Tribunal Suprême, 4 octobre 2010, Sieur F. F. c/ Ministre d'État

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Abstract🔗

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Recours pour excès de pouvoir

Étranger - Exercice d'une activité salariée sur le territoire monégasque - Décision administrative de refus - Éléments justificatifs de la décision produits par le Ministre d'État - Erreur manifeste d'appréciation (non). Décision illégale (non)

Recours en indemnisation

Légalité de la décision - Rejet de la demande d'indemnisation


Motifs🔗

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière,

Vu la requête déposée devant le Tribunal suprême le 15 mai 2009 par Maître Patricia Rey au nom de M. F. F., enregistrée au greffe sous le numéro TS 2009/8 et tendant à l'annulation de la décision de refus d'autorisation d'exercer une activité salariée sur le territoire de la Principauté prise à son encontre par Monsieur le Conseiller de gouvernement pour l'intérieur le 17 mars 2009 ;

Vu la décision rendue le 8 février 2010 par laquelle le Tribunal Suprême a invité le Ministre d'État de produire, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision tous éléments permettant au Tribunal Suprême d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée ;

Vu le Mémoire de production accompagné de trois pièces déposé au greffe général le 11 mars 2010 au nom de Monsieur le Ministre d'État ;

Attendu qu'il résulte du rapport établi le 11 février 2009 par le Capitaine-inspecteur Andronaco à l'occasion de la demande d'embauche présentée par M. F. que ce dernier était « défavorablement noté » pour avoir fait l'objet de deux procédures, le 28 janvier 2008, pour attentat à la pudeur sur mineure, et le 16 décembre 2008, pour voies de fait consistant en attouchements non consentis sur une majeure sous l'empire d'un état alcoolique ; attendu que cette seconde procédure a donné lieu à un rappel à la loi le 26 décembre 2010, par lequel le Procureur général avertissait M. F. que si, « à titre exceptionnel », il n'était pas poursuivi devant le Tribunal correctionnel sur le fondement des articles 236 et 238 du Code pénal, il ferait en revanche l'objet de poursuites pénales pour les faits en question s'il était « à nouveau amené à commettre de nouveaux faits délictueux sur le territoire de la Principauté dans un délai de trois ans » ; attendu qu'il résulte enfin de la troisième pièce produite par Maître Sosso, consistant en un rapport de M. le directeur de la Sûreté publique en date du 5 mars 2010, que M. F. a été impliqué, postérieurement aux faits ayant justifié la décision attaquée, dans une affaire de nature similaire, ce qui confirme « le bien fondé du refus d'autoriser M. F. à exercer à Monaco une activité liée à la protection des personnes et des biens », dont l'exercice exige « un comportement exemplaire » ;

Vu le Mémoire en réplique déposé le 8 avril 2010 par Maître Patricia Rey au nom de M. F. ;

Attendu que, si M. F. a fait l'objet, le 28 janvier 2008, d'une enquête pour attentat à la pudeur sur mineure, ladite procédure a finalement été classée sans suite ; qu'une seconde procédure, relative à des faits de voie de fait, le 16 décembre 2008, a donné lieu à un simple rappel à la loi, dix jours plus tard, le 26 décembre 2008, lequel ne constitue pas une condamnation, même minime, mais un avertissement formulé par le Procureur général se substituant à des poursuites pénales, insusceptible d'être mentionné dans la casier judiciaire de celui à qui il est infligé ; que ledit rappel n'a d'ailleurs jamais été reçu par M. F., et que M. le Ministre d'État ne justifie pas de sa notification à ce dernier ; que la troisième pièce produite par M. le Ministre d'État, relatant des faits ayant eu lieu en septembre 2009, postérieurement à la décision attaquée, ne saurait permettre au Tribunal d'exercer un contrôle sur la matérialité des faits ayant fondé ladite décision, ni s'avérer « utiles à la manifestation de la vérité » ;

Vu les observations déposées le 27 avril 2010 au nom du Ministre d'État ;

Attendu que les faits reprochés à M. F., s'ils n'ont pas fait l'objet d'une sanction plus grave qu'un rappel à la loi, n'en sont pas moins incontestablement établis, et qu'en se fondant sur ces faits pour prendre la décision contestée, l'Administration n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ; que les éléments contenus dans la lettre de M. le Directeur de la Sûreté publique en date du 5 mars 2010 n'ont pas pour objet de justifier la décision contestée, mais seulement, de confirmer « a posteriori et en opportunité » le bien fondé de celle-ci ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution du 17 décembre 1962, notamment ses articles 25, 32 et 90 ;

Vu la loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le et le fonctionnement du Tribunal suprême ;

Vu l'Ordonnance du 21 juillet 2010 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du 20 septembre 2010 ;

À l'audience du vingt septembre deux mille dix sur le rapport de M. Frédéric Rouvillois, Membre suppléant du Tribunal Suprême ;

Ouï Maître Patricia Rey, Avocat-défenseur, pour M. F. F. ;

Ouï Me Jacques Molinié, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation français, pour l'État de Monaco ;

Ouï M. le Procureur Général en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré ;

Sur les conclusions à fins d'annulation :

Considérant qu'en réponse à l'invitation qui lui a été adressée par le Tribunal Suprême dans sa décision du 8 février 2010, le Ministre d'État a produit le 11 mars 2010 trois pièces, dont :

– un rapport, établi le 11 février 2009 par le Capitaine-inspecteur Christophe Andronaco à l'occasion de la demande d'embauche présentée par M. F., indiquant que ce dernier était « défavorablement noté » pour avoir fait l'objet de deux procédures successives, le 28 janvier 2008, pour attentat à la pudeur sur mineure de plus de seize ans, et le 16 décembre 2008, pour voies de fait consistant en des attouchements non consentis sur une majeure sous l'empire d'un état alcoolique,

– le rappel à la loi formulé par M. le Procureur général le 26 décembre 2008 dans le cadre de la seconde affaire citée ;

Considérant qu'au regard des éléments fournis par M. le Ministre d'État, la décision refusant à M. F. la possibilité d'exercer une activité salariée sur le territoire de la Principauté prise à son encontre le 17 mars 2009 n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur les conclusions à fins d'indemnisation,

Considérant que le rejet des conclusions à fins d'annulation entraîne par voie de conséquences celui des conclusions à fins d'indemnisation qui en résultent ;

Dispositif🔗

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F. est rejetée.

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de M. F.

Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise à Son Excellence M. le Ministre d'État.

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