. DE. dans l'acte sous seing privé du 1er août 1996.

Dès lors ainsi en définitive d'une part que les actes de concurrence déloyale reprochés à j.-p. DE. ont été commis après l'expiration du contrat de travail, d'autre part que la preuve de l'existence d'un engagement contractuel de non concurrence clair et précis pris par l'intéressé n'a pas été rapportée par la SAM A. RE., le Tribunal du Travail n'est pas compétent pour connaître du présent litige, qui doit être porté devant la juridiction de droit commun.

Le caractère abusif et vexatoire de la procédure engagée par la SAM A. RE. a l'encontre de j.-p. DE. n'étant pas démontré, la demande de dommages et intérêts formée par ce dernier ne pourra qu'être rejetée.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire en premier ressort, après en avoir délibéré,

Se déclare incompétent pour connaître de la demande en dommages et intérêts formée par la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE A. RE. à l'encontre de j.-p. DE.

Renvoie la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE A. RE. a mieux se pourvoir.

Déboute j.-p. DE. de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts.

Condamne la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE A. RE. aux dépens.

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