Tribunal Suprême, 30 mars 2012, Mme L.-M., épouse M. c/ Ministre d'État

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Abstract🔗

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel - Fonctionnaires et agents publics - Prestations médicales - Décision administrative de suppression des prestations familiales et médicales - Recours hiérarchique - Rejet

Procédure

Désistement de la requérante - Acceptation du Ministre d'État - Donner acte du Tribunal Suprême


Motifs🔗

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière

Vu la requête présentée par Madame L.-M. épouse M. enregistrée au Greffe général de la Principauté de Monaco le 1 juin 2010 sous le numéro TS 2010-09 tendant à l'annulation de la décision en date du 12 novembre 2009 par laquelle Madame le Chef de Service des Prestations Médicales de l'État a refusé de la réintégrer dans ses droits relativement aux prestations familiales et à la prise en charge de sa fille Margaux FE par le Service des Prestations Médicales de l'État, ensemble la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique par Monsieur le Ministre d'État, et, en tant que de besoin, à l'annulation de la circulaire n° 80-15 du 16 juin 1980 et à la condamnation de l'État aux dépens.

Ce faire

Attendu que Madame L.-M. épouse M. est monégasque et fonctionnaire, directrice juridique de la Fondation Prince Albert II de Monaco sur mise à disposition de la Direction des Ressources Humaines et de la Formation de la Fonction Publique ; qu'elle est mère d'une fille âgée de 6 ans née d'une précédente union, Mademoiselle F., laquelle souffle d'un dysfonctionnement cérébelleux nécessitant au titre du handicap moteur global en résultant un lourd suivi médical et une prise en charge thérapeutique quotidienne ; qu'ayant réintégré la fonction publique en octobre 2005, après une démission en 1999 suivie de plusieurs années d'activité dans le secteur privé, elle a bénéficié de l'ensemble des prestations servies par le Service des Prestations Médicales de l'État, ainsi que sa fille, dont la garde lui a été attribué avec exercice exclusif de l'autorité parentale par jugement de divorce du Tribunal de Première Instance du 6 novembre 2008 ; qu'elle s'est remariée le 1er août 2009 avec Monsieur M., ressortissant français, exerçant alors la profession d'avocat au barreau de Paris avant d'intégrer le barreau de Nice pour se rapprocher de son épouse ; que sans aucune notification préalable, le Service des Prestations Médicales a supprimé, d'une part, le versement à la requérante des prestations familiales (allocations familiales et allocation mère au foyer) et, d'autre part, la couverture sociale dont les prestations médicales, pharmaceutique et chirurgicales dont bénéficiait sa fille Margaux en qualité d'ayant-droit ; S'étant aperçue de la cessation du versement des deux allocations à la réception de sa fiche de paye d'août 2009 et ayant appris la suppression des prestations médicales perçues pour Margaux le 19 octobre 2009 à la réception d'une enveloppe datée du 17 octobre 2009 contenant des feuilles de maladie la concernant et des formulaires, l'un en date du 23 septembre 2009, l'autre du 29 septembre 2009, sur lesquels était cochée la case « - Ne concerne plus notre organisme à la date des soins », Madame L.-M. épouse M. a contacté téléphoniquement le Service des Prestations Médicales le 20 octobre 2009 et adressé le même jour une réclamation écrite à celui-ci afin d'être réintégrée d'urgence dans ses droits, et demandant à connaître les motifs de la décision prise à son encontre ; qu'elle a réitéré sa réclamation le 3 novembre 2009 ; que par une lettre en date du 12 novembre 2009, Madame le Chef du Service des Prestations Médicales de l'État a informé la requérante qu'elle bénéficiait d'une affiliation personnelle à l'assurance maladie auprès du Service des Prestations Médicales de l'État, mais qu'en revanche, compte tenu de sa nouvelle situation familiale consécutive à son mariage le 1er août 2009, sa fille Margaux n'était plus regardée comme son ayant droit, mais comme celle de son conjoint, bénéficiant à ce titre des droits ouverts auprès d'un organisme français en application des règles de coordination fixées par la Convention franco-monégasque de sécurité sociale ; que par une lettre en date du 3 décembre 2009, notifiée le lendemain, Madame L.-M., épouse M. a formé un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision auprès de Monsieur le Ministre d'État, demeuré sans réponse.

Attendu qu'à l'appui de sa requête, Madame L.-M. épouse M. soutient, sur la recevabilité, que la décision attaquée datant du 12 novembre 2009, le recours hiérarchique formé à son encontre le 3 décembre 2009, notifié le lendemain, l'a été dans le délai prescrit par l'article 15 de l'ordonnance n° 2.984 du 16 avril 1963 et que le recours contentieux enregistré le 1er juin 2010, soit dans le délai de deux mois suivant l'expiration du délai de quatre mois au terme duquel une décision implicite de rejet de son recours hiérarchique s'est formée par application des dispositions de l'article 14 de ladite ordonnance, est recevable.

Attendu que, pour obtenir l'annulation des décisions attaquées, Madame L.-M. épouse M. soutient ensuite, d'une part que le refus opposé à une jeune Monégasque lourdement handicapée l'aide de l'État sous forme de prise en charge des frais médicaux, viole les termes de l'article 26 de la Constitution, d'autre part que Madame L.-M. épouse M. estime que ce refus viole la loi en tant que les dispositions invoquées de l'article 31 de la loi n° 975 du 12 juillet 1975 qui n'instaurent aucune exception au droit des fonctionnaires aux prestations familiales et médicales et de leurs ayants cause, telle que sa fille sur laquelle elle exerce l'autorité parentale exclusive et qui n'est pas la fille de son nouvel époux, ce texte ne faisant aucune distinction entre les deux sexes.

Attendu que la requérante estime que les décisions contestées violent encore la loi en tant qu'elles procèdent des « règles d'extension » du champ d'application de la circulaire n° 80-15, ces règles n'étant pas définies, la circulaire ne concernant pas les prestations médicales et étant nulle pour les mêmes motifs qu'une précédente circulaire du 25 février 1953 annulée pour incompétence, de même qu'en raison de son caractère discriminatoire, attribuent la qualité de chef de foyer en fonction du sexe à des fonctionnaires dont le statut prévoit qu' « aucune distinction n'est faite entre les deux sexes ».

Attendu que la requérante estime enfin que les décisions contestées violent la loi en tant qu'elles se fondent sur l'ordonnance souveraine n° 1147 du 28 décembre 1956 fixant les modalités d'application des lois n° 595 et 618 sur les régimes de prestations des 15 juillet 1954 et 26 juillet 1956, alors même que celle-ci ne s'applique qu'aux salariés du secteur privé ; que le droit des fonctionnaires et de leurs ayants cause aux prestations sociales en litige est affirmé par la loi ri' 975 du 12 juillet 1975 comme par la loi n° 486 du 17 juillet 1948 relative à l'octroi des allocations pour charges de famille, des prestations médicales, chirurgicales et pharmaceutiques aux fonctionnaires de l'État et de la Commune en ses articles 1 et 2, que la puissance paternelle a été remplacée par l'autorité parentale, laquelle est en principe exercé de façon conjointe et ne saurait en tout état de cause être transférée à un tiers, de sorte qu'un tel système discriminatoire est contraire à l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme, qui prohibe toute forme de discrimination et notamment celle qui est fondée sur le sexe.

Vu la contre requête enregistrée le 23 juillet 2010 au Greffe Général par laquelle S.E. M. le Ministre d'État concluait au rejet de la requête ;

Attendu d'abord que celle-ci est irrecevable, dès lors que la décision du 12 novembre 2009 était une décision de rejet du recours gracieux formé le 20 octobre 2009 par la requérante auprès du Service des Prestations Médicales de l'État pour qu'il revienne ? avec effet rétroactif au 1er août 2009 sur la décision qu'il avait prise de ne plus assurer les versements des prestations familiales et médicales ; que dans la mesure où le délai de recours contentieux ne peut être conservé que par un seul recours administratif, Madame L.-M. épouse M. aurait dû directement déférer au Tribunal Suprême la décision du 12 novembre 2009 rejetant son recours gracieux et que, faute de l'avoir fait, sa requête est irrecevable ;

Attendu, à titre subsidiaire au fond, que l'article 26 de la Constitution n'est pas rédigé dans des termes suffisamment précis pour être d'applicabilité directe et qu'il consacre un droit à l'aide de l'État « dans des conditions et formes de la loi », de sorte qu'il ne saurait être utilement invoqué à l'appui de conclusions tendant à l'annulation d'une décision notamment individuelle à la différence des conditions et formes posées par le législateur dans les domaines concernés ;

Attendu que la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires n'est mentionnée dans la décision du 12 novembre 2009 qu'au titre seulement du rappel des droits à prestations dont dispose la requérante en sa qualité de fonctionnaire sur le fondement de l'article 31 de ce texte ;

Attendu que de même la référence faite à l'ordonnance souveraine n° 1.147 du 28 décembre 1956 susvisée, applicable aux salariés de droit privé, n'est pas davantage irrégulière, dès lors que celle-ci n'est pas appliquée directement aux fonctionnaires, que les principes qui l'inspirent peut s'appliquer à ces derniers dans le silence de la loi n° 975 du 12 juillet 1975 et que tel est d'ailleurs l'objet de la circulaire n° 80-15 du 16 juin 1980, étant précisé que ladite circulaire n'est pas entachée d'incompétence, la carence du législateur en la madère permettant au Ministre d'État de fixer lui-même les modalités d'attribution des prestations et que, par application des prévisions de ladite circulaire, la requérante a perdu, à la suite de son remariage, le droit aux prestations familiales et médicales dont elle bénéficiait jusque-là pour elle-même et pour sa fille.

Vu la réplique enregistrée le 29 juillet 2010 au Greffe Général par laquelle Madame L.-M. épouse M. tend aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens, en ajoutant, sur la recevabilité, que la lettre adressée le 20 octobre 2009 par elle au Service des Prestations Médicales de l'État ne constitue par un recours gracieux faute d'avoir préalablement été informée de l'existence d'une décision prise à son encontre ; que constatant certains faits, qu'elle interprétait comme étant la conséquence d'une erreur, la requérante a sollicité la réparation de cette erreur et demandé, dans l'hypothèse où ces faits résulteraient d'une décision, à en connaître les fondements et la motivation ; que de ce fait, la décision contestée par le recours hiérarchique, interrompant et conservant le délai de recours contentieux, est bien celle du 12 novembre 2009, s'agissant au surplus d'une décision qui selon l'article 1er, 7° de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs, refuse un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir et devait à ce titre être motivée ;

Attendu que sur le fond, Madame L.-M. épouse M. ajoute que l'article 26 de la Constitution serait inutile s'il n'était applicable que dans les conditions et formes prévues par la loi, qu'une circulaire ne saurait se substituer à une loi et qu'elle subit une discrimination prohibée, dès lors qu'un homme fonctionnaire placé dans la même situation de remariage n'aurait perdu aucun de ses droits à prestations concernant sa fille ;

Vu la duplique du Ministre d'État enregistrée le 2 septembre 2010 au Greffe Général conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que la contre-requête.

Attendu qu'il ajoute notamment que par une décision en date du 11 février 2010, l'État a accepté de maintenir la qualité d'ayant droit à la fille de la requérante, à titre dérogatoire et exceptionnel eu égard à la situation particulière de l'espèce, le régime spécifique de prestation maladie de son nouveau conjoint excluant toute prise en charte de ladite enfant, et de prendre en charge la couverture maladie de cette dernière avec effet rétroactif au 1er août 2009 ; que de plus si la requérante relève du régime de prestations familiales de son nouveau conjoint, elle bénéficie d'une allocation compensatoire versée par l'État monégasque qui lui garantit de percevoir in fine le montant des allocations familiales servi habituellement par le Service des Prestations Médicales de l'État ;

Attendu que sur la recevabilité, il rappelle que les indications portées sur les décomptes mensuels de rémunération et sur la lettre du Service des Prestations Médicales du 29 septembre 2009 caractérisant la décision prise de supprimer ces prestations, sur l'existence et la portée de laquelle la requérante ne s'est pas méprise dans sa lettre de réclamation du 20 octobre 2009 ; qu'il ajoute que l'insuffisance de motivation de la décision demeure sans influence sur son existence et le respect du délai de recours contentieux courant à son encontre ;

Attendu que subsidiairement au fond, le Ministre d'État ajoute qu'à la différence des hypothèses dans lesquelles le partage du pouvoir réglementaire entre plusieurs autorités implique que seule l'autorité expressément mentionnée par le texte pour prendre la mesure d'application est compétente à cet effet, la carence du législateur qui incomberait d'arrêter les modalités d'application d'un texte n'interdit pas à l'autorité réglementaire d'intervenir, fût-ce par voie de circulaire, afin de déterminer le régime juridique provisoire que les circonstances imposent pour que les fonctionnaires et agents non titulaires de l'État puissent bénéficier des mêmes allocations que les salariés du secteur privé.

Vu les décisions attaquées ;

Vu les autres pièces produits et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 b ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l'État ;

Vu la loi n° 486 du 17 juillet 1948 relative à l'octroi des allocations pour charge de famille, les prestations médicales, chirurgicales et pharmaceutiques aux fonctionnaires de l'État et de la Commune ;

Vu l'Ordonnance du 7 juin 2010 par laquelle M. le Président du Tribunal Suprême a désigné Madame Martine LUC-THALER, Membre titulaire, comme rapporteur ;

Vu l'Ordonnance du 3 mai 2011 par laquelle M. le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 9 juin 2011, date à. laquelle l'affaire a été renvoyée sine die par le Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance du 16 février 2012 par M. le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 30 mars 2012 ;

Ouï Madame Martine LUC-THALER, Membre titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maitre Jean-Pierre LICARI, Avocat-Défenseur pour Madame L.-M. épouse M. ;

Ouï Maitre Jacques MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation de France pour l'État de Monaco ;

Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions.

Après en avoir délibéré

Considérant que, par conclusions écrites du 21 mars 2012 confirmées à l'audience du 30 mars 2012, la requérante a déclaré se désister de son recours ; que ce désistement a été accepté par le Ministre d'État par conclusions écrites du 30 mars 2012 ; que ce désistement est pur et simple ; qu'il y a donc lieu d'en donner acte.

Dispositif🔗

DÉCIDE :

Article 1er : Il est donné acte à Madame L.-M. épouse M. de son désistement accepté par S.E. le Ministre d'État.

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de l'État.

Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise à S.E.M. le Ministre.

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