Tribunal Suprême, 5 mars 2020, Monsieur S. K c/ État de Monaco
Abstract🔗
Compétence
Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel
Étrangers
Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1963 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté - Article 6 - Carte de séjour - Demande de renouvellement - Décision de refus du Directeur de la Sûreté Publique. - Décision fondée sur une condamnation pénale - Condamnation pénale effacée par amnistie - Décision entachée d'erreur de droit - Décision légale, (non)
Motifs🔗
Le Tribunal Suprême,
Siégeant et délibérant en Assemblée plénière,
Vu la requête, présentée par Monsieur S. K., enregistrée au Greffe Général le 28 mars 2019, sous le numéro TS 2019- 09, tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 19 septembre 2018 par laquelle Monsieur le Directeur de la Sûreté Publique a refusé le renouvellement de sa carte de séjour ainsi qu'à la condamnation de l'État aux entiers dépens ;
Ce faire :
Attendu que, selon la requête, M. S. K., installé à Monaco depuis 2012, a créé une société à responsabilité limitée dénommée Monaco Watch Company, déclarée au répertoire du commerce et de l'industrie, dont l'exercice a été autorisé en Principauté à partir de décembre 2012 et dont le siège social est établi en Principauté ; que cette société a pour objet, selon le requérant, toute « importation, exportation, achat, vente, réparation, restauration et expertise aux particuliers et aux professionnels de tous articles d'horlogerie, d'orfèvrerie et de joaillerie, neufs et d'occasions, en métaux précieux, pierres précieuses et semi-précieuses et tous accessoires s'y rapportant » ; que M. K. a sollicité en août 2017 le renouvellement de sa carte de séjour auprès de la Direction de la Sûreté publique ; qu'il a reçu, le 11 décembre 2017, notification de la décision du 27 octobre 2017 du Directeur de la Sûreté publique lui refusant le renouvellement de cette carte de séjour au motif que « l'intéressé ne présente pas les garanties appropriées et que ses agissements sont incompatibles avec les conditions exigées pour la détention d'un titre de séjour » ; que le jour même, M. K. a formé un recours hiérarchique contre cette décision devant le Ministre d'État, sollicitant le retrait de la décision du Directeur de la Sûreté publique ; qu'aucune réponse n'ayant été explicitement donnée à cette demande,
M. K. a considéré qu'il était en présence d'une décision implicite de rejet intervenue le 11 avril 2018 ; qu'en conséquence, le requérant a demandé le 11 juin 2018 au Tribunal Suprême l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 27 octobre 2017 du Directeur de la Sûreté publique lui refusant le renouvellement de sa carte de séjour et de la décision implicite de rejet du 11 avril 2018 ; que, par ordonnance du 22 juin 2018, le Président du Tribunal Suprême a invité le Ministre d'État à produire les instructions du Conseiller du Gouvernement - Ministre de l'intérieur ainsi que tout motif de droit et de fait permettant d'apprécier la légalité de la décision attaquée ; que, par une décision du 19 septembre 2018, le Directeur de la Sûreté publique a retiré sa décision de refus ; que, par une décision du 19 juin 2019, le Tribunal Suprême a dès lors constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la requête ; que, par une autre décision du 19 septembre 2018, le Directeur de la Sûreté publique a rejeté à nouveau la demande de renouvellement de titre de séjour au motif que M. K. « a été condamné de manière contradictoire par le Tribunal correctionnel de Monaco à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour recel le 25 février 2017 » ; que le requérant demande au Tribunal Suprême l'annulation de la décision du 19 septembre 2018 du Directeur de la Sûreté publique lui refusant à nouveau le renouvellement de sa carte de séjour ;
Attendu qu'à l'appui de sa requête, M. K. soutient, en premier lieu, que la décision attaquée est entachée d'erreur de droit ; qu'en effet, la Direction de la Sûreté publique est allée au-delà des nécessités imposées par l'article 6 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté ; que selon cette disposition, les conditions permettant de solliciter, pour la première fois, une carte de séjour sont fondées sur la présentation soit d'un permis de travail, soit des pièces justifiant de moyens suffisants d'existence, si la personne n'entend exercer aucune profession ; que le requérant estime que, loin de se contenter d'apprécier si les conditions prévues par l'article 6 étaient remplies, la Direction de la Sûreté publique a diligenté une enquête administrative en application du premier alinéa de l'article 3 de la loi n° 1.430 du 13 juillet 2016 relative à la préservation de la sécurité nationale, aux termes duquel « le Directeur de la Sûreté Publique procède, sur instructions du Ministre d'État ou du Conseiller de Gouvernement-Ministre de l'Intérieur, préalablement aux actes ou décisions administratives d'autorités compétentes dont la liste est fixée par arrêté ministériel, à des enquêtes aux fins de vérifier que des personnes physiques ou morales concernées par ces actes ou décisions, présentent des garanties appropriées et que leurs agissements ne sont pas incompatibles avec ceux-ci » ; qu'une telle enquête administrative n'aurait jamais dû être diligentée dans le cadre du renouvellement d'une carte de séjour, dans la mesure où l'article 1er de l'arrêté ministériel du 17 octobre 2016 portant application de l'article 3 de la loi du 13 juillet 2016 fixe la liste limitative des cas dans lesquels une enquête peut être conduite et que cette liste ne comprend pas la catégorie des demandes de renouvellement de carte de séjour ; qu'en revanche, l'alinéa 2 de l'article 3 de la loi du 13 juillet 2016 énonce que « le Directeur de la Sûreté Publique procède également à des enquêtes aux fins de vérifier la situation personnelle, familiale et financière des personnes physiques désireuses de s'établir sur le territoire de la Principauté ou de renouveler leur titre de séjour conformément aux dispositions réglementaires applicables » ; qu'ainsi, le Directeur de la Sûreté publique a commis une erreur de droit en faisant application de dispositions légales ou réglementaires inapplicables au cas d'espèce ; que M. K. soutient que le Directeur de la Sûreté publique a également fait une inexacte application de l'article 6 de l'Ordonnance n° 3.153 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté en se fondant sur le résultat de l'enquête administrative dans le cadre de l'instruction d'une demande de renouvellement de carte de séjour ;
Attendu que le requérant soutient, ensuite, que la décision qu'il attaque est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le Directeur de la Sûreté publique s'est fondé sur des faits pour lesquels il a été condamné pénalement par le Tribunal correctionnel de la Principauté le 25 avril 2017 ; qu'en effet, le Tribunal correctionnel l'a condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis pour recel d'une montre, d'autres faits faisant l'objet d'une relaxe ; que cette condamnation a fait ensuite l'objet d'une amnistie ; que M. K. indique qu'à l'occasion de cette affaire, il a été convoqué devant la commission instituée par la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques, chargée d'auditionner les personnes pour lesquelles le Ministre d'État envisage de suspendre l'activité ou de retirer une autorisation d'exercice d'une activité ; qu'à la suite de son audition devant cette commission, le Ministre d'État a maintenu son autorisation d'exercice professionnel ;
Vu la contre-requête, enregistrée au Greffe Général le 29 mai 2019, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de M. K. aux entiers dépens ;
Attendu que le Ministre d'État rappelle, tout d'abord, que M. K., installé à Monaco depuis 2012, a créé une SARL, laquelle a été autorisée à exercer en Principauté à compter du mois de décembre 2012 ; qu'en décembre 2014, il a fait l'acquisition de deux montres qui avaient été volées ; que la victime du vol ayant porté plainte, M. K. a été placé en garde à vue puis inculpé pour faits de recel de vol et blanchiment de capitaux ; qu'il a été ensuite placé en détention provisoire pendant cinq mois à la prison de Monaco et renvoyé devant le Tribunal correctionnel pour recel de montres volées ; que par jugement du 25 avril 2017, le Tribunal correctionnel n'a retenu le recel que d'une seule montre, la preuve du recel n'étant pas rapportée pour les autres montres ; que M. K. a été condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis ;
Attendu que le Ministre d'État expose, ensuite, que la carte de séjour temporaire de M. K. étant venue à expiration le 7 août 2017, ce dernier a présenté une demande de renouvellement de celle-ci ; que les services de la Sûreté publique ont alors estimé qu'en raison des faits ayant donné lieu à poursuite et de sa condamnation par le Tribunal correctionnel, M. K. ne présentait pas les garanties appropriées et que ses agissements étaient incompatibles avec les conditions exigées pour le renouvellement du titre sollicité ; que par décision du 27 octobre 2017, le Directeur de la Sûreté publique a refusé le renouvellement demandé ; que M. K. a déféré à la censure du Tribunal Suprême la décision du 27 octobre 2017, ensemble la décision implicite du 11 avril 2018 en invoquant une insuffisance de motivation ; que ce grief étant apparu justifié, le Directeur de la Sûreté publique a retiré la décision litigieuse ; que, par une décision du 19 septembre 2018, notifiée à l'intéressé le 6 février 2019, le Directeur de la Sûreté publique a de nouveau rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour de M. K. ;
Attendu que, sur le fond, le Ministre d'État soutient que les moyens d'erreur de droit soulevés par le requérant ne sont pas fondés ; que, tout d'abord, l'argument selon lequel la Direction de la Sûreté publique aurait dû se borner à apprécier si les conditions exigées par l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté étaient réunies est inopérant et dépourvu de fondement ; qu'ensuite, l'argument selon lequel, dans le cadre de l'examen de cette demande de renouvellement d'un titre de séjour, en diligentant une enquête administrative en application de l'alinéa 1er de l'article 3 de la loi n° 1.430 du 13 juillet 2016 portant diverses mesures relatives à la préservation de la sécurité nationale, afin de vérifier que le demandeur « présente des garanties appropriées et que ses agissements ne sont pas incompatibles avec ceux-ci », la Direction de la Sûreté publique aurait fait application de dispositions « inapplicables au cas d'espèce », est également inopérant et dépourvu de fondement ; qu'en effet, le requérant se méprend sur la portée de l'article 6 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 lorsqu'il soutient qu'il avait droit au renouvellement de sa carte de séjour dès lors qu'il remplissait les conditions prévues par cet article pour obtenir une carte de séjour ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, le fait de remplir les conditions exigées par l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 ne donne aucun droit à l'obtention d'un titre de séjour ; que l'article 6 de l'Ordonnance précise que la carte de séjour peut être retirée si son titulaire cesse de remplir les conditions « ou si les autorités compétentes le jugent nécessaire » ; que l'autorité administrative dispose d'un pouvoir d'appréciation qui peut s'exercer à tout moment, soit lors de la délivrance du titre de séjour, en cours de validité, par un retrait, ou à l'occasion d'une demande de renouvellement, ce qui est le cas en l'espèce ; que l'autorité compétente, en l'occurrence la Direction de la Sûreté publique, peut refuser la délivrance ou le renouvellement d'une carte de séjour lorsqu'elle estime, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que sa délivrance ou son renouvellement permettrait le maintien de la présence sur le territoire monégasque d'une personne qui constitue une menace pour l'ordre ou la tranquillité publique ou privée à Monaco ; qu'en conséquence, il ne peut être retenue aucune erreur de droit ;
Attendu que, selon le Ministre d'État, le requérant met en cause la régularité de la procédure suivie par l'administration lorsqu'il reproche à la Direction de la Sûreté publique d'avoir diligenté une enquête approfondie correspondant aux exigences de l'article 1er de l'arrêté ministériel du 17 octobre 2016, portant application de l'article 3 de la loi du 13 juillet 2016 relative à la préservation de la sécurité nationale, alors que l'enquête aurait dû être moins approfondie conformément aux dispositions de l'alinéa 2 de ce même article ; que, si le Ministre d'État reconnaît que l'alinéa 1er de l'arrêté ministériel du 17 octobre 2016 ne mentionne pas la délivrance des cartes de séjour au nombre des cas dans lesquels l'enquête administrative qu'il prévoit doit être diligentée, la liste qu'il mentionne n'est pas limitative et rien, ni en droit, ni en fait, ne s'oppose à ce que la Direction de la Sûreté publique étende ce type de d'enquête à d'autres cas, lorsqu'elle l'estime nécessaire ; que si, dans les situations les plus courantes, l'enquête simplifiée pour « vérifier la situation personnelle, familiale et financière des personnes physiques désireuses de s'établir sur le territoire de la Principauté », conformément à l'alinéa 2 de l'article 1er de l'arrêté du 17 octobre 2016, est suffisante, il existe des cas où une enquête plus approfondie est nécessaire pour vérifier que les demandeurs d'un titre de séjour « présentent des garanties appropriées et que leurs agissements ne sont pas incompatibles avec ceux-ci » ; que tel est le cas, en l'occurrence, en ce que l'enquête diligentée concernant le requérant était justifiée par la procédure pénale dont il avait été l'objet ; qu'il y a d'ailleurs une certaine inconvenance du requérant à reprocher à l'administration d'avoir diligenté une procédure qui a permis de mettre en évidence ces agissements délictueux ; qu'il ne peut être reproché à la Direction de la Sûreté publique de « s'être bornée » à réaliser une enquête sur le fondement du 1er et non du second alinéa de l'article 1er de l'arrêté ministériel de 2016 ; qu'en conséquence, la décision attaquée n'est entachée d'aucune erreur de droit ;
Attendu, par ailleurs, que le Ministre d'État entend souligner que la décision litigieuse refusant le renouvellement du titre de séjour repose sur un double motif, la condamnation de M. K. à deux mois d'emprisonnement avec sursis et le fait que l'intéressé ne présente pas les garanties appropriées et que ses agissements sont incompatibles avec les conditions exigées pour la détention d'un titre de séjour ; que la décision du 17 août 2017 par laquelle l'administration a maintenu au requérant son autorisation administrative d'exercer sa profession a été rendue en raison de l'amnistie dont M. K. a fait l'objet ; que le requérant a été entendu par la commission le 18 avril 2017, soit antérieurement au jugement du 25 avril 2017 qui a prononcé sa condamnation ; qu'ainsi, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu la réplique, enregistrée au Greffe Général le 25 juin 2019, par laquelle M. K. tend aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Attendu qu'il considère, tout d'abord, que le Ministre d'État confond la procédure de renouvellement d'un titre de séjour, prévue et encadrée par les trois premiers alinéas de l'article 6 de l'Ordonnance Souveraine du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté et la procédure de retrait d'un titre de séjour, prévu par le quatrième alinéa de ce même article 6 ; que la carte de séjour de M. K. aurait dû être renouvelé dès lors qu'il remplissait les conditions prévues par l'alinéa premier de l'article 6, notamment dans la mesure où son autorisation d'exercice avait été renouvelée par le Ministre d'État en août 2017 ; que M. K. était donc en droit d'obtenir le renouvellement de son titre de séjour ; qu'en lui refusant ce droit, le Directeur de la Sûreté publique a commis une erreur de droit ;
Attendu que M. K. estime, ensuite, que le Ministre d'État fait une interprétation erronée du droit positif lorsqu'il affirme, d'une part, qu'il ne présentait pas les garanties appropriées et que ses agissements étaient incompatibles avec les conditions exigées pour un titre de séjour et, d'autre part, qu'une procédure de retrait pouvait être engagée à tout moment, c'est-à-dire lors de la délivrance de la carte de séjour, en cours de validité ou à l'occasion d'une demande de renouvellement et qu'à cette fin une enquête administrative plus approfondie pouvait être réalisée ; qu'en effet, le requérant entend souligner que le législateur a renforcé le dispositif de préservation de la sécurité nationale, comme en témoignent les travaux préparatoires de la loi n° 1.430 du 13 juillet 2016, en souhaitant également que le pouvoir de police d'effectuer des enquêtes administratives soit particulièrement encadré ; que le rapporteur du projet de loi devant le Conseil National soulignait, en ce sens, que « Monaco étant un État de droit attaché au respect des libertés et droits fondamentaux, il est indispensable que les atteintes aux droits et libertés constitutionnellement garantis soient prévus par la loi » ; qu'ainsi, une enquête administrative ne peut être diligentée que dans le cadre de l'article premier de l'arrêté ministériel du 17 octobre 2016 portant application de l'article 3 de la loi du 13 juillet 2016 qui fixe une liste limitative des actes administratifs donnant lieu à enquête et dont ne font pas partie les demandes de renouvellement de titre de séjour ; que le traitement de ces demandes de renouvellement est régi par l'article 2 de la loi du 13 juillet 2016 qui dispose expressément que « le Directeur de la Sûreté publique procède également à des enquêtes aux fins de vérifier la situation personnelle, familiale et financière des personnes physiques désireuses de s'établir sur le territoire de la Principauté ou de renouveler leur titre de séjour conformément aux dispositions réglementaires applicables » ; que l'interprétation de ces dispositions faite par le Ministre d'État est constitutive d'une erreur de droit ;
Attendu, enfin, que M. K. persiste à considérer que la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'à cet égard, le Ministre d'État n'apporte pas la preuve des agissements incompatibles avec la détention d'un titre de séjour, qu'il s'agisse de la détention frauduleuse de montres de valeur ou de la tenue du livre de police de la marchandise, dont le défaut de renseignement n'est constitutif que d'une contravention ; qu'il serait disproportionné de se fonder sur cette contravention pour refuser le renouvellement d'un titre de séjour alors qu'elle n'a pas été de nature à justifier le retrait de l'autorisation d'exercer son activité professionnelle ; que, de même, l'affirmation du Ministre d'État selon laquelle le jugement du Tribunal correctionnel révèlerait d'autres anomalies laissant supposer des trafics, résulte de la pure affirmation ; qu'il en résulte une erreur manifeste d'appréciation des faits pour lesquels M. K. a été poursuivi ; que la commission lui a permis de continuer à exercer son activité professionnelle alors qu'il était encore poursuivi pour le recel de montres et qu'il n'avait pas été encore relaxé pour la majorité d'entre elles ; qu'ainsi, le requérant estime qu'il est manifeste qu'en prenant ces deux décisions qui sont totalement contraires et en retenant qu'il ne présentait pas les garanties appropriées et que ses agissements étaient incompatibles avec les conditions exigées pour la détention d'un titre de séjour au regard de la condamnation pour recel dont il fait l'objet, le Directeur de la Sûreté publique a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu la duplique, enregistrée au Greffe Général le 26 juillet 2019, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête ;
Attendu que le Ministre d'État considère, en premier lieu, que la double erreur de droit soulevée par le requérant n'est pas fondée ; que le pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité administrative pour retirer un titre de séjour pour des raisons liées à des considérations d'ordre public peut s'exercer à tout moment et notamment à l'occasion de l'examen d'une demande de renouvellement de ce titre ; qu'il ne peut y avoir de confusion entre « procédure de renouvellement » et « procédure de retrait » du titre de séjour ; que, contrairement à ce qu'il affirme, la circonstance que M. K. ait bénéficié du renouvellement de son autorisation d'exercice, au regard de considérations étrangères à l'ordre public, n'était pas de nature à lui conférer un droit au renouvellement de son titre de séjour alors que, par ailleurs, il constitue une menace pour l'ordre et la tranquillité publique ou privée à Monaco ; que, pour la même raison, ce n'est pas parce qu'elle a été réalisée dans le cadre d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour que l'enquête relative aux agissements du demandeur ne pouvait être diligentée par l'autorité administrative, laquelle n'aurait été compétente, selon le requérant, que pour diligenter une enquête limitée à l'examen de sa situation personnelle, familiale et financière ; que même dans le cadre d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour, une enquête plus approfondie relative aux agissements du demandeur peut s'avérer nécessaire lorsque, comme c'était le cas pour M. K., celui-ci fait l'objet de poursuites pénales ; qu'enfin, la circonstance que l'arrêté ministériel du 17 octobre 2016 ne fait pas figurer la délivrance des cartes de séjour au nombre des cas dans lesquels une enquête approfondie doit être diligentée, n'établit en rien l'erreur de droit soulevée ;
Attendu, en second lieu, que le Ministre d'État soutient que la décision attaquée n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation ; qu'en effet, d'une part, c'est au bénéfice du doute que le Tribunal correctionnel, dans son jugement du 25 avril 2017, a relaxé M. K. des poursuites pour recel concernant plusieurs montres volées ; que ce jugement a révélé bien d'autres anomalies professionnelles, lesquelles permettent d'établir un fonctionnement frauduleux de la société ; que, dans ces conditions, même si M. K. n'a été condamné pour recel que pour une seule montre et si le « défaut de renseignements » dans le livre de police concernant de nombreuses montres constitue une contravention, la décision litigieuse refusant de renouveler son titre de séjour, qui devait prendre en compte l'ensemble du comportement de l'intéressé, n'est en aucune manière disproportionnée ; que, d'autre part, c'est vainement que le requérant persiste à invoquer le renouvellement de son autorisation d'exercer sa profession alors que cette décision est, comme il le reconnaît lui-même, antérieure au jugement du Tribunal correctionnel le condamnant pour recel et que, contrairement à ce qu'il affirme, la commission qui l'a auditionné à cette occasion n'était pas informée des poursuites dont il faisait l'objet ; qu'elles n'ont été portées à la connaissance de l'autorité administrative que postérieurement, à l'issue précisément de l'enquête approfondie diligentée à l'occasion de la demande de renouvellement de son titre de séjour ; qu'au demeurant, quand bien même il en irait autrement, ce serait l'autorisation d'exercer et non le refus de titre de séjour qui pourrait être discuté ;
SUR CE :
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 90-B ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté ;
Vu la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu la loi n° 1.430 du 13 juillet 2016 relative à la préservation de la sécurité nationale ;
Vu l'arrêté ministériel n° 2016-622 du 17 octobre 2016 portant application de l'article 3 de la loi n° 1.430 du 13 juillet 2016 relative à la préservation de la sécurité nationale ;
Vu l'Ordonnance du 2 avril 2019 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a désigné Monsieur Guillaume DRAGO, Membre suppléant, comme rapporteur ;
Vu le procès-verbal de clôture de Madame le Greffier en Chef en date du 6 août 2019 ;
Vu l'Ordonnance du 16 janvier 2020 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 20 février 2020 ;
Ouï Monsieur Guillaume DRAGO, Membre suppléant du Tribunal Suprême, en son rapport ;
Ouï Maître Thomas BREZZO, Avocat près la Cour d'appel de Monaco, pour M. S. K. ;
Ouï Maître Jacques MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour l'État de Monaco ;
Ouï Madame le Procureur Général en ses conclusions ;
La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;
Après en avoir délibéré,
1° Considérant que, par une décision du 19 septembre 2018, le Directeur de la Sûreté publique a refusé à M. K. le renouvellement de sa carte de séjour ; que ce dernier en demande l'annulation pour excès de pouvoir ;
2° Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.153 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté : « L'étranger qui sollicite, pour la première fois, une carte de séjour de résident doit présenter, à l'appui de sa requête : - soit un permis de travail, ou un récépissé en tenant lieu, délivré par les services compétents ; - soit les pièces justificatives de moyens suffisants d'existence, s'il n'entend exercer aucune profession. /La durée de validité de la carte de résident temporaire ne peut dépasser la durée de validité des documents et visas exigés pour entrer et séjourner dans la Principauté. /La carte de résident temporaire ne peut être renouvelée que si l'étranger satisfait aux conditions prévues aux alinéas ci-dessus. /Elle peut lui être retirée à tout moment, s'il est établi qu'il cesse de remplir ces mêmes conditions ou si les autorités compétentes le jugent nécessaires » ; que le pouvoir d'appréciation ainsi reconnu à l'autorité administrative peut s'exercer à tout moment, que ce soit à l'occasion de la première demande d'une carte de séjour, en cours de validité ou à l'occasion d'une demande de renouvellement « ;
3° Considérant que l'objet des mesures de police administrative étant de prévenir d'éventuelles atteintes à l'ordre public, il suffit que les faits retenus révèlent des risques suffisamment caractérisés de trouble à la tranquillité ou à la sécurité publique ou privée pour être de nature à justifier de telles mesures ;
4° Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée n'est justifiée par aucun fait qui aurait été révélé par l'enquête administrative dont la régularité ne saurait, dès lors, être utilement contestée au soutien des conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée ; qu'il ressort des motifs de cette décision qu'elle est fondée sur » le fait que M. K. S. a été condamné de manière contradictoire par le Tribunal de Monaco à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour recel de vol le 25 avril 2017 " ; qu'en se fondant sur la condamnation pénale ainsi prononcée, au surplus effacée par une amnistie, et non sur les faits établis par ce jugement ou par tout autre fait, dont il appartient à l'autorité administrative d'établir qu'ils sont de nature à justifier la décision, le Directeur de la Sûreté publique a entaché sa décision d'erreur de droit ;
5° Considérant, d'autre part, que si l'administration fait état, dans ses écritures devant le Tribunal Suprême, d'autres faits révélés par le jugement du Tribunal correctionnel et justifiant le refus de renouvellement de la carte de séjour, ces éléments ne sauraient utilement être pris en compte pour apprécier la légalité de la décision attaquée à la date à laquelle elle a été prise ;
6° Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. K. est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque ;