Tribunal du travail, 27 septembre 2001, a. SU. c/ la SAM Entreprise générale Insobat

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Abstract🔗

Licenciement pour faute grave - Réitération d'agissements fautifs

Résumé🔗

La réitération d'agissements fautifs justifie, pour l'ensemble des faits, le licenciement pour faute grave.

Un peintre en bâtiment, ayant dix ans d'ancienneté, est licencié par l'entreprise qui l'emploie, pour faute grave consistant à « avoir pénétré chez des gens par l'échafaudage sans les avoir avertis » de sa visite. Il a attrait son employeur devant le Tribunal du Travail en paiement de congés payés, d'indemnité conventionnelle de congédiement et dommages-intérêts pour rupture abusive. L'entreprise de peintures démontre la dégradation du comportement du peintre par cinq lettres de mise en garde et la gravité du nouvel incident.

Le Tribunal du Travail rejette sa demande de congés payés aucune pièce justificative n'étant fournie alors qu'il appartenait au salarié d'expliciter et prouver ses dires. Sur le licenciement, la réitération d'agissements fautifs justifie la sanction de ces faits par un licenciement pour faute grave et aucune indemnité n'est due. Aucune légèreté ni brutalité dans la mise en œuvre du licenciement n'étant à déplorer la rupture n'est pas abusive et aucune somme n'est due à ce titre non plus.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu la requête introductive d'instance en date du 17 novembre 2000 ;

Vu les convocations à comparaître par-devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail, suivant lettres recommandées avec avis de réception en date du 5 décembre 2000 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Joëlle PASTOR, avocat-défenseur, au nom de Monsieur a. SU., en date des 11 janvier 2001 et 3 mai 2001 ;

Vu les conclusions déposées par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE Entreprise Générale INSOBAT, en date des 15 mars 2001 et 7 juin 2001 ;

Après avoir entendu Maître Yann LAJOUX, avocat à la Cour d'Appel de Monaco, au nom de Monsieur a. SU., et Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, au nom de la SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE Entreprise Générale INSOBAT, en leurs plaidoiries ;

Lesdits avocats-défenseurs ayant repris et maintenu ce jour leurs conclusions en l'état de la composition différente du Tribunal ;

Vu les pièces du dossier ;

Embauché le 21 mars 1990 par la SAM Entreprise Générale INSOBAT en qualité de peintre au coefficient 210, a. SU. a été licencié de cet emploi par une lettre qui lui a été remise en main propre le 22 mai 2000 et dont le contenu est le suivant :

« Monsieur,

» Vous continuez à ne pas prendre en compte nos conseils et nos réprimandes.

« Malgré les nombreux courriers que nous vous avons adressés, vous venez encore de vous » illustrer « sur le chantier du Palais MIAMI.

» En effet, non content d'avoir pénétré chez des gens par l'échafaudage sans les avoir avertis de votre visite et sans avoir pris de rendez-vous, vous avez jugé opportun d'insulter le concierge de l'immeuble.

« La patience dont nous faisons preuve avec vous depuis de nombreuses années ne semble pas récompensée, et vos dernières fautes professionnelles nous obligent à vous licencier immédiatement pour faute grave.

» On ne doit pas pénétrer chez les gens en soulevant le store mécanique, (au risque de le détériorer) sans avoir pris contact « avec les occupants et les en avoir avertis ».

Estimant n'avoir pas été rempli de ses droits à congés payés au cours de l'exécution du contrat de travail, et soutenant par ailleurs que son licenciement, intervenu sur la base d'un faux motif, revêtait indiscutablement un caractère abusif, a. SU., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 4 décembre 2000, a attrait devant le Bureau de Jugement du Tribunal du Travail la SAM INSOBAT, afin d'obtenir l'allocation à son profit, avec intérêts de droit au taux légal à compter de la citation, des sommes suivantes :

1) 6.287,30 F, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

2) 32.760,00 F, à titre d'indemnité conventionnelle de congédiement,

3) 200.000,00 F, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, préjudice moral et financier.

À la date fixée par les convocations les parties ont comparu par leurs conseils respectifs.

Puis, après quatre renvois intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été contradictoirement débattue lors de l'audience du 28 juin 2001 et le jugement mis en délibéré pour être prononcé ce jour 27 septembre 2001.

a. SU. soutient en premier lieu à l'appui de ses prétentions que les faits qui lui sont reprochés soit ne sont pas établis, soit ne présentent aucun caractère fautif et ne peuvent dès lors constituer un motif valable de licenciement.

Il fait valoir à cet effet d'une part qu'il s'est trouvé dans l'obligation de « passer par l'appartement de Monsieur LA. », d'autre part qu'il s'agissait là d'une pratique courante au sein de l'entreprise et enfin et en tout état de cause qu'il n'a causé de préjudice ni au propriétaire des lieux, ni à son employeur, qui a conservé à la fois la confiance des maîtres de l'ouvrage et des maîtres d'œuvre et n'a pas davantage perdu son chantier.

Il conteste par ailleurs formellement avoir insulté le gardien du Palais MIAMI.

Il prétend en second lieu que son congédiement, « intervenu sur la base d'un faux motif » et avec une particulière rapidité que rien ne prédisait, présente un caractère abusif.

Il demande en conséquence au Tribunal du Travail de sanctionner l'important préjudice moral et financier qu'il a subi, en se voyant ainsi licencié après dix années de bons et loyaux services, en faisant droit à l'intégralité de ses demandes, telles qu'elles ont été mentionnées et détaillées ci-dessus.

La SAM INSOBAT conclut pour sa part à l'entier débouté des demandes formées à son encontre par a. SU.

Elle fait valoir en substance à l'appui de ses prétentions :

  • que le comportement professionnel d'a. SU. s'est gravement détérioré au cours des années précédant son licenciement, ainsi qu'en attestent les cinq lettres de mise en garde versées aux débats, dont ce dernier n'a semble-t-il tenu aucun compte,

  • que les nouveaux faits commis le 18 mai 2000 s'analysent incontestablement, compte tenu non seulement de leur nature et de leur gravité intrinsèque mais aussi de l'existence de nombreux précédents, en une faute grave, justifiant le licenciement immédiat de l'intéressé,

  • qu'en l'état des multiples avertissements ayant précédé la notification du licenciement, elle n'a fait preuve d'aucune légèreté et encore moins de brutalité en mettant fin au contrat de travail d'a. SU.,

  • qu'en l'état des mentions contenues dans le dernier bulletin de paie et de l'absence de toute explication sur ce point, la demande au titre des congés payés doit être rejetée,

  • qu'il y a lieu d'écarter des débats l'attestation censée émaner du gardien du Palais MIAMI, versée aux débats par a. SU., dès lors que ce document ne satisfait pas aux prescriptions de l'article 324 du Code de procédure civile.

a. SU. réplique à ces divers arguments :

  • que s'il s'est certes vu notifier diverses « légères réprimandes » ces dernières années par son employeur pour des faits mineurs, il n'a en revanche jamais été sanctionné par celui-ci,

  • qu'en conséquence et en l'état de son importante ancienneté son licenciement masque en réalité une « mesure disciplinaire » liée à des convenances personnelles.

SUR CE,

A) Sur la demande au titre des congés payés

Il appartient à a. SU., qui réclame paiement de la somme de 6.287,30 F à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, d'expliciter sa demande en justifiant précisément des droits à congés acquis et non pris à la date de son licenciement.

Force est de constater toutefois que ce dernier ne verse aux débats aucune pièce à l'appui de cette demande.

Le bulletin de paie du mois de mai 2000 ne mentionnant l'existence, dans la case spécifique prévue à cet effet, d'aucun droit à congés acquis par ce dernier (les cases Dû et Reste des exercices N 1 et N sont vierges) la demande à ce titre ne pourra en l'état qu'être rejetée.

B) Sur la faute grave

Dès lors qu'elle ne comporte pas les nom, prénom, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur, l'attestation censée émaner du ou d'un gardien du Palais MIAMI, versée aux débats par a. SU., est entachée de nullité et doit donc être écartée des débats.

Pour le surplus, si a. SU. conteste certes les insultes qui lui sont reprochées, il admet en revanche expressément avoir pénétré par la fenêtre dans l'appartement occupé par Monsieur LA. au sein du Palais MIAMI, sans avoir obtenu l'autorisation préalable de celui-ci et en soulevant depuis l'échafaudage le volet roulant en protégeant l'accès.

Faute de l'établir par les documents idoines, a. SU. ne peut sérieusement soutenir, alors au surplus que cet élément est formellement contredit par l'employeur, qu'il s'agirait là d'une « pratique habituelle » au sein de l'entreprise.

L'intéressé ne démontre par ailleurs nullement, autrement que par ses affirmations, avoir été contraint de procéder de la sorte.

Il importe peu enfin que l'entreprise INSOBAT n'ait pas subi de préjudice matériel, dès lors que les correspondances produites aux débats émanant d'une part du maître de l'ouvrage et d'autre part de l'architecte maître d'œuvre, établissent suffisamment l'atteinte portée à sa réputation professionnelle.

Un tel comportement constitue incontestablement de la part d'un salarié comptant plus de neuf années d'ancienneté un grave manquement professionnel.

Compte tenu des mises en garde précédemment notifiées à a. SU. (cinq entre le 9 octobre 1998 et le 18 avril 2000) stigmatisant la mauvaise qualité de son travail, le non-respect des horaires, l'absence de dignité dans sa tenue ainsi que des fautes diverses (abattage non autorisé d'un arbre – bris d'une canalisation), c'est à juste titre que la SAM INSOBAT a sanctionné l'ensemble de ces faits par un licenciement pour faute grave, la réitération de ces agissements rendant assurément impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis.

a. SU. ne peut dans ces conditions prétendre au bénéfice de l'indemnité conventionnelle de congédiement qu'il réclame à hauteur de la somme de 32.760,00 F.

C) Sur le caractère abusif du licenciement

Si la SAM INSOBAT n'avait certes infligé aucune sanction à a. SU., antérieurement à son licenciement, elle avait en revanche, au vu des pièces versées aux débats, adressé à ce salarié, au cours des deux années précédant la rupture du contrat de travail, de nombreux courriers de protestation et de mise en garde, dans lesquels elle l'informait en outre que la persistance de ces agissements la contraindrait à envisager à son égard une mesure de licenciement.

En notifiant le 22 mai 1990 à a. SU., suite à la survenance d'un nouvel incident, la rupture immédiate de son contrat de travail, la SAM INSOBAT n'a donc fait preuve ni de légèreté, ni de brutalité.

Le motif de rupture allégué par l'employeur étant par ailleurs avéré, le licenciement d'a. SU. ne peut être qualifié d'abusif.

Ce dernier sera dans ces conditions également débouté de sa demande en dommages et intérêts.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort après en avoir délibéré.

Dit que le licenciement d'a. SU. repose bien sur une faute grave.

Dit en outre que cette mesure ne revêt aucun caractère abusif.

Déboute en conséquence a. SU. de l'intégralité de ses prétentions.

Condamne a. SU. aux dépens, qui seront recouvrés conformément à la législation régissant l'assistance judiciaire.

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