Tribunal du travail, 9 novembre 2000, M. c/ SAM Imprimerie Testa

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Abstract🔗

Tribunal du travail : Sanction disciplinaire infligée par l'employeur, mise à pied de trois jours

- Contrôle a posteriori de la juridiction du travail, articles 1er et 54 de la loi du 16 mai 1946

- Recours en annulation mais non point en réformation

Résumé🔗

Si le pouvoir disciplinaire de l'employeur, lequel constitue le corollaire de l'état de subordination du salarié, lui donne certes le droit d'infliger des sanctions au salarié qu'il considère comme fautif, il appartient toutefois au tribunal du travail de contrôler a posteriori, en cas de litige, d'une part l'existence matérielle de la faute invoquée au soutien de la sanction prononcée et d'autre part la corrélation de principe devant exister entre la sanction infligée et la faute commise.

Ce recours judiciaire contre les mesures disciplinaires dont seules peuvent être saisies les juridictions du travail en vertu des articles 1er et 54 de la loi n° 446 du 16 mai 1946, s'analysant en une voie d'annulation et non de réformation, le tribunal ne peut modifier la sanction prononcée, mais seulement l'annuler le cas échéant.

En l'espèce, quelles que soient les circonstances factuelles invoquées par G. M. (heure tardive, absence d'une partie du personnel), ce dernier a commis une faute en laissant sans réponse le fax adressé par son employeur qui lui demandait l'état de la production.

Il lui appartenait en effet, à tout le moins d'indiquer le jour même par écrit à son employeur les raisons pour lesquelles il n'était pas en mesure de déférer immédiatement aux instructions reçues le jeudi à 17 heures, alors qu'il disposait de toute la journée du vendredi, en lui précisant à quel moment il pourrait lui fournir les renseignements demandés. Compte tenu de l'ancienneté de G. M. au sein de l'entreprise (40 ans), de l'absence de tout avertissement préalable, enfin de la nature des fonctions exercées par celui-ci au sein de l'imprimerie Testa, dont il constitue incontestablement le véritable pilier, la mise à pied de trois jours infligée par l'employeur est manifestement hors de proportion avec la gravité, toute relative, de la faute commise.

Il convient en conséquence de prononcer l'annulation de la mise à pied disciplinaire infligée le 3 septembre 1999 à G. M. et de condamner la SAM Testa à lui rembourser le salaire correspondant à la durée de la mise à pied, soit 4 250 F. G. M., justifiant avoir subi, en raison de la nécessaire publicité donnée par l'employeur à cette sanction, un préjudice moral constitué par l'atteinte à son honneur et à sa réputation lequel n'est pas réparé par l'annulation, il y a lieu, en réparation de ce préjudice de condamner la SAM Testa à un franc à titre de dommages et intérêts.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL DU TRAVAIL,

G. M. a été embauché au mois de novembre 1959 par la SAM Imprimerie Testa en qualité de technicien imprimeur ;

Au cours de l'année 1974, il a été promu au poste de chef de fabrication ;

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 3 septembre 1999, la SAM Imprimerie Testa a infligé à G. M. une mise à pied disciplinaire de trois jours, afin de sanctionner le refus d'exécution d'un ordre qui lui avait été donné par la Direction la veille au moyen d'un fax ;

Soutenant qu'il n'avait commis aucune faute et qu'en tout état de cause la mise à pied qui lui avait été notifiée était manifestement excessive, G. M., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 7 février 2000, a attrait son employeur devant le Bureau de jugement du Tribunal du travail, afin d'obtenir l'annulation de cette sanction disciplinaire ainsi que la condamnation subséquente de la SAM Imprimerie Testa au paiement de la somme de 4 250,00 F, représentant le salaire correspondant aux trois jours de mise à pied, outre 10 000,00 F, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

À l'audience fixée par les convocations, les parties ont comparu en personne puis, après deux renvois contradictoires intervenus à leur demande, l'affaire a été débattue le 12 octobre 2000 et le jugement mis en délibéré pour être rendu ce jour 9 novembre 2000 ;

G. M. fait valoir à l'appui de ses prétentions qu'il ne pouvait satisfaire le soir même au fax que son employeur lui avait adressé et aux termes duquel celui-ci lui demandait l'état de la production ;

Il indique tout d'abord à cet effet qu'à l'heure (17 h) où la télécopie lui est parvenue, une partie du personnel était déjà partie ; qu'en outre, le vendredi après-midi étant toujours « chaotique » il manquait, en tout état de cause, de temps pour y répondre ;

Il rappelle par ailleurs qu'à partir du 6 septembre il a été absent du travail pour raisons de santé pendant trois semaines, dont une d'hospitalisation ;

Il indique enfin qu'à partir du moment où il participe personnellement au quotidien à tous les travaux de l'imprimerie, il ne peut simultanément tenir constamment à jour sa production ;

Estimant pour sa part que la sanction infligée à G. M. est à la fois justifiée et proportionnée à la gravité de la faute commise, la SAM Testa conclut au débouté de l'intégralité des prétentions formées à son encontre ;

Elle souligne à cet effet que la mise à pied contestée devant ce Tribunal visait à sanctionner non seulement le défaut d'exécution par G. M. de l'ordre qui lui avait été donné mais aussi la volonté délibérée de ce dernier de ne pas coopérer, pour des raisons d'ordre personnel, avec les nouveaux dirigeants de l'entreprise ;

Elle soutient par ailleurs que la sanction prononcée par ses soins tenait compte des fonctions d'encadrement exercées par G. M., ce statut devant « s'accompagner d'une conduite montrant l'exemple aux autres salariés » ;

Sur ce :

Si le pouvoir disciplinaire de l'employeur, lequel constitue le corollaire de l'état de subordination du salarié, lui donne certes le droit d'infliger des sanctions aux salariés qu'il considère comme fautifs, il appartient toutefois au Tribunal du travail de contrôler, a posteriori, en cas de litige, d'une part l'existence matérielle de la faute invoquée au soutien de la sanction prononcée et d'autre part la corrélation de principe devant exister entre la sanction infligée et la faute commise ;

Ce recours judiciaire contre les mesures disciplinaires dont seules peuvent être saisies les juridictions du travail en vertu des articles 1er et 54 de la loi n° 446 du 16 mai 1946 s'analysant en une voie d'annulation et non de réformation, le Tribunal ne peut modifier la sanction prononcée, mais seulement l'annuler le cas échéant ;

En l'espèce, quelles que soient les circonstances factuelles invoquées par G. M. (heure tardive, absence d'une partie du personnel), ce dernier a commis une faute en laissant sans réponse le fax qui lui avait été adressé par son employeur ;

Il lui appartenait en effet, à tout le moins, d'indiquer le jour même par écrit à son employeur les raisons pour lesquelles il n'était pas en mesure de déférer immédiatement aux instructions reçues, en lui précisant à quel moment il pourrait lui fournir les renseignements réclamés ;

Il convient d'observer en tout état de cause que le fax litigieux n'a pas été expédié le vendredi en fin d'après-midi comme le soutient G. M., mais le jeudi à 17 h et que ce dernier a donc disposé, de fait, de toute la journée du vendredi pour y répondre ;

Compte tenu toutefois de l'ancienneté de G. M. au sein de l'entreprise (40 ans), de l'absence de tout avertissement préalable, et enfin de la nature des fonctions exercées par celui-ci au sein de l'imprimerie Testa, dont il constitue incontestablement le véritable pilier, la mise à pied de trois jours infligée par l'employeur est manifestement hors de proportion avec la gravité, toute relative, de la faute commise ;

Il convient en conséquence de prononcer l'annulation de la mise à pied disciplinaire de trois jours infligée le 3 septembre 1999 à G. M. et de condamner la SAM Testa à rembourser au demandeur le salaire correspondant à la durée de la mise à pied, soit la somme de 4 250,00 F ;

G. M. justifiant en l'espèce avoir subi, de par la nécessaire publicité donnée par l'employeur à la sanction infligée, un préjudice moral constitué par l'atteinte à son honneur et à sa réputation, lequel n'est pas réparé par l'annulation de la sanction, il y a lieu de lui allouer en outre la somme symbolique de 1 franc à titre de dommages et intérêts ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal du travail, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort après en avoir délibéré,

  • Annule la mise à pied disciplinaire de trois jours infligée le trois septembre 1999 par la Société Anonyme Monégasque Imprimerie Testa à G. M. ;

  • Condamne en conséquence la Société Anonyme Monégasque Imprimerie Testa à rembourser à G. M. le salaire correspondant aux trois jours d'éviction de l'entreprise soit la somme de :

• 4 250,00 francs (quatre mille deux cent cinquante francs) ;

  • Condamne en outre la Société Anonyme Monégasque Imprimerie Testa à verser à G. M. la somme de :

• 1 franc (un franc) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par celui-ci.

Composition🔗

Mme Coulet-Castoldi juge de paix prés. ; Mme Martet. Mlle Leclercq, M. Morando, Nigioni membres employeurs et salariés.

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