Tribunal du travail, 26 janvier 1984, Dlle P. c/ SAM « C. D. Fourrures Monte-Carlo ».

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Abstract🔗

Licenciement

Démission de l'employée : non - Délai pour fournir un justificatif médical d'une absence : 2 jours (art. 26 du règlement intérieur) - Licenciement pour défaut d'envoi dans le délai prescrit à l'arrêt de travail : oui - Faute grave : non, donc préavis (art. 7 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 ) - Motif du licenciement : jugé non valable, donc indemnité de licenciement (art. 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 ) - Rupture abusive : non.

Résumé🔗

La démission d'un salarié doit résulter d'une manière non équivoque des éléments produits par la partie qui l'invoque ; à défaut de démission du salarié, la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement de la part de l'employeur.

La rupture d'un contrat de travail provoquée par le non respect, stricto sensu, du délai imparti par le règlement intérieur au préposé pour justifier de son absence par l'envoi d'un certificat médical n'est pas abusive


Motifs🔗

Le Tribunal du travail,

Sur la nature de la rupture du contrat

Attendu que la démission d'un salarié doit résulter, d'une manière non équivoque, des éléments versés au dossier par la partie qui en fait état ;

Attendu que la société défenderesse, pour démontrer la démission de la demoiselle P. de son emploi, s'appuie sur la seule constatation de l'absence de sa vendeuse, pendant une matinée, à l'expiration d'un congé annoncé de maladie de trois jours, alors qu'aucun arrêt de travail, pour cause médicale, ne lui est encore parvenu ;

Attendu qu'il résulte :

  • de l'attitude de la vendeuse qui a prévenu le samedi matin son employeur, par téléphone, de la durée probable de son absence pour cause de maladie, après avoir consulté le médecin le plus proche de son domicile,

  • du certificat médical produit, après la rupture, et prescrivant quatre jours de repos,

que la demoiselle P. n'a fait preuve d'aucune intention délibérée de démissionner de son emploi, ni même n'a laissé croire qu'elle envisageait de mettre fin volontairement à son contrat de travail ;

Attendu dès lors, que la rupture dudit contrat, dont la « Société C. D. Fourrures Monte Carlo » fait état, s'analyse en un licenciement de la part de l'employeur ;

Sur les circonstances du licenciement,

Attendu que l'article 26 du règlement intérieur, applicable aux parties, prévoit, qu'en cas de maladie, le préposé doit prévenir l'employeur dans les vingt-quatre heures de son absence, et faire parvenir, dans les quarante-huit heures, un certificat médical justifiant de son état et prévoyant la durée probable de l'incapacité ;

Attendu qu'il s'évince des faits de la cause que la demoiselle P. a prévenu téléphoniquement son employeur, dès l'ouverture du magasin, de son absence et de la durée probable de celle-ci, après consultation du médecin (trois jours selon l'employeur - quatre jours selon la vendeuse, en accord avec le certificat médical) et qu'elle devait normalement adresser à l'entreprise ledit arrêt de travail dans les quarante-huit heures suivantes, soit avant le mardi 18 ;

Attendu que la demoiselle P. devait expédier ce document à l'employeur, au plus tard, le lundi ;

Qu'en se proposant de produire les justificatifs de son absence lors de sa reprise, le mercredi matin, la demanderesse a commis une erreur qu'a utilisée la société anonyme monégasque « C. D. Fourrures Monte-Carlo » pour recourir à un licenciement prématuré, compte tenu des éléments de la cause ;

Attendu que le Tribunal du Travail relève qu'aucune faute grave n'est alléguée à l'encontre de la demoiselle P. ; que les faits reprochés, lors des débats, à la demanderesse par son employeur, pour justifier la rupture du contrat (absence de deux demi-journées de travail non payées, l'une en mai, l'autre en août, sans lettre d'avertissement, d'une part, et omission d'envoyer un certificat médical justificatif d'une absence annoncée par téléphone) ne peuvent être considérés comme constituant un motif valable de licenciement au sens de l'article 7 de la loi n° 729 et de l'article 2 de la loi n° 845 ;

Attendu que les demandes en paiement de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement sont fondées et justifiées ;

Qu'il convient d'y faire droit ;

Sur la demande en dommages-intérêts pour rupture abusive

Attendu que la rupture de ce contrat a été provoquée par le non respect, stricto sensu, du délai imparti au préposé pour justifier de son absence par l'envoi d'un certificat médical, suivant les dispositions du règlement intérieur ;

Attendu qu'il ne peut être fait grief à l'employeur d'avoir voulu sanctionner un comportement irrégulier de la demoiselle P. ;

Qu'il s'ensuit que la sanction intervenue ne peut être qualifiée d'abusive, même si celle-ci a été prononcée de façon trop précipitée, alors qu'aucune lettre d'avertissement n'avait été délivrée auparavant ;

Attendu que la demande est mal fondée ;

Sur les dépens

Attendu que la société défenderesse, ayant succombé sur plusieurs chefs, doit supporter les dépens de la présente instance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal du travail,

Statuant publiquement, contradictoirement, et en premier ressort,

Dit que la rupture du contrat de travail résulte d'un licenciement sans faute grave ;

Juge que le motif allégué pour justifier le licenciement n'est pas valable ;

En conséquence, condamne la société anonyme monégasque dénommée « C. D. Fourrures Monte-Carlo » à payer à la demoiselle E. P. :

1° 5 072,22 francs, (cinq mille soixante douze francs vingt deux centimes) à titre de préavis,

2° 1 115,88 francs (mille cent quinze francs quatre vingt huit centimes) à titre d'indemnité de licenciement ;

Déboute la demanderesse pour le surplus de la demande ;

Composition🔗

M. Rosselin, prés., Me Sanita, av. déf.

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