Tribunal Suprême, 31 mai 2022, Union des syndicats de Monaco c/ État de Monaco

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Abstract🔗

Tribunal Suprême - Recours en annulation - Covid-19 - Obligation vaccinale - Droit au respect de la vie privée et familiale - Réserve d'interprétation.

Résumé🔗

L'Union des syndicats de Monaco intente un recours en annulation devant le Tribunal Suprême à l'encontre de la loi n° 1.509 du 20 septembre 2021 relative à l'obligation vaccinale contre la COVID-19 de certaines catégories de personnes, qui porterait atteinte au droit au respect à la vie privée, garanti par l'article 22 de la Constitution, en imposant un acte médical non consenti et en imposant de prouver à son employeur le fait d'avoir un schéma vaccinal complet.

Le droit au respect à la vie privée n'est pas absolu ; il peut fait l'objet de restrictions justifiées par l'intérêt général à la condition qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. L'obligation vaccinale prévue par la loi concerne seulement les professionnels de santé ou en contact avec des personnes fragiles ou vulnérables, tout en prévoyant une dispense pour les personnes disposant d'un certificat de contre-indication médicale. La loi prévoit une suspension de l'activité qui peut conduire au bout de quatre mois à un licenciement. Pour examiner le caractère proportionné d'une telle atteinte, le Tribunal reprend les finalités de la loi, c'est-à-dire faire face à une progression rapide de l'épidémie avec de nouveaux variants et donc elle poursuit un but d'intérêt général. De plus, cette obligation vaccinale circonscrite à certains professionnels, repose sur des études scientifiques dont les données sont accessibles, les vaccins administrés ont été approuvés par l'Agence européenne du médicament, ce qui conduit le Tribunal à énoncer que l'atteinte au droit au respect de la vie privée est justifiée et proportionnée par rapport au but poursuivi. Le législateur a également prévu de ne pas laisser le salarié non vacciné sans rémunération qui peut bénéficier de l'indemnisation du chômage pendant la période de recherche d'un nouvel emploi.

Le Tribunal rejette le recours des requérants mais émet une réserve d'interprétation sur le motif de contre-indication qui n'est pas précisé et si la personne dispose d'un certificat de rétablissement au lieu d'un schéma vaccinal complet, il appartient à l'Office de la Médecine du Travail ou au Directeur de l'action sanitaire de s'assurer du respect par la personne concernée de l'obligation vaccinale à l'issue de la période de validité du certificat et d'informer l'employeur ou le directeur de la structure au sein de laquelle elle exerce du non-respect de cette obligation.


TS 2022-05

Décision

Audience du 17 mai 2022

Lecture du 31 mai 2022

Recours en annulation de la loi n° 1.509 du 20 septembre 2021 relative à l'obligation vaccinale contre la COVID-19 de certaines catégories de personnes.

En la cause de :

L'UNION DES SYNDICATS DE MONACO ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, Avocat au barreau de Nice ;

Contre :

L'État de Monaco, représenté par le Ministre d'État, ayant pour Avocat-Défenseur Maître Christophe SOSSO et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France ;

Visa🔗

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête, présentée par l'UNION DES SYNDICATS DE MONACO, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 24 novembre 2021 sous le numéro TS 2022-05, tendant à l'annulation de loi n° 1.509 du 20 septembre 2021 relative à l'obligation vaccinale contre la COVID-19 de certaines catégories de personnes ainsi qu'à la condamnation de l'État aux entiers dépens ;

Motifs🔗

CE FAIRE :

 

Attendu qu'à l'appui de sa requête, l'UNION DES SYNDICATS DE MONACO soutient, en premier lieu, que la loi du 20 septembre 2021 méconnaît le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 22 de la Constitution ; que méconnaît ce droit la loi qui contraint un salarié, afin de conserver son emploi, à une obligation vaccinale allant contre ses principes et sa volonté personnelle, venant créer une ingérence dans sa vie privée, en lui imposant un acte médical non consenti et en lui imposant, en outre, de révéler et de prouver à son employeur le fait d'avoir un schéma vaccinal complet ou d'avoir contracté la maladie en cause ; que la loi impose une très large obligation en visant sept catégories de personnes ; que l'article 3 de la loi attaquée prévoit la sanction infligée en cas de non production du justificatif ; que les personnes vaccinées peuvent demeurer porteuses du virus et ainsi contribuer à la diffusion de l'épidémie ; que si l'objectif est d'assurer la seule présence de personnes ne présentant pas un « risque » de transmission du virus, l'obligation vaccinale n'est pas justifiée ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de la loi que, passé le délai de douze semaines, les personnes concernées, ayant fait le choix personnel, individuel et respectable de ne pas se faire vacciner, verront leur rémunération suspendue et in fine leur contrat de travail rompu ; que la pandémie de COVID-19 a conduit les autorités sanitaires à autoriser une expérimentation à grande échelle inédite ; que l'obligation vaccinale est imposée avec des vaccins en phase 3 d'essais cliniques ; que le rapport final de l'étude clinique du vaccin Pfizer ne sera remis qu'en décembre 2023 ; qu'ainsi, les vaccins en cause constituent, en l'état, des médicaments expérimentaux utilisés dans un essai clinique ; que l'Agence européenne du médicament n'a en conséquence délivré qu'une autorisation de mise sur le marché conditionnelle ; que sur le plan médical, ce type d'autorisation est délivré sur la base de données moins complètes que ce qui est normalement requis et suppose que le fabricant s'engage à fournir des données cliniques complètes à l'avenir ; qu'en outre, aucune étude de cancérogénicité n'a été réalisée pour le vaccin Moderna et aucune étude de génotoxicité ou de cancérogénicité n'a été réalisée pour les vaccins Pfizer, AstraZeneca et Johnson & Johnson ; que le refus d'un salarié de se faire vacciner est souvent lié à une inquiétude ou une réticence à se voir inoculer une substance en phase d'essai ne saurait être sanctionné par la perte de son emploi ; que dès lors qu'aucun poste ne peut être proposé, le licenciement sans préavis est facilité par la prise en charge par l'État de l'indemnité de congédiement ; que la proposition d'un autre poste n'est soumise à aucun critère, ni à aucun contrôle ; que l'ingérence dans la sphère du travail se révèle absolue et disproportionnée ;

Attendu que relève du droit au respect de la vie privée garanti par l'article 22 de la Constitution le libre consentement de la personne à subir ou non des soins ou à se faire vacciner ou non ; que le consentement doit être libre et donc ne pas avoir été obtenu par la contrainte ; qu'il doit être éclairé, la personne devant avoir été préalablement informée des actes médicaux qu'elle va subir, des risques fréquents ou graves normalement prévisibles en l'état des connaissances scientifiques et des conséquences que ceux-ci pourraient entraîner ; qu'en imposant une obligation vaccinale aux salariés concernés dans le contexte d'une expérimentation médicale et sous la contrainte de perdre leur emploi, la loi attaquée méconnaît leur consentement libre et éclairé ;

Attendu que les dispositions de la loi n° 882 du 29 mai 1970 imposant une obligation vaccinale concernent des maladies connues et des vaccins dont l'autorisation n'est plus conditionnelle ; qu'en cas de non-respect de l'obligation prévue par cette loi, la sanction est une amende comprise entre 200 et 600 euros ; que dans son arrêt du 8 avril 2021, V. et autres c. République tchèque, la Cour européenne des droits de l'homme a validé l'obligation d'administrer aux enfants des vaccins contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, les infections à haemophilus influenzae de type b, la poliomyélite, l'hépatite B, la rougeole, les oreillons et la rubéole, maladies connues et dont les vaccins ont été conçus et approuvés depuis longtemps ; que la Cour rappelle que si la vaccination peut être une obligation légale, il n'est pas possible d'en imposer directement l'observation, aucune disposition ne permettant d'administrer un vaccin par la force ; que l'application de sanctions peut être employée comme méthode indirecte pour faire respecter cette obligation ; que, s'agissant de la République tchèque, la Cour a relevé que la sanction peut être tenue pour relativement modérée puisqu'elle consiste en une amende administrative qui ne peut être infligée qu'une seule fois ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protège le même droit à la vie privée que l'article 22 de la Constitution ; qu'ainsi, le fait de sanctionner lourdement un salarié non vacciné en le licenciant sans préavis apparaît nécessairement comme une mesure coercitive conduisant indirectement à contraindre par la force une large population concernée à sa faire administrer un des vaccins contre la COVID-19 ;

Attendu que dans le pays voisin, un employeur ne peut licencier un salarié qui refuse de se faire vacciner, seule la suspension du contrat et de la rémunération étant prévue ; que par un jugement du 5 octobre 2021, le conseil de prud'hommes de Troyes a renvoyé à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 14-2 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire ; qu'en prévoyant la possibilité pour l'employeur de licencier sans préavis une personne non vaccinée et le remboursement par l'État de l'indemnité de congédiement, si aucun autre poste ne peut être proposé, le législateur monégasque a établi une contrainte excessive et totalement disproportionnée portant atteinte au droit au respect de la vie privée ;

Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 26 janvier 2022, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de la requérante aux entiers dépens ;

Attendu que le Ministre d'État expose que le 30 janvier 2020, le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé déclarait une urgence de santé publique de portée internationale ; qu'en mars 2020, des mesures exceptionnelles ont été prises par le Gouvernement Princier pour lutter contre l'une des plus graves crises que la Principauté a eu à connaître depuis la seconde guerre mondiale, liée à la propagation du coronavirus ; que depuis, se sont succédées plusieurs vagues de contaminations ; qu'au 22 juillet 2021, 2.744 personnes résidant à Monaco avaient été infectées par le virus SARS-CoV-2 et, parmi elles, 33 sont décédées ; qu'en raison de la multiplication et de la contagiosité de nouveaux variants, la crise sanitaire n'est pas terminée ; que la vaccination contre ce virus protège des formes les plus graves et limite les risques de transmission ; que toutefois, ainsi que l'a relevé l'exposé des motifs du projet de la loi attaquée, « force est de constater que le taux de couverture vaccinale actuelle n'est pas encore assez satisfaisant pour certaines catégories de personnes ayant, du fait de leur activité, des risques particuliers de contamination pour elles-mêmes et pour les personnes vulnérables ou fragiles qu'elles prennent en charge. Par exemple, au 22 juillet 2021, 66,12 % du personnel des établissements de santé ont bénéficié d'une première dose d'un vaccin contre la Covid-19 » ; que, dans ce contexte de crise sanitaire exceptionnelle, le Gouvernement Princier a, dans le souci de préserver la santé publique et notamment celle des personnes vulnérables ou fragiles, déposé un projet de loi afin d'instaurer, à l'instar de plusieurs pays voisins dont la France, une obligation vaccinale de certaines catégories de professionnels ; que les amendements, déposés par la Commission des Intérêts Sociaux et des Affaires Diverses du Conseil National et acceptés par le Gouvernement, ont eu notamment pour objet de définir précisément le champ d'application de l'obligation vaccinale par une liste exhaustive de professionnels concernés, de préciser les cas dans lesquels la personne peut être dispensée de l'obligation vaccinale, d'encadrer les conséquences qui s'attachent à un refus d'une personne de se conformer à l'obligation vaccinale et de fixer un terme à l'application de l'obligation édictée ; que la loi du 20 septembre 2021 est ainsi le fruit d'un consensus politique destiné à répondre de manière strictement proportionnée à une exigence de santé publique et de protection des personnes les plus vulnérables ;

Attendu que le Ministre d'État soutient que le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée n'est pas fondé ; que le Tribunal Suprême admet qu'il soit porté atteinte à ce droit lorsque cette atteinte est prévue par la loi, qu'elle poursuit un but d'intérêt général et qu'elle est strictement proportionnée à cet objectif ; que le Conseil constitutionnel français a estimé, dans sa décision n° 2015-458 QPC du 20 mars 2015, « qu'il est loisible au législateur de définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective ; qu'il lui est également loisible de modifier les dispositions relatives à cette politique de vaccination pour tenir compte de l'évolution des données scientifiques, médicales et épidémiologiques ; que, toutefois, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances scientifiques, les dispositions prises par le législateur ni de rechercher si l'objectif de protection de la santé que s'est assigné le législateur aurait pu être atteint par d'autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l'objectif visé » ; que dans l'affaire dont cherche à se prévaloir l'Union requérante, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé qu'une obligation vaccinale poursuit des buts légitimes de protection de la santé et de protection des droits d'autrui et répond à un besoin social impérieux ; que cette ingérence est admise si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi ; que, dans sa décision n° 419242 du 6 mai 2019, le Conseil d'État a également écarté l'exception d'inconventionnalité de la loi en application de laquelle le nombre de vaccins obligatoires avait été porté de trois à onze en estimant que « les dispositions législatives critiquées ont apporté au droit au respect de la vie privée une restriction justifiée par l'objectif poursuivi d'amélioration de la couverture vaccinale pour, en particulier, atteindre le seuil nécessaire à une immunité de groupe au bénéfice de l'ensemble de la population, et proportionnée à ce but » ; qu'en définitive, en matière vaccinale, le juge constitutionnel ne saurait substituer son appréciation à celle du législateur ; qu'il lui incombe seulement de vérifier que les restrictions posées à l'exercice d'une liberté ne sont pas disproportionnées par rapport à l'objectif poursuivi par la loi qui les établit ;

Attendu que les dispositions critiquées ont été adoptées dans le souci d'apporter une réponse proportionnée à une circonstance exceptionnelle ; que l'obligation instaurée par la loi du 20 septembre 2021 répond à l'objectif d'intérêt général de protection de la santé publique, et notamment des soignants et des personnes vulnérables dont elles ont la charge ; que la circonstance, invoquée par l'Union requérante, selon laquelle les personnes vaccinées peuvent être porteuses du virus et contagieuses ne remet pas en cause cet objectif ; qu'il s'agit de protéger le droit à la vie et le droit à la santé des personnes soumises à l'obligation vaccinale et des individus pris en charge par ces personnes, la COVID-19 pouvant tuer ou avoir des effets extrêmement graves sur la santé, mais également l'intérêt général, en évitant que des services essentiels, comme ceux assurés par les professionnels de santé, ne puissent plus être assurés parce que leurs effectifs auraient été réduits par la COVID-19 ; qu'ainsi que l'a rappelé l'exposé des motifs du projet de loi, dans un contexte de développement de variants à la dangerosité plus élevée et de résultats de nombreuses études scientifiques attestant de ce que la vaccination protège des formes graves et diminue les risques de contamination, la nécessité d'obtenir un taux de couverture vaccinale le plus élevé possible s'impose ; que la vaccination permet de réduire, chez les personnes vaccinées, le risque de contaminer autrui ; que le fait que la vaccination obligatoire des soignants satisfasse un objectif d'intérêt général a d'ailleurs été admis par les plus hautes juridictions françaises dans le cadre de la lutte contre la pandémie liée au coronavirus ; que le Conseil d'État a jugé que la loi du pays de Polynésie française du 23 août 2021 relative à la vaccination obligatoire dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire a « apporté au respect de la vie privée une restriction justifiée par l'objectif d'amélioration de la couverture vaccinale en vue de la protection de la santé publique, et proportionnée à ce but » ; qu'il a estimé que, « d'une part, l'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. Celle-ci prend la forme de vagues soudaines, difficiles à prévenir et entraînant dans un délai très bref des conséquences particulièrement graves, y compris un nombre significatif de décès et la saturation des capacités hospitalières. Ce risque s'est aggravé avec l'apparition d'un nouveau variant, encore plus contagieux, comme en témoigne la crise que la Polynésie française a connue à l'été 2021. En l'état des connaissances disponibles, la vaccination réduit de 95 % le risque d'hospitalisation, les risques de circulation du virus sont réduits lorsqu'une personne est vaccinée et il ressort des travaux préparatoires de la » loi du pays « que la très grande majorité des personnes admises dans un service de réanimation ou décédées n'étaient pas vaccinées. Le niveau de la vaccination, en l'absence d'obligation, n'était pas suffisant pour stopper des vagues épidémiques, qui n'ont pu l'être que par des mesures restreignant, notamment, l'exercice de la liberté d'aller et venir » ; qu'il a retenu, d'autre part, que « les vaccins font l'objet d'une autorisation conditionnelle de mise sur le marché. Or en vertu du règlement (CE) n° 507/2006 de la Commission du 29 mars 2006 relatif à l'autorisation de mise sur le marché conditionnelle de médicaments à usage humain relevant du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, celle-ci ne peut être accordée que si le rapport bénéfice/risque est positif. Il ressort des pièces du dossier que les cas d'effets secondaires allégués sont trop rares ou trop mal établis pour compenser les bénéfices de la vaccination. L'agence européenne du médicament procède à un contrôle strict des vaccins afin de garantir que ces derniers répondent aux normes européennes en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité et soient fabriqués et contrôlés dans des installations agréées » ; que ces considérations s'appliquent en tous points à la situation monégasque ;

Attendu que le Ministre d'État estime, ensuite, que l'obligation vaccinale instaurée par la loi litigieuse, justifiée par l'objectif de protection de la santé publique, est d'autant plus proportionnée au but légitime qu'elle poursuit qu'elle vise certaines catégories de personnes seulement et qu'elle a vocation à s'appliquer pour une durée limitée ; que, d'une part, la loi énumère expressément et de manière exhaustive les personnes soumises à l'obligation vaccinale, l'article 2 exemptant notamment de cette obligation les personnes faisant l'objet d'une contre-indication médicale ; que sont exclusivement concernés les membres du personnel des établissements énumérés et les personnes exerçant l'une des six professions de santé (médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, pharmacien ou préparateur en pharmacie, auxiliaire médical, ostéopathe) auxquelles s'ajoutent les personnes exerçant leur activité auprès de ces établissements ou professionnels de santé ; que seuls ceux susceptibles d'être « en contact direct » avec les patients sont concernés par l'obligation vaccinale, dont le champ d'application est ainsi strictement délimité ; que le fait d'imposer une obligation vaccinale a déjà été prévu comme une condition préalable à l'exercice des professions concernées par la loi n° 882 du 29 mai 1970 ; que, d'autre part, si l'obligation vaccinale contre la COVID-19 n'a pas été instituée dans le cadre de la loi n° 882, c'est parce qu'elle fixe une obligation temporaire, à durée limitée ; qu'en effet, l'article 8 de la loi attaquée prévoit que l'obligation s'applique pendant une durée de dix-huit mois suivant son entrée en vigueur et précise que cette obligation peut cesser de s'appliquer avant l'expiration de cette durée, dès lors que les mesures exceptionnelles de lutte contre l'épidémie relatives à la mise en quarantaine ou à l'isolement des personnes prises par le Ministre d'État, prévues par la décision ministérielle du 24 février 2020, modifiée, cessent de produire effet ;

Attendu que le Ministre d'État fait valoir, en outre, que l'Union requérante n'est pas fondée à soutenir que les vaccins contre la COVID-19 présenteraient un caractère expérimental et que l'obligation en litige aurait pour effet d'autoriser une expérimentation vaccinale à grande échelle inédite ; que cette argumentation procède d'une confusion entre les notions d'autorisation de mise sur le marché conditionnelle et d'expérimentation ; que l'autorisation de mise sur le marché conditionnelle est prévue par des textes européens pour répondre, en situation d'urgence, à des menaces pour la santé publique dûment reconnues soit par l'Organisation mondiale de la santé, soit par la Communauté européenne ; que si les délais d'instruction des demandes d'autorisation sont réduits, l'Agence européenne du médicament veille à garantir la sécurité, seuls étant autorisés dans ce cadre les vaccins dont les données disponibles indiquent que les bénéfices l'emportent sur les risques ; qu'ainsi que l'a souligné la doctrine, les personnes qui administrent ces vaccins comme celles qui les reçoivent ne sont nullement impliquées dans une expérimentation clinique ; qu'à cet égard, le Conseil d'État français a eu l'occasion d'écarter le moyen tiré du caractère expérimental des vaccins en jugeant qu'il « ressort des pièces du dossier que tous les vaccins contre la covid-19 autorisés par le gouvernement de la Polynésie française ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché par l'Agence européenne du médicament. Il ne peut pas être sérieusement contesté que cette dernière autorisation est toujours en vigueur. Si l'autorisation est conditionnelle, il ne s'ensuit pas pour autant que la vaccination obligatoire aurait le caractère d'une expérimentation médicale ou d'un essai clinique, lesquels au surplus obéissent à d'autres fins. Sont donc inopérants les moyens tirés de ce que la » loi du pays « contestée méconnaîtrait les règles et principes auxquels sont subordonnés de tels essais ou expérimentations, notamment et en tout état de cause ceux de la convention sur les droits de l'homme et la biomédecine signée à Oviedo le 4 avril 1997 » (CE, 10 décembre 2021, n° 456004) ; que cette solution est parfaitement transposable à la situation monégasque dont la législation est identique à celle de la France en la matière ;

Attendu que les vaccins qui sont administrés à Monaco sont uniquement ceux qui ont reçu une autorisation de mise sur le marché conformément aux dispositions du droit commun régissant ce type d'autorisation et prévues par l'article 2 de l'Ordonnance Souveraine n° 15.712 du 3 mars 2003 relative à la mise sur le marché des médicaments à usage humain ; que le respect de ces exigences de droit commun a été rappelé par la décision ministérielle du 30 décembre 2020 relative à la vaccination contre la COVID-19, prise en application de l'article 65 de l'Ordonnance Souveraine n° 6.387 du 9 mai 2017 relative à la mise en œuvre du Règlement Sanitaire International (2005) en vue de lutter contre la propagation internationale des maladies ; que l'affirmation selon laquelle la loi attaquée imposerait une obligation vaccinale dans un contexte d'expérimentation médicale est donc erronée ;

Attendu, par ailleurs, que selon le Ministre d'État, l'Union requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que l'obligation vaccinale porterait atteinte au « consentement libre et éclairé » des personnes concernées ; qu'en effet, la loi attaquée ne prévoit aucune exécution forcée de l'obligation vaccinale ; qu'il ne résulte pas des dispositions de la loi attaquée que la personne qui ne respecterait pas l'obligation vaccinale doit être licenciée ou doit voir son autorisation d'exercer abrogée ; que la loi impose seulement que la personne soit suspendue de ses fonctions ou que son autorisation d'exercer soit suspendue, et ce aussi longtemps qu'elle ne se soumet pas à l'obligation vaccinale et dans la limite de la durée légale de cette obligation ; que tout en fixant le principe d'une obligation vaccinale, le législateur a veillé à protéger les droits des personnes concernées ; que nonobstant la possibilité de prendre des jours de congés payés ou de repos compensateur pour retarder la suspension, la loi prévoit pour la personne n'exerçant pas sa profession à titre libéral ou indépendant, pendant les quatre premières semaines de sa suspension, non seulement le maintien, sans contrepartie, de la moitié de sa rémunération, mais également l'interdiction de la licencier au motif de son refus de se faire vacciner ; que la loi prévoit que le licenciement n'est pas possible entre le début de la cinquième semaine de suspension et la fin de la douzième semaine de suspension si cette personne s'y oppose ; que le rapport de la Commission des Intérêts Sociaux et des Affaires Diverses du Conseil National sur le projet de loi relève que « parce que pour de nombreuses personnes, le licenciement pourrait apparaître comme une solution moins préjudiciable que le maintien en suspension sans rémunération, le texte amendé propose d'encadrer cette possibilité, en la rendant acceptable pour l'employeur, par la prise en charge, par l'État, sous certaines conditions, de l'indemnité de congédiement due par l'employeur. En effet, ces mesures sont prises dans l'intérêt général, pour une cause de santé publique et imposées par l'État aux employeurs (…) Le texte permet ainsi, sauf si la personne s'y oppose, de procéder à son licenciement, afin que celle-ci puisse, d'une part, percevoir des indemnités chômage et, d'autre part, rechercher un nouvel emploi » ; que par ailleurs, l'article 6 de la loi prévoit que l'employeur ne peut prononcer aucune sanction disciplinaire fondée sur une absence de vaccination contre la COVID-19 ; que contrairement à ce que soutient l'Union requérante, le fait pour une personne d'exercer, sans être vaccinée, une profession soumise à une obligation vaccinale en application de la loi n° 882 du 29 mai 1970 n'est pas seulement puni par une amende ; qu'en cas de non-respect de l'obligation vaccinale, son autorisation d'exercer doit être abrogée ou son employeur est tenu de le licencier dès lors qu'il ne remplit pas les conditions de recrutement ; que la Cour de cassation française a regardé comme une cause réelle et sérieuse de licenciement le refus d'un employé des pompes funèbres de se faire vacciner contre l'hépatite B, conformément à la réglementation en vigueur (Soc., 11 juillet 2012, n° 10-27.888) ;

Attendu que le Ministre d'État fait également valoir que, contrairement à ce que soutient la requérante, les personnes concernées ne sont pas dans l'obligation de révéler ou de prouver à leur employeur qu'elles ont un schéma vaccinal complet ou qu'elles ont contracté la maladie ; qu'en vertu de l'article 3 de la loi, lorsqu'elle ne souhaite pas les transmettre elle-même à son employeur, la personne peut transmettre le document attestant qu'elle a effectué un schéma vaccinal complet, le certificat de rétablissement ou le certificat de contre-indication à l'Office de la Médecine du Travail, qui informe sans délai l'employeur de la satisfaction de l'obligation prévue par la loi ; qu'ainsi que le précise le rapport de la Commission des Intérêts Sociaux et des Affaires Diverses du Conseil National, l'Office ne précisera pas à l'employeur si la personne dispose d'un schéma vaccinal complet ou d'un certificat de rétablissement et, dans l'hypothèse d'une contre-indication médicale à la vaccination, l'employeur ne pourra connaître la raison précise de cette contre-indication ;

Attendu que le Ministre d'État relève, enfin, que la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par la requérante a été déclarée irrecevable par la Cour de cassation française (Soc., 15 décembre 2021, n° 21-40.021) ; que le régime de suspension prévu par la loi française du 5 août 2021 en cas d'inobservation de l'obligation vaccinale prévue pour certains professionnels de santé est, en réalité, plus sévère que celui mis en place dans la Principauté dans la mesure, notamment, où la suspension ne s'accompagne d'aucun maintien, même temporaire, de la rémunération ; que dans sa décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021, le Conseil constitutionnel n'a pas censuré le principe d'une obligation vaccinale de certains professionnels contre la COVID-19 mais a considéré « qu'en prévoyant que le défaut de présentation d'un » passe sanitaire « constitue une cause de rupture des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leur contrat de travail qui est sans lien avec l'objectif poursuivi » ; que si le législateur français a entendu exclure que la méconnaissance de l'obligation vaccinale puisse constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement d'un salarié, la loi du 5 août 2021 n'interdit nullement de licencier la personne qui refuserait de se soumettre à cette obligation ; que le droit commun doit trouver à s'appliquer, d'autant plus que l'impossibilité de mettre fin à la relation de travail, par un licenciement, une démission ou une rupture conventionnelle, pourrait être préjudiciable à l'intéressé qui ne perçoit aucune rémunération pendant sa suspension ;

Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 9 février 2022, par laquelle l'UNION DES SYNDICATS DE MONACO tend aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Attendu que l'UNION DES SYNDICATS DE MONACO ajoute que si le Ministre d'État invoque des décisions de juridictions françaises, dont l'examen n'est pas dénué d'intérêt, elles ne peuvent trouver application par le Tribunal Suprême qui demeure libre et indépendant ; que le texte de la loi française n'est pas le même que celui de la loi attaquée ; que la superficie de la Principauté de Monaco n'est pas la même que celle de la France et qu'il convient de prendre en compte dans l'examen de la proportionnalité ; que les décisions citées par le Ministre d'État concernent des maladies distinctes de la COVID-19 et des vaccins élaborés sur un plus long terme avec des technologies connues ; que les vaccins reposant sur la technologie de l'ARN messager, arrivés sur le marché en seulement un an, ont logiquement suscité des craintes et des questions ; qu'il s'agit, avec ces vaccins, de faire produire les fragments d'agents infectieux directement par les cellules de l'individu vacciné ; que, pour cela, ce n'est pas le virus dans sa forme atténuée qui est injecté mais seulement l'information, sous la forme de molécules d'ADN ou d'ARN, permettant de produire les antigènes de l'agent pathogène ; qu'ainsi, il s'agit ici de déterminer si le fait d'imposer l'administration d'un vaccin à la technologie nouvelle et sous autorisation conditionnelle était bien une violation du droit au respect de la vie privée ; qu'il a été dénombré 37.139 effets indésirables du vaccin contre la tuberculose sur une période d'inoculation de 53 ans et 1.339 effets indésirables du vaccin contre l'hépatite B sur une période de 42 ans ; que s'agissant des vaccins à ARN messager contre la COVID-19, il a été recensé 3.206.437 effets indésirables sur une période d'un an, soit cent fois plus que pour les vaccins classiques durant cinquante ans ; qu'il est avéré que les vaccins à ARN messager entrainent des effets secondaires, dont certains sont graves ; que le principe de précaution aurait dû prévaloir ; que le rapport de proportionnalité n'est donc pas respecté au cas présent ; qu'il n'est pas certain qu'une personne vaccinée est porteuse d'une charge virale moindre ; que si le Ministre d'État se fonde sur la décision du 23 aout 2021 du Conseil d'État français relative à la Polynésie française, la situation géographique de la Polynésie est différente de celle de la Principauté ;

Attendu que l'Union requérante fait valoir également que si la loi prévoit que l'obligation vaccinale s'applique pendant une durée de dix-huit mois, cette période est susceptible d'être reconduite et l'injection de trois doses, elle, ne présente pas de caractère temporaire ; qu'en outre, la liste des personnes concernées est conséquente et n'est pas limitative ; qu'il y a lieu de s'interroger sur la nécessité d'avoir prévu que l'obligation vaccinale est également applicable aux personnes dans l'impossibilité temporaire d'exercer leurs fonctions par suite de maladie dûment constatée ;

Attendu que l'Union requérante précise que si le salarié concerné peut s'opposer à son licenciement, une situation dans laquelle il ne peut plus travailler et n'a plus de rémunération n'est pas tenable sur le long terme ; que la forme de l'opposition n'est pas définie par le texte ; qu'il est difficilement admissible de soutenir que le licenciement peut être une solution moins préjudiciable que le maintien de la rémunération sans suspension ; qu'en effet, la perte de son emploi, dans n'importe quel contexte, s'avère être une épreuve et d'autant plus dans un contexte de refus de se soumettre à une obligation vaccinale ; que les mesures protectrices évoquées par le Ministre d'État ne sont que de simples artifices ; que la suspension des fonctions avec privation de la rémunération, équivalente à une mise à pied disciplinaire, a bien le caractère d'une sanction ; que le fait de perdre son poste ou d'accepter son licenciement pour défaut de vaccination a également le caractère d'une sanction ;

Attendu, enfin, que, selon l'Union requérante, le Ministre d'État se contente d'effectuer des parallèles avec la France et ne se fonde pas sur des données concrètes permettant d'apprécier la situation à Monaco ; que si la question prioritaire de constitutionnalité transmise à la Cour de cassation par le conseil de prud'hommes de Troyes a été déclarée irrecevable, la question n'a pas été tranchée au fond ;

Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 25 février 2022, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;

Attendu qu'il ajoute que l'Union requérante conteste vainement la pertinence des décisions citées ; que le contrôle de proportionnalité opéré par la Cour européenne des droits de l'homme en matière de vaccination obligatoire n'est pas différent de celui exercé par le Tribunal Suprême sur le caractère proportionné des atteintes admissibles au droit au respect de la vie privée et familiale ; que les décisions du Conseil d'État sont relatives à la gestion de l'épidémie liée à la COVID-19 et concernent plus particulièrement la mise en œuvre d'une obligation vaccinale des soignants ;

Attendu que le Ministre d'État fait, ensuite, valoir que la circonstance invoquée par l'Union requérante tenant à ce que les vaccins en cause reposeraient sur une technologie nouvelle et s'accompagneraient de nombreux effets indésirables ne remet pas en cause l'impérieuse nécessité précédemment décrite de protection de la santé publique ; que l'autorisation de mise sur le marché, fût-elle conditionnelle, n'est délivrée que si le médicament ou le vaccin satisfait à l'exigence d'un rapport bénéfice-risque positif ; que les effets secondaires des vaccins contre la COVID-19 n'ont pas été ignorés par les autorités sanitaires ; qu'à l'échelle de la population visée par l'obligation vaccinale, les risques apparaissent bien moindres que les bénéfices attendus pour tous ; que dans le cadre de la campagne de vaccination contre la COVID-19, un dispositif spécifique de surveillance renforcée des effets indésirables des vaccins a été mis en place par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, compétente à Monaco en vertu des dispositions de l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 15.712 du 3 mars 2003 ; que ce dispositif s'intègre dans le plan de gestion des risques coordonné par l'Agence européenne du médicament et destiné à réaliser une évaluation continue de la sécurité des vaccins contre la COVID-19 afin d'être en capacité de s'assurer de leur innocuité ou de prendre rapidement les mesures qui s'imposeraient ; qu'à ce titre, ont été décidées des restrictions d'indication pour les vaccins à adénovirus d'AstraZeneca et de Janssen ; qu'une synthèse bimensuelle des effets indésirables recensés pour tous les types de vaccins autorisés contre la COVID-19 est publiée sur le site de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ; que le dernier bulletin disponible relève que la majorité des effets indésirables du vaccin Pfizer utilisé à Monaco « sont attendus et non graves » ; qu'en se bornant à dénoncer l'existence de rares effets secondaires, l'Union requérante ne remet pas en cause l'existence d'un rapport bénéfice-risque positif ; qu'elle tire des conclusions erronées de l'analyse de la base de données de l'Organisation mondiale de la santé ; que les données citées ne peuvent être comparées dans la mesure où le nombre total de personnes vaccinées pour chaque vaccin n'est pas connu ; que les chiffres évoqués au sujet de l'hépatite B ne sont pas davantage pertinents dans la mesure où ils concernent les immunoglobulines antihépatite B et non les vaccins contre l'hépatite B ; que, pour le vaccin autorisé contre l'hépatite B, les occurrences d'effets indésirables sont de 106.051 et non de 1.339 comme indiqué dans la réplique ; qu'en outre, la base de données de l'Organisation mondiale de la santé ne permet pas de différencier les vaccins contre la COVID-19 alors qu'elle a autorisé plus de vaccins que l'Agence européenne du médicament ; que l'affirmation de la requérante selon laquelle les plus de trois millions d'effets indésirables recensés sur la base concerneraient uniquement des vaccins à ARN messager est donc inexacte ;

Attendu que le Ministre d'État précise, par ailleurs, que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'énumération des personnes visées à l'article 1er de la loi attaquée présente un caractère exhaustif et limitatif ; que toute personne non expressément visée par cette disposition n'est pas soumise à l'obligation vaccinale ; que, par ailleurs, le législateur a entendu distinguer les personnes en arrêt maladie de courte durée, ayant donc vocation à reprendre le travail à plus ou moins brève échéance, et les personnes éloignées durablement de l'exercice de leurs fonctions ;

Attendu, en outre, que selon le Ministre d'État, si les délais d'instruction des demandes d'autorisation sont réduits, l'Agence européenne du médicament veille à garantir la sécurité ; que seuls sont autorisés dans ce cadre les vaccins dont les données disponibles indiquent que les bénéfices l'emportent sur les risques ; que dès lors, il ne saurait être déduit du caractère conditionnel des autorisations, inhérent à la situation d'urgence liée à la pandémie, l'impossibilité de rendre obligatoire la vaccination ;

Attendu que le Ministre d'État précise, enfin, que le licenciement n'est possible entre le début de la cinquième semaine de suspension et la fin de la douzième semaine de suspension si la personne concernée s'y oppose ; que le licenciement, à la différence de la suspension sans rémunération, permet à la personne de percevoir des indemnités chômage et de rechercher un nouvel emploi ;

SUR CE,

Vu la loi attaquée ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 22 et 90 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 1.254 du 12 juillet 2002 sur le médicament à usage humain ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 15.712 du 3 mars 2003 relative à la mise sur le marché des médicaments à usage humain ;

Vu l'Ordonnance du 25 novembre 2021 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Didier RIBES, Vice-président, comme rapporteur ;

Vu l'Ordonnance du 25 novembre 2021 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a réduit les délais de production des réplique et duplique ;

Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en chef en date du 10 mars 2022 ;

Vu l'Ordonnance du 7 avril 2022 modifiée, par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 17 mai 2022 ;

Ouï Monsieur Didier RIBES, Vice-président du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Aurélie SOUSTELLE, Avocat au barreau de Nice, pour l'UNION DES SYNDICATS DE MONACO ;

Ouï Maître Jacques MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï Monsieur le Procureur Général adjoint en ses conclusions par lesquelles il s'en remet à la sagesse du Tribunal Suprême ;

La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;

APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ

1. Considérant que l'UNION DES SYNDICATS DE

MONACO demande, sur le fondement du 2° du A de l'article 90 de la Constitution, l'annulation de la loi du 20 septembre 2021 relative à l'obligation vaccinale contre la Covid-19 de certaines catégories de personnes ;

2. Considérant que l'article 22 de la Constitution dispose :

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et au secret de sa correspondance » ; que le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Constitution implique de ne pas soumettre une personne à des mesures méconnaissant sa liberté personnelle ou affectant, de manière injustifiée ou contraire à sa volonté, son intégrité physique ; qu'il est loisible au législateur d'apporter à ce droit des limitations justifiées par l'intérêt général à la condition qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi ;

3. Considérant, tout d'abord, que la loi du 20 septembre 2021 soumet à une obligation vaccinale contre la Covid-19 un ensemble de catégories de personnes, notamment les personnels des établissements de soins ou de santé, ceux des établissements, services ou organismes ayant pour mission spécifique d'accueillir, d'encadrer ou d'héberger des personnes âgées d'au moins soixante ans, des personnes dépendantes ou des personnes handicapées, ainsi que les professionnels exerçant une activité d'aide à domicile auprès de ces personnes, les personnes exerçant la profession de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, pharmacien ou préparateur en pharmacie, auxiliaire médical ou ostéopathe ainsi que les personnels non soignants exerçant auprès de ces dernières lorsqu'ils sont en contact direct avec les patients, les militaires du corps des sapeurs-pompiers ainsi que les personnes assurant une activité de transport sanitaire ; que l'obligation vaccinale est respectée lorsque la personne justifie d'un schéma vaccinal complet au moyen du justificatif approprié ; que sont toutefois dispensées de l'obligation vaccinale les personnes qui présentent soit un certificat de confirmation de contre-indication médicale à la vaccination contre la Covid-19 délivré par un comité de médecins sur la base d'un certificat médical précisant et justifiant une contre-indication à cette vaccination temporaire ou définitive, soit un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par le virus SARS-CoV-2 en cours de validité ; que les personnes titulaires d'un certificat de confirmation de contre-indication médicale à la vaccination contre la Covid-19 doivent observer des mesures sanitaires renforcées prévues par arrêté ministériel, peuvent, avec leur accord, être affectées temporairement sur un autre poste et, lorsqu'elles exercent à titre libéral ou indépendant, doivent informer leurs patients ou leurs clients de leur contre-indication médicale à la vaccination contre la Covid-19 ; qu'en vertu de la loi attaquée, l'obligation vaccinale contre la Covid-19 est applicable pendant une durée de dix-huit mois suivant l'entrée en vigueur de la loi, prévue le 30 octobre 2021, et prend fin de manière anticipée dès lors que les mesures exceptionnelles de lutte contre l'épidémie de Covid-19 relatives à la mise en quarantaine ou à l'isolement des personnes prises par le Ministre d'État, prévues par la décision ministérielle du 24 février 2020, modifiée, cessent de produire effet ;

4. Considérant, ensuite, qu'en vertu de la loi attaquée, toute personne soumise à l'obligation vaccinale contre la Covid-19 est tenue d'informer son employeur, dans les sept jours de la demande de celui-ci, du fait qu'elle y a satisfait ou n'y est pas soumise en justifiant, le cas échéant, de son schéma vaccinal complet ou de l'une des dispenses légales ; que lorsqu'elle ne souhaite pas transmettre elle-même ces informations à son employeur ou au directeur de la structure au sein de laquelle elle exerce sans y être employée, la même loi ouvre la faculté à la personne concernée de transmettre le document attestant qu'elle a effectué un schéma vaccinal complet, le certificat de rétablissement ou le certificat de contre-indication, selon le cas, à l'Office de la Médecine du Travail ou au Directeur de l'action sanitaire, qui informe l'employeur, sans délai, de la satisfaction de l'obligation vaccinale telle que définie par la loi ;

5 Considérant, enfin, que lorsqu'une personne soumise à l'obligation vaccinale ne justifie pas de son respect, elle est, par l'effet de la loi attaquée, suspendue de ses fonctions ; que son employeur lui notifie cette suspension légale par tout moyen et, lorsque cette suspension se prolonge pendant plus d'une semaine, la convoque à un entretien afin d'examiner avec elle sa situation ; que lorsque la personne exerce son activité professionnelle à titre libéral ou indépendant, elle fait l'objet d'une suspension administrative de son activité ; que la loi attaquée prévoit que la rémunération de la personne salariée est maintenue à cinquante pour cent durant les quatre premières semaines de la suspension ; que les sommes versées pour le paiement de la rémunération ainsi maintenue et des cotisations sociales y afférentes sont remboursées à l'employeur par l'État ; qu'à l'expiration de la période de quatre semaines, aucune rémunération n'est maintenue ; qu'en revanche, la suspension n'emporte pas, pendant les douze premières semaines de suspension, la suspension des prestations en nature de l'assurance maladie, des prestations familiales, des avantages sociaux, des allocations ou des pensions auxquels la personne ouvre droit, pour elle-même et ses ayants droits, à la date de sa suspension ; que, pendant les quatre premières semaines de suspension, aucun licenciement ne peut être prononcé en raison de l'incapacité à occuper le poste de travail du fait du non-respect de l'obligation vaccinale ; qu'à l'expiration de ce délai et jusqu'à l'expiration d'un délai de douze semaines de suspension, l'employeur peut, sauf si la personne s'y oppose, selon les cas, soit prononcer son licenciement, sans préavis, à la condition qu'il soit dans l'impossibilité de lui proposer un autre poste, soit prononcer sa mutation d'office dans un poste qui n'est pas soumis à l'obligation vaccinale ou, à défaut, sa mise à la retraite lorsque ses droits à la retraite sont ouverts ; qu'en cas de licenciement, le paiement de l'indemnité de congédiement est remboursé à l'employeur par l'État ; que lorsque la suspension se prolonge au-delà de douze semaines, en l'absence de dispositions spécifiques prévues par la loi attaquée, sont applicables les dispositions générales régissant le licenciement et la démission des personnes concernées ; que la suspension prend fin de plein droit lorsque la personne justifie du respect de l'obligation vaccinale telle que définie par la loi attaquée ; que la loi interdit que soit prononcée une sanction disciplinaire fondée sur une absence de vaccination contre la Covid-19 ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'en instituant une obligation vaccinale à l'égard des professionnels énumérés ci-dessus à compter du 30 octobre 2021, le législateur a entendu, dans un contexte de progression rapide de l'épidémie de Covid-19 accompagné de l'émergence de nouveaux variants plus contagieux et compte tenu d'un niveau encore incomplet de couverture vaccinale de certains professionnels de santé, d'une part, protéger les personnes qu'ils prennent en charge et qui, eu égard à leur âge, leur état de santé ou leur handicap, sont particulièrement vulnérables et exposées, en cas de contamination, aux formes les plus graves de la maladie et, d'autre part, garantir la continuité de la prise en charge de ces personnes et le bon fonctionnement des établissements de santé ou de soins ; qu'il a ainsi poursuivi un but d'intérêt général ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des écritures du

Ministre d'État que le législateur s'est fondé sur des études scientifiques attestant que la vaccination contre la Covid-19 réduit de manière considérable le risque de développer des symptômes graves et permet de limiter les risques de contamination ; qu'ainsi, compte tenu de l'évolution de la situation épidémiologique et en l'état des connaissances scientifiques et médicales disponibles, l'institution, par la loi du 20 septembre 2021, d'une obligation de vaccination contre la Covid-19 des personnels de santé et assimilés ne peut être regardée comme inadéquate ;

8. Considérant, en troisième lieu, que le législateur a défini de manière limitative les catégories de professionnels soumises à l'obligation vaccinale en se fondant sur les risques particuliers liés à leur activité dans le contexte d'une crise sanitaire majeure ; qu'il a expressément dispensé de cette obligation les personnes qui justifient d'une contre-indication médicale ainsi que les personnes disposant d'un certificat de rétablissement pendant sa durée de validité ; que l'obligation vaccinale est, en outre, strictement limitée dans le temps ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que ne peuvent être administrés à Monaco que des vaccins qui ont reçu une autorisation de mise sur le marché conformément aux dispositions de l'Ordonnance Souveraine n° 15.712 du 3 mars 2003 relative à la mise sur le marché des médicaments à usage humain ; qu'il ressort des pièces du dossier que les vaccins contre la Covid-19 autorisés par le Gouvernement Princier font l'objet d'une autorisation de mise sur le marché par l'Agence européenne du médicament ; que si cette autorisation est conditionnelle, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les vaccins utilisés constitueraient des médicaments expérimentaux et que la vaccination obligatoire aurait le caractère d'un essai clinique ; qu'en effet, si les délais d'instruction sont réduits, une autorisation de mise sur le marché conditionnelle ne peut être accordée que si les bénéfices l'emportent sur les risques ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en l'état des connaissances scientifiques, la vaccination contre la Covid-19 n'est susceptible de provoquer, sauf dans des cas très rares, que des effets indésirables mineurs et temporaires ; que les autorités compétentes, notamment l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, compétente en Principauté en application des dispositions de l'Ordonnance Souveraine n° 15.712 du 3 mars 2003, sont chargées de réaliser une évaluation continue de la sécurité des vaccins contre la Covid-19 ;

10. Considérant, en outre, qu'il n'est pas contesté que les personnes concernées ont accès aux données médicales et scientifiques disponibles sur les vaccins contre la Covid-19, leur efficacité et leurs éventuels effets secondaires ;

11. Considérant, en cinquième lieu, d'une part, que les dispositions critiquées n'imposent pas que le motif de contre-indication à la vaccination contre la Covid-19 soit précisé sur le certificat de contre-indication remis à l'employeur ou au directeur de la structure au sein de laquelle la personne exerce ; que, d'autre part, l'information communiquée par l'Office de la Médecine du Travail ou le Directeur de l'action sanitaire ne doit pas préciser si la personne concernée dispose d'un schéma vaccinal complet ou d'un certificat de rétablissement ; que dans ce dernier cas, il appartient à l'Office de la Médecine du Travail ou au Directeur de l'action sanitaire de s'assurer du respect par la personne concernée de l'obligation vaccinale à l'issue de la période de validité du certificat et, le cas échéant, d'informer l'employeur ou le directeur de la structure au sein de laquelle elle exerce du non-respect de cette obligation ;

12. Considérant, en sixième lieu, que la loi attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de contraindre les personnes concernées à subir de force un acte médical ; que la loi prévoit, alors même qu'elles ne satisfont pas à une exigence requise pour l'exercice de leur profession, que les personnes qui refusent de se faire vacciner contre la Covid-19 sont suspendues de leurs fonctions et qu'elles ne peuvent être licenciées sans leur accord avant l'expiration d'un délai de douze semaines de suspension ; qu'une telle suspension présente un caractère préventif et non répressif ; que le législateur a, par ailleurs, pris en compte les conséquences de la suspension sur la situation matérielle du salarié en prévoyant le maintien de la moitié de sa rémunération durant les quatre premières semaines et le bénéfice des prestations sociales pendant les douze premières semaines de suspension ; qu'en outre, l'employeur ne peut licencier un salarié refusant la vaccination contre la Covid-19 que s'il établit, sous le contrôle du juge, être dans l'impossibilité de lui proposer un autre poste ; qu'en prévoyant, enfin, que le salarié peut être licencié avec son accord à l'expiration d'un délai de quatre semaines et jusqu'à l'expiration d'un délai de douze semaines, que ce licenciement n'est pas assorti d'un préavis et que le paiement de l'indemnité de congédiement est remboursé à l'employeur, le législateur a entendu permettre au salarié qui ne souhaite pas se faire vacciner de ne pas demeurer durablement sans rémunération et, à défaut de pouvoir de nouveau occuper son poste, de bénéficier de l'indemnisation du chômage pendant la période de recherche d'un nouvel emploi ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions de la loi du 20 septembre 2021 apportent au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes concernées une restriction qui est, dans les circonstances exceptionnelles de la pandémie de Covid-19, justifiée par les besoins de protection de la santé publique et qui n'est pas disproportionnée au but poursuivi ; que dès lors, l'UNION DES SYNDICATS DE MONACO n'est pas fondée à en demander l'annulation ;

Dispositif🔗

DÉCIDE

Article 1er🔗

Sous la réserve énoncée au considérant n° 11, la requête de l'UNION DES SYNDICATS DE MONACO est rejetée.

Article 2🔗

Les dépens sont mis à la charge de l'UNION DES SYNDICATS DE MONACO.

Article 3🔗

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État

Composition🔗

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Président, Didier RIBES, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Vice-président, rapporteur, Philippe BLACHER, Pierre de MONTALIVET, Membres titulaires, et Madame Magali INGALL-MONTAGNIER, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Membre suppléant, et prononcé le trente et un mai deux mille vingt-deux en présence du Ministère public, par Monsieur Didier RIBES, assisté de Madame Sylvie DA SILVA ALVES, Greffier.

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