Tribunal Suprême, 3 décembre 2012, M. m. CA. c/ Etat de Monaco

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Abstract🔗

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Recours pour excès de pouvoir

Loi n° 1.312 du 26 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs - Mention dans la décision administrative des articles pertinents de loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques

Loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques - Exercice d'une activité économique - Agissements fondant la décision administrative non établis - Activités de la société BVC exclues du champ d'application de l'article 5 de ladite loi

Employés de la société BVC non soumis à la loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté - Erreur de droit - Décision illégale (oui)

Procédure

Mesure d'instruction - Communication à la juridiction des documents nécessaires à l'instruction - Arrêt avant-dire droit


Motifs🔗

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TRIBUNAL SUPRÊME

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TS 2012 - 06

Affaire :

m. CA.

Contre

Etat de Monaco

DÉCISION

AUDIENCE DU 21 NOVEMBRE 2012

Lecture du 3 décembre 2012

Recours en annulation de la décision du ministre d'État en date du 12 septembre 2011 rejetant la demande de création de la SARL BVC Expertise Monaco, ainsi que de la décision du Ministre d'État en date du 26 janvier 2012 rejetant le recours gracieux formé contre la décision précédente.

En la cause de :

- M. m. CA., né le 27 mai 1950 à Agen, de nationalité française, demeurant et domicilié X1 à La Colle sur Loup (06480) ;

- la SARL de droit français Bureau de Vérification et de Conseil, en abrégé BVC, dont le siège social est sis 10 chemin de la Ferrière, résidence « Le Marie-Jeanne » à Cagnes-sur-Mer (06800) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat défenseur près la Cour d'appel de Monaco, y demeurant, 20, avenue de Fontvieille, et plaidant par ledit avocat défenseur.

Contre :

- S. E. M. le Ministre d'Etat de la Principauté de Monaco ayant pour avocat défenseur Maître Christophe SOSSO, avocat défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIE, avocat au Conseil d'État et à la Cour de Cassation de France.

Le Tribunal suprême,

Siégeant et délibérant en Assemblée plénière

Vu la requête présentée par M. M. C. et la SARL de droit français BVC, enregistrée au greffe général le 8 mars 2012, demandant l'annulation de la décision du Ministre d'État en date du 12 septembre 2011 rejetant la demande de création de la SARL monégasque BVC expertise Monaco, ainsi que l'annulation de la décision du Ministre d'État en date du 26 janvier 2012 rejetant le recours gracieux formé contre cette première décision ;

Ce faire,

Attendu que la société BVC, exerçant en France depuis 1999 l'activité d'expertise et de conseil en matière de sécurité alimentaire, intervient également en Principauté depuis onze ans en qualité de prestataire de services ; que pour faciliter son intervention en principauté, elle a souhaité constituer une filiale de droit monégasque, BVC expertise Monaco ; qu'à cet effet, elle a présenté le 9 juin 2011, conjointement avec M. M. C., une demande de création d'une SARL par l'intermédiaire du cabinet d'expertise comptable de M. Christian Boisson, Excom, sis 13 avenue des Castelans à Monaco ; que le 14 juin 2011, un courrier du Directeur de l'expansion économique a notifié à M. Boisson que ladite demande était bien recevable ; que pourtant, le 12 septembre 2011, M. le Ministre d'État notifiait à M. C. et à la société BVC sa décision de rejeter ladite demande, au motif qu'en vertu des articles 5 et 7 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, l'exercice d'une telle activité est subordonnée à l'obtention d'une autorisation administrative lorsque les associés et gérants de la société sont étrangers ; que l'obtention de cette autorisation suppose que des garanties morales soient apportées ; mais que l'administration a eu connaissance de démarches accomplies par M. C. en sa qualité de représentant de la société BVC, faisant état d'un mandat ou d'un agrément délivré par la Direction de l'action sanitaire et sociale en vue d'obtention de partenariats avec les entreprises ou sociétés sollicitées, et ce, hors de toute autorisation administrative ; et que par conséquent, il a été induit d'une telle attitude que M. C. ne présentait pas toutes les garanties de moralité professionnelle exigées par la loi du 26 juillet 1991 ; que M. C. et la BVC ont formé, le 28 septembre, un recours gracieux contre cette décision, rejeté à son tour le 26 janvier 2012 par lettre de M. le Ministre d'État ;

Attendu que la décision de rejet du 12 septembre 2011 comme celle du 26 janvier 2012 sont entachées d'une double illégalité ;

Attendu qu'en premier lieu, la décision du 12 septembre 2011 est entachée d'illégalité externe en ce qu'elle n'est pas véritablement motivée ; que, refusant une autorisation, il n'est pas contestable que ladite décision relève de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 qui dispose que de telles décisions individuelles « doivent être motivées à peine de nullité » ; que l'article 2 de la loi précitée ajoute que cette motivation « doit être écrite et comporter, dans le corps de la décision, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement » ; que le Tribunal suprême a rappelé que ces considérations ne devaient pas être « formulées en termes trop généraux et imprécis » ; qu'en l'espèce, la décision contestée se borne à renvoyer à des faits qui ne sont « nullement circonstanciés, ni dans le temps, ni au regard de l'identité des professionnels de la Principauté » auprès desquels M. M. C. aurait entrepris des démarches frauduleuses ; qu'ainsi, il s'avère impossible, à la lecture de la décision contestée, de savoir précisément quels sont les faits à partir desquels M. le Ministre d'État a pu induire que M. C. ne présentait pas « toutes les garanties de moralité professionnelle » exigées ; que faute de motivation suffisante, la décision contestée devra donc être annulée pour illégalité externe ;

Attendu qu'en second lieu, cette décision paraît entachée d'illégalité interne dans la mesure où elle se fonde sur des faits matériellement inexistants ; que dans la décision du 12 septembre, il est reproché à M. C. d'avoir « fait état d'un mandat ou d'un agrément délivré par la Direction de l'action sanitaire et sociale, aux fins d'obtenir des partenariats avec les entreprises ou sociétés sollicitées » ; que les agissements en question, dont Monsieur le Ministre d'État affirme dans sa lettre du 26 janvier 2012 qu'ils ont été décrits « à plusieurs reprises » par des commerçants de Monaco à « des agents de la Direction de l'action sanitaire et sociale », n'ont aucune réalité ;

Attendu que par ailleurs, Monsieur le Ministre d'État, dans sa lettre du 26 janvier 2012, développe à l'appui de sa décision du 12 septembre une argumentation nouvelle, qui n'avait nullement été évoquée dans la décision initiale, selon laquelle la société BVC aurait exercé pendant 11 ans ses activités à Monaco sans la moindre autorisation administrative, contrairement à la loi du 26 juillet 1991 dont l'article 5 soumet à une telle autorisation l'exercice d'une activité professionnelle par une personne étrangère, le contrevenant étant passible des peines prévues à l'article 26, 4°, du Code pénal ; que c'est « pour l'ensemble des motifs susmentionnés » que « les garanties de moralité » exigées par la loi de 1991 n'auraient « pas été apportées » ; que ce nouveau grief, énoncé après coup, confirme que l'État est incapable de justifier des faits reprochés à M. C. dans la décision du 12 septembre ; qu'il est en outre soulevé de mauvaise foi, la société BVC étant intervenue pendant 11 années au vu et au su de l'administration monégasque ; qu'enfin, ce grief s'avère infondé, dès lors que l'activité accessoire d'une société étrangère à Monaco n'est pas soumise à autorisation préalable, à moins qu'elle ne fasse partie d'une profession réglementée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

Attendu qu'ainsi, la décision du 12 septembre et celle du 26 janvier 2012 sont entachées d'illégalité, et doivent être annulées ;

Vu la contre requête enregistrée au greffe le 12 mai 2012, qui tend au rejet de la requête en annulation formée par M. C. et la société BVC ;

Attendu que pendant 11 ans, la BVC a exercé son activité à Monaco auprès d'une cinquantaine d'établissements de restauration, parmi lesquels l'ensemble des restaurants de la Société des Bains de Mer, et ce, sans la moindre autorisation ; que durant cette période, M. C. a démarché des entreprises monégasques « en les laissant croire que non seulement il disposait des autorisations légales requises pour exercer à Monaco une activité régulière, mais qu'il disposait également d'un mandat délivré par la Dass » ; que courant 2010, les agents de la Direction de l'action sanitaire et sociale ont reçu plusieurs plaintes de professionnels « dénonçant le partenariat avec la Dass dont se prévalait la société BVC » ; qu'alors que la Dass, par une note du 11 février 2011, demandait à la Direction de l'expansion économique que soit diligentée une enquête sur la société BVC, l'associé gérant de cette dernière, M. C., conscient de l'irrégularité des activités exercées par ladite société en Principauté, se décida à créer une filiale de droit monégasque ; que la demande de création formulée le 9 juin 2011 fut rejetée par M. le Ministre d'État par sa décision du 12 septembre de la même année ; que le 26 janvier, 2012, saisi d'un recours gracieux contre sa décision du 12 septembre, Monsieur le Ministre d'État a pris une nouvelle décision de rejet, insistant en particulier sur le fait que M. C. avait, pendant 11 ans, exercé en toute irrégularité son activité dans la Principauté ;

Attendu que selon M. C., la décision du 12 septembre 2011 serait entachée d'illégalité externe, dans la mesure où elle contreviendrait aux exigences de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ; que ses critiques manquent en fait, les considérations de droit et de fait fondant la décision de rejet ayant bien été énoncées, de même que le raisonnement qui a conduit de ces considérations à la décision de rejet ; qu'ainsi, la décision satisfait pleinement aux exigences de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 ;

Attendu qu'en second lieu, le requérant invoque la prétendue « fausseté des faits » qui lui sont reprochés, affirmant qu'il ne se serait jamais prévalu d'un mandat ou d'un agrément délivré par la Dass ; et qu'en outre, l'argument développé dans la lettre du Ministre d'État en date du 26 janvier 2012 lui reprochant d'avoir exercé son activité à Monaco sans autorisation administrative préalable serait sans fondement, « la personne physique de nationalité étrangère n'ayant », selon lui, « nul besoin d'une autorisation ou d'un permis de travail pour exercer une activité commerciale à Monaco » ; que là encore, la critique doit être rejetée dans ces deux éléments ; qu'en ce qui concerne, d'une part, l'exactitude matérielle des faits qui leur sont reprochés, les requérants sont mal venus à la contester, dès lors qu'elle se trouve confirmée par des documents qu'ils ont eux-mêmes versés aux débats ; que les propres productions de M. C. démontrent que celui-ci s'est prévalu auprès des professionnels démarchés d'un mandat ou d'un agrément des autorités sanitaires monégasques, ce qui ressortait déjà des informations recueillies par les agents de la Dass ; qu'il en résulte que M. C. a entendu faire croire qu'il était titulaire des autorisations réglementaires requises pour exercer à Monaco et qu'il disposait de surcroît d'une habilitation de la Dass, ce qui constitue « un comportement frauduleux, incompatible avec les garanties de moralité exigée par la loi » ; que, d'autre part, l'obligation de bénéficier, en vertu de la loi du 26 juillet 1991, d'une autorisation pour exercer une telle activité en Principauté lorsque l'on est soi-même étranger n'est pas contestable, quoi qu'en disent les requérants, arguant du caractère « ponctuel » de leur propre activité ; que l'activité de la société BVC ne peut être considérée comme ponctuelle, celle-ci ayant conclu avec une cinquantaine de restaurants monégasques des contrats triennaux de suivi régulier ; que les dispositions de la loi précitée sont dépourvues d'ambiguïté, son article 5 visant de façon générale « l'exercice des activités artisanales, commerciales, industrielles et professionnelles, à l'exception de celles dont l'accès est déjà soumis à autorisation, des personnes physiques de nationalité étrangère » ; qu'en application de ces dispositions, M. C., de nationalité française, ne pouvait exercer son activité en Principauté sans avoir obtenu au préalable l'autorisation requise ; qu'en exerçant ladite activité sans y avoir été autorisé, M. C. a donc dû « à tout le moins, laisser croire aux professionnels démarchés qu'il en était titulaire, alors qu'il ne l'avait même pas sollicitée » ; que, de la même manière, l'article 1er de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en principauté dispose « qu'aucun étranger ne peut occuper un emploi privé à Monaco s'il n'est titulaire d'un permis de travail » ; que les agents de la Dass ont pu constater, dans divers établissements suivis par la SARL BVC, la présence de deux salariées de ladite société, lesquelles n'étaient pas déclarées au titre de la loi du 17 juillet 1957 ;

Attendu que c'est en se fondant sur l'ensemble de ces motifs que M. le Ministre d'État a pu rejeter la demande de M. C., considérant que « le comportement passé » de celui-ci « ne permettait pas de considérer qu'il présentait les garanties de moralité requises » par la loi ; qu'ainsi, le Tribunal suprême rejettera la requête de M. M. C. et de la société BVC ;

Vu la réplique de M. C. et de la société BVC tendant aux mêmes fins que la requête, enregistrée au greffe le 12 juin 2012 ;

Attendu que les activités de la société BVC en Principauté sont accessoires, ladite société ne travaillant ni uniquement ni principalement à Monaco, et qu'à ce titre, elle ne relève pas des dispositions de la loi du 26 juillet 1991 ; que l'administration monégasque n'a jamais ignoré l'activité de la société BVC, ayant été, notamment entre 2006 et 2010, fréquemment associée à des manifestations organisées par celle-ci, sinon même, aux activités de cette dernière, ainsi qu'en attestent les pièces produites ; qu'enfin, le reproche fait aux salariés de la société BVC de n'avoir pas de permis de travail monégasque est inopérant, cette exigence ne concernant, comme le précise la loi n° 629 du 17 juillet 1957, que les étrangers occupant « un emploi privé à Monaco » ; que pour toutes ces raisons, les requérants persistent à demander l'annulation des décisions attaquées ;

Vu, enregistrée au greffe le 13 juillet 2012, la duplique de Monsieur le Ministre d'État, tendant aux mêmes fins et par les mêmes moyens que sa contre requête ;

Attendu qu'en ce qui concerne la légalité interne de la décision contestée, les allégations de la réplique laissent intacte l'argumentation développée dans la contre requête ; qu'il ressort des pièces produites par le requérant que celui-ci s'est présenté frauduleusement à diverses sociétés comme étant titulaire d'une autorisation ou d'une homologation auprès de la Dass, comportement qui suffit à justifier le refus opposé à sa demande d'autorisation ; que n'est pas utilement contestée l'obligation d'obtenir une autorisation d'exercice d'une activité professionnelle à Monaco telle qu'elle résulte de l'article 5 de la loi du 26 juillet 1991 – y compris, lorsqu'il s'agit d'une activité à caractère ponctuel, ce qui n'était pas le cas des activités monégasques de la société BVC ; que les employés de sociétés étrangères, même affiliés aux organismes sociaux français, ne peuvent travailler en Principauté sans y être autorisés par la direction du travail, comme le précise la loi du 17 juillet 1957 ; que si l'administration monégasque avait connaissance des activités de la société BVC, elle a longtemps ignoré que cette dernière ne disposait pas des autorisations requises pour les exercer en Principauté ; que par ces motifs, Monsieur le Ministre d'État persiste dans ses précédentes écritures ;

Vu les décisions attaquées ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution du 17 décembre 1962 et notamment son article 90-B ;

Vu l'Ordonnance n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, modifiée, concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques ;

Vu la loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciements en Principauté ;

Vu l'ordonnance du 28 mars 2012 par laquelle M. le Président du Tribunal suprême a désigné Monsieur Frédéric Rouvillois, membre suppléant, comme rapporteur ;

Vu l'Ordonnance du 4 octobre 2012 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 21 novembre 2012 ;

Ouï M. Frédéric Rouvillois, Membre suppléant du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Jean-Pierre Licari, Avocat défenseur près la cour d'appel de Monaco, pour M. M. C. et la SARL BVC ;

Ouï Maître Jacques Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France, pour le Ministre d'État ;

Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;

Sur la décision du 12 septembre 2011

Sur la légalité externe

Considérant que la décision attaquée du 12 septembre 2011 mentionne les considérations de fait qui, au regard des exigences résultant des dispositions combinées des articles 5 et 9 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, ont conduit le Ministre d'État à rejeter la demande formée par M. C. ; que par conséquent, ladite décision a satisfait à l'obligation de motiver imposée par la loi n° 1.312 du 26 juin 2006 ; que le moyen tiré du défaut de motivation sera donc rejeté ;

Sur la légalité interne

Considérant que le rejet de la demande formulée par M. C. a été motivé par des agissements imputés à ce dernier, ayant conduit le Ministre d'État à « induire » qu'il ne présentait pas toutes les garanties de moralité professionnelle exigées par l'article 9 de la loi n° 1.144 du 29 juillet 1991 ;

Considérant toutefois que la matérialité de ces faits, qui consisteraient en des démarches accomplies auprès des professionnels de la Principauté faisant frauduleusement état d'un mandat ou d'un agrément délivré par la Dass aux fins d'obtenir des partenariats hors de toute autorisation administrative, n'est pas établie ;

Considérant que la réalité de ces agissements est une question de pur fait qui doit être examinée au vu d'un ensemble d'indices précis et concordants ; que le Tribunal n'est pas en mesure de vérifier si, compte tenu des éléments fournis par le requérant, la décision attaquée n'est pas entachée d'inexactitude matérielle ; que l'article 32 de l'ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal suprême permet à celui-ci, avant de statuer au fond, d'ordonner toutes mesures d'instruction utiles à la manifestation de la vérité ; qu'il y a donc lieu d'inviter le Ministre d'État à produire les constats et les plaintes dont il se prévaut ;

Sur la décision du 26 janvier 2012

Considérant que la décision du 26 janvier 2012 rejetant le recours gracieux formé contre la décision du 12 septembre 2011 retient que M. C. a exercé son activité en Principauté pendant onze ans sans disposer des autorisations requises à cet effet par l'article 5 de la loi du 26 juillet 1991, et sans que les personnes employées par lui aient obtenu le permis de travail exigé par l'article 1er de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté ; qu'ayant ainsi exercé pendant onze ans son activité de façon illicite en Principauté, M. C. ne présenterait pas, pour cette raison, toutes les garanties de moralité professionnelle exigées par l'article 9 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 ;

Considérant que les activités de la société BVC, même exercées fréquemment à Monaco, n'entraient pas dans le champ de l'article 5 de la loi de 1991, dès lors, notamment, que ladite société n'y avait ni siège ni locaux ;

Considérant en outre que le permis de travail exigé par la loi du 17 juillet 1957 ne concerne que les étrangers désireux d'« occuper un emploi privé à Monaco » ; que les employés de la société BVC qui sont intervenus dans le cadre des activités de cette dernière en Principauté, ne sauraient être considérés de ce fait comme « occupant un emploi privé à Monaco » ; qu'ils n'avaient donc pas à obtenir au préalable un tel permis de travail ;

Considérant ainsi que la société BVC n'a pas exercé son activité de façon illicite sur le territoire de la Principauté ; qu'on ne saurait donc considérer que les requérants ne présentaient pas de ce fait toutes les garanties de moralité professionnelle ; que la décision du 26 janvier 2012 est ainsi entachée d'une erreur de droit.

Dispositif🔗

DÉCIDE :

Article 1er : Le Ministre d'État est invité à produire dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, les constats et plaintes dont il se prévaut pour établir les agissements imputés à Monsieur M. C. dans la décision du 12 septembre 2011, lequel pourra y répondre dans le même délai.

Article 2 : La décision du Ministre d'État du 26 janvier 2012 est annulée.

Article 3 : Les dépens sont réservés.

Article 4 : Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

Composition🔗

Ainsi délibéré et jugé par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, composé de Messieurs Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, président, Jean m. LEMOYNE DE FORGES, officier de l'ordre de Saint-Charles, vice-président, Madame Martine LUC-THALER et Monsieur José SAVOYE, membres titulaires, et Monsieur Frédéric ROUVILLOIS, membre suppléant, rapporteur,

et prononcé le trois décembre deux mille douze en présence de M. Jean-Pierre DRÉNO, Procureur général par Monsieur Didier LINOTTE, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Béatrice BARDY, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, greffier en chef.

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