Tribunal Suprême, 25 juin 1980, sieur L. R. c/ Ministre d'État
Abstract🔗
Impôts et taxes
Conventions fiscales - Convention franco-monégasque du 18 mai 1963 - Certificat de domicile - Délivrance - Conditions - Obligation d'être en possession d'un certificat de domicile délivré sous l'empire des conventions antérieures
Motifs🔗
Le Tribunal Suprême
Siégeant et délibérant en Assemblée Plénière,
Vu la requête présentée par le sieur L. R., le 20 septembre 1979 et tendant à ce qu'il plaise au Tribunal Suprême, annuler la décision du 20 juillet 1979, confirmée le 18 septembre 1979, par laquelle le Ministre d'État a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat de domicile ;
Ce faire attendu :
que la décision attaquée, fondée sur ce qu'il n'aurait pas établi sa résidence habituelle à Monaco, antérieurement à la date du 13 octobre 1957 fixée par la Convention fiscale Franco-Monégasque du 18 mai 1963, et ne l'aurait pas depuis lors conservée, viole l'article 80 du Code Civil en vertu duquel le requérant était légalement domicilié chez sa mère à Monaco jusqu'au 17 août 1975, date de sa majorité, sa mère ayant elle même bénéficié d'un certificat de domicile à Monaco et qu'il avait ainsi sa résidence habituelle à Monaco, antérieurement au 13 octobre 1957,
qu'il peut, en outre, prouver qu'il l'a depuis lors conservée comme cela résulte d'une attestation de la Direction de la Sûreté Publique du 19 mai 1979,
Vu la contre-requête du Ministre d'État en date du 20 novembre 1979, tendant au rejet de la requête par les motifs :
que la Convention du 18 mai 1963 ne prévoit que la prorogation des certificats de domicile délivrés en application de la Convention du 23 décembre 1951 et qui étaient en cours de validité le 13 octobre 1962,
qu'il a toutefois été admis par les Hautes Parties contractantes que des personnes, non titulaires de ces certificats, mais remplissant les conditions requises, pourraient, en fait, bénéficier de tels certificats qui pourraient être renouvelés conformément à la Convention de 1963,
que le requérant n'apporte pas la preuve de sa résidence à Monaco et qu'il indique qu'il a fait ses études en France depuis le 29 janvier 1967 ; qu'il est retourné à Monaco dès ses 18 ans, et achève un stage à Nice ;
que la notion de domicile du Code Civil est différente de celle de résidence prévue par la Convention et qui constate un fait ;
qu'il est établi par une enquête qu'entre la date de sa majorité et celle de sa demande, il ne résidait pas à Monaco, et que l'attestation qu'il produit n'a aucune valeur probante ;
Vu la réplique présentée par le sieur L. R. le 20 décembre 1979, tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens, et, en outre, attendu :
que seul, l'article 7 de la Convention, qui dispense du paiement de l'impôt sur le revenu en France les personnes justifiant de 5 ans de résidence à Monaco à la date du 13 octobre 1962 est applicable au requérant et non comme le soutient le Ministre d'État, l'article 22-3 qui prévoit le renouvellement des certificats de résidence ;
qu'à cette date, il était mineur et n'a eu à demander un certificat de domicile que le 16 mai 1979 ;
que cette demande tend à la délivrance, non d'un nouveau certificat de domicile, ce que le Tribunal Suprême n'a pas jugé possible, mais d'un premier certificat qui aurait dû être accordé en vertu de l'article 7 ;
qu'il était domicilié chez sa mère à Monaco qu'il n'a quittée momentanément que pour des raisons de scolarité ;
que l'enquête que lui oppose l'administration n'a aucune force probante ;
Vu la duplique présentée le 24 janvier 1980 par le Ministre d'État, tendant au rejet de la requête par les mêmes motifs et exposant, en outre, que le requérant avait sa résidence en France durant la période de référence triennale et que l'octroi du certificat est, en vertu de l'article 7 de la Convention, subordonnée à la condition de résider en fait à Monaco ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu l'Ordonnance Constitutionnelle du 19 décembre 1962,
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 2984 du 16 avril 1963, modifiée, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;
Vu le Code Civil et notamment son article 80,
Vu les Conventions fiscales franco-monégasques du 23 décembre 1951 et du 16 mai 1963, rendues exécutoires par Ordonnance Souveraine n° 1063 du 18 mai 1963 et 3 037 du 19 août 1963,
Vu l'Ordonnance du 20 mars 1980, par laquelle le Président du Tribunal Suprême a renvoyé la cause devant le Tribunal Suprême délibérant en Assemblée plénière ;
Ouï M. Louis Pichat, Vice-Président du Tribunal Suprême en son rapport ;
Ouï Maître Sbarrato, assisté de Maître Sanita, et Maître George, assisté de Maître J.Ch. Marquet, au nom des parties en leurs observations ;
Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;
Considérant que le sieur L. R. a, le 16 mai 1979, demandé que lui soit délivré un certificat de domicile en se fondant sur l'article 7 de la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963, qui exempte de l'impôt sur le revenu, perçu en France, les personnes de nationalité française qui « justifient de cinq ans de résidence habituelle à Monaco, à la date du 13 octobre 1962 » ; que cette demande à été rejetée par la décision attaquée ; que, pour son application, cette disposition doit être combinée avec l'article 22-3 de ladite Convention, selon lequel le certificat de domicile délivré en application de la Convention du 23 décembre 1951, ne peut être maintenu que si les nationaux français qui en demandent la prorogation ont conservé, en en apportant la preuve, leur résidence habituelle à Monaco, la validité du certificat étant, alors limitée à trois ans,
Considérant, par suite, que pour pouvoir bénéficier de l'exonération fiscale ainsi prévue, il est exigé du demandeur, d'une part qu'il soit, au moment de sa demande, déjà en possession d'un certificat de domicile, délivré en application de la Convention du 23 décembre 1951, d'autre part, que ce certificat ait été renouvelé depuis le 13 octobre 1962, et enfin, qu'il apporte la preuve du maintien de sa résidence habituelle à Monaco ;
Considérant que le sieur L. R. n'était pas, lors de sa demande, titulaire du certificat de domicile exigé ; que ladite demande tendait, ainsi, à la délivrance d'un premier certificat de domicile dans un cas qui n'est prévu par aucune des dispositions de la Convention du 18 mai 1963 ;
Considérant que, dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu de rechercher si et depuis quelle date le sieur L. R. avait sa résidence habituelle à Monaco, la décision attaquée ne saurait, quel qu'en soit le motif, être entachée d'illégalité dès lors qu'elle a refusé de délivrer un certificat de domicile dans un cas étranger au champ d'application de la convention précitée ; que la demande présentée à cet effet ne pouvait, par suite, qu'être rejetée ;