Tribunal Suprême, 24 juin 1980, Banque de Financement industriel c/ Ministre d'État
Abstract🔗
Commerce et industrie
Sociétés commerciales - Autorisation de constitution - Révocation - Consultation de la commission instituée par la loi n° 64-767 du 8 juillet 1964 - Audition obligatoire des représentants de la société concernée - Respect de cette obligation - Absence de procédure contradictoire (non) - Sociétés commerciales - Absence d'activité notable et de personnel permettant la poursuite normale de l'objet statutaire - Révocation de l'autorisation de constitution - Décision entachée d'illégalité (non)
Motifs🔗
Le Tribunal Suprême
Siégeant et délibérant en assemblée plénière,
Vu la requête présentée le 24 octobre 1979 par la Banque de Financement industriel, tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 août 1979, pris par M. le Ministre d'État et porté à sa connaissance le 6 septembre 1979, arrêté prononçant la révocation de l'autorisation de constitution de cette société résultant de l'arrêté du 12 juin 1953 ;
Ce faire, attendu que :
La décision attaquée a violé les dispositions de la loi du 8 juillet 1964 en ce que la Commission Spéciale chargée de donner son avis sur les retraits d'autorisation a porté atteinte aux droits de la défense en convoquant tardivement le Président délégué de la Banque qui n'a pas reçu la convocation en temps utile, seul l'administrateur-directeur ayant comparu par courtoisie ;
La décision est entachée de deux erreurs manifestes d'appréciation, d'une part, parce que, si elle a réduit ses activités depuis deux ans, c'est parce que la Commission française de contrôle des banques lui avait ordonné de rembourser les déposants, et, d'autre part, parce que la Banque dispose de quatre salariés lui permettant de poursuivre son activité statutaire ;
Vu la contre requête déposée le 19 décembre 1979 par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête pour les motifs que :
la Commission Spéciale a pu entendre le Directeur-administrateur de la Banque prévenu quatre jours avant la réunion ; que, depuis 1977, l'établissement avait eu son attention attirée à plusieurs reprises par l'Administration sur sa situation irrégulière ; que, dans ces conditions, la Banque ne peut invoquer l'irrégularité de la procédure qui a été suivie ;
qu'il est manifeste que depuis plus de deux ans, l'établissement avait cessé d'avoir une activité bancaire au sens de la loi du 8 juillet 1964, ainsi qu'il ressort de ses déclarations de chiffre d'affaires ; qu'aucun motif légitime ne l'a empêchée de maintenir son activité car, à aucun moment la Commission de contrôle des Banques ne lui a enjoint de rembourser les dépôts de fonds ou de limiter son activité bancaire ; que ces faits ressortent du comportement des organes de la Banque ; qu'au surplus, le personnel a été réduit de seize à quatre membres et que ce personnel est insuffisant pour poursuivre une activité bancaire normale ;
Vu la réplique déposée par la Société requérante le 18 janvier 1980, persistant dans ses conclusions pour le motif que :
le principal représentant de la Banque n'a pas été entendu alors que la Commission avait l'obligation de l'entendre et qu'elle a ainsi porté atteinte aux droits de la défense ;
l'ordre de rembourser les fonds propres résulte d'une injonction verbale de la Commission de contrôle des Banques : qu'un effectif de quatre employés était suffisant pour permettre la marche normale d'une banque dont l'activité se trouvait momentanément réduite ;
Vu la duplique en date du 21 février 1980 par laquelle le Ministre d'État persiste en ses conclusions pour les motifs que :
le principal représentant de la Banque a été régulièrement convoqué et que le directeur-administrateur a pu être longuement entendu par la Commission ;
la Banque n'est pas en mesure de contester qu'elle n'a plus, depuis février 1977, d'activité bancaire notable ; qu'elle ne s'est pas constituée depuis cette époque une nouvelle clientèle ; qu'elle n'a pas apporté la preuve du motif légitime, à savoir l'ordre donné par la Commission de contrôle des Banques de rembourser les fonds déposés par la clientèle ; que, bien au contraire, la Commission de contrôle a invité, à plusieurs reprises, la Banque à assainir sa situation ; que l'insuffisance de son personnel s'explique par la réduction de son activité normale ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu l'Ordonnance constitutionnelle du 19 décembre 1962, notamment ses articles 89 à 92 ;
Vu l'Ordonnance du 5 mars 1895 sur les sociétés anonymes et en commandité par actions ;
Vu l'Ordonnance du 24 juillet 1945, promulguant la convention du 14 avril 1945, conclue entre la Principauté de Monaco et la République Française, relative au contrôle des changes, notamment l'article 4 de ladite Convention ;
Vu la loi du 8 juillet 1964 relative à la révocation des autorisations de constitution de sociétés anonymes et en commandite par actions ;
Vu l'Ordonnance Souveraine modifiée du 16 avril 1963 sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;
Vu l'Ordonnance de M. le Président du Tribunal Suprême en date du 20 mars 1980, par laquelle le Président a ordonné le renvoi de la cause ;
Ouï M. Roland Drago, Membre du Tribunal Suprême en son rapport ;
Ouï Maître Charles Choucroy et Maître G.H. George, avocats au Conseil d'État français et à la Cour de Cassation ;
Ouï Monsieur le Procureur Général en ses conclusions ;
Sur la régularité de la procédure suivie devant la Commission prévue par la loi du 8 juillet 1964 :
Considérant qu'en vertu de l'article 4 de la loi du 8 juillet 1964, la Commission dont l'avis est nécessaire avant qu'intervienne une mesure de révocation d'une autorisation de constitution de société doit entendre les représentants de la Société ainsi que toutes les personnes dont l'audition lui semble utile à l'accomplissement de sa mission ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le sieur M., Président délégué de la Banque de Financement Industriel a été régulièrement convoqué à comparaître devant la Commission le 2 août 1979 pour une séance devant avoir lieu le 6 août 1979 ; que le sieur R., Administrateur-directeur de ladite Banque a été également convoqué à la même date ; qu'il s'est rendu à cette convocation et a présenté ses observations devant la Commission ; qu'en tout état de cause, les correspondances, figurant au dossier, échangées avec le Conseiller de Gouvernement pour les Finances et l'Économie et la Commission française de contrôle des banques ont permis à la Société requérante depuis 1977 de connaître les observations qui lui étaient adressées et de présenter ses explications à l'encontre de ces observations ; qu'il suit de là que la Société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise à la suite d'une procédure non contradictoire ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant que pour révoquer l'autorisation de constitution donnée à la Banque de Financement Industriel, le Ministre d'État s'est fondé, d'une part, sur le fait que la Société ne s'était pas livrée à une activité notable, conforme à ses statuts depuis plus de deux ans, et, d'autre part, sur le fait que la Société ne dispose pas, sur le territoire monégasque, d'un personnel permettant la poursuite normale de l'objet statutaire, motifs justifiant la révocation de l'autorisation en vertu de l'article 1er de la loi du 8 juillet 1964 ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que, depuis 1977, la Banque de Financement Industriel a progressivement réduit ses activités et a pratiquement cessé toute activité bancaire ; que le motif légitime qu'elle invoque pour expliquer cette attitude résulterait d'une injonction verbale de la Commission française de contrôle des banques, mais que ce moyen n'est assorti d'aucune preuve alors qu'il ressort, au contraire, des correspondances échangées avec ladite Commission et le Conseiller de Gouvernement pour les Finances et l'Économie Nationale, que ces autorités ont invité la Société à justifier de la reprise de ses activités proprement bancaires ;
Considérant, d'autre part, que la Société ne disposait plus, en 1979, que d'un personnel de quatre personnes ne lui permettant pas la poursuite normale de son objet statutaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision attaquée n'est pas entachée d'illégalité,