Tribunal Suprême, 20 mars 2007, Sieur M. K. c/ Ministre d'État

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Abstract🔗

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Recours pour excès de pouvoir

Étranger - Refus de suspendre la mesure de refoulement du territoire monégasque - Absence de disposition législative ou réglementaire obligeant à faire droit à la requête - Décision illégale (non)

Procédure

Décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir - Recevabilité (oui)


Motifs🔗

Le Tribunal Suprême,

Siégeant en assemblée plénière et délibérant à matière administrative,

Vu la requête de M. M. K. enregistrée le 22 septembre 2006 au Greffe Général de la Principauté de Monaco, sous le numéro TS 2006/11 et tendant à l'annulation d'une décision du Ministre d'État en date du 26 juillet 2006 refusant de suspendre la mesure de refoulement du territoire monégasque prononcée à son encontre le 17 décembre 1996 ;

Ce faire,

Attendu que le Ministre d'État a pris la décision de rejeter la demande du requérant tendant à ce que soit, à titre exceptionnel, suspendue la mesure d'éloignement du territoire prise à son encontre le 17 septembre 1996 ; que cette décision doit être annulée pour erreur manifeste d'appréciation ; qu'en effet, M. K. a clairement explicité que d'une part, son comportement avait changé et que d'autre part, son attitude était motivée pour d'importantes raisons familiales ; que si la décision n'avait pas à être motivée, l'Administration se devait de préciser en quoi, alors qu'il avait été éloigné de la Principauté pendant près de dix ans, sa présence constituerait une menace pour l'ordre public ; qu'au-delà de la véracité des éléments mentionnés dans sa requête et non contestés, le défaut de motivation démontre une erreur manifeste d'appréciation quant à l'absence d'appréhension du critère ci-avant rappelé ; qu'à titre subsidiaire, le requérant sollicite que soit ordonné, avant de dire-droit au fond, toute mesure d'instruction que le Tribunal juge utile à la vérité dès lors que la décision du 17 septembre 1996 n'a jamais été notifiée à l'intéressé – qui l'a pourtant exécutée spontanément et qu'il n'en détient aucune copie lui permettant d'en apprécier les motifs retenus ;

Vu la contre-requête présentée au nom du Ministre d'État, déposée le 22 novembre 2006, au Greffe Général et tendant à titre principal, au rejet de la requête comme irrecevable par les motifs que la décision attaquée ne constitue nullement une décision de refus qui aurait été opposée à une demande d'abrogation de la mesure de refoulement prise à son encontre ; qu'en effet, dans sa lettre du 16 juin 2006, M. K. n'a pas sollicité l'abrogation de la décision de refoulement du 17 septembre 1996 mais seulement, à titre exceptionnel, la possibilité de pouvoir se rendre sur le territoire monégasque pour y voir sa fille à l'occasion des vacances universitaires et dans des « proportions » à déterminer ; que cette demande purement gracieuse ne tendait pas à la remise en cause juridique de la décision de refoulement, mais seulement à sa suspension épisodique par mesure de bienveillance, et dont l'acceptation, ou le rejet, par le Ministre d'État relevait de considérations de pure opportunité, et non de légalité ; qu'en conséquence, le requérant n'est pas recevable à invoquer devant le Tribunal Suprême des moyens de légalité mettant en cause la régularité formelle ou le bien-fondé d'une décision prise en matière gracieuse ; qu'en toute hypothèse, et même en analysant la décision attaquée comme un refus d'abroger la mesure de refoulement du 17 septembre 1996, il resterait que le Ministre d'État n'était pas tenu légalement de préciser en quoi la présence de M. K. constituait toujours une menace pour l'ordre public puisque, comme le reconnaît lui-même le requérant, les décisions relatives au séjour des étrangers n'ont pas à être motivées ; que s'agissant de la mesure d'instruction sollicitée, le requérant, nullement « réinséré », serait bienvenu à verser spontanément aux débats l'ensemble des pièces afférentes aux multiples procédures pénales dont il a fait l'objet en France depuis 1996, et notamment les jugements de condamnation ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 B 1° ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance du 29 décembre 2006 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience de ce Tribunal du 19 mars 2007 ;

Ouï M. Dominique Chagnollaud, membre titulaire du Tribunal Suprême ;

Ouï Maître Patricia Rey, avocat-défenseur, pour M. M. K. ;

Ouï Maître Molinié, avocat aux Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'État de Monaco ;

Ouï Madame le Procureur Général en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré ;

Considérant que M. K. a présenté le 16 juin 2006 une requête sollicitant du Ministre d'État « la possibilité, même exceptionnelle dans un premier temps de pouvoir se présenter sur le territoire de la Principauté pour renforcer les liens avec sa fille, à laquelle il est très attaché, et lui rendre ainsi visite à l'occasion des vacances universitaires dans les proportions que vous pourrez déterminer » ; que, par lettre du 26 juillet 2006, le Ministre d'État a refusé de faire droit à cette requête ;

Sur la recevabilité :

Considérant qu'en refusant à M. K. de suspendre la mesure de refoulement du territoire monégasque prononcée à son encontre le 17 septembre 1996, le Ministre d'État a pris une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que par suite, la requête est recevable ;

Sur la légalité :

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'obligeait le Ministre d'État à faire droit à la demande de Monsieur K. ; que, par suite, le Ministre d'État n'a pas excédé ses pouvoirs en prenant la décision attaquée ;

Dispositif🔗

Décide :

Article 1er. – La requête de M. K. est rejetée.

Article 2. – Les dépens sont mis à la charge de M. K.

Article 3. – Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

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