Tribunal du travail, 28 septembre 2000, C. c/ Société Les Thermes Marins de Monte-Carlo

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Abstract🔗

Contrat de travail

Conditions de travail - Changement des horaires, imposé par l'employeur en vertu de son pouvoir de direction - Absence de modification substantielle, qui nécessiterait l'accord du salarié - Refus du salarié de se soumettre au nouvel horaire - Manquement justifiant son licenciement

Résumé🔗

Dans la mesure où d'une part le contrat de travail est un contrat à exécution successive, et où d'autre part le salarié se trouve placé dans un état de subordination, celui-ci est tenu d'accepter le changement des conditions de travail imposé par son employeur, en fonction des nécessités économiques ou dans un souci de meilleure efficacité.

Les modifications que l'employeur est en droit d'apporter unilatéralement au contrat de travail ne peuvent toutefois porter atteinte à un élément essentiel du contrat de travail. Elles ne peuvent davantage avoir pour conséquence de remettre en cause l'économie générale du contrat, ce qui nécessiterait un nouvel accord de volonté des parties et légitimerait alors un éventuel refus du salarié.

En l'espèce, il est constant que par lettre recommandée avec avis de réception en date du 13 janvier 1998 la société les Thermes Marins de Monte-Carlo (en abrégé STM) a informé N. C. de la nécessité dans laquelle elle se trouvait, afin de planifier les travaux de maintenance en dehors des heures d'ouverture du Centre au public, de modifier à compter du 2 février 1998 les horaires du personnel du service technique ; que par lettre des 19 janvier et 4 février 1998 ce dernier a fait connaître à son employeur qu'il n'acceptait pas les « modifications substantielles effectuées sur ses horaires » ; que par lettre recommandée avec avis de réception postée le 10 février, la STM a notifié à N. C. son licenciement immédiat pour faute grave au motif qu'il ne respectait pas les nouveaux horaires.

Il résulte de la comparaison des plannings hebdomadaires de travail pour la période du 11 septembre 1997 au 15 janvier 1998 d'une part (anciens horaires) et pour la période postérieure au 1er février 1998 d'autre part (nouveaux horaires), que l'aménagement d'horaire imposé par le STM consistait essentiellement à reporter à 24 heures au lieu de 21h30 l'heure à laquelle les employés du service technique terminaient, deux fois par quinzaine, leur service. Force est de constater que N. C. ne justifie nullement que l'horaire ait été un élément essentiel du contrat ou que la répartition de celui-ci ait été déterminante dans son consentement, compte tenu notamment de la nature de son emploi, de sa qualification ou de sa situation personnelle et familiale.

Le changement d'horaires décidé ne saurait constituer une modification d'un élément essentiel du contrat de travail et ne saurait nécessiter l'accord du salarié dès lors qu'il n'entraîne aucune modification directe ou indirecte de la durée du travail, qu'il n'affecte aucunement le montant de la rémunération, qu'il ne transforme pas finalement, compte tenu de sa portée limitée, l'horaire antérieurement en vigueur dans les services techniques et qu'il se trouve justifié par la nécessité pour l'employeur de faire procéder aux opérations d'entretien postérieurement à la fermeture du Centre au public.

Le refus de N. C. de se soumettre aux nouveaux horaires de travail décidés par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction constitue donc un manquement du salarié à ses obligations que la STM était en droit de sanctionner en procédant à son licenciement.


Motifs🔗

Le Tribunal du travail,

N. C. a été embauché le 10 juillet 1995 par la SAM les Thermes Marins de Monte-Carlo en qualité d'agent de maintenance ;

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 13 janvier 1998, la SAM Les Thermes Marins de Monte-Carlo a informé N. C. qu'en raison de l'obligation dans laquelle elle se trouvait de planifier les travaux de maintenance en dehors des heures d'ouverture du Centre au public, les horaires de travail du personnel du service technique seraient modifiés à compter du 2 février 1998 ;

Par lettres en date des 19 janvier et 4 février 1998, N. C. a informé son employeur qu'il n'acceptait pas les « modifications substantielles effectuées sur ses horaires » ;

Par lettre recommandée avec avis de réception postée le 10 février 1998 et effectivement distribuée le 12 février 1998, la Société les Thermes Marins de Monte-Carlo a notifié à N. C. son licenciement immédiat, pour faute grave, pour le motif suivant :

« Nous sommes au regret de constater que vous ne respectez pas les nouveaux horaires qui ont été instaurés à compter de la réouverture des Thermes Marins au 2 février 1998, et ce en dépit de notre lettre d'information du 20 janvier 1998 adressée à l'ensemble du personnel de maintenance.

De plus, vous avez reçu en main propre une lettre le 3 février 1998 vous rappelant le fait que vous n'aviez pas respecté votre horaire le jour même et une lettre le 4 février suivant relevant la même faute et vous précisant, à nouveau votre emploi du temps à partir du samedi 7 février 1998.

Or, le samedi 7 février 1998 vous ne vous êtes pas présenté à votre travail à 8 heures mais à 13 h 30.

Compte tenu de ces faits et devant votre persistance à effectuer les horaires de votre choix, nous nous trouvons dans l'obligation de ne plus tolérer cette attitude caractéristique d'un refus d'obéissance et d'indiscipline caractérisée, et conformément à l'article 25 du règlement intérieur nous prononçons la résiliation immédiate de votre contrat de travail à durée indéterminée sans préavis ni indemnité à compter du 7 février 1998 » ;

Soutenant d'une part qu'il aurait dû recevoir son salaire jusqu'au 7 février 1998 inclus, d'autre part que son licenciement avait été prononcé sans motif valable et enfin que cette mesure revêtait, compte tenu des circonstances dans lesquelles elle avait été mise en œuvre, un caractère abusif, N. C., ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 6 juillet 1998, a attrait la Société les Thermes Marins de Monte-Carlo devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail, afin d'obtenir l'allocation à son profit des sommes suivantes :

  • 305,17 francs représentant le salaire du 7 février 1998,

  • 16 646,00 francs à titre d'indemnité de préavis,

  • 1 664,60 francs au titre des congés payés sur le préavis,

  • 2 289,04 francs à titre d'indemnité de congédiement,

  • 8 697,32 francs à titre d'indemnité de licenciement,

  • 50 000,00 francs à titre de dommages et intérêts,

le tout avec intérêts de droit et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

À l'audience fixée par les convocations les parties ont comparu par leurs conseils respectifs puis, après quatorze renvois contradictoires intervenus à la demande des avocats, l'affaire a été plaidée au cours de l'audience du 6 juillet 2000 et le jugement mis en délibéré pour être rendu ce jour 28 septembre 2000 ;

N. C. fait valoir, en substance, à l'appui de ses prétentions que le changement d'horaire de travail et les nouvelles attributions qui lui ont été dévolues par son employeur ne constituaient pas de simples adaptations de la relation de travail relevant du pouvoir de direction de la Société les Thermes Marins de Monte-Carlo, mais des modifications affectant deux des éléments essentiels du contrat de travail, qui ne pouvaient dès lors être décidées unilatéralement par celle-ci :

Qu'en conséquence, le fait de ne pas respecter ces nouveaux horaires, alors au surplus qu'il en avait informé son employeur, ne peut être considéré comme une faute grave, ni comme un motif valable de licenciement ;

Il prétend par ailleurs que la Société les Thermes Marins de Monte-Carlo ne démontre pas, en tout état de cause, s'être trouvée dans l'obligation pour assurer la sauvegarde de l'entreprise de lui imposer à compter du 2 février 1998 ces modifications substantielles de son contrat de travail ;

Il estime enfin qu'en lui notifiant son licenciement immédiat dans des conditions qui ne permettent même pas d'en retenir la validité, la société défenderesse a agi avec une légèreté blâmable et qu'il est donc en droit de recevoir le juste dédommagement du préjudice tant moral que matériel qu'il a subi ensuite de cette mesure injustifiée et notamment de sa perte pécuniaire, laquelle s'élevait au 24 juin 1999 à la somme de 34 172,70 francs ;

La Société les Thermes Marins de Monte-Carlo conclut pour sa part à l'entier débouté des demandes formées à son encontre par N. C. ;

Elle invoque à cet effet, en substance, les moyens suivants :

  • Les mesures édictées par ses soins, qu'il s'agisse des nouveaux horaires de travail ou de la redéfinition des tâches imparties à N. C., ne constituaient pas des modifications substantielles du contrat de travail de celui-ci, dont les caractéristiques (nature de l'emploi, attributions, nombre d'heures de travail) demeuraient au contraire identiques, mais de simples adaptations des conditions de travail relevant du pouvoir de direction et de gestion dont dispose l'employeur pour assurer le bon fonctionnement de son entreprise ;

  • En ne respectant pas les nouveaux horaires qui lui avaient été impartis, N. C. a fait preuve d'indiscipline et de refus d'obéissance envers sa hiérarchie et s'est ainsi rendu coupable d'une faute grave justifiant son licenciement immédiat, sans préavis ni indemnités de rupture ;

  • En tout état de cause, les modifications des tâches et des horaires de travail de N. C. ont été mises en œuvre dans le but exclusif d'améliorer les conditions d'hygiène et de propreté de l'établissement, en faisant en sorte que les travaux de maintenance soient effectués en dehors des heures d'ouverture du Centre au public ;

  • N. C. ne peut prétendre au bénéfice de sa rémunération que pendant les jours où il a effectivement travaillé, à savoir en l'espèce du 1er au 6 mai 1998 exclusivement ;

Sur quoi :

1) Sur la demande de rappel de salaires ;

Il est constant en droit que le salaire constitue la rémunération versée au travailleur en contrepartie du travail fourni par celui-ci ;

Dès lors en l'espèce qu'il résulte des pièces versées aux débats que N. C., qui ne s'est présenté le 7 février 1998 sur les lieux de son emploi qu'à 13 h 30, alors qu'il aurait dû prendre son service à 8 heures, a été licencié sur le champ et n'a donc accompli au cours de la journée du 7 février 1998 aucune prestation de travail pour le compte de son employeur, le salaire réclamé, soit 305,17 francs, n'est pas dû ;

N. C. ne pourra, dans ces conditions, qu'être débouté de la demande qu'il a présentée à ce titre ;

2) Sur le licenciement ;

Dans la mesure où d'une part le contrat de travail est un contrat à exécution successive, et où d'autre part le salarié se trouve placé dans un état de subordination, celui-ci est tenu d'accepter le changement des conditions de travail imposé par son employeur, en fonction des nécessités économiques ou dans un souci de meilleure efficacité ;

Les modifications que l'employeur est en droit d'apporter unilatéralement au contrat de travail ne peuvent toutefois porter atteinte à un élément essentiel du contrat de travail ;

Elles ne peuvent davantage avoir pour conséquence de remettre en cause l'économie générale du contrat, ce qui nécessiterait un nouvel accord de volonté des parties et légitimerait alors un éventuel refus du salarié ;

En l'espèce, il est constant que par lettre recommandée avec avis de réception en date du 13 janvier 1998 la Société les Thermes Marins de Monte-Carlo (en abrégé STM) a informé N. C. de la nécessité dans laquelle elle se trouvait, afin de planifier les travaux de maintenance en dehors des heures d'ouverture du Centre au public, de modifier à compter du 2 février 1998 les horaires du personnel du service technique ;

Il résulte par ailleurs de la comparaison des plannings hebdomadaires de travail pour la période du 1er septembre 1997 au 15 janvier 1998 d'une part (anciens horaires) et pour la période postérieure au 1er février 1998 d'autre part (nouveaux horaires), que l'aménagement d'horaire imposé par la Société les Thermes Marins de Monte-Carlo consistait essentiellement à reporter à 24 heures au lieu de 21 h 30, l'heure à laquelle les employés du service technique terminaient, deux fois par quinzaine, leur service ;

En l'absence de production du contrat de travail, rien ne permet d'affirmer que l'intention des parties était d'ériger l'horaire convenu, lors de l'embauche, en un élément essentiel ;

Force est de constater par ailleurs que N. C. ne justifie par aucune pièce que l'horaire, ou la répartition de celui-ci, ait été déterminant dans son consentement, compte tenu notamment de la nature de son emploi, de sa qualification ou de sa situation personnelle et familiale ;

Dès lors, en définitive :

  • Qu'il n'entraîne aucune modification directe ou indirecte de la durée du travail,

  • Qu'il n'affecte aucunement le montant de la rémunération,

  • Qu'il ne transforme pas fondamentalement, compte tenu de sa portée limitée (heure de fin de service portée deux fois par quinzaine de 21 h 30 à 24 heures) l'horaire antérieurement en vigueur dans les services techniques,

  • Qu'il se trouve enfin justifié par la nécessité dans laquelle se trouvait la Société les Thermes Marins de Monte-Carlo de faire procéder aux opérations d'entretien postérieurement à la fermeture du Centre au public,

Le changement d'horaires décidé par l'employeur le 13 janvier 1998 ne constitue pas une modification d'un élément essentiel du contrat de travail et ne nécessitait pas dans ces conditions l'accord du salarié ;

Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient N. C., il ne résulte nullement des pièces du dossier que son employeur ait unilatéralement modifié la nature de ses attributions en lui impartissant des tâches subalternes, telles que la fermeture et le nettoyage de la piscine ludique, qui ne lui auraient jusque-là jamais été dévolues ;

Il apparaît au contraire, à l'examen des plannings des mois de septembre 1997 à janvier 1998, que N. C. était régulièrement (au moins une fois par semaine) en charge de la fermeture du Centre et effectuait donc dans ce cadre les rondes dites de fermeture et de sécurité ;

D'autre part, en l'absence d'indication particulière dans les plannings hebdomadaires de travail, rien ne permet d'établir, alors que le service technique de la Société les Thermes Marins de Monte-Carlo comptait quatre agents de maintenance, que le nettoyage de la piscine ludique, qui fait partie des opérations dites d'entretien préventif, ait incombé antérieurement au 1er février 1998 exclusivement à l'équipe constituée de P. et B. ;

Le refus de N. C. de se soumettre aux nouveaux horaires de travail décidés par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction constitue donc un manquement du salarié à ses obligations que la Société les Thermes Marins de Monte-Carlo était en droit de sanctionner, en procédant à son licenciement ;

Le congédiement de ce salarié a été mis en œuvre pour un motif valable ;

Dès lors toutefois, d'une part que la Société les Thermes Marins de Monte-Carlo ne justifie pas que l'absence le 7 février 1998 de N. C. lui ait causé un préjudice et d'autre part qu'au regard des circonstances particulières dans lesquelles il s'est manifesté (l'employeur en a été avisé à deux reprises par lettre), le refus du salarié de se soumettre aux décisions légitimes de l'employeur relatives à ses conditions de travail ne peut être considéré comme un acte d'insubordination caractérisée, la faute commise par N. C. ne rendait pas impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis et ne peut dès lors recevoir la qualification de faute grave ;

Il sera en conséquence alloué à N. C., compte tenu de son ancienneté de services (deux ans et sept mois) et du montant de son salaire mensuel, les sommes suivantes :

• Indemnité de préavis (deux mois de salaires) soit 16 646,00 francs,

• Congés payés sur le préavis : 1 664,60 francs,

• Indemnité de congédiement : 2 289,04 francs.

Au regard des conditions dans lesquelles il a été mis en œuvre le licenciement de N. C. ne présente à l'évidence aucun caractère abusif ;

Il ressort en effet des pièces produites que l'employeur a respecté avant l'entrée en vigueur des nouveaux horaires un délai de prévenance de vingt jours ; qu'en outre la Société Les Thermes Marins de Monte-Carlo a d'une part avisé N. C. le 20 janvier 1998 « des conséquences » qui s'imposeraient en cas de manquement de sa part et d'autre part mis en demeure ce dernier à deux reprises les 3 et 4 février 1998 de respecter les nouveaux horaires, lui précisant en outre qu'une troisième absence du travail à l'horaire prévu entraînerait son licenciement ;

N. C. ne pourra en conséquence qu'être débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

L'exécution provisoire, qui n'est justifiée par aucune considération particulière, ne sera pas ordonnée ;

En l'état des succombances respectives des parties, il convient enfin d'ordonner le partage entre elles des dépens :

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal du travail,

Statuant publiquement, contradictoirement en premier ressort après en avoir délibéré,

  • Dit que le licenciement de N. C. ne repose pas sur une faute grave, mais sur un motif valable ;

  • Dit en outre qu'il ne revêt aucun caractère abusif ;

  • Condamne en conséquence la Société les Thermes Marins de Monte-Carlo à payer à N. C. les sommes suivantes :

• 16 646,00 francs (seize mille six cent quarante six francs) à titre d'indemnité de préavis,

• 1 664,60 francs (mille six cent soixante quatre francs et soixante centimes) à titre de congés payés sur le préavis,

• 2 289,04 francs (deux mille deux cent quatre vingt neuf francs et quatre centimes) à titre d'indemnité de congédiement,

Le tout avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1998, date de la convocation en conciliation ;

  • Déboute N. C. du surplus de ses prétentions.

Composition🔗

Mme Coulet-Castoldi juge de paix prés. ; MM Wolzok, Gallo, Nigioni, Pastor membres employeurs et salariés : Mes Pastor, Escaut av. déf. ; Rieu av. bar. de Nice.

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