Tribunal Suprême, 19 juin 2019, AUTOMOBILE CLUB DE MONACO c/ SAM C.
Abstract🔗
Compétence
Contentieux constitutionnel et contentieux administratif - Recours en tierce opposition
Procédure
Constitution - Compétence du Tribunal suprême, article 90 A et B Ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal suprême, article 18 - Recours en tierce opposition contre la décision du Tribunal suprême - Association Automobile Club de Monaco dépourvue de la qualité de délégataire de l'État - Non bénéficiaire de l'agrément de l'État prévu par la loi n° 1.355 du 23 décembre 2008 concernant les associations et les fédérations d'associations - Convention de financement conclu entre l'État et Automobile Club de Monaco non attributive de la qualité de délégataire pour l'organisation des compétitions automobiles - Convention sans effet rétroactif. Automobile Club de Monaco non partie au Protocole d'accord conclu entre l'État et la SAM C. Automobile Club de Monaco non bénéficiaire d'une stipulation pour autrui - Droits d'Automobile Club de Monaco non susceptibles d'être affectés par le recours de la SAM C. Automobile Club de Monaco irrecevable à intervenir dans la procédure - Absence de méconnaissance d'un droit. Irrecevabilité à former tierce opposition contre la décision du Tribunal suprême
Motifs🔗
LE TRIBUNAL SUPRÊME
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,
Vu la requête, enregistrée au Greffe Général le 20 février 2019 sous le numéro TS 2019-07, par laquelle l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO demande au Tribunal suprême de faire droit à sa tierce opposition, de rétracter la décision qu'il a rendue le 29 novembre 2018 sous le n° 2018-08, publiée au Journal de Monaco le 21 décembre 2018, de rejeter la requête de la SAM C., avec toutes conséquences de droit, et de condamner la SAM C. aux entiers frais et dépens.
CE FAIRE :
Attendu que la SAM C. a demandé au Tribunal suprême l'annulation pour excès de pouvoir, sur le fondement du 1° du B de l'article 90 de la Constitution, et pour atteinte à ses droits constitutionnels, sur le fondement du 2° du A de la même disposition, d'une part, d'un ensemble d'actes caractérisant un retrait de la signature de l'État du contrat qu'il avait signé avec la société en vue de la réalisation d'un projet culturel et immobilier et, d'autre part, du refus de déposer sur le bureau du Conseil national un projet de loi de désaffectation de la parcelle devant accueillir le projet ; qu'elle a également demandé au Tribunal de condamner l'État à réparer le préjudice résultant pour elle de ces actes ; que, par une décision n° 2018-08 du 29 novembre 2018, le Tribunal suprême a, d'une part, rejeté les conclusions dirigées contre le refus de déposer un projet de loi ; que d'autre part, il a jugé que le retrait de la signature de l'État résultant d'un ensemble de décisions successives prises par le Ministre d'État avait, dans les circonstances dans lesquelles il a été réalisé, porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété de la société et au principe de sécurité juridique garantis par la Constitution ; que, par mesure d'instruction, il a appelé les parties à présenter, avant le 1er septembre 2019, leurs observations sur les effets de l'annulation susceptible d'être prononcée par le Tribunal suprême à la suite du constat de la méconnaissance par le Ministre d'État des droits constitutionnels de la société ; que le Tribunal suprême a également ordonné par la même décision, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, une expertise destinée à apprécier contradictoirement la réalité et le montant des différents préjudices allégués par la société requérante et à fournir au Tribunal tous les éléments disponibles permettant l'évaluation de ces préjudices ; que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO demande au Tribunal suprême la rétractation de sa décision du 29 novembre 2018 ;
Attendu que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO expose que l'État de Monaco et la SAMEGI (Groupe C.), devenue la SAM C. ont signé le 5 septembre 2014 un Protocole d'accord relatif à la réalisation d'un projet culturel et immobilier sur le site de l'Esplanade des Pêcheurs du Port Hercule ; que ce protocole comporte un article 12 aux termes duquel « la société de Projet devra, à ses frais exclusifs, prendre toutes dispositions afin que le Projet permette, dans toutes ses phases de réalisation et dans l'exploitation future des bâtiments construits, la mise en place des équipements nécessaires à l'organisation des Grands Prix organisés par l'Automobile Club de Monaco. À cet effet, il appartient à la Société de proposer à l'État des schémas d'aménagement permettant la mise en œuvre de ces contraintes, dans un délai maximal de six mois à compter de l'entrée en vigueur du présent protocole et, en tout État de cause, au moins deux mois avant le déroulement du premier Grand Prix de la saison. Cette obligation de résultat à la charge de la Société de Projet constitue une condition essentielle du consentement de l'État (...) » ;
Qu'en application de cette clause, la SAM C. a présenté à l'État, le 17 février 2015, des schémas d'aménagement que l'État a aussitôt communiqué pour avis à l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ; que ce dernier a mandaté le bureau d'études ELYSS qui, dès le 2 mars 2015, lui a remis une note technique sur la zone « TV Compound » attirant notamment son attention sur la nécessité, pour les besoins des Grands Prix, de disposer d'une surface « d'environ 4 000 m2 » et « d'un seul tenant, sans obstacles ni morcellements » et sur l'inappropriation des schémas proposés en ce qui concerne l'exiguïté des aires de manœuvres des camions, l'installation des paraboles, l'accès à la zone « TV Compound » et les mesures de sécurité incendie ; que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO a indiqué le 6 mai 2015 à la SAM C. qu'il ne pouvait en conséquence pas avaliser le projet, ce dont il a informé le Ministre d'État le 15 juin et le 24 juillet 2015 ; que, le 29 juillet 2015, le Ministre d'État a informé l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO du retrait du projet de loi de désaffectation du domaine public prévu pour la réalisation du projet en raison de l'incompatibilité de l'opération avec les besoins du Grand Prix ; que le promoteur a présenté en juin 2016 un nouveau projet d'aménagement faisant État d'une superficie de 5 200 m2, mais morcelées et situées sur plusieurs niveaux ; que, le 8 juin 2016, le bureau d'études ELYSS contestant la compatibilité du nouveau projet avec les besoins du « TV Compound », l'implantation de la zone des pneus et les nécessités des manœuvres et de l'installation des camions, l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO a donc, le 21 juin 2016, adressé un avis technique défavorable à l'État ; que, par lettre du 1er juillet 2016, il a confirmé au Conseiller de gouvernement-Ministre de l'Intérieur qu'il n'avait pas approuvé le projet de la SAM C. consistant à prévoir une superficie de 4 000 m2 et le déplacement du « TV Compound » vers le parking de l'Esplanade des Pêcheurs ; que c'est à tort que le Tribunal suprême a cru pouvoir relever qu'il avait accru ses exigences jusqu'à envisager une surface nécessaire de 9 300 m2 pour en déduire un hypothétique « retrait de la signature de l'État ; que cette décision du Tribunal suprême préjudicie gravement aux droits de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, ce qui justifie sa requête en tierce opposition à l'encontre de cette décision ;
Attendu que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO soutient que sa requête est recevable ; que la notion de » droits lésés « ou » méconnus « est largement entendue par la jurisprudence ; que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO aurait pu être appelé à intervenir dans l'instance n° TS 2018-08, laquelle était susceptible d'affecter ses droits ; qu'en effet il est investi d'une mission générale concernant le sport automobile qui lui donne vocation à intervenir dans tous les litiges susceptibles de compromettre l'exercice de cette mission ; qu'en outre, la recevabilité de sa tierce opposition résulte des menaces que le projet immobilier de la SAM C. fait peser sur la pérennité des grands prix, en particulier du Grand Prix de Formule 1 ;
Attendu ainsi que l'objet social de l'association » AUTOMOBILE CLUB DE MONACO « correspond à la délégation que l'État lui consent en matière de sport automobile ; que, en ce qui concerne le Rallye de Monte Carlo, cette délégation a été formalisée par plusieurs décisions gouvernementales, notamment en 1968 et en 1977 ; que, s'agissant des grands prix, s'il n'existe aucune décision formelle, cette délégation résulte des multiples autorisations, conventions et facilités qui lui ont été accordées pour l'organisation de ces épreuves sportives, telles que la mise à disposition de terrains et de personnels de l'État français, les arrêtés pris à sa demande en matière de sécurité, l'existence d'une commission conjointe AUTOMOBILE CLUB/administrations monégasques pour l'organisation et la sécurité des grands prix et les consultations organisées dans le cadre de l'occupation de la voirie ; que, de manière générale, l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO est régulièrement consulté, notamment en matière d'urbanisme, afin que la délivrance de certaines autorisations administratives ne puisse pas venir contrarier le bon déroulement des compétitions futures ; que tel a d'ailleurs été le cas, le 12 juin 2015, en ce qui concerne le projet de Centre de l'Homme et de la Mer ;
Attendu en outre que, pour les raisons techniques objectives précédemment exposées, les propositions de la SAM C. se sont toutes révélées incompatibles avec la pérennité des compétitions automobiles qu'organise l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ;
Attendu que, selon le requérant, par la décision attaquée, le Tribunal suprême a cru pouvoir remettre en vigueur un protocole d'accord devenu caduc faute de pouvoir être réalisé ; que cette décision a porté préjudice aux droits de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ; qu'en effet l'agrément des projets de schémas d'aménagement par l'AUTOMOBILE CLUB constituait une condition suspensive de l'engagement de l'État ; que c'est en méconnaissance de cette circonstance de droit que le Tribunal suprême a retenu une illégalité conduisant à » replacer les parties dans la relation contractuelle « d'origine au mépris du droit régulièrement et définitivement exercé par l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO de s'opposer à la réalisation du projet au motif que les schémas d'aménagement proposés n'assuraient pas la pérennité des grands prix ; que cette décision remet gravement en cause les pouvoirs d'organisation de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, dont les droits ont ainsi été méconnus ;
Attendu, sur le fond, que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO soutient que, contrairement à ce qui a été jugé, l'État n'a pas retiré sa signature ; que le raisonnement du Tribunal suprême repose sur le postulat, inexact, que la SAM C. a respecté son obligation contractuelle de proposer des schémas d'aménagement permettant de garantir la pérennité de l'organisation et de la couverture médiatique des grands prix ; que les faits retenus par le Tribunal, en particulier celui selon lequel l'AUTOMOBILE CLUB serait allé jusqu'à exiger une surface de 9 300 m2, manifestement décisif pour justifier l'abandon du projet, sont inexacts ;
Attendu que, selon le requérant, le Tribunal a retenu la superficie totale de l'emprise alors que la difficulté tenait en réalité aux dégagements nécessaires pour permettre l'accès et les manœuvres des semi-remorques porteurs ; qu'à aucun moment la SAM C. n'a proposé une surface de 4 000 m2 d'un seul tenant, sans obstacles ni morcellements et sur le même plan, condition jugée nécessaire par le bureau d'études ELYSS ; qu'ainsi, le Ministre d'État s'est borné à constater objectivement que les schémas successivement proposés par la SAM C. ne permettaient pas d'assurer la pérennité des grands prix ; que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal, le fait que les stipulations contractuelles aient été durablement privées d'effet est ainsi entièrement imputable à la SAM C. ;
Attendu que le requérant soutient enfin que, à supposer qu'il y ait eu retrait de la signature de l'État, cette décision ne serait pas illégale ; que, contrairement à ce qui a été jugé, on ne voit pas quelle atteinte au droit de propriété de la SAM C. a pu être portée par une telle décision dès lors que, aux termes de l'article 12 du protocole du 5 septembre 2014, son obligation de proposer des schémas d'aménagement permettant la mise en œuvre des contraintes liées aux grands prix automobiles était une » obligation de résultat « constituant » une condition essentielle du consentement de l'État « ; qu'on ne voit pas davantage quelle atteinte aurait pu être portée à la sécurité juridique de la SAM C. alors que ledit article 12 était très contraignant pour elle ; que l'erreur de droit ainsi commise par le Tribunal suprême est d'autant plus étonnante que sa décision relève elle-même l'» impossibilité de répondre pleinement aux exigences formulées par les instances organisatrices des Grands Prix automobiles « ; que, dès lors qu'aucune solution technique n'était acceptable, le protocole d'accord, qui n'était en réalité qu'un avant-contrat du fait de l'incertitude sur la faisabilité du projet, était devenu caduc sans faire naître aucune décision unilatérale de retrait de la signature de l'État ; que le Tribunal suprême ne pourra donc que rétracter sa décision du 29 novembre 2018 ;
Attendu que, selon le requérant, cette issue est d'autant plus inévitable que, comme l'avait établi le Ministre d'État dans sa contre-requête, le Tribunal suprême n'était pas compétent pour connaître d'un litige contractuel qui relève de la compétence exclusive du Tribunal de première instance, juge du contrat ;
Vu l'ordonnance du 21 février 2019 par laquelle le Président du Tribunal suprême a décidé, en application de l'article 26 de l'Ordonnance n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, que les délais de production de la réplique et de la duplique seraient réduits de moitié ;
Vu l'ordonnance du 18 avril 2019 par laquelle M. le Président du Tribunal suprême a invité le Ministre d'État et l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO à produire, dans le délai d'un mois, l'arrêté ministériel accordant à l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO l'agrément prévu par les articles 14 et 15 de la loi n° 1.355 du 23 décembre 2008 en faveur des associations dont l'objet poursuit un but d'intérêt général, ou dont l'activité concourt à une mission de service public ou contribue à la notoriété de la Principauté, ainsi que la publication de cet agrément au Journal de Monaco.
Vu la contre requête enregistrée au Greffe général le 19 avril 2019 par laquelle la SAM C. conclut au rejet de la requête aux motifs, à titre principal, de son irrecevabilité et, à titre subsidiaire, de son mal fondé ;
Attendu que, après avoir exposé que le recours en tierce opposition de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO est la troisième procédure qui a pour objet de remettre en cause la décision du Tribunal suprême du 29 novembre 2018, la SAM C., se référant à l'article 38 de l'Ordonnance n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, soutient que la requête est irrecevable faute, pour la décision précitée du Tribunal suprême, d'avoir méconnu les droits de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ; qu'en effet, contrairement à ce qu'elle soutient, cette association n'est pas investie par l'État d'une mission générale concernant le sport automobile qui lui donnerait vocation à intervenir dans tous les litiges susceptibles de compromettre cette mission ; que les multiples autorisations, conventions et facilités accordées par l'État à l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO pour l'organisation d'épreuves sportives, en particulier le Grand Prix de Formule 1, résultent seulement de ce que ces épreuves supposent occupation du domaine public et donc des mesures destinées à assurer la sécurité publique ; que l'article 12 du protocole d'accord tripartite du 5 septembre 2014, invoqué par le requérant, ne comporte aucune condition suspensive de son entrée en vigueur mais seulement une obligation de résultat se rattachant à l'exécution de la convention ; que cette obligation a été souscrite par la société de projet à l'égard du gouvernement monégasque et non à l'égard de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO qui n'est pas signataire du protocole dans lequel il n'est mentionné qu'en qualité d'organisateur des Grands Prix et non comme autorité devant approuver les schémas d'aménagement proposés par la société de projet, ni en tant qu'organisme bénéficiant d'une habilitation de l'État ; que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO n'est pas bénéficiaire d'une quelconque stipulation pour autrui qui ne figure pas dans la convention ; que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ne tient pas du protocole précité un droit à s'opposer à la réalisation du projet ; que l'abandon du projet et l'indemnisation, par l'État, de la SAM C. ne concerne en rien l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ;
Attendu que, à titre subsidiaire, sur le fond, la SAM C. soutient que c'est à juste titre que la décision contestée du Tribunal suprême a retenu qu'aurait été finalement exigé une surface de 9 300 m², supérieure à l'emprise physique du projet dès lors que, ainsi que le relève ladite décision, ce chiffre, avancé par la SAM C. dans sa requête, n'a jamais été contesté par l'État ; que la société de projet a respecté ses engagements contractuels, notamment ceux souscrits dans les cadre de l'article 12 du protocole et de son annexe 5 ; que, à l'occasion d'une négociation avec un autre promoteur pressenti, l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO a obtenu, à la suite d'une réunion tenue de 31 mars 2012, que la surface du » TV Compound « soit portée de 2 700 à 3 000 m² ; que c'est dans ces conditions que le chiffre de 3 000 m² a été retenu dans le protocole du 5 septembre 2014 ; que les analyses postérieures de la société ELYSS, bureau d'études techniques de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, ne correspondent en rien aux obligations figurant dans le protocole ; que la SAM C. a proposé, le 14 juin 2016, un nouveau projet permettant de dégager une surface disponible totale de 5 205 m², dont 3 450 d'un seul tenant ; que les nouvelles exigences de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, exprimées par le Ministre d'État le 22 mars 2017, correspondant à une surface totale de plus de 9 000 m², ne sont pas justifiées par les contraintes objectives d'organisation et de retransmission des grands prix ; que, le 4 juillet 2017, les techniciens de la FORMULA ONE MANAGEMENT LTD, organisatrice de tous les grands prix et entité reconnue qui certifie la conformité des » TV Compound «, ont confirmé, proposition de plan à l'appui, qu'une surface maximum de 3 000 m² était suffisante ; qu'il résulte de ce qui précède que le Tribunal suprême a jugé que le refus persistant et non justifié, par l'État, des propositions d'aménagement de la société de projet caractérisait un retrait de signature de l'État ;
Attendu que, selon la SAM C., ce retrait est bien illégal, d'abord en raison du caractère infondé des refus de ses propositions, pourtant conformes à ses engagements contractuels, et ensuite parce que, à supposer qu'ait été constatée une impossibilité technique d'exécuter le protocole du 5 septembre 2014, ce dernier n'était nullement caduc de plein droit, comme le soutient l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, mais qu'il était possible de le résilier unilatéralement pour motifs d'intérêt général, à charge pour l'État d'indemniser son cocontractant dans les conditions prévues au contrat ;
Attendu enfin que la SAM C. soutient que l'exception d'incompétence du Tribunal suprême, soulevée par le requérant est irrecevable dès lors que la tierce opposition, voie de recours exceptionnelle, ne saurait être accueillie sur la base de moyens de droit, arguments et éléments de fait déjà soumis au Tribunal suprême et rejetés par sa décision du 29 novembre 2018 ;
Vu le mémoire en intervention volontaire, enregistré au Greffe Général le 24 avril 2019, par lequel M. le Ministre d'État demande à ce qu'il soit fait droit à la tierce-opposition de l'Association AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, dont il soutient qu'elle est recevable en raison des droits que le requérant tient de la mission générale qui lui est confiée par l'État en matière d'organisation des compétitions automobiles, aux motifs que le protocole d'accord du 5 septembre 2014 n'était qu'un avant contrat conclu en vue de la réalisation éventuelle d'un avant-projet, sommairement décrit par le protocole, et par lequel les parties s'engageaient à poursuivre des négociations destinées, notamment, à permettre de développer un avant-projet architectural encore très sommaire et, le cas échéant, à déboucher sur la conclusion de contrats définitifs, tel que l'acte de cession du terrain ; que la bonne fin du projet était subordonnée à la réalisation de deux conditions, une condition suspensive relative à la désaffectation du terrain par le législateur (article 9) et une condition résolutoire correspondant à l'obligation de résultat, acceptée par la SAM C., consistant à proposer à l'État, dans un délai maximal de six mois, des schémas d'aménagement permettant, dans toutes les phases de réalisation du projet, la mise en place des équipements nécessaires à l'organisation et à la couverture des grands prix organisés par l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, » condition essentielle du consentement de l'État « (article 12) ; que les documents produits par l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO établissent que la SAM C. n'a pas été en mesure de proposer de tels schémas dans le délai de six mois prévu par le protocole ; que le Tribunal suprême a lui-même relevé, dans sa décision n° 2018-08, » l'impossibilité de répondre pleinement aux exigences formulées par les instances organisatrices des grands prix automobile « mais qu'il n'en a pas tiré la conséquence ; à savoir que, de ce fait, le protocole était caduc, conformément à son article 12 ; que, en retirant, le 29 juillet 2015, le projet de loi de désaffectation des terrains, principalement pour ce motif, le Ministre d'État n'a, pour sa part, que pris acte de la caducité du protocole depuis le terme du délai contractuel, soit le 6 mars 2015 ; que, contrairement à ce que lui a reproché le Tribunal suprême, le Ministre d'État ne pouvait pas résilier en 2017, pour motif d'intérêt général et avec indemnisation, un protocole caduc depuis 2015 ; que, n'ayant pas été en mesure de satisfaire à l'obligation de résultat qu'elle avait souscrite, la SAM C. n'avait droit à aucune indemnité ; qu'en toute hypothèse, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal suprême le 29 novembre 2018, le prétendu et imaginaire » retrait de la signature de l'État « n'était pas un acte détachable du contrat dès lors que seules les décisions relatives à la conclusion d'un contrat peuvent être qualifiées de » détachables « ; que, dès lors que le contrat a reçu un début d'exécution, le Tribunal suprême a appliqué cette expression de » retrait de signature « à ce qui ne pourrait être qu'une résiliation, donc un acte non détachable du contrat ; qu'en tout État de cause le Tribunal suprême ne pouvait, après avoir reconnu que ce supposé » retrait de signature « était inspiré par des considérations d'intérêt général, qui figuraient d'ailleurs déjà dans l'article 12 du protocole de 2014, juger qu'il était illégal comme portant atteinte aux » espérances légitimes « de la SAM C. ; que le Tribunal suprême ne pouvait pas davantage juger qu'il avait anéanti rétroactivement les effets produits par le contrat dès lors que celui-ci était caduc depuis le 6 mars 2015 ; que les pourparlers qui ont eu lieu postérieurement à cette date n'ont donc pas été poursuivis dans le cadre du protocole mais dans la perspective éventuelle et bienveillante de l'État de rechercher un nouvel accord dans le cas où la SAM C. parviendrait à présenter un nouveau projet garantissant la pérennité des grands prix ; enfin que, s'agissant de l'absence d'indemnisation, considérée par le Tribunal suprême comme portant atteinte au droit de propriété et au principe de sécurité juridique, il convient de rappeler que, s'agissant d'un avant contrat imprécis et aléatoire, comportant une condition suspensive et une clause limitative de responsabilité en cas de résiliation pour motif d'intérêt général (article 15), les » espérances légitimes « de la SAM C. étaient par hypothèse très précaires ;
Vu le mémoire en réplique enregistré au Greffe Général le 10 mai 2019 par lequel l'Association dénommé AUTOMOBILE CLUB DE MONACO entend répliquer à la contre-requête de la SAM C. et persiste dans les conclusions de sa requête en tierce-opposition et par les mêmes moyens ;
Attendu que, sur la recevabilité, le requérant ajoute tout d'abord que, la jurisprudence ayant récemment assoupli les conditions de recevabilité de la tierce-opposition, sa requête est recevable ; que son intérêt à agir découle de sa mission d'intérêt général concernant l'organisation des compétitions automobiles ; que l'existence de cette mission est établie par le faisceau d'indices résultant des nombreuses pièces produites à l'appui de sa requête ; que cette mission figure expressément dans les conventions conclues chaque année avec l'État par lesquelles ce dernier apporte une aide financière sur fonds publics pour l'organisation des manifestations internationales énumérées dans la convention ; qu'en outre, indépendamment de cette mission générale, le présent litige met en cause les droits exercés par l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO en sa qualité d'organisateur des grands prix automobiles reconnue dans l'article 12 du protocole du 5 septembre 2014 ; que c'est en cette qualité que le requérant a été chargé de s'assurer du respect, par la SAM C., des contraintes qui lui étaient imposées par le protocole, et donc, de discuter, tant à la demande de l'État qu'à celle de la SAM C., de la faisabilité des schémas proposés ; que, eu égard à l'importance de l'examen des conditions posées par l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO dans la décision n° 2018-08, c'est donc à tort que la SAM C. soutient que le Tribunal suprême n'aurait pas dû appeler l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO dans cette instance afin de respecter le principe du contradictoire ; que, comme l'État l'a démontré dans son mémoire en intervention, l'article 12 du protocole contenait une condition résolutoire dont l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO est bien le bénéficiaire en sa qualité d'organisateur actuel et futur des grands prix ; enfin que, si la décision du Tribunal suprême du 29 novembre 2018 ne règle pas définitivement le projet et ne débouchera pas nécessairement sur une reprise du projet, cette objection, du point de vue de la recevabilité, est inopérante ; qu'en effet, le Tribunal suprême ayant à la fois déclaré définitivement illégal le » retrait de la signature de l'État « et décidé que les parties sont replacées dans leur relation contractuelle, l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO doit pouvoir d'ores et déjà s'y opposer et demander que soit rétractée une décision qui a remis en cause le droit qu'elle a déjà exercé de ne pas agréer les schémas d'aménagement proposés par la SAM C. ;
Attendu que, sur le fond, l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ajoute que la surface de 9 000 m² mentionnée dans la décision du Tribunal suprême ne peut manifestement pas concerner le seul » TV compound « et semble résulter des calculs fantaisistes de la SAM C. ; que celle-ci ne peut soutenir que, dès le projet qu'elle a proposé le 17 février 2015, comportant la surface de 3 000 m² prévue par l'annexe V au protocole pour le » TV compound «, elle avait pleinement respecté son engagement contractuel au motif que le protocole ne spécifiait pas que la surface du » TV compound « devait être d'un seul tenant et sur le même plan, ni que les antennes paraboles devaient être associées aux camions, ni que l'accès à la zone devait se faire par une double voie ; qu'en effet l'annexe V n'a qu'un caractère indicatif, l'essentiel étant l'obligation de résultat figurant à l'article 12 consistant à proposer des schémas d'aménagement garantissant la pérennité des grands prix dont on sait qu'ils ne sont pas seulement soumis à des contraintes techniques mais aussi aux exigences de la FORMULA ONE MANAGEMENT LTD ; ainsi, l'engagement de la SAM C. ne se limitait pas à proposer des schémas de 3 000 m² minimum, ce chiffre ne concernant que l'espace clos et sécurisé affecté au » TV compound «, alors qu'il faut ajouter les autres zones mentionnées dans l'annexe V (zone pneumatique, sanitaires, cantine et espace de manœuvre des semi-remorques jusqu'au » TV compound « et à la zone pneumatique) ; que les schémas proposés devaient avant tout garantir que les surfaces prévues pour le » TV compound « soient effectivement exploitables ; que, en ne tenant compte que du chiffrage de la superficie, le Tribunal suprême a commis une erreur d'appréciation ; que le seul projet présenté avant l'expiration du délai contractuel de six mois ne garantissait pas la pérennité des grands prix ; qu'à l'expiration de ce délai, le contrat était caduc ; que les autres schémas proposés après le 6 mars 2015 ont été examinés dans un esprit de bienveillance et dans l'éventualité de la conclusion d'un nouvel accord ; qu'aucune de ces propositions, toutes aussi surprenantes qu'irréalistes, ne répondait à la condition posée par l'article 12 du protocole, y compris en ce qui concerne les phases intermédiaires de la réalisation du projet ; que, s'agissant des exigences de FORMULA ONE MANAGEMENT, la SAM C. ne saurait s'appuyer sur une note d'un technicien de cette organisation, datée du 4 juillet 2017, qui présente la double caractéristique d'être aussi sommaire qu'inexploitable et de contredire le document officiel de cette organisation qui a été communiqué à la SAM C. le 22 mars 2017 par le Ministre d'État et qui rappelle notamment que le seul » TV compound « doit disposer d'une surface de 4 000 m² ; qu'en tout État de cause, le Tribunal suprême n'était pas compétent, comme l'a démontré l'État.
Vu le mémoire enregistré au Greffe Général le 14 mai 2019 par lequel la SAM C. entend répliquer au mémoire en intervention volontaire du Ministre d'État et conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de cette intervention et, à titre subsidiaire, à son rejet au fond ;
Attendu que, selon la SAM C., l'intervention de l'État est irrecevable dès lors que la tierce-opposition de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO est elle-même irrecevable ; que l'intervention de l'État est aussi irrecevable en ce qu'elle émane d'une partie à l'instance ayant donné lieu à la décision juridictionnelle frappée de tierce opposition ; qu'elle est également irrecevable en ce que, alors qu'un intervenant ne peut que s'associer à l'argumentation du requérant principal, en l'espèce le Ministre d'État, celui-ci propose une argumentation opposée à celle de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO en ce qui concerne l'article 12 du protocole du 5 septembre 2014 dans lequel il voit une condition résolutoire là où l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO voit une condition suspensive ;
Attendu que, sur le fond, la SAM C. conteste que, comme le soutient désormais le Ministre d'État, le protocole du 5 septembre 2014 ne serait qu'un avant-contrat sans portée alors qu'il est juridiquement parfait ; elle soutient que l'article 12 dudit protocole ne contient aucune condition résolutoire mais énonce une obligation de résultat ; que, s'il s'agissait d'une condition résolutoire, il appartenait à l'État, en application de l'article 1039 du code civil, de demander la résolution judiciaire du contrat, ce qu'il n'a pas fait ; que, contrairement à ce qu'affirme le Ministre d'État, le protocole de 2014 n'est pas devenu caduc ; que la SAM C. a présenté un projet d'aménagement dans le délai contractuel de six mois et que, par l'effet de la volonté commune des parties, ce délai a été prolongé pour permettre le dépôt et l'examen d'autres projets ; que c'est donc à juste titre que le Tribunal suprême a déduit du comportement de l'État un retrait de signature ; que, contrairement à ce qu'affirme le Ministre d'État, ce retrait de signature peut constituer un acte détachable du contrat alors même qu'il n'est pas relatif à la formation du contrat et que le contrat a reçu un commencement d'exécution ; que la circonstance que l'État ait fait figurer dans le contrat une clause relative aux contraintes liées aux grands prix automobiles n'interdisait pas au Tribunal suprême de retenir qu'il pouvait être regardé comme ayant retiré sa signature pour un motif d'intérêt général dès lors qu'aucune décision formalisée de résiliation n'avait été prise et que l'État n'avait pas établi dans la procédure n° 2018-08 que les refus systématiques des projets de l'exposante étaient justifiés ; que, si caducité il y avait eu, le Ministre d'État aurait dû en informer son cocontractant plutôt que de poursuivre les discussions sur de nouveaux schémas d'aménagement ; que le retrait de signature de l'État a eu pour effet d'empêcher le jeu normal de l'article 15 du protocole relatif à la limitation du droit à indemnité de la SAM C., la privant ainsi du bénéfice de l'indemnisation des dépenses exposées en pure perte ; que c'est donc à juste titre que le Tribunal suprême a considéré que cet article 15 n'était pas applicable à la détermination du préjudice de la société qui avait une espérance légitime de réaliser le projet dans son intégralité et donc d'en retirer le bénéfice attendu ;
Vu la réponse à mesure d'instruction, enregistrée au Greffe Général le 21 mai 2019 par laquelle le Ministre d'État expose qu'aucun agrément au titre de l'article 15 de la loi n° 1.355 n'a été accordé à l'association AUTOMOBILE CLUB DE MONACO et soutient que ce défaut d'agrément n'interdit évidemment pas à une association d'agir en justice pour faire respecter ses droits ; que tel est le cas de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO dont il a été déjà démontré qu'il est statutairement chargé de l'organisation de manifestations sportives à Monaco et que cette mission procède en outre des multiples autorisations, conventions et facilités accordés par l'État à cet effet ;
Vu la duplique enregistrée au Greffe Général le 29 mai 2019 par laquelle la SAM C. maintient ses conclusions précédentes par les mêmes moyens, ajoutant que la convention du 7 mars 2019 produite par l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO à l'appui de son mémoire en réplique, qui est propre à l'année 2019 et n'est donc pas applicable à l'espèce compte tenu de sa date, n'est qu'une convention de financement ; que cette convention ne dénote aucun contrôle de l'État sur l'organisation des grands prix, ne confère aucune habilitation à l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO et ne n'implique pas que l'État aurait créé un service public dont il aurait confié la gestion à l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ; qu'il résulte de la réponse de ce dernier à la mesure d'instruction ordonnée par le Président du Tribunal qu'aucun agrément ne lui a été délivré par l'État ; que, dans le cadre de l'instruction du dossier n° 2018-08, l'État n'avait d'ailleurs pas demandé la mise en cause de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ; sur le fond, que, tout en qualifiant de » fantaisistes « les calculs de surface qu'elle a présentés pour montrer que les exigences de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO étaient excessives, ce dernier n'a pas produit son propre calcul des surfaces ; que, à la différence de l'État, elle a respecté ses engagements en présentant, dans le délai contractuel, un schéma d'aménagement conforme aux prescriptions de l'Annexe V du protocole du 5 septembre 2014 ; que, contrairement à ce que soutient l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, cette annexe n'a pas un caractère indicatif mais bien un caractère impératif, à la différence des prescriptions et recommandations de FORMULA ONE MANAGEMENT LTD qui, elles, n'ont pas valeur contractuelle ; enfin que les plans détaillés de la proposition des techniciens de FORMULA ONE MANAGEMENT LTD qu'elle produit montrent que, contrairement à ce qu'a estimé l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, il était possible d'installer le » TV compound « sur la future esplanade du projet ; qu'il n'y a pas lieu de s'étonner que ces plans limitent la surface envisagée pour ce » TV compound « à 2 270 m² dès lors que FORMULA ONE MANAGEMENT LTD peut s'adapter aux exigences géométriques des lieux comme le démontre la variété des surfaces qu'elle a validées pour les grands prix organisés dans d'autres pays ;
Vu la duplique en intervention, enregistrée au Greffe Général le 29 mai 2019, par laquelle le Ministre d'État reprend les mêmes conclusions et les mêmes moyens que dans son mémoire en intervention volontaire, ajoutant, sur la recevabilité de cette intervention, qu'elle l'autorise à développer sa propre argumentation dès lors qu'il n'élève pas de prétentions nouvelles et, sur le fond, insistant tout d'abord sur la considération que, contrairement à ce que soutient la SAM C., le prétendu retrait de signature de l'État ne saurait être détachable du contrat dès lors qu'il n'entre pas dans les rares exceptions admises par la doctrine et la jurisprudence française et monégasque en ce qui concerne les mesures d'exécution d'un contrat administratif et ensuite que c'est en méconnaissance de l'article 90 B de la Constitution que le Tribunal suprême s'est transformé en juge du contrat, s'engageant ainsi dans un » débordement de compétence « alarmant ; que, s'agissant du protocole du 5 septembre 2014, c'est à tort que la SAM C. conteste la qualification d'avant-contrat retenue par l'État dès lors que le transfert de propriété était soumis à une triple condition, d'une part que la société de projet ait présenté, dans le délai contractuel, des schémas d'aménagement garantissant la pérennité des grands prix automobiles, d'autre part la promulgation d'une loi de désaffectation des terrains (et non le simple dépôt d'un projet de loi de désaffectation comme le prétend la SAM C.), et enfin l'obtention d'une autorisation de construire ; que c'est à tort que la SAM C. rejette la qualification de clause résolutoire pour caractériser l'obligation de résultat contenue dans l'article 12 du protocole du 5 septembre 2014 ; qu'en effet, cet article pose une condition qui, si elle n'est pas remplie alors que le contrat a reçu un commencement d'exécution, fait disparaître rétroactivement le consentement de l'État ; que c'est aussi à tort que la SAM C. soutient que, en cas de non-respect de cette condition, l'État aurait dû demander la résolution judiciaire du contrat alors que, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation française, appliquant un texte identique à celui de l'article 1039 du code civil monégasque, en cas de défaillance de la condition résolutoire, la convention tombe d'elle-même sans même nécessiter une mise en demeure préalable ; que, contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal suprême le 29 novembre 2018, le protocole était devenu caduc du faite de la défaillance de la condition prévue à l'article 12 ; que l'État en a tiré aussitôt les conséquences en retirant le projet de loi de désaffectation des terrains ; que, contrairement à ce que soutient la SAM C., à supposer que l'État se soit » défaussé « de ses obligations sur l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, cette circonstance serait sans incidence sur la question, purement objective, de la faisabilité des schémas d'aménagement proposés par la SAM C. qui les a elle-même soumis à l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ; que, dès lors que la SAM C. n'a pas rempli son obligation, le Tribunal suprême ne pouvait relever une atteinte à ses droits alors que le contrat était devenu caduc ; que c'est à tort que la SAM C. persiste à soutenir que son premier projet respectait les exigences contractuellement prévues et qu'en tout État de cause le protocole aurait été prolongé par la volonté commune des parties ; qu'en effet, non seulement les surfaces nécessaires étaient insuffisantes mais en outre, en dehors du délai contractuel, la SAM C. a présenté des » solutions alternatives « qui ne respectaient pas l'obligation de maintenir le » TV compound « sur son site actuel ; que la discussion sur la compatibilité des projets d'aménagement avec la pérennité des grands prix ne peut intervenir que devant le juge du contrat ; que, s'agissant des » espérances légitimes « de la SAM C., elles sont insaisissables à partir du moment où le Tribunal suprême a reconnu que le retrait de signature de l'État était inspiré par des considérations d'intérêt général ; que la SAM C. n'avait aucune » espérance légitime « de réaliser le projet tant qu'elle ne parvenait pas à proposer des schémas garantissant la pérennité des grands prix ; que, s'il n'y a pas eu de décision formalisée de résiliation du contrat, c'est que celui-ci était devenu caduc ; qu'il appartenait à la SAM C. de démontrer qu'elle avait respecté son obligation de résultat en justifiant de l'accord de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, ou en démontrant que les refus de ce dernier étaient infondés, et non à l'État de démontrer que les refus opposés à ses propositions étaient fondées ; que, ayant échoué à proposer des aménagements garantissant la pérennité des grands prix, la SAM C. n'a droit à aucune indemnisation, même au titre des frais liés à l'élaboration des projets architecturaux ;
Vu l'ordonnance de M. Président du Tribunal suprême du 31 mai 2019 décidant qu'il n'y a pas lieu d'autoriser les parties à déposer une demande aux fins de triplique ;
SUR CE :
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ; Vu la Constitution, notamment son article 90-B ;
Vu l'Ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal suprême, modifiée ;
Vu la décision n° 2018-08 rendue par le Tribunal suprême le 29 novembre 2018 ;
Vu la loi n° 1.355 du 23 décembre 2008 concernant les associations et les fédérations d'associations ;
Vu l'ordonnance du 21 février 2019 par laquelle le Président du Tribunal suprême a désigné Monsieur Jean-Michel LEMOYNE de FORGES, Vice-président, comme rapporteur ;
Vu l'ordonnance du 26 avril 2019 par laquelle M. le Président du Tribunal suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 7 juin 2019 ;
Vu le procès-verbal de clôture de la procédure du 31 mai 2019 ;
Vu l'Ordonnance de M. le Président du Tribunal suprême du 4 juin 2019 modifiant la composition de la formation de jugement ;
Ouï Monsieur Jean-Michel LEMOYNE de FORGES, Vice-président du Tribunal suprême, en son rapport ;
Ouï Maître Alexis MARQUET, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et Maître Arnaud de CHAISEMARTIN, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ;
Ouï Maître François-Henri BRIARD, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France pour la SAM C. ;
Ouï Maître Jacques MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour l'État de Monaco ;
Ouï le Procureur Général en ses conclusions ;
La parole ayant été donnée en dernier aux parties ;
APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ
Considérant qu'aux termes de l'article 90 de la Constitution : » A.– En matière constitutionnelle, le Tribunal suprême statue souverainement : / (...) / 2°) sur les recours en annulation, en appréciation de validité et en indemnité ayant pour objet une atteinte aux libertés et droits consacrés par le Titre III de la Constitution, et qui ne sont pas visés au paragraphe B du présent article. / B.– En matière administrative, le Tribunal suprême statue souverainement : / 1°) sur les recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions des diverses autorités administratives et les Ordonnances souveraines prises pour l'exécution des lois, ainsi que sur l'octroi des indemnités qui en résultent ; / (...) « ; que l'article 38 de l'Ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal suprême, dispose : » La tierce opposition ne peut être reçue que si elle émane d'une personne dont les droits ont été méconnus. Celle qui a été appelée à intervenir en application de l'article 18 est toutefois irrecevable à former tierce-opposition, alors même qu'elle n'aurait pas produit d'observations. / Elle doit intervenir, sous peine d'irrecevabilité, dans les deux mois qui suivent la publication de la décision du Tribunal suprême prévue à l'article précédent. Elle est formée et jugée dans les mêmes conditions que le recours lui-même. Aucune autre voie de recours n'est admise, sinon pour rectification d'une erreur matérielle « ; qu'aux termes de l'article 18 de la même ordonnance : » À la demande de l'une des parties formée soit dans la requête introductive du recours, soit par requête distincte déposée au Greffe Général contre récépissé dans les huit jours qui suivent la remise de la copie de cette requête, le Président peut ordonner que le Greffier en chef communique la procédure à une ou plusieurs personnes dont les droits lui semblent susceptibles d'être affectés par le recours. / Le Président peut décider une telle communication de son propre chef dans les quinze jours suivant la réception de la requête introductive. / Cette personne peut intervenir (...) « ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que seule une personne qui aurait pu être appelée à intervenir dans une instance ouverte devant le Tribunal suprême et qui ne l'a pas été et dont les droits ont été méconnus est recevable à former une requête en tierce opposition contre la décision rendue par ce Tribunal ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si l'association dénommée AUTOMOBILE CLUB DE MONACO organise depuis fort longtemps des compétitions automobiles en Principauté, elle ne le fait qu'au titre de son objet social et non, comme elle le soutient, en qualité de délégataire de l'État ; que les autorisations, conventions et facilités qui lui ont été accordées par l'État jusqu'en 2018 pour l'organisation d'épreuves sportives, en particulier le Grand Prix de Formule 1, résultaient seulement de ce que ces épreuves supposent occupation du domaine public et donc des mesures destinées à assurer la sécurité publique ; que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ne bénéficie pas de l'agrément de l'État, prévu par les articles 14 et 15 de la loi n° 1.355 du 23 décembre 2008 en faveur des associations dont l'objet poursuit un but d'intérêt général, ou dont l'activité concourt à une mission de service public ou contribue à la notoriété de la Principauté, qui permet à ces associations de bénéficier d'un concours financier régulier de l'État et facilite la défense de leurs intérêts en justice ; que si, en vertu de la convention du 7 mars 2019 produite par le requérant et par le Ministre d'État, l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO bénéficie d'un important concours financier de l'État pour l'organisation de diverses compétitions automobiles, ce ne peut être, tant que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ne bénéficie pas de l'agrément précité, qu'à titre ponctuel et non renouvelable avant l'expiration d'un délai de trois ans, conformément à l'article 16 de la loi n° 1.355 relatif aux concours financiers de l'État consentis aux associations non agréées ; que cette convention de financement ne confère pas à l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO la qualité de délégataire de l'État pour l'organisation de ces compétitions ; qu'en tout État de cause cette convention n'a pas d'effet rétroactif de sorte qu'elle ne peut être utilement invoquée pour caractériser une situation juridique correspondant à des faits antérieurs à 2019 ;
Considérant que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO n'est pas partie au protocole d'accord conclu le 5 septembre 2014 ; que l'article 12 de ce protocole stipule : » La Société de Projet prendra en charge, pendant la réalisation du Projet, les contraintes liées aux Grands Prix automobiles (Formule 1, Historique et/ou Électrique organisés durant la même période), telles que définies en annexe 5 et notamment : - le renforcement éventuel de l'esplanade publique ; - l'incidence sur le planning et le phasage de réalisation, y compris la réalisation d'un «TV compound» temporaire pendant l'exécution des travaux. / La Société de Projet devra, à ses frais exclusifs, prendre toutes dispositions afin que le Projet permette, dans toutes ses phases de réalisation et dans l'exploitation future des bâtiments construits, la mise en place des équipements nécessaires à l'organisation et à la couverture des Grands Prix organisés par l'Automobile Club de Monaco. À cet effet, il appartient à la Société de Projet de proposer à l'État des schémas d'aménagement permettant la mise en œuvre de ces contraintes, dans un délai maximal de six mois à compter de l'entrée en vigueur du présent protocole d'accord et, en tout État de cause, au moins deux mois avant le déroulement du premier Grand Prix de la saison. / Cette obligation de résultat à la charge de la Société de Projet constitue une condition essentielle du consentement de l'État. / L'État fera toute diligence afin d'assister, dans le respect des dispositions législatives ou réglementaires applicables, la Société de Projet pour l'exécution des obligations stipulées au présent article « ; que, si cet article 12 met en évidence l'intérêt que présentent les schémas d'aménagement envisagés pour l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, ni lui ni aucune autre clause du protocole n'institue une stipulation pour autrui dont l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO pourrait revendiquer le bénéfice ; que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ne saurait donc être regardé ni comme bénéficiaire du projet envisagé par l'État ni comme victime de l'abandon de ce projet ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les droits de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO n'étaient pas susceptibles d'être affectés par le recours de la SAM C., de sorte que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO n'aurait pas été recevable à intervenir dans cette procédure ; qu'en conséquence, ni la reprise éventuelle des relations contractuelles entre les parties ni la condamnation éventuelle de l'État à indemniser les préjudices subis par la SAM C. ne seraient susceptibles d'avoir une incidence sur les droits de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ; qu'il résulte de tout ce qui précède que l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ne justifie pas d'un droit méconnu ; qu'il n'est donc pas recevable à former tierce opposition contre la décision du Tribunal suprême du 29 novembre 2018 ;
Considérant que, en conséquence de l'irrecevabilité de la requête de l'AUTOMOBILE CLUB DE MONACO, et en tout État de cause, l'intervention volontaire du Ministre d'État est elle-même irrecevable ;
Dispositif🔗
DÉCIDE
Article 1er🔗
La requête de l'association dénommée » AUTOMOBILE CLUB DE MONACO « est rejetée.
Article 2🔗
L'intervention du Ministre d'État n'est pas admise.
Article 3🔗
Les dépens sont mis à la charge de l'association dénommée » AUTOMOBILE CLUB DE MONACO ".
Article 4🔗
Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.
Composition🔗
Ainsi jugé et délibéré par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de M. Didier LINOTTE, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, M. Jean-Michel LEMOYNE de FORGES, Vice-président, rapporteur, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Mme Martine LUC-THALER, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, M. Didier RIBES, membres titulaires et M. Guillaume DRAGO, membre suppléant ;
Et prononcé le dix-neuf juin deux mille dix-neuf en présence du Ministère Public par M. Didier LINOTTE, assisté de Mme Virginie SANGIORGIO, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Greffier en Chef.