Tribunal Suprême, 22 mars 2006, Sieur F. G. c/ Ministre d'État

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Abstract🔗

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte individuel

Fonctionnement et agents publics

Fonction publique de l'État - Concours d'élève d'agent de police. Décision de la Commission médicale - Compétence

Procédure

Nouvelle instruction - Arrêt avant dire droit


Motifs🔗

Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête présentée par M. F. G. enregistrée au Greffe général de la Principauté de Monaco le 21 juillet 2005 et tendant à l'annulation de la décision prise à son encontre de non admission au concours d'élève agent de police confirmée par la décision d'inaptitude émanant de la commission médicale de recours instituée par l'article 13.1 de l'Ordonnance n° 1857 du 3 septembre 1958.

Ce faire,

Attendu que M. F. G. qui s'est présenté au concours d'agent de police en 2004 a passé successivement les épreuves orales, de sport, écrites ; qu'informé de son admissibilité il a subi les épreuves de tir et le 26 novembre 2004 après convocation devant le grand jury, et a été classé 7e sur treize candidats ; qu'il a passé des tests médicaux avant de devoir se présenter devant une commission médicale spécialisée le 4 janvier 2005 qui n'a relevé aucun problème médical ; qu'à la date du 23 mai 2005 dans un courrier adressé à son avocat il était indiqué qu'il n'était pas déclaré apte aux fonctions d'élève agent de police, décision prise par le médecin du travail 13-1 de l'Ordonnance n° 1857 du 3 septembre 1958 ; que cet organisme ayant confirmé la décision d'inaptitude de l'intéressé, il a formé le présent recours en annulation contre la décision prise par la commission médicale précitée ; que M. G. s'étonne qu'on lui ait opposé son échec à un concours de 1999 en conclusion de tests passés à Nice tout en notant qu'on lui a conseillé à l'époque de se présenter à nouveau ultérieurement ; que dans ces conditions il s'est soumis de son propre chef à d'autres tests en janvier 2005 qui ont été parfaitement positifs ; qu'en outre sa culture est satisfaisante et qu'il bénéficie de nombreuses recommandations ; que par suite le refus de son admission procède d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il souligne d'autre part que le 19 janvier 2005 le Docteur R. a signé une fiche d'aptitude avec avis défavorable alors que dès le 4 janvier le Docteur S. lui avait annoncé son inaptitude ; qu'il voit là une incohérence qui constitue par usage d'un faux motif, un détournement de procédure ; qu'en outre il considère que les droits de la défense n'ont pas été respectés ; qu'en effet il n'a pas été admis à assister aux débats de la commission qui s'est tenue le 24 juin 2005, se voyant opposer indûment le secret médical et n'a pas eu accès à une lettre du Docteur V. envoyée à la médecine du travail en 1999 sur laquelle se fonde la décision d'inaptitude ; que la décision de la commission médicale de recours n'était pas motivée alors qu'elle statuait comme une juridiction d'appel ; que le requérant a déposé une requête en référé aux fins d'obtenir communication de son dossier médical ; qu'il sollicite une indemnisation qu'il évalue à 5 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral que la décision attaquée lui a fait subir ;

Vu la contre-requête du Ministre d'État enregistrée le 23 septembre 2005, où il expose que la commission instituée par l'article 13-1 de l'Ordonnance souveraine n° 1857 du 3 septembre 1958 composée uniquement de médecins n'est pas une juridiction mais un simple organisme administratif ; qu'il en résulte que ni l'intéressé ni son conseil n'ont à y assister et que ses décisions n'ont pas à être motivées ; que les griefs de M. G. quant à la légalité externe de la décision attaquée ne peuvent donc être retenus ; que sur le fond le médecin du travail, après avoir reçu l'intéressé, a recueilli le sentiment des membres de la commission médicale qui ont considéré que M. G. était inapte à exercer les fonctions sollicitées ; que les exigences qu'impose le recrutement des policiers impliquent qu'aucune erreur d'appréciation n'a affecté la décision attaquée ; que cette décision n'est pas non plus atteinte d'un détournement de procédure étant rappelé que, fondée exclusivement sur des considérations d'ordre médical elle ne saurait être annulée ; que dans ces conditions la demande d'indemnité formée par M. G., qui au surplus ne précise ni sa réalité ni son quantum, ne saurait être accueillie ;

Vu la réplique de M. G. déposée le 25 octobre 2005 où il expose que si la commission médicale de recours n'est pas une juridiction, elle prononce néanmoins des décisions qui par leurs effets sont assimilables à des sanctions ; qu'il en résulte que devant cet organisme le contradictoire et les droits de la défense doivent être respectés ainsi que l'exigence de motivation, conformément aux exigences de la Convention européenne des Droits de l'Homme ; que sur le plan de la légalité interne il est surprenant que soit invoquée une inaptitude du requérant révélée en 1999 alors qu'on l'a laissé se présenter à nouveau à un concours ultérieur ; qu'on peut donc considérer que l'État estime qu'il n'a pas été commis une erreur d'appréciation tout en se basant sur un test périmé d'autant plus qu'il ne prend pas position sur un test établi en 2005 dont indique que la commission médicale spéciale et la commission médicale de recours ont commis à ce sujet une erreur manifeste d'appréciation ; qu'aux termes d'une consultation sollicitée par M. G. celui-ci ne présente aucun trouble de nature à contre indiquer une profession autorisant le port d'arme ; que les motifs médicaux invoqués pour écarter sa candidature ne sont que des prétextes qui cachent d'autres raisons ; qu'au surplus les qualités professionnelles de l'intéressé sont incontestables ainsi qu'il résulte d'attestations produites ; qu'enfin la demande d'indemnisation formée par M. G. devrait être accueillie étant précisé que sa candidature a été rejetée non pour des raisons de service mais pour des raisons psychologiques, sa santé mentale étant mise en cause ; que sa requête doit donc être accueillie et que doit être apprécié son considérable préjudice moral ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution notamment son article 90-B-1° ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal

Suprême ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 1857 du 3 septembre 1958 relative à l'organisation et au fonctionnement de l'Office de la médecine du travail, complétée par l'Ordonnance souveraine n° 6755 du 8 février 1980 ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 6365 du 17 août 1978 fixant les conditions d'application de la loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l'État ;

Vu l'Ordonnance en date du 27 janvier 2006 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du 21 mars 2006 ;

Ouï Monsieur Jean Michaud, membre du Tribunal Suprême en son rapport ;

Ouï Maître Jean-Pierre Licari, avocat-défenseur, au nom de M. G. ;

Ouï Maître Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation pour le Ministre d'État ;

Ouï Madame le Procureur Général, en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré ;

Considérant que la Commission qui a rendu la décision attaquée est celle qu'a institué l'article 13-1 de l'Ordonnance souveraine du 3 septembre 1958 susvisée ;

Considérant que, pour le recrutement des fonctionnaires, l'article de l'Ordonnance souveraine du 17 août 1978 susvisée institue une commission médicale de recrutement « chargée de délivrer le certificat médical destiné à attester qu'un postulant à un emploi public remplit les conditions d'aptitude physique et de santé exigées pour l'exercice de la fonction considérée » ;

Considérant qu'aux termes du 4e alinéa de l'article 30 de l'Ordonnance souveraine du 16 avril 1963 susvisée « S'il l'estime nécessaire à une bonne administration de la justice, le Tribunal Suprême peut, soit d'office, soit à la demande de l'une ou l'autre des parties, renvoyer l'examen de l'affaire » ;

Considérant que, compte tenu des textes précités, il est nécessaire, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de rouvrir l'instruction afin de permettre aux parties de présenter leurs observations sur la compétence de la Commission qui a rendu la décision attaquée ;

Dispositif🔗

Décide :

Article 1er🔗

L'affaire est renvoyée ;

Article 2🔗

L'instruction est rouverte ;

Article 3🔗

Les parties déposeront leurs observations dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision. Elles disposeront ensuite d'un délai d'un mois pour répondre aux observations de la partie adverse.

Article 4🔗

Les dépens sont réservés.

Article 5🔗

Expédition de la présente décision au Ministre d'État.

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