Tribunal Suprême, 8 février 2010, Sieur A. P. c/ Ministre d'État

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Abstract🔗

Compétence - Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Commerce et Industrie - Loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques - Retrait d'autorisation - Procédure irrégulière - Illégalité de la décision administrative (oui) Principes généraux du droit - Convocation devant la commission compétente - Défaut de notification du motif de la décision administrative - Absence de débat contradictoire - Respect des droits de la défense (non) - Préjudice non établi - Irrecevabilité de la demande (oui)


Motifs🔗

Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative.

Vu la requête présentée par Monsieur A. P., enregistrée au Greffe Général le 28 avril 2009 tendant à l'annulation d'une décision prise par le Ministre d'État, à date non indiquée, mais notifiée au requérant le 18 mars 2009, portant retrait de son autorisation d'exercer son activité de « bar-restaurant ».

Ce faire :

Attendu que Monsieur A. P. exploite, par le biais de la société SCS P.I & Cie dont il est le gérant commandité, depuis plus de 11 ans, un commerce de « bar-restaurant » sous l'enseigne « LA P.», sis [adresse], après qu'une première concession ait été consentie par l'État de Monaco le 30 octobre 1992 au profit de Madame R., mère de l'actuel associé commanditaire de la société SCS P. & Cie ;

Que par convention du 28 mai 1997, il a été convenu de transférer à la SNC « R. ET P. » (devenue aujourd'hui la SCS P. & Cie), à compter du 1er juin 1997, le bénéfice de la convention d'occupation précaire accordé à Madame R.

Que la dernière convention d'occupation a été consentie à la SCS P. & Cie le 28 décembre 2001 pour une durée de 3 années et a été modifiée par avenant du 23 avril 2002 la prorogeant jusqu'au 30 juin 2008.

Attendu qu'au cours des 16 années d'exploitation paisible dudit restaurant, les renouvellements se sont opérés de manière automatique, de nouvelles conventions étant régularisées a posteriori, à l'instar de la dernière convention signée le 28 décembre 2001 avec prise d'effet rétroactive au 1er novembre 2001.

Attendu qu'en cours d'exploitation, particulièrement durant les années 2007 et 2008, le requérant a été approché par divers acquéreurs, dont notamment Monsieur et Madame E., eux-mêmes expulsés des locaux qu'ils occupaient à l'Hôtel TERMINUS, ces derniers portant à la connaissance du requérant le fait que la concession ne serait pas renouvelée au profit de la SCS P. & Cie mais à leur profit, avant que de leur faire une proposition de rachat largement inférieure au prix.

Attendu que ce n'est que dans le courant du mois de mai 2008 que Monsieur P. a été informellement avisé, par son associé-commanditaire, employé de l'administration des Domaines, du fait que sa concession ne serait probablement pas renouvelée à son échéance du 30 juin 2008.

Qu'aucun préavis n'était cependant notifié au Gérant de la SCS P. et Cie, ni davantage de courrier lui notifiant la fin du contrat et l'absence de renouvellement postérieurement au 30 juin 2008.

Attendu que par courrier du 8 janvier 2009, Monsieur P. était invité à comparaître devant la Commission instituée par la Loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, sans que les motifs de cette convocation ne lui soient indiqués, alors qu'au cours de ladite réunion, le requérant découvrait que le retrait de son autorisation d'exercer était envisagé, motif pris de ce qu'il disposerait plus de locaux adaptés à l'exercice de ses activités, alors qu'il n'avait jamais cessé d'exploiter son restaurant.

Attendu que par exploit en date du 30 janvier 2009, l'État de Monaco devait attraire la SCS P. & Cie par devant le Président du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, statuant en référé, aux fins de voir ordonner l'expulsion de la SCS des locaux qu'elle occupait [adresse] ;

Que cependant l'État n'ignorait pas qu'il existait une contestation sérieuse quant à la validité du non renouvellement de la convention d'occupation précaire, Monsieur P. ayant contesté le non renouvellement par courrier du 10 novembre 2008.

Attendu que Monsieur P. est demeuré dans les lieux où il continue d'exploiter son commerce de « bar-restaurant » alors que la procédure d'expulsion initiée par l'État est pendante devant le Président du Tribunal de Première Instance ;

Que Monsieur P. se voyait adresser par le Ministre d'État une lettre recommandée avec accusé de réception le 18 mars 2009, l'informant du retrait de son autorisation d'exercer son activité commerciale, au motif qu'il ne disposerait prétendument plus de locaux adaptés à l'exercice de ses activités ; que ladite lettre indiquait notamment : « cette décision est fondée sur les dispositions de l'article 9-2 de la loi susvisée, à savoir que vous ne disposez plus de locaux adaptés à l'exercice de vos activités… ».

Attendu qu'une telle décision est illégale, tant sur le plan de la légalité externe que sur la légalité interne ;

Qu'ainsi sur la légalité externe, la procédure est irrégulière, en ce qu'elle a violé les droits de la défense et le principe du contradictoire ;

Qu'ainsi, la Loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 prévoit en son article 10 que «l'auteur de la déclaration ou le titulaire de l'autorisation est, préalablement à toute décision, entendu en ses explications ou dûment appelé à les fournir. La décision privant d'effets ou suspendant les effets d'une déclaration ou d'une autorisation ne peut être prise qu'après avis d'une commission dont la composition et le mode de fonctionnement sont fixés par Ordonnance Souveraine... ».

Attendu qu'en l'espèce, Monsieur P. a été invité, par lettre recommandée en date du 8 janvier 2009 à comparaître le vendredi 23 janvier 2009 devant ladite Commission sans que les termes de ce courrier ne lui permettent de connaître les motifs de sa convocation ;

Que dès lors par courrier du 13 janvier 2009, Monsieur P. demandait au Président de la Commission précitée de lui préciser les motifs de celle-ci ;

Que pour toute réponse il lui était indiqué le 16 janvier 2009 qu'il était convoqué « aux fins d'examen d'une éventuelle révocation de (son) autorisation ou suspension de ses effets ».

Que ce n'est que lorsqu'il s'est présenté devant la Commission le 23 janvier 2009 qu'il lui a été indiqué que le retrait de son autorisation était envisagé motif pris qu'il ne disposerait plus de locaux pour exercer son activité, alors que Monsieur P. assisté de son conseil, rétorquait qu'il disposait toujours de locaux dans lesquels il poursuivrait son exploitation, aucun congé ne lui ayant été notifié et la convention d'occupation précaire accordée à la SCS P. ayant été tacitement renouvelée pour une période de 3 ans, en application de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les baux commerciaux.

Attendu que Monsieur P. n'a jamais été informé de l'avis rendu par cette Commission ;

Que dès lors ce n'est qu'à réception de la décision querellée du Ministre d'État, le 18 mars 2009, que Monsieur P. a appris, sans aucun avertissement préalable, que son autorisation d'exercer une activité commerciale lui était retirée ;

Qu'en conséquence, les droits de la défense de Monsieur P. ont été violés.

Attendu en effet que le Tribunal Suprême a érigé le principe du respect des droits de la défense en principe général du droit applicable, même en l'absence de texte (T.S. B. 4 décembre 1974, A. D., 19 décembre 1989).

Attendu qu'en vertu de ce principe, l'Administration est tenue de faire connaître à la personne à l'encontre de laquelle une mesure est envisagée, les motifs d'une telle mesure et de lui permettre de s'expliquer (T.S. T. M.) ;

Qu'il a ainsi été jugé que le respect des droits de la défense s'impose à l'Administration de communiquer à la personne à l'encontre de laquelle une mesure est envisagée, le dossier la concernant et les griefs précis qui lui sont reprochés, avant sa comparution devant la Commission chargée de rendre un avis sur l'opportunité de la mesure envisagée (T.S.E.B./Ministre d'État 13 juin 2005) ;

Que ce principe, applicable en cas de mesure disciplinaire (T.S.S. GIET 7 novembre 2001 ; A. C./CHPG 13 juin 2002) ou de licenciement, est bien entendu transposable en cas de décision de retrait d'autorisation d'exercer une activité commerciale, dont les conséquences sont tout aussi graves pour la personne concernée ;

Qu'en l'occurrence il appartenait donc à la Commission instituée par l'article 10 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 de communiquer à Monsieur P. les motifs réels de sa convocation, avant sa comparution devant ladite commission, afin de la mettre en mesure de préparer sa défense, alors que la Commission, en dépit de ses demandes réitérées, s'est bornée à lui indiquer qu'il était convoqué «aux fins d'examen d'une éventuelle révocation de (son) autorisation ou suspension de ses effets ».

Attendu en outre que la Commission a également violé le principe du contradictoire découlant de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ;

Que la notion de procès équitable prévue audit article implique en effet : «le droit pour les parties au procès de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au Juge et de la discuter » (CEDH 18 févr. 1997, N.-H. c/ Suisse. – 7 Juin 2001, K. c/ France) ;

Que la règle du contradictoire s'applique à toute procédure, qu'elle soit civile, pénale ou administrative, y compris devant un organe administratif (CEDH 16 juillet 1971 R./Autriche) ;

Qu'en l'espèce, la Commission instituée par l'article 10 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, laquelle tient de l'article 7 de l'Ordonnance n° 993 du 16 février 2007 «les pouvoirs d'appréciation et d'investigation les plus étendus » constitue la seule instance auprès de laquelle Monsieur P. aurait pu faire falloir sa position préalablement à la décision de retrait de son autorisation d'exercer ;

Attendu que Monsieur P. n'a pas été mis en mesure de présenter sa défense puisque ni les motifs de sa convocation ni une copie de son dossier ne lui ont été communiqués avant sa comparution, étant ajouté en outre qu'il n'a pas disposé de suffisamment de temps pour préparer sa défense, la convocation étant intervenue à peine 10 jours ouvrables avant sa comparution ;

Que dès lors, la décision non datée du Ministre d'État, notifiée à Monsieur P. le 18 mars 2009, est illégale pour avoir été prise sur une procédure irrégulière ;

Qu'enfin, le procès-verbal de la réunion de la Commission du 23 janvier 2009 et l'avis de ladite Commission n'ayant pas été communiqués au requérant malgré ses demandes, il est impossible de vérifier si la procédure prévue par l'Ordonnance n° 993 du 16 février 2007 a bien été respectée ;

Qu'il y a dès lors lieu d'annuler la décision attaquée.

Attendu, sur la légalité interne, que la décision attaqué est illégalement motivée pour indiquer : «j'ai le regret de porter votre connaissance le retrait de votre autorisation d'exercer l'activité de “bar-restaurant, animation musicale..., vente à emporter...», en qualité de gérant commandité de la SCS P. & Cie..., suite à l'avis émis le 23 janvier 2009 par la Commission instituée par la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, modifiée. Cette décision est fondée sur les dispositions de l'article 9-2° de la loi susvisée, à savoir que vous ne disposez plus de locaux adaptés à l'exercice de vos activités (...) «.

Attendu qu'aux termes de l'article 9 de la loi 1.144 du 26 juillet 1991 :

» ... la déclaration visée aux articles 2, 3 et 4 peut être privée d'effets ou suspendue en ses effets et l'autorisation mentionnée aux articles 5, 6, 7 et 8 suspendue en ses effets ou révoquée dans les cas suivants :

2° si l'auteur de la déclaration, le titulaire de l'autorisation ou la société ne dispose plus de locaux adaptés à l'exercice de ses activités... « ;

Qu'en l'occurrence, il était totalement prématuré de considérer que Monsieur P. ne disposait plus de locaux adaptés à l'exercice de ses activités ;

Que si l'État considère que le contrat d'occupation précaire accordée à la SCS P. & Cie, non renouvelé à son échéance le 30 juin 2008, avait pour effet de priver celui-ci des locaux sis [adresse], il existe pourtant une contestation sérieuse à ce sujet, soumise à l'appréciation des Tribunaux de la Principauté.

Que dans le cadre de la procédure en expulsion introduite par l'État de Monaco devant le Tribunal des Référés, la SCS P. & Cie a en effet invoqué l'existence d'une contestation sérieuse, portant sur l'application de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 à la convention d'occupation précaire accordée à la SCS P. & Cie ;

Que le Tribunal de Première Instance étant seul compétent pour connaître de cette question, en vertu de l'article 21 du Code du de procédure civile, la SCS P. & Cie a soulevé l'incompétence de la Juridiction des Référé et introduit une procédure par-devant le Tribunal de Première Instance, aux fins de voir reconnaître son droit à renouvellement de la convention d'occupation précaire, en vertu des dispositions de la loi n° 490.

Attendu en effet que le contrat d'occupation précaire accordé à la SCS P. & Cie est en réalité soumis à la loi n° 490 du 24 novembre 1948, modifiée par la loi n° 1.287 du 15 juillet 2004, de sorte que ledit contrat a été renouvelé à son échéance, pour une durée de 6 ans, conformément aux dispositions de l'article 2 de ladite loi, aux motifs que le refus de renouvellement ne correspond pas à un intérêt public.

Attendu que l'établissement » LA P. « est exploité dans les lieux depuis le 30 octobre 1992, date de la première concession consentie par l'État de Monaco, lequel a systématiquement accordé des conventions d'occupation précaire successives, régularisées après l'échéance de la convention précédente ; qu'une telle durée d'exploitation exclut en elle-même la qualification » d'occupation précaire « ; que de plus fort, le refus de renouvellement de la convention n'est pas justifié par un intérêt public, comme l'exige l'article 34 de la loi 490 précitée ;

Qu'il résulte en effet dudit article que si la loi sur les baux commerciaux n'est pas applicable aux locations portant sur des établissements appartenant à l'État c'est »sous la condition que le refus de renouvellement corresponde à un intérêt public « ;

Qu'une telle condition n'est nullement remplie en l'espèce dès lors qu'il ressort clairement des termes de l'appel d'offres publié au Journal de Monaco les 10 et 17 octobre 2008 que si l'État refuse de renouveler la convention d'occupation précaire de la SCS P. & Cie, c'est dans le but de l'octroyer à une autre personne, qui exercera également l'activité de » bar-restaurant « ;

Qu'il en résulte que la location projetée n'a incontestablement aucun lien avec un but d'intérêt public et relève d'une activité purement commerciale et privée ;

Qu'en outre, il apparaît que l'État a clairement projeté de concéder la location des locaux en cause aux époux E. (qui s'en étaient vantés préalablement auprès de la SCS P. & Cie) comme en atteste le délai anormalement court de parution de l'avis au Journal de Monaco (avis publié les 10 et 17 octobre 2008, délai de candidature expirant au 31 octobre 2008) ;

Qu'enfin, l'offre de location est rédigée de manière à limiter le nombre des candidats potentiels, ces derniers devant »présenter de sérieuses références dans ce secteur « ce qui est le cas des époux E. qui exploitaient avant leur expropriation l'Hôtel TERMINUS ;

Que le refus de renouvellement n'étant pas justifié par un intérêt public, comme l'exige l'article 34 de la loi n° 490, la convention d'occupation précaire de la SCS P. & Cie est soumise à la loi n° 490 sur les baux à usage commercial.

Attendu que par application de l'article 2 de ladite loi n° 490 sur les baux à usage commercial, la convention d'occupation précaire du 28 décembre 2001 a donc été renouvelée à son échéance, le 30 juin 2008, pour une durée égale à celle de la convention, soit 6 années.

Attendu dès lors que la SCS P. & Cie est fondée à demeurer dans les lieux et à poursuivre l'exploitation de son activité commerciale, Monsieur P., en sa qualité de gérant commandité disposant toujours de locaux adaptés à l'exercice de ses activités, au sens de l'article 9-2e de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 ; que par voie de conséquence, la décision de retrait d'autorisation d'exercer l'activité commerciale de » bar-restaurant « notifiée le 18 mars 2009, fondée sur des motifs de fait matériellement inexacts (l'absence de disposition de locaux adaptés) est entachée d'illégalité.

Attendu en outre que la décision querellée a violé le principe de sécurité juridique que la Cour européenne a érigé en un principe général de droit »implicite dans la Convention et qui constitue l'un des éléments fondamentaux de l'État de droit « (CEDH, R. et I./BELGIQUE 24 janvier 2008 ; M./BELGIQUE 13 juin 1979 ; B. /POLOGNE 28 mars 2000 ; K./France 24 avril 1990).

Attendu en effet, qu'il est usuel que l'ensemble des conventions d'occupation précaire consenties par l'État soit systématiquement renouvelé ; que tel fut le cas pour Monsieur P. qui avait toujours vu ses conventions d'occupation précaire renouvelées postérieurement à leur date d'échéance ;

Que le précédent renouvellement avait été ainsi consacré par une convention régularisée plus de deux mois après l'échéance du contrat.

Attendu que ce n'est qu'au mois de mai 2008, soit à peine un mois avant la date d'échéance de la convention d'occupation précaire, que Monsieur P. a appris, de manière tout à faire informelle, par le biais de son associé, la probabilité d'un non-renouvellement ;

Que Monsieur P. n'a été destinataire d'aucune notification de non renouvellement après l'échéance du 30 juin 2008 et qu'au contraire il a reçu sa quittance de loyer pour le trimestre suivant l'échéance de la convention, ce qui l'a conforté dans la croyance que le contrat était renouvelé tacitement comme d'usage.

Attendu que ce n'est que par exploit en date du 30 janvier 2009, soit 7 mois après l'échéance, que l'État de Monaco a attrait la SCS P. & Cie par devant le Président du Tribunal de Première Instance statuant en référés, aux fins de voir ordonner son expulsion, et ce sans qu'aucun congé ni offre de renouvellement ne lui ait été notifié auparavant.

Qu'ainsi l'État de Monaco a méconnu le principe général de sécurité juridique, Monsieur P., qui exploitait le restaurant » LA P. « depuis 16 ans dans les locaux sis [adresse] était fondé à croire que la convention d'occupation précaire serait renouvelée postérieurement à l'échéance.

Attendu qu'aucune notification de refus de renouvellement n'ayant été adressée à la SCS P. & Cie et alors que Monsieur P. continuait à exploiter son restaurant dans les locaux sis [adresse], il était invité par lettre recommandée du 8 janvier 2009 à comparaître le vendredi 23 janvier devant la Commission instituée par l'article 10 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, sans que les termes de ce courrier ne lui permettent de connaître les motifs de sa convocation ; Que ce n'est que devant celle-ci le 23 janvier 2009, qu'il lui a été indiqué que son retrait d'autorisation d'exploiter était envisagé en raison d'une prétendue absence de locaux, sa convention d'occupation n'ayant pas été renouvelée, alors qu'à cette date aucune notification de refus de renouvellement de ladite convention d'occupation précaire n'avait été adressée à la SCS P. & Cie.

Attendu que le 18 mars 2009, Monsieur P. recevait une Lettre Recommandée contenant la décision du Ministre d'État de lui retirer son autorisation d'exercer l'activité de » bar-restaurant «, fondée sur l'avis non communiqué prétendument rendu par cette commission, au motif qu'il ne disposerait plus de locaux adaptés à l'exercice de son activité ;

Qu'une telle décision méconnaît de façon flagrante le principe de sécurité juridique ;

Qu'en effet, la question de la validité du refus du renouvellement était pendante devant les Tribunaux de la Principauté ;

Que la décision, attaquée devra dès lors être annulée.

Attendu enfin que la décision de retrait de l'autorisation d'exploiter a été prise dans un but totalement distinct de l'intérêt public puisqu'il s'agit d'octroyer l'occupation des locaux à une autre personne qui y exercera également l'activité de » bar-restaurant « comme il résulte clairement de l'appel d'offres publié au Journal de Monaco le 17 octobre 2008 ;

Que ce dernier énonce : » les lieux sont exclusivement réservés à accueillir une activité de bar-restaurant et les candidats devront présenter de sérieuses références dans ce secteur «, ce qui démontre que la location projetée n'a incontestablement aucun lien avec un but d'intérêt public et relève d'une activité purement commerciale.

Attendu au surplus que l'État a clairement projeté de concéder la location des locaux précités à une personne déterminée, à savoir les époux E. ;

Qu'outre la brièveté du délai de candidature, l'État a multiplié les pressions sur Monsieur P. de façon pour le moins prématurée ;

Qu'ainsi, le 20 novembre 2008 une lettre du Directeur de l'Expansion Économique l'invitait à présenter très rapidement une demande de transfert de siège social de la SCS P. ou à défaut, à procéder à la mise en dissolution de la société ;

Que le 18 mars 2009 la décision de retrait d'autorisation attaquée l'invite à procéder à la dissolution de sa société et précise que la poursuite de son activité constitue une infraction l'exposant »aux sanctions pénales prévues par la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 en son article 13, à savoir une peine d'amende de 18 000 à 90 000 € « ;

Que le 24 mars 2009 un courrier des Caisses Sociales de Monaco l'informait de sa radiation de la CAMTI et de la CARTI à compter du 31 mars 2009, avant d'inviter M. P. à »un contrôle terminal «. Que ce dernier a découvert le 10 avril 2009 que son numéro de TVA intracommunautaire avait été supprimé sans même qu'il en soit averti ;

Que la direction des Services Fiscaux saisie lui a indiqué que cette radiation faisait suite à un courrier de la Direction de l'Expansion Économique indiquant que son autorisation d'exercer avait été révoquée ;

Qu'il apparaît ainsi clairement que la décision attaquée prise dans un but distinct de l'intérêt public est constitutive d'un détournement de pouvoir ;

Attendu enfin que si par impossible, le Tribunal Suprême ne devait pas ordonner le sursis à exécution de la décision attaquée, sollicité par requête distincte, le requérant serait contraint de cesser immédiatement son activité, sous peine de sanctions pénales, et de procéder à la dissolution de la société SCS P. & Cie privée de locaux et d'activité ;

Que ces conséquences graves et irréversibles priveraient de caractère effectif tout recours que pourrait intenter Monsieur P. devant les Juridictions monégasques ;

Que la décision querellée devra donc être annulée ;

Attendu de surcroît que si par impossible le Tribunal Suprême ne devait pas ordonner le sursis à exécution de la décision attaquée, Monsieur P. subirait un important préjudice et se trouverait de surcroît privé de tout revenu de telle sorte que le préjudice causé ne saurait être inférieur à 600 000 € à parfaire.

Vu l'ordonnance de référé rendue le 17 juin 2009 par Madame le Président du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, transmise le 26 juin 2009 au Greffe Général du Tribunal Suprême, déboutant l'État de Monaco de ses conclusions à fin d'expulsion de la SCS P. et Cie, dès lors que le Juge du fond était déjà saisi d'une contestation sérieuse sur la question de savoir si l'État refusait de renouveler le contrat d'occupation dans un but d'intérêt public,

Vu la contre-requête enregistrée le 2 juillet 2009 au Greffe Général par laquelle S.E. le Ministre d'État commence par rappeler que Monsieur P. était titulaire d'une autorisation administrative d'exercice d'une activité commerciale délivrée le 23 février 2007 en application des dispositions de la loi 1.144 du 26 juillet 1991 modifiée pour l'exploitation d'un fonds de commerce de bar-restaurant, animation musicale et vente à emporter de plats confectionnés sur place ;

Qu'arrivée à son terme le 30 juin 2008, la Convention d'occupation précaire du domaine public n'a pas été renouvelée mais que Monsieur P. s'est maintenu dans les locaux ;

Attendu que dans ces conditions l'État s'est trouvé contraint de diligenter devant le Tribunal de Première Instance de Monaco une procédure d'expulsion, dans le même temps où il mettait en œuvre les dispositions des articles 9 et 10 de la loi n° 1.144 précitée, relatives au retrait des autorisations administratives d'exercice d'activités commerciales lorsque leurs titulaires ne disposent plus des locaux nécessaires à cet exercice ;

Que Monsieur P. était alors convoqué le 8 janvier 2009 devant la Commission prévue à l'article 10 de ladite loi, puis informé le 16 janvier suivant que ladite convocation avait pour objet » une éventuelle révocation de son autorisation ou suspension de ses effets «.

Qu'après avoir entendu Monsieur P. et son conseil, la Commission a émis un avis le 23 janvier 2009, à la suite duquel S.E. le Ministre d'État a, par lettre du 18 mars 2009, informé l'intéressé du retrait de son autorisation d'exercer.

Attendu que la prétention du requérant selon laquelle la décision attaquée aurait été prise en violation des droits de la défense et du principe du contradictoire n'est pas fondé dès lors qu'il résulte des dispositions de l'article 10 de la loi n° 1.144 que l'avis de la Commission est purement consultatif, qu'il ne lie pas l'autorité administrative et qu'il n'a pas à être communiqué au titulaire préalablement à la décision ;

Qu'il n'est pas contestable que Monsieur P. a été convoqué par lettre du 8 janvier devant la Commission pour le 23 janvier suivant, qu'une lettre postérieure du 16 janvier 2008 lui a précisé que cette convocation intervenait »aux fins d'examen d'une éventuelle révocation de son autorisation ou suspension de ses effets « et qu'il pouvait s'y faire assister par la personne de son choix ;

Qu'ainsi, Monsieur P. a bien été informé du motif de sa convocation – l'éventuel retrait de son autorisation d'activité – et qu'il ne peut sérieusement prétendre avoir ignoré que ce retrait était envisagé en raison du non renouvellement de la convention d'occupation précaire des locaux dans lesquels il exerçait son activité.

Attendu au demeurant qu'un retrait d'autorisation motivé par la perte de la disposition d'un local ne constitue pas une »mesure prise en considération de la personne « mais présente un caractère »objectif « ;

Qu'ainsi, aucune violation du principe du contradictoire, ni aucun manquement aux droits de la défense ne peuvent être reprochés au regard des exigences de l'article 10 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 modifiée ;

Attendu que l'argumentation du requérant sur la légalité interne n'est pas plus pertinente et que c'est sans aucun fondement qu'il invoque les dispositions de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 concernant les baux à usage commercial modifiée, pour soutenir qu'il aurait disposé d'un droit au renouvellement de sa convention d'occupation venue à expiration le 30 juin 2008 ;

Qu'en effet, la domanialité publique est exclusive de l'application de la législation sur les baux commerciaux ;

Que d'ailleurs, l'article 9 de la convention d'occupation conclue le 28 décembre 2001 prévoit expressément »que la domanialité publique du terrain et du bâtiment s'oppose à ce que le bénéficiaire puisse invoquer, à son profit, l'application des dispositions législatives régissant les baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial ou industriel « que Monsieur P. ne peut donc se prévaloir d'aucun droit au renouvellement de l'article 4 de l'avenant à la convention du 23 avril 2002 stipulant expressément que »la convention n'est pas renouvelable de plein droit « ;

Que dès lors c'est à bon droit que S.E. M. le Ministre d'État, prenant acte de ce que Monsieur P. ne disposait plus des locaux nécessaires à l'exercice de son activité, a pu procéder au retrait de l'autorisation d'exercer dont il était titulaire.

Attendu que le grief tiré de la violation du principe de sécurité juridique est en tout état de cause inopérant dès lors que la décision de non renouvellement d'occupation du domaine public, comme le retrait de la décision d'autorisation d'exercer, sont deux décisions individuelles distinctes dont les motifs d'illégalité de l'une sont insusceptibles d'être retenus à l'encontre de l'autre.

Qu'en toute hypothèse le grief n'est pas fondé dès lors que rien dans la convention ne laisse augurer son renouvellement, bien au contraire (article 4) ;

Qu'il n'y a pas d'atteinte au principe de sécurité juridique dans le cas où les motifs du retrait d'une autorisation sont fixés à l'avance dans une disposition connue du titulaire de l'autorisation, savoir que celui-ci ne dispose plus de locaux appropriés à l'exercice de son activité (article 9-2e de la loi n° 1144) ;

Attendu qu'ensuite selon Monsieur P. le détournement de pouvoir s'évincerait de ce que les locaux litigieux ont fait l'objet, dès le mois d'octobre 2008, d'un appel d'offres en vue d'une location destinée exclusivement à une activité de » bar-restaurant «, sans lien avec un intérêt public.

Mais attendu que Monsieur P. n'avait aucun droit au renouvellement de la convention d'occupation, l'autorité administrative était fondée à lui retirer son autorisation d'exercer en application de l'article 9-2e de la loi n° 1.144 et qu'il n'y avait rien d'anormal à ce que l'appel d'offres lancé, pour une nouvelle location, prévoit l'activité de » bar-restaurant « ;

Attendu enfin que le grief tiré de l'absence de recours effectif devant les Tribunaux est inopérant et qu'il est en tout état de cause peu sérieux de soutenir qu'une décision deviendrait illégale si le sursis à exécution sollicité à son encontre n'était pas ordonné.

Attendu enfin que Monsieur P. n'est pas recevable à solliciter la réparation du préjudice qui résulterait pour lui du rejet par le Tribunal Suprême de sa requête aux fins de sursis à exécution. Il pourrait seulement, en application de l'article 90 B de la Constitution, obtenir la réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision attaquée.

Vu l'ordonnance du 23 juillet 2009 par la laquelle Monsieur le Vice-président du Tribunal Suprême a sursis à l'exécution de la décision attaquée dès lors que l'exécution de celle-ci serait de nature à porter au requérant un préjudice grave et difficilement réparable et qu'en outre la requête présentée aux fins d'annulation des décisions attaquées est fondée sur des moyens sérieux.

Vu la réplique enregistrée le 5 août 2009 au Greffe Général, poursuivant les mêmes fins par les mêmes moyens, insistant sur la violation du principe du contradictoire garanti par la Cour européenne des Droits de l'Homme dès lors que la Commission instituée par l'article 10 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991, laquelle »a les pouvoirs d'appréciation et d'investigation les plus étendus « (ordonnance n° 993 du 16 février 2007, article 7), constitue la seule instance auprès de laquelle Monsieur P. aurait pu faire valoir sa position préalablement à la décision de retrait de son autorisation d'exercer.

Attendu en outre que le requérant rappelle que la Jurisprudence du Tribunal Suprême considère que l'absence de notification d'un avis émis par un organisme consultatif constitue bien une violation du principe des droits de la défense et entraîne la nullité de la décision qui est prise sur le fondement de cet avis, alors même qu'aucun texte n'imposait la notification de cet avis à l'intéressé (T.S. Sieur A. D ; 19 décembre 1989 ; Sieur S. G. 7 novembre 2001 et Sieur A. C./CHPG 13 juin 2002) ;

Qu'au surplus, Monsieur P. n'a pas été mis en mesure de présenter sa défense par-devant la Commission précitée dans l'ignorance que le retrait de son autorisation d'exercice était envisagée à raison du non renouvellement de la convention d'occupation précaire de ses locaux, alors qu'à cette date il exerçait toujours son activité dans les lieux sans qu'aucune procédure d'expulsion n'ait été initiée à son encontre. Au surplus, le procès-verbal de la réunion de la Commission du 23 janvier 2009 et l'avis de ladite Commission n'ont pas été communiqués au requérant malgré ses demandes répétées, ce qui confirme encore le non-respect des droits de la défense.

Attendu que le principe du respect des droits de la défense et du contradictoire ne voient point leur application limitée aux seules mesures prises en considération de la personne et que si le Tribunal Suprême n'a jamais eu l'occasion de se prononcer explicitement à ce sujet, le Conseil d'État français se fonde quant à lui sur la gravité des conséquences de la décision querellée pour apprécier l'applicabilité de ces principes (C.E. 30 avril 1997 n° 180838, 180839 et 180867 ; C.E. 30 avril 2004 n° 249693) ;

Que dès lors, les circonstances que la décision de retrait d'autorisation ait été prise sur le fondement de l'article 9-2 de la loi n° 1.144 ne fait pas obstacle à l'application des principes du respect des droits de la défense et du contradictoire ;

Attendu que s'il est vrai que la domanialité publique des biens en cause n'est pas contestée, celle-ci n'est pas exclusive de l'applicabilité de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les baux commerciaux dès lors que l'article 34 de ladite loi n'exclut de son champ d'application les locations portant sur des établissements appartenant à l'État que »sous la condition que le refus de renouvellement corresponde à un intérêt public «.

Que cette condition n'est nullement remplie en l'espèce, l'État ne refusant de renouveler la convention d'occupation précaire accordée à la SCS P. & Cie que dans le but de l'octroyer à une autre personne qui exercera la même activité ;

Qu'en tout état de cause, le Tribunal de Première Instance de Monaco étant saisi de la question de savoir si l'État a refusé de renouveler le contrat d'occupation de la SCS P. dans un but d'intérêt public, en tout état de cause, la décision du Ministre d'État en date du 17 mars 2009 était prématurée dans l'ignorance de la question de savoir si Monsieur P. ne disposait plus de locaux adaptés à l'exercice de ses activités ;

Que dès lors la décision de retrait d'autorisation d'exercer l'activité commerciale est fondée sur des motifs de fait matériellement inexacts et, par voie de conséquence, entachée d'illégalité.

Attendu que le principe de sécurité juridique est parfaitement opérant dès lors que le courrier recommandé du 8 janvier 2009 convoquant Monsieur P. à comparaître le vendredi 23 janvier devant la Commission de l'article 10 de la loi n° 1.144 ne lui permettait d'autant moins de connaître les motifs de sa convocation qu'à ce moment, aucune notification de refus de renouvellement de la convention d'occupation précaire n'avait été adressée à la SCS P. et qu'aucune procédure d'expulsion n'avait été engagée par l'État qui continuait à encaisser le loyer versé par la SCS ;

Qu'enfin, la question de la validité du refus de renouvellement était soumise aux Tribunaux de la Principauté ;

Que dès lors l'État a violé le principe de sécurité juridique, non seulement lors de la décision de refus de renouvellement de la convention précaire, mais encore lors du retrait de l'autorisation exercée ;

Attendu ensuite que le principe de légalité, contrairement à ce que prétend le Ministre d'État ne fait aucunement obstacle à l'application du principe de sécurité juridique, puisqu'au contraire la Cour européenne des Droits de l'Homme considère que le principe de légalité fixé par la Convention européenne »exige que la loi elle-même soit prévisible dans son application « (B./POLOGNE 28 mars 2000).

Attendu qu'en l'occurrence l'application de l'article 9-2e de la loi 1.144 du 26 juillet 1991 n'était aucunement prévisible dès lors que le retrait d'autorisation a été initié par le Ministre d'État alors que Monsieur P. exploitait toujours son activité de restaurant dans les lieux sis [adresse], qu'il avait soulevé une contestation sérieuse devant les Tribunaux et qu'aucune procédure d'expulsion n'avait été introduite à son encontre.

Attendu ensuite que le détournement de pouvoir est constitué du seul fait que le non renouvellement de la convention d'occupation n'a pas été fait dans un intérêt public mais dans celui d'une tierce personne qui exercera une activité identique à celle de la SCS P. à laquelle n'est reproché aucun incident de paiement de son loyer ni aucun manquement aux normes de sécurité et d'hygiène.

Attendu, bien au contraire, que de multiples pressions ont été faites contre la SCS du requérant devant conduire à la dissolution de celle-ci.

Attendu de plus fort, qu'aux termes mêmes de l'article 9 de la loi n° 1.144 invoquée, la décision du Ministre d'État aurait dû être celle de la suspension de l'autorisation d'exercice et non sa révocation.

Attendu enfin que la décision de retrait d'autorisation querellée cause un important préjudice à Monsieur P. ;

Que le Vice-président du Tribunal Suprême a d'ailleurs considéré dans l'ordonnance rendue le 23 juillet 2009 que »l'exécution de la décision attaquée serait de nature à porter au requérant un préjudice grave et difficilement réparable « ;

Qu'au surplus les rumeurs concernant la fermeture du restaurant depuis le non renouvellement de la convention d'occupation ont enflé, ce qui s'est traduit par une baisse sensible de fréquentation et une perte significative de Chiffre d'Affaires soit plus de 60 000 € sur le seul premier semestre ;

Que la décision attaquée a en outre entraîné la radiation de Monsieur P. de la CAMTI et de la CARTI, le retrait du n° TVA communautaire, des difficultés de gestion de personnel, le refus de certains de ses fournisseurs de continuer à travailler pour lui, l'impossibilité d'obtenir des délais de paiement, sans parler d'importants frais irrépétibles pour introduire deux procédures distinctes devant le Tribunal Suprême, se défendre dans la procédure d'expulsion engagée par l'État, faire valoir ses droits devant le Tribunal de Première Instance, soit pour l'ensemble de ces postes un préjudice provisionnel de 600 000 € ;

Vu la duplique enregistrée le 9 septembre 2009 au Greffe Général, par laquelle S.E. M. le Ministre d'État persiste dans son argumentaire rappelant que l'Administration avait demandé à Monsieur P. dès le mois d'octobre 2008 de quitter les lieux, que présent à la Commission du 23 janvier 2009 assisté de son avocat, il avait pu faire valoir les arguments qui faisaient obstacles, selon lui, au non renouvellement de la convention d'occupation précaire sur lequel se fondait le retrait de son autorisation d'activité ;

Que sur le fond, la décision du 18 mars 2009 retirant à Monsieur P. son autorisation d'exercer une activité commerciale s'est bornée à tirer les conséquences juridiques d'une situation de fait, savoir l'échéance d'une convention d'occupation précaire qui n'avait pas été renouvelée ;

Attendu qu'en toutes hypothèses, Monsieur P. ne peut tirer argument des dispositions de l'article 34 de la loi n° 490 selon lesquelles »la présente loi n'est pas applicable aux locations portant sur des établissements appartenant à l'État, sous la condition que le refus de renouvellement corresponde à un intérêt public... « dès lors que de toute évidence les dispositions ne concernent que la location du domaine privé de l'État.

Qu'une autorisation d'occupation du domaine public, toujours précaire, ne saurait ouvrir droit au bénéfice de la propriété commerciale au profit de l'occupant, ce que rappelait expressément la convention d'occupation précaire elle-même ;

Qu'en outre, la notion d'intérêt public en matière de renouvellement de contrat d'occupation du domaine public est toujours très largement entendue.

Attendu en ce qui concerne la prétendue violation du principe de sécurité juridique que Monsieur P. a délibérément choisi de rester dans les lieux après l'échéance de sa convention d'occupation alors que l'Administration lui avait demandé, dès le mois d'octobre 2008, de les quitter à raison du non renouvellement de celle-ci ;

Que Monsieur P. ne pouvait ignorer que cette situation, née de son propre fait, l'exposait à ce que l'Administration retire son autorisation d'exercer une activité commerciale, et ce, d'autant moins que la Direction de l'Expansion Économique l'avait invité à présenter rapidement une demande de transfert de son siège social.

Attendu ensuite que les décisions de l'Administration que Monsieur P. présente comme des manœuvres visant à lui faire quitter les lieux, constitutives d'un excès de pouvoir, ne sont en réalité que les conséquences juridiques de sa situation d'occupant sans titre du domaine public.

Attendu enfin que la demande indemnitaire maintenue n'est pas justifiée dans son principe comme dans son montant, qu'elle ne peut qu'être rejetée par application de l'article 90 B de la Constitution par voie de conséquence du rejet des conclusions à fin d'annulation de la décision attaquée ;

Qu'en tout état de cause elle n'est établie ni dans son existence, ni dans son quantum.

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 B ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 modifiée, concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques, notamment son article 9 ;

Vu la loi n° 490 du 24 novembre 1948 modifiée, relative aux baux commerciaux, notamment son article 34 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 30 novembre 2005 ratifiant la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ; ensemble cette convention et ses protocoles additionnels ;

Vu l'Ordonnance rendue le 17 juin 2009 par Mme le Président du Tribunal de Première Instance de Monaco ;

Vu l'Ordonnance rendue le 23 juillet 2009 par Monsieur le Vice-président du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance du 4 juin 2009 par laquelle le Président du Tribunal Suprême nommant Monsieur José SAVOYE, membre titulaire, comme rapporteur,

Vu l'Ordonnance du 7 décembre 2009 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du 25 janvier 2010 ;

Ouï Monsieur José SAVOYE, Membre Titulaire du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Jean-Charles S. GARDETTO, Avocat défenseur près la Cour d'Appel de Monaco pour Monsieur A. P. ;

Ouï Maître MOLINIE, Avocat au Conseil d'État et à la Cour de Cassation de France pour l'État de Monaco ;

Ouï Monsieur le Procureur Général, en ses conclusions.

Après en avoir délibéré

Considérant que l'article 5 de la loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 modifiée concernant l'exercice de certaines activités économiques et juridiques dispose : »l'exercice des activités visées à l'article 1er par des personnes physiques, de nationalité étrangère, est subordonné à l'obtention d'une autorisation administrative... « ;

Que l'article 9 de la même loi dispose quant à lui, » par décision du Ministre d'État... l'autorisation mentionnée aux articles 5, 6, 7, et 8, (peut être) suspendue en ses effets ou révoquée dans les cas suivants : 2° – si l'auteur de la déclaration, le titulaire de l'autorisation ou la société ne disposent plus de locaux adaptés à l'exercice de ses activités « ;

Que l'article 10 de cette loi ajoute » lorsqu'il y a lieu à application de l'article précédent, ... le titulaire de l'autorisation est, préalablement à toute décision, entendu en ses explications ou dûment appelé à les fournir. La décision privant d'effets ou suspendant les effets d'une déclaration ne peut toutefois être prise qu'après avis d'une Commission... « ;

Considérant que Monsieur A. P., gérant commandité de la SCS P. & Cie était titulaire d'une convention d'occupation précaire d'une parcelle et de locaux du domaine de l'État sis [adresse], convention venue à terme le 30 juin 2008 ; qu'il était invité par lettre recommandée en date du 8 janvier 2009 à comparaître le 23 janvier 2009, devant la Commission prévue à l'article 10 précité ; que les termes de ce courrier ne lui permettaient pas de connaître les motifs de sa convocation ;

Considérant qu'à son interrogation du 13 janvier, il lui fut répondu par courrier du 16 janvier 2009 qu'il était convoqué »aux fins d'examen d'une éventuelle révocation de (son) autorisation ou suspension de ses effets « ; qu'une telle réponse ne lui permettait pas de prévoir qu'il était envisagé de retirer son autorisation d'exercer au motif du non renouvellement de sa convention d'occupation du domaine de l'État ;

Considérant que dans ces conditions, bien qu'assisté de son conseil, Monsieur P. n'a pas eu la possibilité de contester efficacement devant la Commission le motif de retrait de l'autorisation d'exercer tiré du non renouvellement de la convention d'occupation, et ce, alors même que l'avis de la Commission, pour être consultatif, n'en était pas moins obligatoire ;

Qu'en conséquence Monsieur A. P. est fondé à soutenir que la décision de M. le Ministre d'État a été prise en violation du principe général de respect des droits de la défense ;

Sur la demande d'indemnités :

Considérant que les préjudices allégués ne sont pas justifiés.

Dispositif🔗

DÉCIDE :

Article 1er. – La décision de M. le Ministre d'État, notifiée le 18 mars 2009, portant retrait de l'autorisation de Monsieur A. P. d'exercer l'activité de » bar-restaurant, animation musicale sous réserve des autorisations administratives appropriées ; vente à emporter de plats confectionnés sur place « en qualité de gérant commandité de la SCS P. & Cie, est annulée.

Article 2. – Le surplus des conclusions est rejeté.

Article 3. – L'État de Monaco est condamné aux dépens.

Article 4. – Expédition de la présente décision sera transmise à M. le Ministre d'État et à Monsieur A. P.

Article 1er🔗

La décision de M. le Ministre d'État, notifiée le 18 mars 2009, portant retrait de l'autorisation de Monsieur A. P. d'exercer l'activité de » bar-restaurant, animation musicale sous réserve des autorisations administratives appropriées ; vente à emporter de plats confectionnés sur place " en qualité de gérant commandité de la SCS P. & Cie, est annulée.

Article 2🔗

Le surplus des conclusions est rejeté.

Article 3🔗

L'État de Monaco est condamné aux dépens.

Article 4🔗

Expédition de la présente décision sera transmise à M. le Ministre d'État et à Monsieur A. P.

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