Tribunal Suprême, 4 décembre 1979, sieur R. S. c/ Ministre d'État

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Acte administratif

Forme de l'acte - Acte réglementaire - Nécessité d'un acte écrit et porté à la connaissance du public - Absence de ces conditions - Acte inexistant

Circulation

Réglementation - Pouvoir de police municipale appartenant au maire seul - Urgence - Possibilité pour certaines autorités publiques de prendre, à titre temporaire et dans l'attente d'une réglementation municipale, des mesures strictement adaptées à l'amélioration de la circulation et de l'usage des bâtiments publics

Police municipale

Circulation - Absence de réglementation municipale - Urgence - Mesures temporaires prises par certaines autorités publiques


Motifs🔗

Le Tribunal Suprême

Siégeant et délibérant en section administrative.

Vu la requête présentée par le sieur R. S., le 29 mars 1979, tendant à l'annulation de la décision en date du 31 janvier 1979, par laquelle le Commissaire de Police chef de la section de police urbaine de la Sûreté Publique de Monaco, a interdit le stationnement dans la rue Imberty entre la rue des Orangers et la rue de la Poste, sur la partie droite de la chaussée ; Ce faire, attendu que :

  • à la suite de l'ouverture, au mois de janvier 1979, de nouveaux locaux ouverts au public de services de la Sureté Publique, rue Imberty à Monaco, le Commissaire de police, chef de la section de police urbaine a interdit le stationnement des véhicules le long du trottoir entre la rue des Orangers et la rue de la Poste ;

  • la décision ainsi prise et dont l'existence résulte de procès verbaux dressés à l'encontre du requérant et d'une lettre du Commissaire de police en date du 6 février 1979, émane d'une autorité incompétente, puisque, selon la loi n° 959 du 24 juillet 1974, la règlementation de la circulation et du stationnement des véhicules relève de la compétence du Maire ; que la seule décision concernant la matière est un arrêté municipal du 20 juillet 1960 qui ne mentionne aucune interdiction concernant la partie droite de la rue Imberty ;

  • le caractère général et permanent de la décision prise par le Commissaire de police ne peut s'analyser en une mesure provisoire justifiée par l'urgence et par des motifs de sécurité ; qu'en effet, à la date de la requête, trois mois environ après l'intervention la mesure d'interdiction, aucun texte n'a été pris par l'autorité compétente ;

  • Vu la contre requête, en date du 29 mai 1979, par laquelle le Ministre d'État conclut au rejet de la requête et condamnation du sieur S. aux entiers dépens par les motifs que :

  • la compétence attribuée au Maire par l'article 39 - 2° de la loi n° 959 du 24 juillet 1974 en matière de règlementation de la circulation ne fait pas obstacle à ce que le Directeur de la Sureté Publique prenne, en cas d'urgence et à titre provisoire, les mesures indispensables au maintien de l'ordre ; que ce haut fonctionnaire dispose de pouvoirs de police générale en vertu de l'Ordonnance du 7 juin 1867 et de l'article 2 de l'Ordonnance du 23 juin 1902 en ce qui concerne la sûreté et la libre circulation sur la voie publique ;

  • en l'occurrence, les conditions de la mise en œuvre, par le Directeur de la Sûreté Publique, de son pouvoir règlementaire en raison de l'urgence qu'il y avait à règlementer provisoirement le stationnement rue Imberty et de l'impossibilité pour la Mairie de prendre immédiatement les mesures indispensables, l'installation de locaux annexes des services de la Sûreté Publique entraînant une congestion presque totale de cette voie ;

  • l'interdiction n'est pas une mesure générale et permanente mais une mesure provisoire fondée sur des motifs de sécurité, le Maire ayant, le 17 avril 1979, modifié l'arrêté du 20 juillet 1960 et interdit à titre définitif le stationnement sur le côté des numéros pairs des immeubles de la rue Imberty ;

  • le requérant n'établit pas que l'interdiction est intervenue pour des motifs autres que l'intérêt de la commodité et de la sécurité de la circulation ou au profit d'une catégorie particulière d'usagers ;

Vu la réplique du requérant, en date du 21 juin 1979, persistant dans ces conclusions par les motifs que :

  • les textes de 1867 et 1902 invoqués par le Ministre d'État ne prévoient aucune compétence en matière de règlementation de la circulation au profit du Directeur de la Sûreté Publique, ses pouvoirs étant seulement des pouvoirs de surveillance ;

  • l'interdiction n'a fait l'objet d'aucune publication ;

  • l'article 39 de la loi précitée du 24 juillet 1974 prévoit seulement, au cas de carence du Maire, le droit pour le Ministre d'État de se substituer à celui-ci, notamment en cas d'urgence ; que le Maire exerce seul la compétence en matière de police et que les arguments tirés de l'impossibilité de réunir, en raison des élections, la Commission de la Circulation du Conseil Communal sont sans portée ;

  • l'ouverture des nouveaux locaux ayant dû être envisagée de longue date, ni l'argument touchant la sécurité, ni ceux touchant aux difficultés de circulation, ni ceux tirés de l'affluence du public dans les locaux qui venaient d'être ouverts ne justifiaient l'interdiction décidée.

Vu la duplique, en date du 25 juillet 1979, par laquelle le Ministre d'État persiste en ses conclusions par le motif que :

  • les pouvoirs conférés au Directeur de la Sûreté Publique impliquent la possibilité d'émettre des injonctions à l'égard des usagers, fût-ce sous forme d'interdiction de stationner ;

  • le défaut de publicité de la décision attaquée ne saurait affecter la légalité de cette décision ;

  • l'augmentation massive du trafic provoquée par l'ouverture des nouveaux locaux nécessitait la prise d'une décision immédiate en attendant l'intervention de l'Arrêté Municipal du 17 avril 1979, le requérant ne pouvant en outre invoquer aucune poursuite pénale intentée contre lui malgré les avis placés sur le pare-brise des véhicules lui appartenant.

Vu la lettre du Commissaire de Police, Chef de la Section Urbaine en date du 6 février 1979 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'Ordonnance constitutionnelle du 19 décembre 1962, notamment ses articles 17, 25, 89 à 92 ;

Vu la loi n° 959 du 24 juillet 1974 sur l'Organisation communale et notamment son article 39 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine modifiée du 16 avril 1963 sur l'Organisation et le Fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Vu l'Ordonnance de M. le Président du Tribunal Suprême en date du 3 septembre 1979 par laquelle le Président a ordonné le renvoi de la cause à la section administrative ;

Ouï M. Roland Drago, Membre du Tribunal Suprême en son rapport ;

Ouï Maître Jacques Sbarrato, avocat au Barreau de Monaco et Maître G.H. George, avocat au Conseil d'État français et à la Cour de Cassation, en leurs observations ;

Ouï M. Le Procureur Général en ses conclusions ;

Considérant que, s'il appartient au Maire seul, en vertu de l'article 39 - 2° de la loi n° 959 du 24 juillet 1974, d'exercer des pouvoirs de police municipale concernant notamment « la réglementation de la circulation sur les places et voies affectées à l'usage public », des motifs d'urgence peuvent conduire certaines autorités publiques à prendre, à titre temporaire et dans l'attente d'une règlementation municipale, des mesures strictement adaptées à l'amélioration de la circulation et de l'usage des bâtiments publics ;

Considérant que ces mesures ont nécessairement un caractère règlementaire et doivent à ce titre, satisfaire à des conditions de forme, notamment par l'intervention d'un acte écrit et porté à la connaissance du public ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'aucune décision répondant à ces exigences n'a été prise par le Commissaire de Police Chef de la Police urbaine à Monaco ; que dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire de rechercher si, dans les circonstances de l'affaire une décision de ce fonctionnaire aurait été justifiée par les motifs mentionnés ci-dessus, la décision prétendue du 31 Janvier 1979 est inexistante et il n'y a pas lieu, par suite, de se prononcer sur la légalité.

Dispositif🔗

DÉCIDE :

Article 1er🔗

Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête ;

Article 2🔗

Les dépens sont mis à la charge de l'État ;

Article 3🔗

Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre d'État.

  • Consulter le PDF