Tribunal Suprême, 1 juillet 1981, demoiselle L. c/ Ministre d'Etat
Abstract🔗
Impôts et taxes
Conventions fiscales - Convention franco-monégasque du 18 mai 1963 - Certificat de domicile - Délivrance - Conditions - Obligation d'être en possession d'un certificat de domicile délivré sous l'empire des conventions antérieures
Procédure
Délai de recours - Prorogation - Recours gracieux - Tardiveté - Absence de preuve - Recevabilité du recours contentieux
Motifs🔗
Le Tribunal Suprême
Siégeant et délibérant en section administrative ;
Vu la requête présentée par la demoiselle L. le 23 décembre 1980 et tendant à ce qu'il plaise au Tribunal Suprême annuler la décision du 28 octobre 1980 par laquelle le Ministre d'État a confirmé, sur recours gracieux de la requérante, sa décision du 29 novembre 1979 rejetant sa demande de délivrance d'un certificat de domicile ;
Ce faire,
Attendu que la demande de la requérante est fondée sur l'article 7 de la Convention franco-monégasque du 18 mai 1963 qui concerne la délivrance, pour la première fois, d'un certificat de domicile et que la double condition pour l'obtenir est, par la combinaison des articles 7 et 22 de cette Convention, d'une part de justifier d'une résidence habituelle à Monaco à compter du 13 octobre 1957 et, d'autre part, de son maintien jusqu'au jour de la demande ; qu'aucune disposition de la Convention ne permet d'exclure de son application les personnes qui, comme la requérante, n'avait pas atteint leur majorité à l'époque de son intervention ; que la demoiselle L. apporte, par la production de plusieurs documents parmi lesquels le renouvellement de sa carte d'identité de résident privilégié, la preuve de sa résidence habituelle et ininterrompue à Monaco et conteste le motif du rejet de sa demande tiré de l'article 80 du Code civil suivant lequel le domicile des mineurs est celui des parents, alors qu'en droit fiscal le domicile est celui du séjour principal ;
Vu la contre-requête du Ministre d'État en date du 25 février 1981 tendant au rejet de la requête par les motifs :
que la requête est irrecevable comme tardive dès lors que, si la lettre par laquelle la requérante a formé un recours gracieux contre la décision de rejet du 29 novembre 1979 porte la date du 1er février 1980, elle n'a été reçue par le Département des Finances que le 20 février 1980, comme le prouve le cachet d'enregistrement, alors que le recours aurait dû être formé au plus tard le 1er février 1980 ;
que les attestations fournies par la requérante et rédigées par elle n'ont pas de valeur probante et qu'une enquête de police a établi que, de 1966 à 1968, elle avait fait des études à Beausoleil ;
que le recours manque en droit dès lors qu'il concerne la délivrance d'un premier certificat de domicile dans un cas non prévu par la Convention du 18 mai 1963 dont l'article 22, alinéa 3, seule disposition mentionnant le certificat de domicile, traite uniquement du renouvellement des certificats délivrés en application de la Convention du 23 décembre 1951 et validés conformément à la nouvelle Convention ;
que même si l'intéressée avait été, à dater de l'application de la Convention de 1963, c'est-à-dire dès le 13 octobre 1962, susceptible d'obtenir un certificat de domicile pouvant être validé avant le 1er juillet 1963, elle aurait perdu tout droit au renouvellement de ce certificat jusqu'à sa majorité, dès lors qu'en 1966 ses parents ont établi leur domicile en France et qu'en vertu de l'article 80 du Code civil son domicile était celui de ses parents ;
Vu la réplique présentée par la demoiselle L. le 25 mars 1981, tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et, en outre, attendu que :
la requête est recevable dès lors que la décision de rejet du 29 novembre 1979 n'ayant été reçue par la requérante que le 3 décembre, le délai du recours gracieux a débuté le 4 décembre 1979 pour expirer le 2 février 1980 ; que ce recours a été déposé le 1er février au Département des Finances et que le cachet apposé par l'Administration, daté du 20 février, ne constitue pas une preuve suffisante ; que le Ministre d'État, dans sa correspondance avec la requérante, n'a d'ailleurs jamais contesté la coïncidence de la date de cette lettre avec celle de sa réception ;
les témoignages produits par la requérante lui ont été donnés en toute liberté et les services de police auraient pu les vérifier ;
il est contraire à l'esprit des rédacteurs de la Convention de 1963 de prétendre que son article 22, alinéa 3 n'a envisagé que le seul cas du renouvellement des certificats de domicile ; cette interprétation conduirait à refuser la qualité de résident privilégié à tout Français non encore majeur et n'étant pas en possession d'un certificat de domicile à la date de cette Convention, même s'il remplit les conditions requises par l'article 7 de celle-ci ; cette thèse est d'ailleurs en contradiction avec un passage de la contre-requête admettant explicitement l'attribution d'un tel certificat à un mineur ;
Vu la duplique présentée le 22 avril 1981 par le Ministre d'État, tendant au rejet de la requête par les mêmes motifs et exposant en outre, d'une part, que les attestations produites par la demoiselle L., établies par elle et signées par des voisins, ont une valeur probante contestable, contrairement aux constatations contenues dans le rapport de police produit par la défense, d'autre part, que l'interprétation par le Ministre d'État de la Convention de 1963 est conforme à son article 22 et a été confirmée par le Tribunal Suprême, enfin qu'il a été établi que, même si l'intéressée avait rempli, le 13 octobre 1962 les conditions exigées pour l'obtention d'un certificat de domicile, elle aurait pu, dès 1966, prétendre au renouvellement de ce certificat, cette constatation n'étant pas en contradiction avec l'interprétation par le Ministre d'État de ladite Convention ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le Code civil et notamment son article 80 ;
Vu les Conventions fiscales franco-monégasques du 23 décembre 1951 et du 16 mai 1963 rendues exécutoires par les Ordonnances Souveraines n° 1063 du 18 mai 1963 et n° 3037 du 19 août 1963 ;
Vu l'Ordonnance Constitutionnelle du 12 décembre 1962 ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 29-84 du 16 avril 1963, modifiée, sur l'Organisation et le Fonctionnement du Tribunal Suprême ;
Vu l'Ordonnance du 18 mai 1981 par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause devant le Tribunal Suprême délibérant en Section administrative ;
Ouï Monsieur Louis Pichat, Vice-Président du Tribunal Suprême en son rapport ;
Ouï Maître Sbarrato assisté de Maître Sanita et Maître Marquet, au nom des parties, en leurs observations ;
Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que le Ministre d'État oppose à la requête une fin de non recevoir tirée de ce que le recours gracieux formé par la demoiselle L. contre le rejet, par décision du 29 novembre 1979, de sa demande du 12 octobre 1979 tendant à la délivrance d'un certificat de domicile, aurait été formé plus de deux mois après cette décision de rejet et ne pouvait, par suite, en application de l'article 15 de l'Ordonnance Souveraine susvisée du 16 avril 1963, conserver le délai de recours contentieux ; qu'ainsi, ce recours, dirigé contre la décision du 28 octobre 1980 confirmant cette décision de rejet serait irrecevable ;
Considérant qu'à l'appui de cette fin de non recevoir, le Ministre fait état de ce que, sur la lettre du 1er février 1980 formant recours gracieux de la requérante, est apposé un cachet administratif daté du 20 février, c'est-à-dire postérieurement à l'expiration du recours imparti à peine de forclusion, alors que la demoiselle L. déclare avoir déposé cette lettre à la date figurant sur celle-ci, c'est-à-dire avant l'expiration dudit délai ;
Considérant qu'en l'absence de preuve irréfutable apportée tant par le Ministre d'État que par la requérante quant à la recevabilité de la requête, il y a lieu de l'examiner au fond ;
Au fond :
Considérant que la demande de la demoiselle L. tendant à ce que lui soit délivré un certificat de domicile et qui a été rejetée par la décision attaquée est fondée sur l'article 7 de la Convention fiscale franco-monégasque susvisée du 18 mai 1963, qui exempte de l'impôt sur le revenu perçu en France les personnes de nationalité française qui « justifient de 5 ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 » ; que, pour son application, cette disposition doit être combinée avec l'article 22, alinéa 3 de ladite Convention selon lequel le certificat de domicile, délivré en application de la Convention du 23 décembre 1951 ne peut être maintenu que si les nationaux français qui en demandent la prorogation apportent la preuve qu'ils ont conservé leur résidence habituelle à Monaco, la validité du certificat étant alors limitée à 3 ans ;
Considérant, par suite, que pour pouvoir bénéficier de l'exonération fiscale ainsi prévue, il est exigé du demandeur, d'une part, qu'il soit au moment de sa demande, déjà en possession d'un certificat de domicile délivré en application de la Convention du 23 décembre 1951, d'autre part, que ce certificat ait été renouvelé depuis le 13 octobre 1962 et, enfin, qu'il apporte la preuve du maintien de sa résidence habituelle à Monaco ;
Considérant que la demoiselle L. n'était pas, lors de sa demande, titulaire du certificat de domicile exigé ; que ladite demande tendait ainsi à la délivrance d'un premier certificat de domicile dans un cas qui n'est prévu par aucune des dispositions de la Convention du 18 mai 1963 ;
Considérant que, dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu de rechercher si et depuis quelle date la demoiselle L. avait sa résidence habituelle à Monaco, la décision attaquée ne saurait, quel qu'en soit le motif, être entachée d'illégalité, dès lors qu'elle a refusé de délivrer un certificat de domicile dans un cas étranger au champ d'application de la Convention précitée ; que la demande présentée à cet effet ne pouvait, par suite, qu'être rejetée ;