Tribunal Suprême, 9 avril 2025, p H et autres c/ État de Monaco

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TRIBUNAL SUPRÊME

TS 2024-15

Affaire :

  • p H, l.I épouse H,

  • SARL AA

Contre :

  • État de Monaco

DÉCISION

Audience du 25 mars 2025

Lecture du 9 avril 2025

Recours tendant à l'annulation de la décision du 23 janvier 2024 du Ministre d'État ayant privé d'effets les déclarations d'exercer de p H en qualité de gérant associé de la SARL AA et de l H en qualité d'associée de la SARL AA.

En la cause de :

  • p H, né le jma à Sisteron, de nationalité monégasque, demeurant x1 à Monaco ;

  • l.I épouse H, née le jma à Nice, de nationalité monégasque, demeurant x1 à Monaco ;

  • La SARL AA, immatriculée au registre du commerce et de l'industrie de Monaco, dont le siège social est sis à Monaco, C/O L, x2 ;

Ayant tous élu domicile en l'étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

Contre :

  • L'État de Monaco représenté par le Ministre d'État, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par Maître Jacques MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;

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LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête présentée par p H, l H et la SARL AA, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 16 juillet 2024, sous le numéro TS 2024-15, tendant à annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 janvier 2024 par laquelle le Ministre d'État prive d'effets les déclarations d'exercer de p H en qualité de gérant associé de la SARL AA et de l H en qualité d'associée de la SARL AA ;

CE FAIRE :

Attendu que p H et l H exposent que, depuis le 6 juillet 2015, ils ont été autorisés à exercer, en qualité de gérants-associés, l'activité suivante : « Entreprise générale du bâtiment tous corps d'état, rénovation, entretien, décoration à l'exclusion de l'activité d'architecte et, dans ce cadre, l'import-export de fourniture, matériel et mobilier sans stockage sur place. » ; que cette activité professionnelle est secondaire à celle d'agent immobilier et qu'elle permet de satisfaire ponctuellement à la demande de leurs clients ; que, le 7 novembre 2023, p H a été convoqué à comparaître devant la Commission instituée par l'article 10 alinéa 2 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques pour une audition prévue le 24 novembre 2023 ; qu'il ne s'est pas rendu à ladite convocation et qu'il n'a pas pu présenter ses observations car il a reçu tardivement la lettre recommandée le convoquant ; qu'en son absence, ainsi que celle de son épouse qui n'a jamais reçu de courrier adressé à son domicile, la Commission a rendu un avis dont ils n'ont pas eu connaissance ; que, par une décision en date du 23 janvier 2024, le Ministre d'État a privé d'effets la déclaration d'exercer des époux H en qualité de gérant associé et d'associée de la SARL AA ; qu'ils ont déposé, le 22 mars 2024, un recours gracieux contre cette décision, resté sans réponse ;

Attendu qu'à l'appui de leur requête, les requérants soutiennent, en premier lieu, que la décision attaquée a été prise selon une procédure irrégulière en ce qu'elle a violé les droits de la défense et le principe du contradictoire ; qu'il ressort des dispositions de l'article 10 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 que : « Lorsqu'il y a lieu à application de l'article précédent, l'auteur de la déclaration ou le titulaire de l'autorisation est, préalablement à toute décision, entendu en ses explications ou dûment appelé à les fournir. La décision privant d'effets ou suspendant les effets d'une déclaration ou d'une autorisation ne peut être prise qu'après avis d'une commission dont la composition et le mode de fonctionnement sont fixés par ordonnance souveraine. Cette décision entraine, pour l'auteur de la déclaration ou la personne autorisée, pendant le délai imparti, la suspension de la faculté de procéder à toute nouvelle déclaration ou demande d'autorisation pour des activités similaires. » ; que p H, convoqué devant la Commission instituée par l'article 10 de la loi n° 1.144 pour le 24 novembre 2023, n'a pas reçu dans les délais requis le courrier adressé le 7 novembre 2023 ; que la lettre de convocation a été remise à l'accueil de la société qui héberge la SARL AA ; que cette lettre recommandée n'a pas été signée mais déposée par les services postaux ; que p H n'a pas signé personnellement l'accusé réception de ce courrier ; que les requérants n'ont pas reçu de convocation à leur domicile personnel ; qu'en tout état de cause, les termes du courrier ne permettaient pas de connaître les motifs de la convocation devant ladite Commission ; que les époux H n'ont pas été informés de l'avis de la Commission ; qu'ils ont appris, sans avertissement préalable, que la déclaration d'exercer leur activité commerciale était privée d'effets lors de la réception de la décision du Ministre d'État du 23 janvier 2024 ; que dans ces conditions, et en méconnaissance du principe du respect des droits de la défense, p H n'a pas eu connaissance des griefs tenus à son encontre ; qu'il n'a pas pu préparer sa défense ni répondre aux observations concernant les faits qui lui étaient reprochés ; qu'il en va de même pour l H ; que les droits de la défense ont ainsi été violés ; que, de plus, le principe du contradictoire, qui découle de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, implique le droit pour les parties à un procès de prendre connaissance de toutes les pièces et observations les concernant afin de les discuter ; que la Commission instituée par l'article 10 de la loi n° 1.144 constitue la seule instance auprès de laquelle les requérants auraient pu faire valoir leur position préalablement à la décision privant d'effets leur déclaration d'exercer leur activité commerciale ; que, dès lors, les exigences européennes du procès équitable s'appliquent devant cette Commission ; que les requérants n'ont pas été en mesure de présenter leur défense lors de la séance du 24 novembre 2023 puisqu'ils ignoraient la tenue de cette audition ainsi que les faits qui leur étaient reprochés ; qu'en conséquence, les droits de la défense ont été violés ;

Attendu que les requérants font valoir, en second lieu, que la décision qu'ils attaquent est illégalement motivée ; que l'État de Monaco a relevé que la SARL AA serait restée plus de six mois sans exercer ; qu'il ressort des dispositions de l'article 9 de la loi n° 1.144 que : « Par décision du Ministre d'Etat, la déclaration visée aux articles 2, 3 et 4 peut être privée d'effets ou suspendue en ses effets et l'autorisation mentionnée aux articles 5, 6, 7 et 8 suspendue en ses effets ou révoquée dans les cas suivants : …(…) 3° S'il est resté, sans motif légitime, plus de six mois sans exercer (…) » ; que l'activité commerciale de la SARL AA a été en sommeil du fait du manque d'activité, ce qui constitue un motif légitime de suspension d'activité ; qu'une reprise d'activité est confirmée par des devis versés aux débats ; que, par ailleurs, l'État de Monaco a relevé que la SARL AA n'avait pas procédé à l'inscription de ses bénéficiaires effectifs auprès du registre des bénéficiaires effectifs ; qu'il ressort des dispositions de l'article 9 de la loi n° 1.144 que : « Par décision du Ministre d'État, la déclaration visée aux articles 2, 3 et 4 peut être privée d'effets ou suspendue en ses effets et l'autorisation mentionnée aux articles 5, 6, 7 et 8 suspendue en ses effets ou révoquée dans les cas suivants (…) : 7° Si, dans l'exercice de son activité, autorisée ou déclarée, il a méconnu les prescriptions légales ou règlementaires qui lui sont applicables (…) » ; qu'en l'espèce, la SARL AA a procédé à l'inscription des bénéficiaires effectifs le 5 décembre 2023, puis le 10 juillet 2024 ; que, dans ces conditions, la décision attaquée devra être déclarée illégale ;

Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 6 septembre 2024, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation des requérants aux entiers dépens ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en premier lieu, que la décision attaquée a été adoptée à la suite d'une procédure régulière ; qu'il ressort du document établi par les services postaux que la convocation pour l'audition devant la Commission instituée par l'article 10 de la loi n°1.144 était adressée à la « SARL AA » et à « M. p H » et remise à son destinataire contre signature le 9 novembre 2023 ; que p H ne conteste pas que le signataire de la preuve de réception de la convocation avait la qualité pour recevoir les recommandés de la SARL AA ; que l'adresse de l'envoi de la lettre de convocation pour l'audition devant la Commission correspond à celle du siège social de la SARL AA ; que la circonstance que le signataire du recommandé aurait transmis tardivement à p H la lettre du 7 novembre 2023 est sans incidence sur la régularité de la procédure dans la mesure où le préposé était investi d'un mandat au nom de la SARL AA et de p H ; que, de surcroît, l'adresse du siège social de la SARL AA constitue le domicile professionnel de son gérant ; que l'envoi de la convocation au siège social et non au domicile personnel des gérants associés ne constitue pas une irrégularité ; que, par ailleurs, la convocation indiquait expressément les motifs de la convocation à savoir que la Société AA était restée plus de six mois sans exercer puisqu'aucun chiffre d'affaire n'avait été déclaré et qu'elle n'avait pas procédé à l'inscription de ses bénéficiaires effectifs auprès du registre des bénéficiaires effectifs ; que, sans avoir besoin de se prononcer sur la nature de la Commission instituée par l'article 10 de la loi n°1.144 au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, le Ministre d'État rappelle que la convocation du 7 novembre 2023 énonçait les griefs retenus à l'encontre des requérants, exposait en conséquence qu'ils enfreignaient les dispositions des chiffres 3° et 7° de l'article 9 de la loi n°1.144, rappelait la possibilité pour les époux H de notifier toutes observations écrites à transmettre à la Commission, soulignait qu'ils avaient la possibilité d'être entendus, le cas échéant assistés d'un avocat, et, enfin, indiquait qu'ils pouvaient consulter préalablement, sur rendez-vous, le dossier auprès de la Direction du Développement Economique ; que, dans ces conditions, la procédure suivie a respecté les droits de la défense ;

Attendu que le Ministre d'État soutient, en deuxième lieu, que les motifs sur lesquels se fonde la décision attaquée ne sont pas erronés ; que les 3° et 7° de l'article 9 de la loi n° 1.144 prévoient que la déclaration visée aux articles 2, 3 et 4 peut être privée d'effets ou suspendue en ses effets, si l'auteur de la déclaration « est resté, sans motif légitime, plus de six mois sans exercer » et si, « dans l'exercice de son activité autorisée ou déclarée, il a méconnu les prescriptions légales ou règlementaires qui lui sont applicables » ; que la décision du 23 janvier 2024 est fondée sur la circonstance que la S. A. R. L. AA est restée plus de six mois sans exercer, puisqu'aucun chiffre d'affaires n'a été déclaré depuis le mois de septembre 2019 ; que l'activité de cette société concerne le secteur du bâtiment tous corps d'état ; que, durant la période 2019-2024, ce secteur n'a pas connu de manque d'activité en Principauté de Monaco ; qu'aucun élément établissant que des circonstances particulières concernant cette société auraient fait obstacle à ce qu'elle exerce son activité pendant quatre années ; que la circonstance que la S. A. R. L. AA aurait repris son activité en 2024 est inopérante puisque cette reprise n'est intervenue que postérieurement à la décision attaquée ; que les requérants ne contestent pas le défaut d'inscription des bénéficiaires effectifs auprès du registre des bénéficiaires effectifs ; que les articles 21, 22 et 22-1 de la loi n° 1.362 du 3 août 2009 modifiée par la loi n° 1.462 du 28 juin 2018 renforçant le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et la corruption imposent aux bénéficiaires actifs des sociétés commerciales des obligations déclaratives dès l'immatriculation de leurs sociétés ; que les époux H ont méconnu cette obligation pendant plus de cinq ans ; qu'en conséquence, le Ministre d'État a pu, sur le fondement du 7° de l'article 9 de la loi n°1.144, priver d'effets la déclaration d'exercer des époux H ;

Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 2 octobre 2024, par laquelle les requérants tendent aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;

Attendu que les requérants persistent à affirmer, en premier lieu, que la procédure suivie pour prendre la décision du 23 janvier 2024 est irrégulière ; que, contrairement aux allégations produites dans la contre-requête, il est erroné d'affirmer que le courrier de convocation a été remis contre signature ; que le courrier a simplement été déposé à l'accueil ; que p H n'a donc pas eu connaissance de cette convocation en temps et en heure pour assister à la réunion de la Commission ; que, d'autre part, est erronée l'affirmation selon laquelle la convocation comporte l'indication d'une éventuelle privation d'effets de la déclaration d'exercer des gérants de la S. A. R. L. AA ; que ce n'est qu'à réception de la décision querellée du 23 janvier 2024 que les requérants ont appris, sans aucun avertissement préalable, que leur déclaration d'exercer leur activité commerciale était privée d'effets ; que, n'ayant pu préparer sa défense et présenter les observations concernant les faits qui lui étaient reprochés, p H soutient que la procédure a violé les droits de la défense ;

Attendu que les requérants soulignent, en deuxième lieu, que pour justifier le bien-fondé de la décision de révocation de l'autorisation d'exercer, l'État invoque un manque d'activité ; que l'absence d'activité était justifiée par un motif légitime ; que, désormais, la S. A. R. L. AA dispose d'accords de principe sur des devis ; que ces projets et contacts vont permettre de développer le chiffre d'affaires et d'embaucher du personnel ; qu'en outre, l'État de Monaco soulève l'absence d'inscription de ses bénéficiaires effectifs auprès du registre des bénéficiaires effectifs pendant cinq ans ; que la S. A. R. L. AA a procédé à l'inscription des bénéficiaires effectifs le 5 décembre 2023, soit antérieurement à la décision attaquée ; que, dès lors, aucun grief ne saurait être reproché aux requérants ;

Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 4 novembre 2024, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;

Attendu que le Ministre d'État prétend, en premier lieu, que la procédure suivie pour prendre la décision attaquée est régulière ; que la convocation en vue de la réunion de la Commission du 24 novembre 2023 a été remise par les services postaux à une personne qui s'est déclarée habilitée à la recevoir ; que les requérants n'établissent pas que cette personne ne disposait pas d'un mandat lui permettant de recevoir les plis recommandés destinés à p H alors que cette preuve leur incombe ; que la convocation a, par ailleurs, bien été transmise à p H par le signataire de l'avis de réception postale ; que la circonstance que cette transmission soit tardive est sans incidence sur le caractère régulier de la procédure suivie ;

Attendu, que le Ministre d'État maintient, en second lieu, que les motifs de la décision attaquée ne sont pas erronés ; qu'en dépit de la présentation de projets et de contacts datés de l'année 2024, les requérants n'établissent toujours pas que l'absence d'activité de la société pendant cinq ans serait justifiée par un motif légitime ; que les requérants, qui ont effectué une déclaration des bénéficiaires effectifs sur le registre des bénéficiaires effectifs le 5 décembre 2023, ne nient pas s'être abstenus de procéder à cette inscription pendant cinq ans alors que l'obligation de procéder à cette déclaration a été mise en place par la loi n°1.462 du 28 juin 2018 ; que c'est à juste titre que la décision attaquée a privé d'effets la déclaration d'exercer des époux H sur le fondement du 3° et du 7° de l'article 9 de la loi n°1.144 pour absence d'activité de la S. A. R. L. AA pendant plus de six mois et pour défaut de déclaration des bénéficiaires effectifs de cette société ;

SUR CE,

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment le B de son article 90 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques, notamment ses articles 5, 9 et 10 ;

Vu la loi n° 1.362 du 3 août 2009 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, notamment ses articles 21, 22 et 22-1 ;

Vu la loi n° 1.462 du 28 juin 2018 renforçant le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption ;

Vu l'Ordonnance du 23 juillet 2024 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Philippe BLACHER, Membre titulaire, comme rapporteur ;

Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en Chef en date du 8 novembre 2024 ;

Vu l'Ordonnance du 7 février 2025 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 25 mars 2025 ;

Ouï Monsieur Philippe BLACHÈR, Membre titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour p H, l.I épouse H et la S. A. R. L. AA ;

Ouï Maître Jacques MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï Monsieur le Procureur général en ses conclusions ;

La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;

Motifs🔗

Après en avoir délibéré

  1. Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 1er et 5 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques que l'exercice, à titre indépendant, des activités artisanales, commerciales, industrielles et professionnelles est soumis à un régime d'autorisation préalable ; que le titulaire d'une autorisation d'exercer encourt une suspension des effets ou une révocation dans certains cas prévus par l'article 9 de ladite loi, notamment « 3°) s'il est resté, sans motif légitime, plus de six mois sans exercer ; […] 7°) si, dans l'exercice de son activité, autorisée ou déclarée, il a méconnu les prescriptions légales ou règlementaires qui lui sont applicables » ; qu'il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, s'il y a lieu de priver d'effets une telle autorisation ;

  2. Considérant que p H et l.I épouse H, contestent la décision rendue le 23 janvier 2024 privant d'effets leurs déclarations d'exercer en qualité de gérant associé et en qualité d'associée de la S. A. R. L. AA ; que cette décision se fonde, d'une part, sur l'absence d'exercice d'activité professionnelle durant six mois, en méconnaissance des exigences du 3°) de l'article 9 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, et, d'autre part, sur le défaut de déclaration des bénéficiaires effectifs auprès du registre des bénéficiaires effectifs pendant cinq ans, en méconnaissance du 7°) du même article ; qu'ils ont formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision le 22 mars 2024, resté sans réponse ;

  3. Considérant que la décision du 23 janvier 2024 a été prise après avis du 24 novembre 2023 de la Commission prévue au deuxième alinéa de l'article 10 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 ; que p H prétend ne pas avoir eu connaissance en temps utile de la convocation pour l'audition devant ladite Commission ; que la réunion s'est tenue en l'absence des gérants de la S. A. R. L. AA ; qu'il résulte du dossier que la lettre recommandée portant convocation en vue de l'audition du 24 novembre 2023 a été remise contre signature le 9 novembre 2023 à l'adresse de la S. A. R. L. AA ; que la circonstance que p H ait pris connaissance de ce courrier tardivement est sans incidence sur la régularité de la notification de cette convocation ; que les requérants n'apportent pas la preuve démontrant que le signataire de l'avis de réception n'était pas habilité à réceptionner le courrier adressé aux gérants de la S. A. R. L. AA ; qu'à l'issue de la réunion du 24 novembre 2023, la Commission a émis un avis défavorable au maintien de l'autorisation d'exercer ; que la décision du 23 janvier 2024 s'appuie sur cet avis ; que, dans ces conditions, la procédure suivie n'est pas entachée d'irrégularité ;

  4. Considérant que la S. A. R. L. AA exerce l'activité suivante : « Entreprise générale du bâtiment tous corps d'état, rénovation, entretien, décoration à l'exclusion de l'activité d'architecte et, dans ce cadre, l'import-export de fourniture, matériel et mobilier sans stockage sur place. » ; qu'il est constant qu'elle n'a déposé aucune déclaration de chiffre d'affaires à compter du mois de septembre 2019 ; que, pour justifier l'absence de déclaration, les requérants se bornent à invoquer « une activité en sommeil du fait du manque d'activité, ce qui constitue un motif légitime de suspension d'activité » ; que, ce faisant, ils ne présentent aucun motif légitime de nature à justifier l'absence d'activité durant plus de six mois ; que, dès lors, le Ministre d'État a pu estimer, en application du chiffre 3°) de l'article 9 de la loi n° 1.144, que la déclaration d'autorisation pouvait être privée d'effets ;

  5. Considérant que les dispositions des articles 21, 22 et 22-1 de la loi n° 1.362 du 3 août 2009 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption modifiées par la loi n° 1.462 du 28 juin 2018 exigent, pour les sociétés, une mise à jour régulière des bénéficiaires effectifs ; que p H et l H n'ont pas respecté cette obligation durant cinq ans ; que, quelques jours avant la décision du 23 janvier 2024, p H a régularisé l'inscription des bénéficiaires effectifs auprès du registre des bénéficiaires effectifs ; qu'en dépit de cette régularisation tardive, le Ministre d'État a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, constater qu'aucune inscription des bénéficiaires de la S. A. R. L. AA n'avait été déclarée entre 2019 et 2024 ; qu'en application du 7° de l'article 9 de la loi n° 1.144, la déclaration d'exercice de l'activité de la S. A. R. L. AA a pu, pour ce second motif, être légalement privée d'effets ;

  6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que p H et l H ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision qu'ils attaquent ;

Dispositif🔗

Décide :

Article 1er🔗

La requête de p H et de l H est rejetée.

Article 2🔗

Les dépens sont mis à la charge de p H et de l H, avec distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation et seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Article 3🔗

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition🔗

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Stéphane BRACONNIER, Président, José MARTINEZ, Vice-Président, Philippe BLACHÈR, rapporteur, Pierre de MONTALIVET et Didier GUIGNARD, membres titulaires,

et prononcé le neuf avril deux mille vingt-cinq en présence du Ministère public, par Monsieur Stéphane BRACONNIER, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en chef.

Le Greffier en Chef,

Le Président,

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