Tribunal Suprême, 6 décembre 2006, Sieur F. G. c/ Ministre d'État

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Abstract🔗

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Recours en indemnisation - Acte administratif individuel

Recours pour excès de pouvoir

Décision de non-admission au concours d'élève agent de police - Incompétence du médecin du travail et de la Commission médicale ayant statué sur l'aptitude du requérant - Décision illégale (oui) -

Recours en indemnisation

Annulation de la décision - Préjudice établi - Allocation d'une indemnité


Motifs🔗

Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête présentée par M. F. G. enregistrée au Greffe général de la Principauté de Monaco le 21 juillet 2005 tendant à l'annulation de la décision prise à son encontre de non-admission au concours d'élève agent de police confirmée par la décision d'inaptitude émanant de la Commission médicale de recours instituée par l'article 13.1 de l'Ordonnance n° 1857 du 3 septembre 1958 ;

Vu la décision du 21 mars 2006 par laquelle le Tribunal Suprême a rouvert l'instruction pour permettre aux parties de présenter leurs observations sur la compétence de la commission qui a rendu la décision attaquée ;

Attendu que M. G. a déposé des observations enregistrées le 20 avril 2006 par lesquelles : il maintient toutes ses demandes y compris la communication par l'État de son dossier médical conservé à l'office de la médecine du travail ; il rappelle que par Ordonnance souveraine a été instituée une commission médicale de recrutement, que par suite c'est cet organisme qui devait signer la fiche d'aptitude de M. G. et non le Docteur R. comme il en a été, ceci constituant un détournement de procédure ; il s'étonne de l'en-tête de cette fiche : « Service des prestations médicales de l'État Médecine du travail » car la médecine du travail relève de l'office de la médecine du travail et non du service administratif des prestations médicales de l'État et souhaite une explication sur ce point ; il demande avant dire droit la communication du dossier médical, et au fond l'annulation du refus de son admission au concours d'agent de police et de la décision de la Commission médicale de recours et demande en outre à titre de dommages-intérêts une indemnité de 50 000 euros ;

Vu les observations enregistrées le 21 avril 2006 par lesquelles le Ministre d'État précise que le recrutement des élèves agents de police s'effectue en deux phases dont la première consiste en un recrutement pour une année par voie contractuelle comportant à l'issue de ce temps un concours avec épreuves écrites et orales et examen d'aptitude médicale ; que cet examen a été effectué par le Docteur R. puis sur recours par la Commission médicale de recours ; que le requérant a été invité, tandis que les délais étaient expirés, à saisir cette commission dont la décision est présentement soumise au Tribunal Suprême ; qu'il conclut au rejet de la requête ;

Vu les ultimes observations déposées le 22 mai 2006 par M. G. où il considère que l'argumentation de l'État revient à dire que la Commission médicale de recrutement n'aurait à intervenir que pour les candidats ayant passé et réussi le concours, ce qui signifierait que cet organisme n'aurait jamais à donner son avis, alors qu'il lui appartient de le faire pour tout candidat de la fonction publique ; il regrette que l'État ne se soit pas expliqué sur l'en-tête de la fiche d'aptitude ; il maintient ses précédentes conclusions ;

Vu les ultimes observations enregistrées le 19 mai 2006 présentées par l'État selon lesquelles : le Docteur R. a signé la fiche d'aptitude pour le compte de l'État en qualité de médecin du travail dans les locaux du service des prestations médicales de l'État ; après une année de formation s'ouvre une seconde phase comportant une épreuve de sélection pour les agents contractuels recrutés un an auparavant ; ayant réussi ce passage, les candidats sont soumis au statut de la fonction publique, leur aptitude étant confirmée par la commission spéciale de recrutement ; les intéressés sont alors nommés fonctionnaires stagiaires et titulaires au bout d'un an ; M. G. n'a concouru que pour la première phase et ne peut donc se prévaloir de la loi n° 975 qui ne s'applique qu'aux fonctionnaires se destinant à un emploi permanent ; il n'y a donc en l'espèce aucun détournement de procédure et la requête doit être rejetée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90-B 1° ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963, modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 6365 du 17 août 1978 fixant les conditions d'application de la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l'État ;

Vu l'Ordonnance en date du 6 octobre 2006 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du 5 décembre 2006 ;

Ouï Monsieur Jean Michaud, membre du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Jean-Pierre Licari, avocat-défenseur, au nom de M. G. ;

Ouï Maître Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation pour le Ministre d'État ;

Ouï Madame le Procureur général, en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'Ordonnance souveraine du 17 août 1978 susvisée : « La Commission médicale de recrutement est chargée de délivrer le certificat médical destiné à attester qu'un postulant à un emploi public remplit les conditions d'aptitude physique et de santé exigées pour l'exercice de la fonction considérée » ;

Considérant qu'un candidat aux fonctions d'élève agent de police est un postulant à un emploi public ; que, par suite, la Commission médicale de recrutement est seule compétente pour apprécier si un candidat remplit les conditions d'aptitude physique et de santé exigées pour l'exercice de la fonction d'agent de police à laquelle sont destinés les élèves agents de police ;

Considérant que, par suite, le médecin du travail et la Commission médicale de recours n'étaient pas compétents pour déclarer M. G. inapte à l'exercice des fonctions d'élève agent de police ; que les décisions prises par le médecin du travail et la commission médicale de recours sont entachées d'incompétence et doivent être annulées ;

Sur les conclusions à fin d'indemnité :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. G. du fait des décisions annulées en condamnant l'État à lui verser une indemnité de 2 000 € ;

Dispositif🔗

Décide :

Article 1er🔗

La décision du médecin du travail du 19 janvier 2005 et la décision de la Commission médicale de recours du 1er juillet 2005 sont annulées.

Article 2🔗

L'État est condamné à verser à M. G. la somme de 2 000 €.

Article 3🔗

Les dépens sont mis à la charge de l'État.

Article 4🔗

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

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