Tribunal Suprême, 27 juin 2025, f A c/ État de Monaco
Abstract🔗
Exercice d'activité économique - Refus d'autorisation - Condamnation pénale - Maintien d'une autorisation existante - Nouvelle activité - Erreur manifeste d'appréciation (non)
Résumé🔗
Le Tribunal Suprême rejette le recours en annulation formé le requérant contre les décisions du Ministre d'État lui refusant l'autorisation d'exercer une nouvelle activité professionnelle en Principauté, en qualité de cogérant associé d'une SARL dans le secteur du bâtiment. Le requérant, de nationalité française, avait déjà obtenu l'autorisation d'exercer comme gérant d'une autre société monégasque active dans l'aéronautique. Malgré une condamnation pénale prononcée en 2020 pour faux et usage de faux, cette première autorisation avait été maintenue, à l'issue d'une procédure menée devant la commission consultative prévue par la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991. Dans le cadre de sa nouvelle demande, l'administration a refusé l'autorisation sollicitée, estimant que la condamnation antérieure faisait obstacle à la reconnaissance des garanties de moralité requises. Le requérant a dénoncé une contradiction dans l'appréciation de sa moralité, soutenant que l'administration ne pouvait simultanément reconnaître sa moralité pour une activité, tout en la refusant pour une autre. Le Tribunal Suprême écarte les moyens tirés d'un prétendu vice de procédure, estimant que l'avis de la commission n'avait pas de portée décisive dans la procédure d'autorisation. Sur le fond, il juge que l'administration pouvait légalement fonder son refus sur la condamnation antérieure et considérer que le requérant ne présentait pas les garanties morales suffisantes pour l'exercice d'une nouvelle activité dans un secteur sensible, en lien avec la sécurité dans le bâtiment. Le recours est donc rejeté.
TRIBUNAL SUPRÊME
TS 2024-06
Affaire :
f A
Contre :
État de Monaco
DÉCISION
Audience du 12 juin 2025
Lecture du 27 juin 2025
Recours tendant à l'annulation de la décision du 3 mai 2023 refusant une autorisation d'exercer en qualité de cogérant associé au sein d'une société à responsabilité limitée, ensemble la décision du 2 janvier 2024 rejetant le recours gracieux du 30 juin 2023.
En la cause de :
f A, né le jma à Besançon, de nationalité française, demeurant X1, à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Maeva ZAMPORI, avocat près la même Cour, substituant ledit avocat-défenseur ;
Contre :
L'État de Monaco, représenté par le Ministre d'État, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par Maître François MOLINIE, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;
Visa🔗
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en Assemblée plénière
Vu la requête présentée par Monsieur f A, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 15 février 2024 sous le numéro TS 2024-06, tendant à l'annulation de la décision du 3 mai 2023 lui refusant l'autorisation d'exercer en qualité de cogérant associé au sein de la société à responsabilité limitée dénommée « B SARL », ensemble la décision du 2 janvier 2024 rejetant son recours gracieux du 30 juin 2023, ainsi qu'à la condamnation de l'État de Monaco aux entiers dépens ;
CE FAIRE :
Attendu que f A rappelle être chef d'entreprise et occuper la fonction de gérant associé de la société « D S. A. R. L » ; que l'activité de cette société porte sur l'achat, la vente et la location sans pilote d'aéronefs coque nue exclusivement civils, d'accessoires et de pièces ; que le 24 janvier 2023, il a sollicité l'autorisation d'exercer en qualité de cogérant associé au sein de la société à responsabilité limitée dénommée « B SARL », l'activité suivante : « en Principauté de Monaco et à l'étranger la maîtrise d'œuvre, le conseil et le suivi dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, à l'exception des activités relevant de la profession d'architecte et de l'Ordonnance Souveraine n° 1.735 ; l'activité de diagnostic pouvant contribuer à la sécurité et l'environnement dans le domaine de la construction ; import, export, achat vente en gros, location, aux professionnels et aux collectivités, sans stockage sur place, de tous matériaux et matériels relevant du secteur de la construction, de la rénovation, de la décoration et de l'aménagement de locaux » ; que par décision du 3 mai 2023, le Ministre d'État lui a notifié le rejet de sa demande; que l'instruction de la requête a notamment révélé qu'il a « été condamné le 29 juin 2020 par le Tribunal Correctionnel de Monaco à 10.000 € d'amende pour le chef de faux et usage de faux en écriture privée, de commerce ou de banque » ; que f A a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision le 30 juin 2023 ; que parallèlement f A a, par lettre du 11 mai 2023, été convoqué à comparaître le 1er juin 2023 devant la Commission instituée par l'article 10, alinéa 2 de la loi n°1.144 du 26 juillet 1991 en vue d'un éventuel retrait de son autorisation d'exercer en tant que gérant associé de la société « D S. A. R. L » ; que le 8 août 2023, il a été destinataire d'une décision favorable émanant du Ministre d'État mentionnant qu'en dépit de sa condamnation par le Tribunal correctionnel de Monaco le 29 juin 2020, « il a été décidé de maintenir [son] autorisation administrative d'exercer » cette dernière activité ; que le 2 janvier 2024, le Ministre d'État adressait une décision de rejet du recours gracieux contre la décision du 3 mai 2023 ;
Attendu qu'à l'appui de sa requête, f A soutient, en premier lieu, que la décision du 2 janvier 2024 est entachée d'un vice de procédure ; que le Ministre d'État s'est estimé lié par l'avis de la Commission instituée par l'article 10, alinéa 2 de la loi n°1.144 du 26 juillet 1991, dans le cadre du processus d'autorisation d'une nouvelle société ; que la procédure définie en matière d'autorisation aux articles 5 et suivants de la loi précitée ne requiert nullement l'avis de la Commission dont la compétence n'est certainement pas de se prononcer sur les demandes d'autorisation ; que, d'une part, la procédure d'autorisation définie aux articles 5 et suivants de la loi n° 1.144 ne prévoit en effet nullement que la Commission instituée à l'article 10 rende un quelconque avis ; que, d'autre part, le champ de compétence de cette Commission est circonscrit à l'avis qu'elle doit rendre lorsque le ministre d'État envisage une suspension ou un retrait d'agrément ; que c'est donc à tort que le Ministre d'État s'est fondé sur cet avis, rendu dans une procédure différente pour une autre société, pour refuser la demande d'autorisation pour une nouvelle société ;
Attendu que le requérant fait valoir, en second lieu, que les décisions qu'il attaque sont manifestement entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'aux termes de sa décision du 2 janvier 2024, le Ministre d'État a justifié son refus sur le grief tiré de la moralité de l'intéressé ; que cette décision est uniquement motivée, en fait, par l'existence d'une condamnation pénale pour faux et usage de faux ; que sa conclusion procède d'une erreur manifeste d'appréciation ; que le Ministre d'État ne peut en effet tout à la fois considérer que le requérant présenterait les garanties de moralité en dépit de la condamnation dont il a fait l'objet mais que ces garanties feraient défaut lorsqu'il s'agit de la création d'une nouvelle société ; que rien ne justifie que, par une appréciation contradictoire, une même condamnation soit désormais opposée au requérant pour établir qu'il ne présenterait pas les conditions de moralité dans le cadre de sa demande d'autorisation ; que par ailleurs, f A est un résident monégasque honnête et respectable ; qu'il n'est pas défavorablement connu des services de police monégasques pour d'autres faits que ceux, objets du jugement du 29 juin 2020 ; qu'il a centralisé l'intégralité de son activité professionnelle en Principauté ;
Vu la contre requête, enregistrée au Greffe Général le 16 avril 2024 par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête et à la condamnation du requérant aux entiers dépens ;
Attendu que le Ministre d'État soutient, en premier lieu, que le grief selon lequel la décision du 2 janvier 2024 refusant de rapporter sa précédente décision du 3 mai 2023 serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière est sans fondement ; que contrairement à ce que prétend le requérant, le Ministre d'État ne s'est pas considéré comme lié par l'avis émis le 1er juin 2023 par la Commission de l'article 10 de la loi n°1.144 ; qu'il n'y a pas de « lien juridique » qui pourrait exister entre un avis favorable au maintien d'une autorisation d'exercice professionnel existante et le refus opposé à une nouvelle demande d'autorisation d'exercice professionnel au sein d'une société ayant une activité différente ; que la circonstance que le Ministre d'État ait eu connaissance des raisons particulières pour lesquelles la Commission de l'article 10 avait proposé de maintenir l'autorisation du requérant ès-qualités de gérant de la SARL D ne révèle à l'évidence aucune « compétence liée », contrairement à ce qui est prétendu ;
Attendu que le Ministre d'État soutient, en second lieu, que le maintien de l'autorisation d'exercer dont bénéficie le requérant au sein de la SARL D ne faisait nullement obstacle à ce que la demande d'autorisation présentée par l'intéressé au titre d'une autre activité professionnelle fut rejetée en raison de cette condamnation ; que la condamnation par le Tribunal Correctionnel de Monaco par jugement du 29 juin 2020 à une peine d'amende de 10.000 euros pour avoir commis le délit de faux et d'usage de faux en écriture privée, de commerce ou de banque était suffisante pour permettre de considérer que le requérant ne présentait pas toutes les garanties de moralité nécessaires à l'exercice d'une nouvelle activité ; que la moralité professionnelle ne se confond pas avec la moralité ordinaire, certaines professions présentent une exigence de moralité renforcée par rapport à celle attendue pour d'autres professions ; que la circonstance que le requérant n'aurait pas fait l'objet d'autres condamnations que celle qui a été prononcée par le jugement précité ne démontre pas que ce dernier remplirait la condition de moralité à laquelle la loi n°1.144 du 26 juillet 1991 subordonne l'exercice des activités artisanales, commerciales, industrielles et professionnelles par les personnes physiques de nationalité étrangère ; que les décisions attaquées ne procèdent donc pas d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu la réplique, enregistrée au Greffe général le 30 avril 2024, par laquelle le requérant tend aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;
Attendu que le requérant soutient, en premier lieu, que le Ministre d'État s'est « considéré comme lié par l'avis émis le 1er juin 2023 par la Commission de l'article 10 de la loi n°1.144 » ; que dans son avis du 1er juin 2023, la Commission « avait proposé le maintien de l'autorisation de f A ès-qualité de gérant de la SARL D, et non pas le retrait de cette autorisation » ; que l'État en conclut qu'aucun lien juridique n'existe entre les deux types d'autorisation d'exercice professionnel alors même que sa rédaction de la décision de rejet du 2 janvier 2024 fait référence à ce lien ; que le Ministre d'État a ainsi pris acte de la décision de la Commission affirmant qu'elle s'opposerait à toute nouvelle activité de f A ; que « le « lien juridique » entre la décision attaquée et l'avis de la Commission est donc patent » ; que le Ministre d'État a suivi l'avis de la Commission, faisant ainsi de ce dernier une étape du processus d'autorisation, alors que, comme ce dernier l'expose lui-même aux termes de la contre-requête, la Commission n'a pas à être consultée dans le cadre d'une demande d'autorisation, ni n'est compétente pour rendre un avis à cet égard, ce qu'elle a pourtant fait ;
Attendu que le requérant soutient, en second lieu, que l'État ne pouvait considérer tout à la fois, qu'il ferait preuve d'une moralité professionnelle le rendant apte à poursuivre son activité au sein de la SARL D mais que cette même moralité ferait défaut pour l'exercice d'une nouvelle activité ; qu'il « y a là une contradiction insurmontable » ; que, si certaines professions « présentent une exigence de moralité renforcée », le traitement différencié réservé au requérant entre ses deux activités se comprend mal ; que l'activité de la SARL D dans le cadre de laquelle il a été invité à comparaître devant la Commission instituée par l'article 10 de la loi précitée est centrée sur l'activité aéronautique, location en coque nue d'hélicoptères servant principalement au transport public, approvisionnements dans les lieux isolés mis en œuvre par les collectivités territoriales, surveillance incendie dans le Sud de la France ; que celle-ci impose un ensemble de règles de sécurité très stricte et, pour leur mise en œuvre, une conscience professionnelle sans faille ; que non seulement pour cette activité il doit faire montre de moralité, mais que l'État de Monaco, pour cette activité, a retenu l'absence de défaut de moralité, nonobstant la condamnation pénale dont il avait fait l'objet ; que l'activité de la société « B SARL » pour laquelle l'autorisation, objet de la présente procédure, a été sollicitée ne requiert pas une moralité plus « renforcée » que celle exercée dans l'aéronautique ; que l'État de Monaco ne justifie nullement son allégation ; que par ailleurs, le fait que cette activité soit dans le même secteur que celle au titre de laquelle il a été condamné pénalement est indifférent dès lors que la moralité professionnelle de ce dernier a été reconnue ; qu'il n'y a en réalité aucune raison valable pour que l'appréciation de sa moralité soit différente pour l'activité nouvelle dont il requiert l'autorisation ; que l'appréciation de la moralité d'un administré comme précédemment exposée ne peut être à géométrie variable ; que l'erreur manifeste d'appréciation est parfaitement caractérisée ;
Vu la duplique enregistrée au Greffe Général le 3 juin 2024, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;
Attendu que le Ministre d'État soutient, en premier lieu, qu'en prenant acte de cet avis émis le 1er juin 2023 par la Commission de l'article 10 de la loi n°1.144, il n'en a pas pour autant adopté la teneur ; que dans sa décision du 2 janvier 2024, il s'est borné à rappeler la teneur de l'avis émis lors de l'examen de l'opportunité de maintenir l'autorisation d'exercer de f A; qu'il n'a pas renoncé à exercer sa compétence, puisque c'est sur la circonstance que le requérant « a été condamné par décision du Tribunal Correctionnel de Monaco le 29 juin 2020 à une peine d'amende de 10.000€ pour avoir commis un délit de faux et usage de faux en écriture privée, de commerce et de banque » qu'il a fondé sa décision de refus de rapporter sa décision du 3 mai 2023 de refus d'autorisation d'exercer une nouvelle activité professionnelle ; que l'avis de la Commission ne constituait qu'un simple élément de contexte, qu'il a pris sa décision au vu de la condamnation précitée, que le Ministre d'État n'a donc nullement renoncé à exercer sa compétence ;
Attendu que le Ministre d'État soutient, en second lieu, que la Commission a proposé le maintien de l'autorisation d'exercice dont bénéficie le requérant au motif que son activité est florissante et est exercée sans entrave depuis dix ans, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de procéder à son abrogation ; que le motif particulier justifiant le maintien de cette autorisation tenait ainsi spécifiquement à l'activité exercée au sein de la SARL D ; qu'il ne saurait servir à justifier par lui-même la délivrance d'une autorisation permettant l'exercice d'une nouvelle activité ; que, contrairement à ce qui est soutenu, une distinction doit être opérée entre la moralité professionnelle et la moralité ordinaire ; que d'ailleurs le requérant le reconnaît lui-même, puisqu'il soutient que la moralité professionnelle est une composante de la moralité ordinaire ; qu'il admet qu'elle doit être prise dans une acception plus restreinte concernant l'éthique, ce qui postule que les règles éthiques devant être respectées par les professionnels se distinguent de celles qui s'imposent à tous dans la vie privée ; qu'en outre, il est constant que certaines professions présentent une exigence de moralité renforcée, comme l'admet également le requérant ; que, contrairement à ce qui est soutenu, les conditions de moralité professionnelle nécessaires à l'exercice de l'activité pour laquelle la demande d'autorisation a été sollicitée ne sont pas identiques à celles exigées pour exercer l'activité aéronautique de la SARL D ; que l'activité de cette dernière ne comprend aucune activité de transport de personnes ; qu'en revanche, l'activité pour laquelle le requérant sollicitait l'autorisation d'exercer est, d'une part, une activité de maîtrise d'œuvre et de conseil dans le secteur de la construction privée et des travaux publics et, d'autre part, une activité de diagnostic contribuant à la sécurité et à l'environnement dans le domaine de la construction ; que cette activité participe du maintien de la sécurité publique, de sorte que son exercice impose des garanties de moralité particulières ; qu'au cas présent, le requérant présentait d'autant moins ces garanties que c'est ès-qualités de gérant d'une société exerçant une activité dans le bâtiment et les travaux publics qu'il avait été condamné à une amende de 10.000 euros du chef de faux et usage de faux en écriture privée, de commerce ou de banque, par le Tribunal Correctionnel de Monaco, le 29 juin 2020 et que l'établissement de faux certificats de conformité concernant une structure provisoire en béton a justifié cette condamnation ; que les décisions attaquées ne procèdent donc d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
SUR CE,
Vu les décisions attaquées ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment le B de son article 90 ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n°2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;
Vu la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques ;
Vu l'Ordonnance du 4 mars 2024 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Didier GUIGNARD, membre titulaire, comme rapporteur ;
Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en chef en date du 24 juin 2024 ;
Vu la décision du Tribunal Suprême n°2024-06 du 4 décembre 2024 renvoyant l'affaire ;
Vu l'ordonnance du 7 mai 2025 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal le 12 juin 2025 ;
Ouï Monsieur Didier GUIGNARD, membre titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;
Ouï Maître Maeva ZAMPORI, avocat près la Cour d'appel de Monaco, pour Monsieur f A ;
Ouï Maître François MOLINIE, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;
Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;
La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;
Motifs🔗
Après en avoir délibéré
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que f A a sollicité l'autorisation d'exercer, en qualité de cogérant associé au sein de la société à responsabilité limitée dénommée « B SARL » ; que par décision du Ministre d'État du 3 mai 2023, le refus d'exercer ladite activité lui a été notifié ; que le 30 juin 2023, f A a formé un recours gracieux à l'encontre de la décision n°3/2023.06331 du 3 mai 2023, sollicitant le retrait de cette décision sur le fondement de l'erreur manifeste d'appréciation ; que le 2 janvier 2024, le Ministre d'État lui notifiait une décision de rejet du recours gracieux ; que f A demande l'annulation de la décision de rejet du 2 janvier 2024 du recours gracieux du 30 juin 2023 et de la décision administrative du 3 mai 2023 pour vice de procédure et erreur manifeste d'appréciation ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 26 juillet 1991 concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques : « Les activités artisanales, commerciales, industrielles et professionnelles peuvent être exercées, à titre indépendant, dans les conditions prévues par la présente loi, à l'exception des activités ou des professions dont l'accès est déjà soumis à autorisation » ; que l'article 5 de la même loi dispose que : « L'exercice des activités visées à l'article premier par des personnes physiques de nationalité étrangère est subordonné à l'obtention d'une autorisation administrative » ; qu'en l'absence de réglementation spécifique d'une activité, il appartient ainsi à l'autorité administrative d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, s'il y a lieu de délivrer l'autorisation individuelle en s'attachant à vérifier si le pétitionnaire présente des compétences professionnelles ainsi que des garanties financières et morales suffisantes ;
Sur la légalité externe :
3. Considérant qu'à l'appui de sa requête, f A évoque un vice de procédure affectant la décision du 2 janvier 2024 rejetant son recours gracieux ; que cependant, en cas de rejet d'un recours gracieux, la décision de rejet du recours administratif ne se substitue pas à la décision initiale ; que par suite, s'il appartient au juge, saisi d'un recours en annulation pour excès de pouvoir contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, la décision de rejet du recours gracieux par voie de conséquence de l'annulation de la décision initiale, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision de rejet du recours gracieux ne peuvent être utilement invoqués, au soutien des conclusions dirigées contre cette décision ; qu'ainsi le moyen susmentionné doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant ;
Sur la légalité interne :
4. Considérant que pour rejeter la demande d'autorisation d'exercer formulée par f A, le Ministre d'État s'est fondé sur la circonstance que celui-ci a été condamné par décision du Tribunal Correctionnel de Monaco le 29 juin 2020 à une peine d'amende de 10.000 euros pour avoir commis un délit de faux et usage de faux en écriture privée, de commerce ou de banque ; que le Ministre d'État a pu légalement considérer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que le requérant ne présentait pas les garanties de moralité suffisantes et en conséquence refuser d'autoriser l'exercice d'une nouvelle activité ; que le requérant ne peut utilement invoquer la circonstance que le Ministre d'État a par ailleurs estimé possible de l'autoriser à poursuivre une activité sur le fondement d'une autorisation dont il bénéficiait déjà ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions qu'il conteste ;
Dispositif🔗
Décide :
Article 1er🔗
La requête de f A est rejetée.
Article 2🔗
Les dépens sont mis à la charge de f A dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco sous sa due affirmation et seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.
Article 3🔗
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État
Composition🔗
Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Stéphane BRACONNIER, Président, José MARTINEZ, Vice-Président, Didier GUIGNARD, rapporteur, Membre titulaire, Régis FRAISSE et Jean-Philippe DEROSIER, Membres suppléants,
et prononcé le vingt-sept juin deux mille vingt-cinq en présence du Ministère public, par Monsieur Stéphane BRACONNIER, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef.
Le Greffier en Chef, Le Président.