Tribunal Suprême, 10 juin 2003, Sieur P. A. c/ Centre Hospitalier Princesse Grace

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Abstract🔗

Compétence

Contentieux administratif - Recours en annulation - Acte administratif individuel

Fonctionnaires et agents publics

Établissement public - Personnel Hospitalier - Agent contractuel - Droits et obligations - Procédure disciplinaire - Démission

Recours pour excès de pouvoir

Procédure disciplinaire - Démission faisant obstacle à la poursuite de la procédure - Décision de révocation - Décision illégale (oui)


Motifs🔗

Le Tribunal Suprême,

Siégeant et délibérant en assemblée plénière et statuant en matière administrative,

Vu la requête de Monsieur P. A., enregistrée au Greffe général de la Principauté de Monaco le 23 décembre 2002 sous le numéro 2003/3 et tendant à l'annulation de la décision du 16 octobre 2002 par laquelle le directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace l'a révoqué.

Ce faire :

Attendu que, à la suite du décès d'un patient alors qu'il était de garde dans le service de médecine interne en sa qualité de praticien contractuel du CHPG, le requérant a adressé sa démission au directeur du Centre par lettre du 20 mars 2002 et que cette démission a été expressément acceptée par lettre recommandée avec AR du 22 mars 2002 après que les faits incriminés aient été révélés à l'administration ; que donc, après acceptation de cette démission, le directeur ne pouvait plus prononcer de sanction disciplinaire ; que la décision critiquée est ainsi entachée d'incompétence ;

Attendu que, de plus, le requérant étant un agent contractuel, il ne pouvait faire l'objet de poursuites disciplinaires fondées sur des dispositions statutaires applicables uniquement aux personnes nommées par arrêté ministériel ;

Attendu que la décision attaquée est également dépourvue de base légale puisqu'elle vise deux ordonnances souveraines dont le champ d'application est différent sans préciser le fondement légal de la poursuite disciplinaire engagée ;

Attendu encore que la décision attaquée a été adoptée au terme d'une procédure qui a méconnu, d'abord, le principe général des droits de la défense puisque le Docteur P. A. n'a pas été mis en mesure de se défendre sur l'ensemble des faits qui ont motivé sa révocation, ensuite le principe d'impartialité en raison de la présence au conseil de discipline d'un parent de la victime et du rôle joué par le président du conseil d'administration du Centre ;

Attendu enfin que les faits reprochés ne pouvaient justifier une mesure de révocation puisque le patient récemment opéré n'aurait pas dû être placé dans un service de médecine interne et que compte tenu de l'état du malade et des indications sur les traitements, le médecin avait pu sans commettre de faute effectuer des prescriptions par téléphone et ne se déplacer qu'au moment où l'infirmière de nuit le lui a demandé ;

Attendu subsidiairement que, si l'on devait considérer le Docteur P. A. comme soumis à un statut, ce ne pourrait être que celui applicable au personnel médical est assimilé du CHPG défini par l'Ordonnance souveraine du 6 mars 1984 qui rend la démission acceptée irrévocable puisque les faits incriminés ont été révélés à l'administration avant l'acceptation et qui d'ailleurs impose de prononcer la sanction par Ordonnance souveraine sur proposition du Ministre d'État après avis du conseil de discipline composé de six membres et du conseil d'administration de l'établissement ;

Vu la contre-requête présentée au nom du Centre Hospitalier Princesse Grace, déposée le 21 février 2003 au greffe général, concluant au rejet de la requête aux motifs que le Docteur P. A., résident, avait un emploi assimilé à celui d'un interne ; qu'il ne pouvait être nommé par arrêté ministériel et se trouvait placé sous l'autorité administrative du directeur de l'établissement qui détient le pouvoir disciplinaire à l'égard des internes ; que, depuis le 1er janvier 1999, ce médecin n'était plus régi par le statut établi par l'Ordonnance souveraine de 1984, mais par le titre III de l'Ordonnance souveraine n° 13840 du 29 décembre 1998 précisant que les internes relèvent de l'autorité directe du directeur de l'établissement ; que le caractère irrévocable de la décision ne figure plus dans le nouveau texte et permettait donc de saisir le conseil de discipline ;

Attendu que la procédure disciplinaire s'est déroulée conformément aux dispositions applicables et que le Docteur P. A. n'a jamais demandé à consulter son dossier et ne s'est pas présenté devant le conseil de discipline ; que les droits de la défense n'ont pas été violés pas plus que le principe d'impartialité car le Docteur P., qui n'a pas présidé le conseil de discipline, n'est pas parent du patient décédé et la composition du conseil comme la procédure suivie traduisent une application attentive des textes ; que la sanction prononcée ne repose, ni sur une contradiction, ni sur un défaut de base légale ;

Vu la réplique présentée au nom de Monsieur A., enregistrée au Greffe général le 15 mars 2003, tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens et en outre par les motifs que, en fait, il convient de souligner que le requérant était présent au Centre Hospitalier dans la nuit du 11 mars 2002 et répondait par téléphone ou se déplaçait dans l'établissement selon les informations données ; que l'assignation devant le Tribunal de Première instance émanant de plusieurs membres de la famille du patient décédé fait apparaître d'abord le caractère anormal de la présence de Monsieur P. dans un service de médecine interne, ensuite l'existence de douleurs abdominales dès le 10 mars, 16 heures, enfin la présence d'une seule infirmière dans un service dont le taux d'occupation atteignait 80 %. De plus le Docteur P. A. n'a pas refusé à plusieurs reprises de se déplacer et les prescriptions effectuées par téléphone ne sont pas contraires à l'arrêté du 7 août 1992 ;

Vu la duplique présentée au nom du Centre Hospitalier et enregistrée comme ci-dessus le 25 avril 2003 qui tend aux mêmes fins que la contre-requête, par les mêmes moyens et en outre précise que la présentation des faits par le CHPG n'est pas erronée et confirme que les moyens invoqués dans la requête comme dans la réplique sont inopérants, notamment que les droits de la défense n'ont pas été violés.

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 90 ;

Vu l'Ordonnance souveraine n° 2984 du 16 avril 1963 modifiée sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance du 6 janvier 2003 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause à l'audience du Tribunal Suprême du 11 mars 2003 ;

Ouï M. Hubert Charles, membre suppléant du Tribunal Suprême, en son rapport ;

Ouï Maître Lyon-Caen, avocat aux Conseils pour le Docteur P. A. ;

Ouï Maître Michel, avocat-défenseur pour le Centre Hospitalier Princesse Grace ;

Ouï M. le Procureur général en ses conclusions ;

Après en avoir délibéré,

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une procédure disciplinaire a été engagée par le Directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace contre le Docteur P. A., le 15 mars 2002 ; que par lettre du 20 mars 2002 le Docteur P. A. a présenté sa démission ; que cette démission a été acceptée par le directeur le 22 mars 2002 pour prendre effet le 31 mars suivant ;

Considérant que cette acceptation, qui n'était assortie d'aucune réserve, a mis fin aux fonctions du Docteur P. A. au Centre Hospitalier Princesse Grace et faisait ainsi obstacle à la poursuite de la procédure disciplinaire précédemment engagée ; que dès lors, le Docteur P. A. est fondé à soutenir que la décision attaquée en date du 16 octobre 2002 par laquelle le directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace l'a révoqué est entachée d'excès de pouvoir ;

Dispositif🔗

Décide :

Article 1er🔗

La décision du Directeur du Centre Hospitalier Princesse Grace révoquant le Docteur P. A. est annulée ;

Article 2🔗

Les dépens sont mis à la charge du Centre Hospitalier Princesse Grace.

Article 3🔗

Expédition de la présente décision sera adressée au Ministre d'État et au Centre Hospitalier Grace.

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