Tribunal Suprême, 20 mars 2007, Sieur R. RO. c/ Ministre d'État

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Abstract🔗

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Recours pour excès de pouvoir

Avantages sociaux - Refus de rétablissement des droits auprès du Service des prestations médicales de l'État et de prise en charge de la couverture sociale, médicale, pharmaceutique et chirurgicale - Décision confirmative de décisions non contestées et devenues définitives - Changement de circonstances de fait ou de droit (non) - Décision illégale (non)

Procédure

Décision administrative confirmative - Tardiveté de la requête


Motifs🔗

Principauté de Monaco

TRIBUNAL SUPRÊME

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2006/7

Affaire :

M. r. RO.

Contre :

S. E. M. le Ministre d'État

DÉCISION DU 20 MARS 2007

Recours en annulation de la décision du Ministre d'État en date du 6 avril 2006

refusant de rétablir les droits de M. r. RO. auprès du service des prestations médicales de l'État, à effet rétroactif à compter de son départ à la retraite, et d'ordonner à ce service de prendre en charge sa couverture sociale, médicale, pharmaceutique et chirurgicale avec le même effet rétroactif.

En la cause de :

- Monsieur r. RO., né le 29 mars 1946 à Cannes, de nationalité française, demeurant et domicilié X à BEAUSOLEIL (06240), élisant domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur à la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

Contre :

- S. E. Monsieur le Ministre d'État de la Principauté de Monaco, ayant pour avocat- défenseur Maître KARCZAG-MENCARELLI, avocat-défenseur à la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par la SCP PIWNICA-MOLINIÉ, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation ;

LE TRIBUNAL SUPRÊME

Siégeant en assemblée plénière et statuant en matière administrative

Vu la requête de Monsieur R. RO., enregistrée au Greffe général de la Principauté de Monaco, le 30 mai 2006, sous le numéro TS 2006-7 et tendant à l'annulation de la décision du Ministre d'État, en date du 6 avril 2006, refusant de rétablir ses droits auprès du Service des prestations médicales de l'État (SPME), à effet rétroactif à compter de son départ à la retraite, et d'ordonner à ce service de prendre en charge sa couverture sociale, médicale, pharmaceutique et chirurgicale avec le même effet rétroactif.

Ce faire,

Attendu que le requérant engagé le 1er juin 1968 par la fonction publique monégasque puis titularisé le 10 mai 1969 en qualité d'agent de police a fait valoir ses droits à la retraite le 29 mars 1997.

Attendu qu'il a été invité par le service monégasque à s'immatriculer auprès de la Caisse primaire d'assurance maladie des A-M (CPAM) du fait de son domicile situé en France, alors qu'il relevait jusqu'ici du SPME, ce même service, confirmant sa position à deux reprises en 1997.

Attendu que le 6 mars 2006, le requérant demandait au Ministre d'État, sur la base de l'article 31 du statut de la fonction publique, de rétablir ses droits auprès du SPME et d'ordonner à ce service la prise en charge correspondante, le tout avec effet rétroactif à compter de son départ à la retraite.

Attendu que le Ministre d'État, par la lettre critiquée du 6 avril 2006, écarte l'application du statut au motif que les dispositions initiales du chapitre « maladie-maternité » de la Convention franco-monégasque de Sécurité sociale de 1952 ont fait l'objet d'une refonte en 1998 pour étendre notamment aux fonctionnaires civils le régime des salariés et travailleurs assimilés, refonte traduite par un avenant numéro 5 à la convention précitée rendu exécutoire par l'Ordonnance souveraine n° 14535 du 17 juillet 2000, à laquelle il est annexé (J. Monaco 21 juill. 2000).

Attendu que le requérant considère que l'article 17 de l'avenant n° 5 ne saurait être interprété comme visant les fonctionnaires parce que, d'abord, un régime défavorable doit être conçu restrictivement, ensuite qu'il faut une disposition expresse pour une telle extension, encore que l'alignement du régime des fonctionnaires relevant du droit public ne peut être réalisé subrepticement sans modification de l'article 1er de la convention, enfin que les fonctionnaires en retraite tiennent leurs droits du statut et non d'une législation de sécurité sociale. De plus, la lettre du Ministre d'État parle d'une possibilité et non d'une obligation : or le requérant n'a jamais demandé l'assujettissement au régime français. Subsidiairement, l'avenant n° 5 n'était pas exécutoire en Principauté avant le lendemain de la publication de l'Ordonnance souveraine n° 14535 qui le rend exécutoire, ce vice de rétroactivité affecte dont les mesures prises entre 1997 et juillet 2000. Il est aussi souligné que le dispositif bilatéral présente un caractère exceptionnel au sein de l'Union européenne qui explique l'impossibilité de délivrer une carte vitale à Mme RO.

Vu la contre-requête présentée au nom de l'État, déposée le 28 juillet 2006 au Greffe général, concluant au rejet de la requête aux motifs : en premier lieu que cette requête est manifestement tardive puisqu'aucune des décisions de 1997 l'avisant qu'il était invité à s'adresser à la CPAM des A-M en vue d'obtenir son immatriculation – ce qu'il a d'ailleurs fait – n'a été déféré au juge de l'excès de pouvoir et que le recours intenté neuf ans après est manifestement tardif. En second lieu et très subsidiairement qu'il doit être rejeté au fond, le statut des fonctionnaires n'étant pas applicable aux retraités ayant leur domicile en France par application des dispositions des articles 10 et 17 de l'avenant n° 5, signé le 20 juillet 1998 dont la portée est générale, l'accord bilatéral intervenu ayant notamment pour objet de s'étendre de manière obligatoire aux fonctionnaires et ne pouvant être contrarié par le statut de la fonction publique ; qu'aucune application rétroactive n'a été faite de l'acte concernant le requérant en précisant néanmoins qu'une Convention internationale peut revêtir un caractère rétroactif pour régler des situations en cours ; que le problème de carte vitale de l'épouse de M. RO. est purement technique sans effet sur le droit aux prestations de celle-ci.

Vu la réplique présentée au nom de M. RO., enregistrée au Greffe général le 3 août 2006 tendant aux même fins que la requête, par les mêmes moyens et en outre par les motifs que la requête dirigée contre une décision du Ministre d'État du 6 avril 2006 régulièrement déposée dans le délai de deux mois est recevable ; que le renvoi du requérant à s'immatriculer dans une caisse française lors de son départ à la retraite ne pouvait s'appuyer sur l'avenant n° 5 non encore signé ; qu'une convention internationale ne peut avoir d'effet rétroactif qu'en vertu d'une disposition expresse, ce qui n'est pas le cas ; que l'extension aux fonctionnaires de la Convention de 1952 aurait nécessité la modification de l'article 1er de la convention déterminant son champ d'application, ce qui n'a pas été fait ; qu'il est sidérant d'affirmer que le statut de la fonction publique n'est qu'une forme de législation de sécurité sociale ; que le problème de carte Vitale de Mme RO. n'est pas résolu.

Vu la duplique présentée au nom de l'État et enregistrée comme ci-dessus le 4 septembre 2006, tendant aux mêmes fins que la contre-requête, par les mêmes moyens et en outre en précisant que l'irrecevabilité de la requête vient du fait que les décisions de 1997 sont devenues définitives et qu'en l'absence de tout changement dans sa situation le requérant n'est pas recevable à solliciter l'annulation d'une mesure purement confirmative, d'autant plus que la demande présentée tend non à une abrogation mais à un retrait ; que l'article 17 de l'avenant se suffit à lui-même et n'implique en rien de revenir sur l'article 1 de la convention pour étendre celle-ci aux fonctionnaires ; qu'enfin à la date de la décision attaquée, l'autorité administrative était tenue de faire application de la Convention franco-monégasque modifiée par l'avenant n° 5, donc sans aucun effet rétroactif.

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 ;

Vu la Convention franco-monégasque de sécurité sociale du 28 février 1952 modifiée, notamment l'avenant n° 5 rendu exécutoire par l'Ordonnance souveraine n° 14535 du 17 juillet 2000 ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2.984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance du 5 décembre 2006 par laquelle le président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du Tribunal Suprême du 20 mars 2007 ;

Ouï M. Hubert Charles, membre suppléant du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Jean-Pierre Licari, avocat-défenseur, pour M. R. RO. ;

Ouï Maître Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour l'État de Monaco ;

Ouï Madame le Procureur Général en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré,

Considérant que Monsieur R. RO. demande au Tribunal Suprême d'annuler la décision du Ministre d'État en date du 6 avril 2006 refusant de rétablir ses droits auprès du Service des prestations médicales de l'État et d'ordonner à ce service de prendre à sa charge la couverture sociale, médicale, pharmaceutique et chirurgicale.

Considérant que par décisions en date des 28 janvier et 3 avril 1997, le Service des prestations médicales de l'État a invité le requérant à se faire immatriculer à la Caisse primaire d'assurances maladie des Alpes-Maritimes ; que ces décisions n'ont pas été contestées dans le délai du recours fixé par l'article 13 de l'Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 et sont par suite devenues définitives ;

Considérant qu'en l'absence de circonstances nouvelles de fait ou de droit au vu desquelles ces décisions avaient été prises, le requérant n'est pas recevable à demander l'annulation de la décision de M. le Ministre d'État en date du 6 avril 2006 qui s'est bornée à confirmer les décisions précitées.

Dispositif🔗

DÉCIDE :

Article 1er🔗

La requête de Monsieur r. RO. est rejetée.

Article 2🔗

Les dépens sont mis à la charge de Monsieur r. RO.

Article 3🔗

Expédition de la présente décision sera transmise à Monsieur le Ministre d'État.

Composition🔗

Ainsi jugé et délibéré par le Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco, le vingt mars deux mille sept, composé de Messieurs Roland DRAGO, Grand Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Président, Michel BERNARD, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Jean MICHAUD, membres titulaires, Monsieur Hubert CHARLES, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, membre suppléant, rapporteur,

et prononcé en présence de Mme Annie BRUNET-FUSTER, Procureur Général, le vingt-et-un mars deux mille sept par M. Roland DRAGO, Président, assisté de Madame Béatrice BARDY, Greffier en chef.

Le Greffier en Chef, le Président,

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