Tribunal Suprême, 11 juin 2021, Madame E. R. A. c/ État de Monaco
Abstract🔗
Compétence administrative
Recours pour excès de pouvoir - Acte administratif individuel
Commerce et industrie
Loi n° 1.114 du 26 juillet 1991 relative à l'exercice de certaines activités économiques et juridiques - Délivrance de l'autorisation d'exercice - Abrogation de l'autorisation - Décision du Ministre d'État - Recours gracieux - Rejet - Demande d'abrogation de la décision - Rejet - Inexistence de la procédure d'abrogation administrative - Décision entachée d'une erreur de droit - Décision légale (non)
Recours en indemnisation
Absence de lien de causalité avec l'illégalité de la décision attaquée - Rejet du recours
Motifs🔗
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en Assemblée plénière,
Vu la requête, présentée par Madame E. R. A, enregistrée au Greffe Général de la Principauté de Monaco le 20 décembre 2019 sous le numéro TS 2020-05, tendant à l'annulation de la décision du 30 octobre 2019 du Ministre d'État rejetant sa demande d'abrogation de la décision du 10 avril 2019 par laquelle il lui a retiré son autorisation d'exercice d'une activité professionnelle délivrée le 21 février 2012, à la condamnation de l'État à lui verser la somme de 119.900 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi ainsi qu'à sa condamnation aux entiers dépens ;
CE FAIRE :
Attendu que, selon la requête, Madame E. R. A. a été autorisée à exercer, par une décision du 21 février 2012 et en application de l'article 9 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 relative à l'exercice de certaines activités économiques et juridiques, l'activité ayant pour objet « l'achat et la vente de gros, la commission, le courtage, l'exportation en gros de produits cosmétiques sous la marque d'E. R. ; l'achat, la vente de gros, la commission, le courtage, l'exportation et l'importation de tous vêtements et tous accessoires se rattachant à l'habillement en général sous la marque d'E. R. » ; qu'en raison de problèmes de santé, Mme A. a interrompu son activité au cours des années 2015 et 2016 et a déposé en retard certaines déclarations en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ; que, le 26 novembre 2018, elle a été convoquée devant la commission instituée par l'article 10 de la loi du 26 juillet 1991 ; qu'après avoir mis Mme A. à même de présenter ses observations, l'autorité administrative lui a retiré son autorisation d'exercer par une décision du 10 avril 2019 ; que le 27 mai 2019, Mme A. a formé un recours gracieux contre cette décision, lequel a été rejeté par une décision du 29 juillet 2019 ; que, par un courrier du 24 septembre 2019, la requérante a demandé l'abrogation de la décision lui retirant son autorisant d'exercice ; que sa demande a été rejetée par une décision du 30 octobre 2019 ;
Attendu qu'à l'appui de sa requête, Madame A. soutient, tout d'abord, que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation, en méconnaissance de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ; que la décision ne contient pas les raisons de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée ; qu'en effet, la décision reprend les faits et la procédure et indique que Mme A. a formé un recours gracieux à l'encontre de la décision de retrait de son autorisation et que cette décision a été rejetée ; qu'alors que Mme A. a invoqué des faits nouveaux au soutien de sa demande d'abrogation, le Ministre d'État s'est borné à affirmer de manière catégorique que « le droit interne ne connaissant pas de la procédure d'abrogation administrative, seules les voies de recours contentieuses à l'encontre de la décision querellée sont ouvertes » ;
Attendu que la requérante allègue, ensuite, que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit ; que l'abrogation est l'acte par lequel l'administration décide, explicitement ou implicitement, de mettre fin pour l'avenir à l'existence de tout ou partie d'un acte antérieur ; que l'abrogation peut être sollicitée s'il est intervenu un changement dans les circonstances de droit ou de fait, ainsi que l'a jugé le Tribunal Suprême dans une décision du 30 novembre 2009 ; que le Tribunal a reconnu à de nombreuses reprises la faculté de l'Administration d'abroger une de ses décisions ; que, dès lors, en estimant que la procédure d'abrogation administrative était inexistante en droit interne, le Ministre d'État a commis une erreur de droit ;
Attendu, enfin, que Mme A. fait valoir, au soutien de sa demande indemnitaire, qu'elle est créatrice de mode et a déposé sa propre marque ; qu'elle a organisé de nombreux évènements en Principauté ; que si elle a pris acte des motifs de la décision du Ministre d'État rejetant son recours gracieux contre l'abrogation de l'autorisation administrative dont elle bénéficiait, elle a fondé sa demande d'abrogation sur l'élément nouveau tiré de ce qu'elle respecte désormais toutes les dispositions de la loi du 26 juillet 1991 ; qu'en particulier, toutes les déclarations administratives ont été adressées à la Direction des Services Fiscaux ; que l'activité de Mme A. a repris dans le prolongement de sa participation en 2017-2018 à des évènements médiatiques en Principauté ; que son activité a pris son essor à la fin de l'année 2018 lorsque sa collection printemps - été 2019 a été commandée auprès de ses fournisseurs ; que les articles ont été livrés à Mme A. et attendent d'être envoyés à ses clients ; qu'elle reçoit les factures de ses fournisseurs afférentes aux marchandises et créations commandées il y a plusieurs mois et se trouve dans une situation économique très difficile ; qu'en effet, elle ne peut vendre ses articles afin de régler ses fournisseurs ; que les éléments nouveaux depuis le retrait de son autorisation sont, outre le respect des dispositions de la loi du 26 juillet 1991, l'arrivée des collections 2019-2020, les relances de ses clients qui ont passé commande et ne sont pas livrés ainsi que les nombreuses propositions commerciales qu'elle reçoit afin de participer à des défilés ; que, dans le respect de la décision du 10 avril 2019, elle n'a pas livré à ses clients la marchandise commandée plusieurs mois auparavant et refuse les propositions qui lui sont adressées ; que les factures de ses fournisseurs s'élèvent à 66.088,34 euros et le montant des commandes non honorées s'élève à 119.900 euros ; que Mme A. subit ainsi un préjudice financier très important qu'elle évalue à 119.900 euros ;
Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 20 février 2020, par laquelle Ministre d'État conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de Mme A. aux entiers dépens ;
Attendu que le Ministre d'État soutient que le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'un défaut de motivation manque en fait ; qu'en effet, celle-ci est régulièrement motivée tant en droit qu'en fait ; qu'elle énonce que « la décision de retrait de l'autorisation d'exercer en date du 10 avril 2019 et, par suite, la décision de rejet de votre recours gracieux en date du 29 juillet dernier, étant fondées en droit et en fait et le droit interne ne connaissant pas de la procédure d'abrogation administrative, seules les voies de recours contentieuses à l'encontre de la décision querellée sont ouvertes. Il est donc loisible à votre cliente de recourir contre la décision susmentionnée par-devant le Tribunal Suprême, ou procéder au dépôt d'une nouvelle demande d'autorisation d'exercer » ; qu'une telle motivation est très explicite ;
Attendu que le Ministre d'État estime, ensuite, que le moyen d'erreur de droit soulevé par la requérante est inopérant dès lors qu'il vise un membre de phrase isolé de son contexte ; qu'or, ce membre de phrase ne peut pas être interprété en dehors du contexte qui lui donne son sens ; que s'il a refusé de faire droit à la demande d'abrogation, c'est après avoir relevé que ses décisions antérieures étaient fondées en droit comme en fait et que, dans ces conditions, la seule voie de recours contentieux susceptible d'être exercée aurait été celle dirigée contre ces décisions ; que, du fait de son retrait, l'autorisation d'exercice n'existe plus et il n'est plus possible, en droit, d'abroger une décision de retrait d'autorisation ; que, selon le Ministre d'État, il n'a pas dit que la procédure d'abrogation n'existe pas en droit monégasque ; que cela n'aurait pas de sens, alors que la procédure est extrêmement usitée ; qu'en revanche, l'abrogation n'est pas possible lorsque la décision dont l'abrogation est demandée est une décision de retrait ; que, dans un tel cas, le requérant doit présenter une nouvelle demande d'autorisation qui, si elle est acceptée, doit produire les mêmes effets que ceux que Mme A. attendait d'une demande d'abrogation ;
Attendu que le Ministre d'État ajoute qu'à supposer même qu'une abrogation fut techniquement possible, la demande d'abrogation ne pouvait qu'être rejetée en l'absence de circonstances de droit ou de fait nouvelles ; qu'en effet, si Mme A. invoquait dans sa demande d'abrogation, à titre d'éléments nouveaux, la régularisation de ses déclarations de TVA et la reprise de son activité au cours de l'année 2019 qui aurait généré des propositions commerciales et des commandes auxquelles elle n'a pas donné suite, ces circonstances n'ont pas fait disparaître la méconnaissance par la requérante de ses obligations légales et réglementaires en matière fiscale et l'interruption irrégulière de son activité en 2015 et 2016 ;
Attendu que le Ministre d'État fait valoir, enfin, que les conclusions indemnitaires présentées par Mme A. devront être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions à fin d'annulation ; qu'en tout état de cause, elles devront être rejetées, faute pour le préjudice commercial invoqué, tiré de l'impossibilité d'honorer certaines ventes, de présenter un lien de causalité direct avec la décision attaquée ; que les trois ventes non honorées correspondent en effet à des commandes passées en janvier 2018, octobre 2018 et janvier 2019, soit antérieurement à la décision du 10 avril 2019 retirant l'autorisation d'exercice professionnel de Mme A. ; que le préjudice résultant de l'impossibilité d'honorer ces commandes a pour seule origine la décision du 10 avril 2019 et non la décision ultérieure refusant de l'abroger ;
Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 19 mars 2020, par laquelle Mme A. tend aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;
Attendu que la requérante ajoute, sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée, que le Ministre d'État s'est borné à décrire les recours qu'elle a formés et n'a cité aucun texte permettant de justifier le refus qui lui a été opposé ; que, par ailleurs, il n'est fait référence à aucune considération de fait ; que la décision méconnaît ainsi les exigences énoncées par la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 ;
Attendu que Mme A. entend rappeler, en outre, que la décision attaquée indique expressément que « le droit interne ne [connaît] pas de la procédure d'abrogation administrative » ; que si la même décision l'a invité à former un recours contentieux à l'encontre de la décision lui retirant son autorisation, non seulement le délai de recours avait déjà expiré mais elle avait encore précisé dans sa demande d'abrogation qu'elle renonçait au recours contentieux et sollicitait l'abrogation de la décision ; qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 10 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, « la décision privant d'effets ou suspendant les effets d'une déclaration ou d'une autorisation ne peut être prise qu'après avis d'une commission dont la composition et le mode de fonctionnement sont fixés par ordonnance souveraine. Cette décision entraîne, pour l'auteur de la déclaration ou la personne autorisée, pendant le délai imparti, la suspension de la faculté de procéder à toute nouvelle déclaration ou demande d'autorisation pour des activités similaires » ; qu'il résulte de ces dispositions que la loi empêche la personne dont l'autorisation est privée d'effets de solliciter une nouvelle demande d'autorisation pour des activités similaires ; que si l'auteur d'une infraction aux dispositions de la loi du 26 juillet 1991 pouvait déposer une nouvelle demande d'autorisation à chaque suspension ou retrait de son autorisation, les sanctions prévues par cette loi n'auraient plus de raison d'être ; qu'en tout état de cause, le Ministre d'État a commis une erreur de droit en affirmant qu'une décision de retrait d'une autorisation ne pourrait faire l'objet d'une demande d'abrogation au motif que la décision d'autorisation n'existerait plus ; que si une décision de retrait d'une autorisation est annulée par le juge administratif, la décision qui n'existait plus retrouve une existence légale ; qu'il en va de même pour l'abrogation d'une décision de retrait ; que l'autorisation produit alors tous ses effets pour l'avenir ; que le Tribunal Suprême admet que puisse être demandée à l'Administration l'abrogation du retrait d'une carte de séjour ou d'un permis de travail ;
Attendu, par ailleurs, que la requérante ne conteste pas n'avoir pas respecté certaines obligations déclaratives et avoir suspendu son activité mais pour des motifs légitimes ; que lorsqu'elle a demandé l'abrogation de la décision du 10 avril 2019, elle était en règle auprès de l'administration fiscale ; qu'il s'agissait d'un fait nouveau justifiant sa demande pour l'avenir ; que la reprise de son activité et la livraison de ses commandes constituent de même plusieurs faits nouveaux justifiant sa demande ; que le Ministre d'État commet une nouvelle erreur de droit en affirmant que la demande d'abrogation ne peut aboutir au motif que les circonstances nouvelles qu'elle invoque n'effacent pas la situation dans laquelle elle se trouvait ;
Attendu que, sur sa demande indemnitaire, Mme A. précise que son préjudice est postérieur à la décision du 10 avril 2019 ; qu'en effet, ses commandes ont été reçues postérieurement au 10 avril 2019 et elle s'est trouvée dans l'impossibilité de vendre ses articles après cette date ; qu'elle continue à recevoir des offres de participer à des salons auxquelles elle ne peut répondre, faute d'autorisation d'exercer ; que son préjudice commercial lui a été causé, postérieurement à la décision du 10 avril 2019, par le refus du Ministre d'État d'abroger cette décision ; que le lien de causalité est évident dès lors que sans autorisation, elle ne peut ni reprendre, ni développer son activité ;
Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 9 juin 2020, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;
Attendu que le Ministre d'État ajoute qu'il est juridiquement impossible d'abroger une décision à l'encontre de laquelle une demande d'annulation a été précédemment formée, mais rejetée au motif que cette décision était illégale ; que dans ce cas, le demandeur peut soit déférer à la censure du juge de l'excès de pouvoir la décision refusant l'annulation, soit demander une nouvelle autorisation ; qu'ainsi, la décision attaquée est bien motivée ;
Attendu, en outre, que, selon le Ministre d'État, le retrait d'une autorisation a pour effet d'anéantir cette autorisation rétroactivement, de sorte que l'abrogation ultérieure de ce retrait par l'Administration ne pourrait faire revivre une autorisation devenue caduque ; que la jurisprudence du Tribunal Suprême citée par la requérante n'est pas pertinente ; que, par ailleurs, contrairement à ce que cette dernière soutient, les conditions d'une abrogation n'étaient pas réunies en l'absence de changement des circonstances de fait ; que la décision attaquée n'est ainsi entachée d'aucune erreur de droit ;
Attendu que le Ministre d'État maintient, enfin, que les conclusions indemnitaires de Mme A. devront être rejetées ; qu'en effet, une abrogation ne produisant des effets que pour l'avenir, elle n'est ni recevable ni fondée à demander l'indemnisation de préjudices nés antérieurement à sa demande d'abrogation, présentée le 24 septembre 2019 ; qu'elle ne justifie, par ailleurs, d'aucun préjudice certain résultant directement du refus d'abrogation qui lui a été opposé ;
SUR CE,
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment le B de son article 90 ;
Vu l'Ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;
Vu l'Ordonnance souveraine n° 8.019 du 26 mars 2020 portant suspension des délais de recours et de procédure par-devant le Tribunal Suprême pour faire face aux conséquences des mesures prises pour lutter contre la pandémie de virus COVID-19 ;
Vu la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 relative à l'exercice de certaines activités économiques et juridiques ;
Vu la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu l'Ordonnance du 26 décembre 2019 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Stéphane BRACONNNIER, Membre titulaire, comme rapporteur ;
Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en Chef en date du 22 juin 2020 ;
Vu l'Ordonnance du 20 avril 2021 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 27 mai 2021 ;
Ouï Monsieur Stéphane BRACONNIER, Membre titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;
Ouï Maître Christophe BALLERIO, Avocat-Défenseur près la Cour d'appel de Monaco, pour Madame A. ;
Ouï Maître Jacques MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;
Ouï Madame le Procureur Général en ses conclusions tendant au rejet de la requête ;
La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;
APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Madame E. R. A. a été autorisée, par une décision du 21 février 2012 prise sur le fondement de l'article 9 de la loi n° 1.114 du 26 juillet 1991 relative à l'exercice de certaines activités économiques et juridiques, à exercer une activité d'achat et de vente de produits cosmétiques, de vêtements et d'accessoires ; qu'elle a interrompu son activité au cours des années 2015 et 2016 pour des raisons de santé et a déposé avec retard des déclarations en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par une décision du 10 avril 2019, qui évoque de manière impropre le retrait de l'autorisation d'exercice d'une activité économique délivrée à Mme A., le Ministre d'État a abrogé cette autorisation ; que, par une décision du 29 juillet 2019, il a rejeté le recours gracieux formé par Mme A. contre cette décision ; que, par un courrier du 24 septembre 2019, la requérante a renoncé à former un recours pour excès de pouvoir contre la décision du 10 avril 2019 mais en a demandé l'abrogation au motif de circonstances de fait nouvelles ; que par une décision du 30 octobre 2019, le Ministre d'État a rejeté cette demande ; que Mme A. demande au Tribunal Suprême, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 octobre 2019 du Ministre d'État et, d'autre part, l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de cette décision ;
Sur les conclusions à fin d'annulation
Considérant qu'en énonçant, pour rejeter la demande d'abrogation présentée par Mme A., que « le droit interne ne connaissant pas de la procédure d'abrogation administrative, seules les voies de recours contentieuses à l'encontre de la décision querellée sont ouvertes », le Ministre d'État a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, Mme A. est fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque ; que cette annulation, eu égard au motif qui la fonde, n'implique pas l'abrogation demandée par la requérante ; qu'il demeure loisible à cette dernière, si elle s'y croit fondée, de demander à nouveau à l'Administration l'abrogation de la décision du 10 avril 2019 ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation
Considérant que Mme A. fait état, au soutien de sa demande indemnitaire, d'un préjudice économique résultant de l'impossibilité pour elle d'honorer trois commandes passées avant la décision du 10 avril 2019 ; qu'un tel préjudice, à le supposer établi, résultant de la décision du 10 avril 2019 et étant né avant la demande d'abrogation présentée le 24 septembre 2019, il est dépourvu de tout lien de causalité avec l'illégalité de la décision attaquée ;