Tribunal Suprême, 29 novembre 2010, T. c/ Ministre d'État

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Abstract🔗

Compétence

Contentieux administratif. Recours en annulation. Acte administratif individuel.

Recours pour excès de pouvoir

Étranger. Décision administrative de refus d'abrogation d'une mesure de refoulement du territoire monégasque. Loi n° 1.312 du 29 juin 2006, relative à la motivation des actes administratifs. Dérogation à l'obligation de motivation fondée sur des raisons de sécurité intérieure ou extérieure de l'État. Engagements internationaux de la Principauté de Monaco justifiant de la dérogation. Exactitude matérielle des faits fondant la décision administrative. Caractère non discriminatoire de la décision administrative. Principe de la présomption d'innocence inapplicable aux mesures administratives. Dispositions de la Convention européenne des droits de l'Homme inapplicables en l'absence d'une résidence régulière. Atteinte à la vie privée et familiale non établie. Légalité de la décision administrative (oui)

Recevabilité

Ordonnance n° 2.984, du 16 avril 1963, relative à l'organisation et au fonctionnement du Tribunal Suprême. Tardiveté au regard de la décision administrative du 13 avril 2000. Irrecevabilité. Délai légal au regard de la décision du 1er décembre 2009. Recevabilité.


Motifs🔗

Principauté de Monaco

TRIBUNAL SUPRÊME

_____

TS 2010/04

Affaire :

Monsieur i. T.

Contre :

S. E. M. Le Ministre d'État

DECISION

Audience du 17 novembre 2010

Lecture du 29 novembre 2010

Recours en annulation de la décision du 1er octobre 2009 par laquelle le Ministre d'État a refusé d'abroger une mesure de refoulement du territoire monégasque prise le 13 avril 2000 à l'encontre de Monsieur i. T., ensemble la décision du 13 avril 2000.

En la cause de :

- Monsieur i. T., né le 8 septembre 1950 à Omsk (Fédération de Russie), de nationalité grecque, demeurant X1 CH-1814 La Tour-de-Peilz (Suisse),

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Rémy BRUGNETTI, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, ayant pour avocat Maître Jean-Marie DEFRENOIS, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation français ;

Contre

- S. E. Monsieur le Ministre d'État de la Principauté de Monaco,

Ayant pour Avocat-défenseur Maître Christophe SOSSO, Avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par la S. C. P. PIWNICA-MOLINIE, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation français ;

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière

Vu la requête enregistrée le 1er décembre 2009 par laquelle M. T. demande au Tribunal Suprême l'annulation d'une décision en date du 1er octobre 2009 par laquelle le Ministre d'État a refusé d'abroger une mesure de refoulement du territoire monégasque prise le 13 avril 2000 à son encontre, ainsi que cette décision du 13 avril 2000 elle-même.

Ce faire :

Attendu que M. T., citoyen grec d'origine russe, a demandé en 1990 la délivrance d'un titre de séjour à Monaco ; que, le 13 avril 2000, il a fait l'objet d'une mesure de refoulement ; qu'il a demandé la suspension de cette mesure le 18 décembre 2000 ; que cette demande a été rejetée le 12 février 2001 ; qu'il a formé une nouvelle demande de suspension le 14 décembre 2001 et que cette nouvelle demande a été rejetée le 4 janvier 2002 ;

Attendu que, selon un procès-verbal de la police monégasque du 15 mars 2001, des renseignements défavorables le concernant auraient été communiqués par la police française aux autorités monégasques, mais que ces renseignements étaient si peu fondés que, après avoir ouvert une information contre X au cours de laquelle M. T. a été entendu comme témoin, à sa propre demande, un juge d'instruction monégasque a rendu une ordonnance de non-lieu le 17 octobre 2008 ;

Attendu que, après avoir obtenu des autorités grecques, russes et françaises des extraits de casier judiciaire et certificats attestant de l'absence de condamnation à son encontre, et même de tout signalement ou information le concernant dans les fichiers de police, M. T. a sollicité le 9 juin 2009 l'abrogation de la mesure de refoulement du 13 avril 2000, demande qui a été rejetée le 1er octobre 2009 en raison d'une part des faits ayant légalement motivé la première décision et d'autre part de la considération que la présence de M. T. sur le territoire de la Principauté constituerait toujours une menace pour l'ordre public ;

Attendu en premier lieu que la décision attaquée viole la loi n° 1312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs en ce que, d'une part, elle n'indique pas les considérations de fait qui justifieraient que la présence de M. T. constituerait toujours une menace pour l'ordre public, et que, d'autre part, elle ne peut se fonder sur une décision du 13 avril 2000 qui n'était elle-même pas motivée ;

Attendu en deuxième lieu que, la décision du 1er octobre 2009 est entachée d'une erreur de droit en ce que, d'une part, elle s'en tient à des faits qui auraient justifié une décision qui ne lui a jamais été notifiée, que, d'autre part, elle ne cite pas de faits nouveaux qui justifieraient le maintien d'une décision vieille de près de 10 ans, et enfin que la légalité de la décision du 13 avril 2000, invoquée par le Ministre d'État n'est pas établie ;

Attendu en troisième lieu que la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation en ce que, le Ministre d'État n'a fourni aucun document justifiant cette décision et n'a tenu aucun compte des documents produits par le requérant émanant des autorités grecques, russes et françaises ; que l'erreur manifeste d'appréciation est établie dès lors que tous ces documents démentent formellement les soupçons qui figurent dans le procès-verbal de la police monégasque du 15 mars 2001 ;

Attendu en quatrième lieu que la décision attaquée viole l'article 14-2 du Pacte international sur les droits civils et politiques et l'article 6-2 de la Convention européenne des droits de l'Homme en ce qu'elle retient une menace pour l'ordre public à propos d'une personne qui n'a fait l'objet d'aucune condamnation, aucune inculpation et aucune inscription dans des fichiers de police, de sorte qu'elle viole le principe de la présomption d'innocence ; que la Convention européenne des droits de l'Homme est encore violée en son article 14 qui interdit les discriminations fondées sur l'origine nationale, en son protocole n° 7 (article 1er) en ce que M. T. n'a pas bénéficié des garanties procédurales instituées par ce texte, en son protocole n° 4 en ce que le principe de libre circulation est violé, et en son article 8 en ce que la décision attaquée porte atteinte à la réputation et au droit à la vie privée et familiale de M. T. ;

Attendu enfin que la décision attaquée est illégale en ce qu'elle méconnaît l'autorité qui s'attache à l'ordonnance de non lieu prise le 17 octobre 2008 par un juge d'instruction monégasque.

Vu la contre-requête enregistrée le 8 février 2010, par laquelle le Ministre d'État conclut d'abord à l'irrecevabilité de la requête en tant qu'elle est dirigée contre la décision initiale du 13 avril 2000 dont la légalité ne peut plus être aujourd'hui contestée, ni par voie d'action ni par voie d'exception dès lors que, n'ayant pas été attaquée dans le délai de 2 mois suivant la date à laquelle M. T. en a eu connaissance, soit au plus tard le 18 décembre 2000, elle est devenue définitive ;

Attendu, en ce qui concerne la décision du 1er octobre 2009, qu'elle est correctement motivée au regard de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 ; que, d'une part, elle fait référence aux faits ayant justifié la décision du 13 avril 2000 que M. T. connaît si bien qu'il en a fait état dans sa demande d'abrogation du 9 juin 2009 ; que, d'autre part, M. T., dans cette demande, n'a invoqué aucun changement dans les circonstances de fait qui serait de nature à justifier l'abrogation demandée ;

Attendu en deuxième lieu, que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté au motif que la rédaction de la décision attaquée indique clairement que le Ministre d'État ne s'en est pas tenu aux motifs de la décision du 13 avril 2000, qu'il ne laisse nullement entendre que l'abrogation serait exclue dans l'avenir, mais seulement que, en l'absence d'éléments nouveaux, il n'y avait pas « pour l'heure » lieu d'y procéder ;

Attendu en troisième lieu, en ce qui concerne l'erreur de fait et l'erreur manifeste d'appréciation, que les documents produits par M. T. n'ont pas la portée qu'il leur prête : les documents russes parce qu'ils n'émanent pas du ministère de la justice ; les documents grecs parce qu'ils concernent un dénommé E. T. ; les documents d'origine française parce que les fichiers concernés ne conservent les données permettant l'identification des personnes que pendant le temps correspondant aux finalités pour lesquelles elles ont été collectées ; que, en tout état de cause, les renseignements recueillis en 1999 sur M. T. ne portaient pas sur l'existence de poursuites engagées contre lui mais sur ses liens avec un groupe criminel russe sévissant dans différents trafics, l'extorsion de fonds et la prostitution ;

Attendu en dernier lieu, que les moyens tirés de la violation du Pacte international sur les droits civils et politiques et de la Convention européenne des droits de l'Homme doivent être écartés : d'abord parce que le principe de la présomption d'innocence ne s'applique pas aux mesures administratives ; ensuite parce que le principe de liberté de circulation ne s'applique pas aux mesures de police destinées au maintien de l'ordre public ; ensuite parce que la décision attaquée n'a pas été prise en considération de sa nationalité ; ensuite encore parce que l'article 1er du protocole n° 7 précédemment mentionné ne s'applique qu'en cas d'expulsion d'un étranger résidant régulièrement sur le territoire d'un État ; enfin parce qu'il en est de même pour l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

Vu le mémoire en réplique de M. T. enregistré le 4 mars 2010, qui conclut aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens, insistant particulièrement sur les considérations :

  • en ce qui concerne la motivation, que, du point de vue du formalisme exigé par la loi n° 1312, la circonstance qu'il ait prétendument connu les motifs de la décision du 13 avril 2000 ne dispensait pas le Ministre d'État de mentionner, dans le corps même de la décision du 1er octobre 2009 ou dans un document joint, les considérations de droit et de fait justifiant cette dernière ; que, en tout état de cause, la décision du 13 avril 2000 ne lui ayant jamais été notifiée, il n'en a jamais connu les motifs et que, s'agissant des changements de circonstances depuis 2000, le Ministre d'État ne pouvait ignorer les éléments figurant dans sa demande d'abrogation, en particulier l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction le 17 octobre 2008 ;

  • que, par ailleurs, s'il estimait insuffisants les éléments nouveaux produits par M. T. à l'appui de sa demande d'abrogation, le Ministre d'État devait indiquer, dans la décision elle-même, les raisons pour lesquelles il estimait que ces documents n'étaient pas suffisamment probants ;

  • en ce qui concerne l'erreur de fait et l'erreur manifeste, que le Ministre d'État se contredit en persistant à invoquer des renseignements fournis par des services de police tout en écartant les éléments de preuve qui émanent de ces mêmes services ; que, s'agissant des documents fournis par la CNIL, le Ministre d'État n'établit pas que les données relatives à M. T. auraient été effacées alors que, précisément, la nature de ces données fait qu'elles ne sont pas devenues inutiles ;

  • que, s'agissant de la Convention européenne des droits de l'Homme, le Ministre d'État ne prouve ni que les risques d'atteinte à l'ordre public soient établis ni que la mesure attaquée soit strictement nécessaire et proportionnée à ces prétendus risques, et enfin que l'article 8 de cette Convention protège non seulement la vie familiale mais aussi la vie privée.

Vu, enregistré le 8 avril 2010, le mémoire en duplique du Ministre d'État qui reprend les mêmes moyens que la contre-requête en soulignant :

  • en ce qui concerne les faits, que le procès-verbal du 15 mars 2001, produit par le requérant lui-même, est particulièrement explicite ; que le dossier purement formel et juridique produit par M. T. n'établit pas qu'il a rompu ses liens avec les milieux du crime organisé ; que M. T. ne produit pas l'ordonnance de non-lieu du 17 octobre 2008, et que, en matière de police administrative, l'autorité compétente doit prendre en considération l'ensemble du comportement de l'étranger en cause ;

  • s'agissant des conventions internationales, que M. T. semble avoir abandonné le grief de violation du Pacte international sur les droits civils et politiques et qu'il n'établit pas en quoi la décision attaquée porterait atteinte à sa vie privée et familiale.

Vu l'ordonnance du 7 juin 2010 par laquelle de Monsieur le Président du Tribunal Suprême autorise, conformément à l'article 22 de l'ordonnance du 16 avril 1963 modifiée par l'ordonnance du 14 avril 1980, le requérant à produire une triplique dans le délai d'un mois, à laquelle il pourra être répondu dans le même délai par le S.E. le Ministre d'État.

Vu le mémoire en triplique, enregistré le 15 juin 2010 par M. T., qui, par rapport aux mémoires précédents, ajoute qu'il entend bien poursuivre l'annulation de la décision initiale du 13 avril 2000 à laquelle il n'a jamais acquiescé ; que le Ministre d'État prétend à tort renverser la charge de la preuve en exigeant qu'il établisse qu'il n'a plus de liens avec le groupe criminel mentionné dans le procès-verbal du 15 mars 2001 ; que ce procès-verbal, compte tenu de sa date, ne peut d'ailleurs justifier légalement la décision du 13 avril 2000 ; que les allégations de participation à un groupe criminel organisé, démenties par les documents produits par M. T. sont sans fondement et calomnieuses et que ces documents suffisent à démontrer la violation des droits garantis par le Pacte international sur les droits civils et politiques et la Convention européenne des droits de l'Homme.

Vu les observations déposées le 15 juillet 2010 par le Ministre d'État rappelant que M. T. n'avait jamais, jusqu'à l'ouverture de la présente procédure, attaqué la décision du 13 avril 2000 devant le Tribunal Suprême ; que la situation actuelle de M. T. n'est pas celle d'un étranger qui conteste son refoulement mais celle d'un étranger refoulé qui demande l'abrogation de ce refoulement ; qu'il n'existe aucun droit à une telle abrogation et que, dès lors que M. T. ne réside pas à Monaco, c'est à lui qu'il appartient d'établir qu'il ne constitue plus une menace pour l'ordre public monégasque.

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 B ;

Vu l'ordonnance souveraine n°2984 du 16 avril 1963 sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 1312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu l'ordonnance souveraine n° 3153 du 19 mars 1964 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans la Principauté ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950, telle qu'amendée par ses protocoles n° 4 et n° 7, et les ordonnances n° 408 et 411 du 15 février 2006 qui les ont rendus exécutoires ;

Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 16 décembre 1966 et l'ordonnance n° 13.330 du 12 février 1998 qui l'a rendu exécutoire ;

Vu l'ordonnance du Président du Tribunal Suprême du 26 janvier 2010 désignant Monsieur Jean-Michel LEMOYNE de FORGES, Vice-Président, comme rapporteur ;

Vu l'ordonnance du 21 septembre 2010 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 17 novembre 2010 ;

Vu le procès-verbal de clôture en date du 21 septembre 2010 ;

À l'audience du 17 novembre 2010 sur le rapport de Monsieur LEMOYNE de FORGES, Vice-Président du Tribunal Suprême,

Ouï Maître Jean-Marie DEFRENOIS, Avocat au Conseil d'État et la Cour de cassation française, pour M. T. ;

Ouï Maître Jacques MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation française, pour l'État de Monaco ;

Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;

Vu la note en délibéré produite pour Monsieur T. le 18 novembre 2010 ;

Vu la note en délibéré produite pour le ministre d'État le 22 novembre 2010 ;

Après en avoir délibéré :

Considérant que Monsieur T. a demandé au Ministre d'État le 9 juin 2009 l'abrogation de la mesure de refoulement du territoire monégasque prise à son encontre le 13 avril 2000, ensemble l'annulation de cette mesure de refoulement ; que, par lettre du 1er octobre 2009, le ministre d'État a rejeté cette demande ;

Sur la recevabilité :

Considérant que l'alinéa 2 de l'article 13 de l'ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée dispose qu'« en toute hypothèse, le recours doit, à peine d'irrecevabilité, être formé dans les deux mois à partir du jour où le fait sur lequel il est fondé a été connu de l'intéressé. En cas de contestation, la preuve de cette connaissance incombe à la partie défenderesse » ;

Considérant que, si la mesure de refoulement prise à son encontre le 13 avril 2000 n'a jamais été notifiée à Monsieur T., celui-ci, ainsi qu'il l'indique lui-même, en a demandé la suspension le 18 décembre 2000 ; qu'il en résulte que, au plus tard à cette date, le requérant en connaissait l'existence ; que le point de départ du délai de recours contentieux doit être fixé à cette date ; que le recours déposé le 1er décembre 2010 est ainsi tardif, et donc irrecevable en tant qu'il est dirigé contre la décision du 13 avril 2000 ;

Sur la légalité de la décision du 1er octobre 2009 :

Sur l'insuffisance de motivation :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n°1.312 du 29 juin 2006, « doivent être motivées les décisions administratives à caractère individuel qui (…) restreignent l'exercice des libertés publiques ou constituent une mesure de police » ;

Considérant que, si une décision refusant d'abroger une mesure de refoulement du territoire monégasque doit en principe être motivée par application de l'article 1er de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 entrée en vigueur le 1er janvier 2007 relative à la motivation des actes administratifs, les dispositions de l'article 5 de la même loi prévoient que la « motivation des actes énoncés à l'article premier n'est pas requise lorsque des raisons de sécurité intérieure ou extérieure de l'État s'y opposent » ;

Considérant qu'en l'espèce les exigences éthiques et les engagements internationaux de la Principauté dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et la criminalité organisée justifient, pour des raisons de sécurité intérieure et extérieure de l'État, la dérogation à l'obligation de motivation prévue par l'article 5 précité; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision doit donc être écarté ;

Considérant qu'il appartient toutefois au Tribunal Suprême de contrôler l'exactitude et la légalité des motifs donnés par l'administration à l'appui de sa décision ;

Sur l'illégalité des motifs :

Considérant que le Ministre d'État a pris la décision attaquée en considération, d'une part des faits à l'origine de la mesure de refoulement du 13 avril 2000 dont la légalité n'a pas été contestée en temps utile par le requérant, et d'autre part de l'absence de tout élément de fait nouveau depuis la date de cette mesure ;

Considérant qu'il ne résulte pas du dossier de l'instruction écrite que ces faits seraient matériellement inexacts ; que Monsieur T. n'apporte aucun élément de fait nouveau de nature à soutenir utilement sa demande d'abrogation ; que dès lors, le Ministre d'État a pu légalement rejeter cette demande ;

Sur la discrimination :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée n'a pas été prise en considération de la nationalité ou de l'origine du requérant ; que, dès lors, le moyen tiré d'une discrimination contraire à l'article 14-1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales manque en fait ;

Sur la présomption d'innocence :

Considérant que le principe de la présomption d'innocence ne s'applique pas aux mesures administratives ; que, dès lors, les moyens tirés de la violation des articles 14-2 du Pacte et 6-2 de la Convention européenne précités sont inopérants ;

Sur la violation des protocoles n°4 et 7 à la Convention européenne des droits de l'Homme :

Considérant que l'article 2 du protocole n° 4 à la Convention européenne précitée relatif à la liberté de circulation et l'article 1er du protocole n° 7 à la même convention, relatif aux garanties en cas d'expulsion d'étrangers ne s'appliquent qu'aux étrangers résidant régulièrement sur le territoire d'un État ; qu'à la date de la décision attaquée, Monsieur T. ne résidait pas sur le territoire de la Principauté ; que les moyens tirés de la violation de ces dispositions sont donc inopérants ;

Sur l'atteinte à la vie privée et familiale :

Considérant que le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la Convention européenne précitée, relatif au respect de la vie privée et familiale, est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé.

Dispositif🔗

DÉCIDE :

Article 1er🔗

La requête de Monsieur T. est rejetée ;

Article 2🔗

Les dépens sont mis à la charge de Monsieur T. ;

Article 3🔗

Expédition de la présente décision sera transmise à S.E. Monsieur le Ministre d'État.

Composition🔗

Ainsi jugé et délibéré par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco le dix-sept novembre deux mille dix, composé de Messieurs Hubert CHARLES, Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Jean-Michel LEMOYNE de FORGES, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, rapporteur, José SAVOYE et Didier LINOTTE, membres titulaires, et Frédéric ROUVILLOIS, Membre suppléant,

Et prononcé en présence de Monsieur Jacques RAYBAUD, Procureur Général, le vingt-neuf novembre deux mille dix par Monsieur Hubert CHARLES, assisté de Madame Béatrice BARDY, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

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