Tribunal Suprême, 24 mai 1973, sieur W. c/ Société « Le Praxitèle » et Ministre d'Etat
Abstract🔗
Procédure
Intervention - Intérêt au maintien de la décision attaquée - Recevabilité
Urbanisme et construction
Permis de construire - Durée de validité - Impossibilité de commencer les travaux - Prorogation - Existence d'un motif apprécié par l'Administration - Régularité
Motifs🔗
Le Tribunal Suprême
Statuant en matière administrative,
Vu la requête en date du 4 août 1972, présentée par le sieur W., et tendant à ce qu'il plaise au Tribunal Suprême :
annuler l'arrêté du 6 juin 1972 par lequel M. le Ministre d'État a prorogé pour une période d'une année, l'autorisation de construire un immeuble d'habitation accordée au sieur C. par arrêté ministériel n° 70-1658 du 28 avril 1970.
constater que l'autorisation de construire ci-dessus visée se trouve périmée ;
condamner le Gouvernement Princier aux dépens ;
Motifs pris de ce que :
l'arrêté attaqué viole l'article 11 de l'Ordonnance Souveraine du 9 septembre 1966, en ce que le seul motif invoqué par le sieur C. pour obtenir la prorogation du délai d'un an dans lequel, aux termes dudit article 11, les travaux devaient être commencés, est l'impossibilité de démolir les villas bâties sur le terrain destiné à la construction, en raison de l'apposition de scellés sur l'appartement de la dame J., sis dans l'une des villas, à la suite du décès de ladite dame, le 22 septembre 1971, le motif invoqué étant accompagné d'une lettre du notaire de la succession précisant que l'appartement serait libéré au plus tard à la fin du mois de janvier 1972 ;
que ce motif ne peut être considéré comme valable au sens de la loi ;
que les travaux auraient pu être entrepris entre le 3 mars et le 22 septembre 1971 ou entre le mois de janvier et le 3 mars 1972 ; que les scellés n'ayant d'ailleurs pas été apposés, le motif invoqué est contraire à la vérité et destiné à tromper l'Administration ;
qu'enfin les travaux de démolition de la seconde villa auraient pu être entrepris ;
Vu la requête en Intervention présentée le 29 septembre 1972 pour la Société « Le Praxitèle » représentée par le sieur C., comparaissant par Maître J. Ch. Marquet, et plaidant par Maître G. H. George, ladite requête tendant au rejet de la requête par les motifs :
que l'article 11 de l'Ordonnance Souveraine du 9 septembre 1966, exige seulement qu'il soit justifié d'un motif valable du retard apporté au commencement des travaux, ce motif étant apprécié discrétionnairement par l'Administration ;
que les travaux ont dû être différés jusqu'à la remise, au mois de janvier 1972, des clés de l'appartement, la Société ayant, dès la décision du Tribunal Suprême du 3 mars 1971, qui rejetait le recours du sieur W. contre l'autorisation de construire, fait diligence pour obtenir l'éviction des locataires et fait procéder à des études en vue du commencement des travaux de fouilles ; que ces travaux n'ont pu être entrepris du fait du décès de la dame J., pas plus qu'après le mois de janvier 1972 l'autorisation de construire étant venue à expiration le 20 décembre 1971 ;
que la mention de l'apposition des scellés résulte d'une inadvertance ; que la demande de prorogation se fonde sur ce que les locaux n'étaient pas libérés et que la lettre du notaire, qui ne fait pas état de scellés, ne fait mention que de la disponibilité de ces locaux en raison de la présence de meubles dont l'inventaire devait être dressé ;
Vu la contre-requête de Monsieur le Ministre d'État en date du 5 octobre 1972, tendant au rejet de la requête, motif pris de ce que :
l'Ordonnance Souveraine du 9 septembre 1966, exige qu'il soit justifié d'un motif valable à l'appui de la demande de prorogation ; que l'appréciation de l'administration ne peut être discutée par la voie contentieuse qu'en cas de fait matériel inexact, d'erreur manifeste d'appréciation ou d'erreur de droit ;
que le requérant ne conteste pas que le décès de la dame J. ait retardé la démolition de la villa qu'elle occupait jusqu'au mois de janvier 1972, date de la libération des lieux ;
que le sieur C. n'a pas abusé de la bonne foi de l'Administration, puisque la lettre du notaire jointe à la demande ne fait pas état des scellés ;
qu'aucune erreur manifeste n'a été commise dans l'appréciation du motif tiré de l'indisponibilité de la villa pendant quatre mois ;
que les travaux ne pouvaient être entrepris en janvier 1972, alors que l'autorisation de construire était périmée le 20 décembre 1971 ;
Vu le mémoire en réplique présenté par le sieur W., le 2 novembre 1972, et tendant aux mêmes fins que la requête par les motifs :
que les travaux pouvaient être entrepris malgré la présence de meubles dans l'appartement et que l'autre villa aurait pu être démolie ;
que les motifs invoqués par le sieur C. constituaient en effet des motifs valables laissés à l'appréciation de l'Administration ;
mais que la prorogation a été accordée pour la seule raison que les scellés auraient été apposés puisque l'arrêté fait état de la demande du sieur C. contenant cette affirmation ; qu'ainsi l'arrêté est fondé sur un fait matériellement inexact ;
Vu le mémoire en duplique présenté le 11 décembre 1972 par M. le Ministre d'État persistant dans ses précédentes conclusions, par les motifs :
que le sieur W. ne se fonde plus que sur un motif tiré de l'inexactitude matérielle de l'apposition des scellés ; que ce moyen doit être écarté en raison des autres motifs présentés à l'appui de la demande qui permettent au juge d'apprécier les motifs sur lesquels est fondée la décision ;
que si l'Administration s'était également fondée sur la prétendue apposition de scellés, ce motif n'a pas été déterminant ;
Vu l'arrêté attaqué ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la décision, en date du 3 mars 1971 par laquelle le Tribunal Suprême a rejeté le recours du sieur W. dirigé contre l'arrêté n° 70-1658 du 28 avril 1970 ;
Vu l'ordonnance constitutionnelle du 17 décembre 1962, notamment son article 90 ;
Vu l'Ordonnance Souveraine du 16 avril 1963, modifiée, sur l'Organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;
Vu l'Ordonnance Souveraine n° 3647 du 9 septembre 1966, modifiée, concernant l'urbanisme, la construction et la voirie, et notamment son article 11 ;
Oui Monsieur Louis Pichat, Membre du Tribunal Suprême en son rapport ;
Oui Maître Clerissi au nom du sieur W. et Maître G. H. George au nom du Ministre d'État et de la Société Praxitèle, en leurs plaidoiries ;
Oui Monsieur le Procureur Général, en ses conclusions ;
Sur l'intervention de la société « Le Praxitèle »,
Considérant que la société « Le Praxitèle » a intérêt au maintien de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;
Sur la requête du Sieur W.
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de l'Ordonnance Souveraine susvisée, du 9 septembre 1966 : « l'autorisation de construire est périmée si les travaux auxquels elle s'applique ne sont pas commencés dans un délai d'un an à compter de sa délivrance.
.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
sur demande justifiée du pétitionnaire, le délai ci-dessus pourra être prorogé, une fois, pour une nouvelle période d'une année, sans instruction nouvelle du dossier, mais après avis conforme du ou des Comités qui ont donné leur avis avant la délivrance de l'autorisation... » ;
Considérant que, par application de ces dispositions, la durée de l'autorisation accordée par arrêté du 28 avril 1970 à la société « Le Praxitèle » représentée par le sieur C. pour construire l'immeuble « Le Vallespir », a été prorogée d'une année par l'arrêté attaqué du 6 juin 1972 ;
Considérant que, dans sa réplique, le sieur W. se borne à soutenir que l'arrêté attaqué serait illégal comme étant fondé sur un fait matériellement inexact ; qu'à l'appui de ce moyen, le requérant fait valoir que le motif retenu par l'Administration pour accorder la prorogation reposerait sur le fait inexact, allégué par le sieur C. dans sa demande, que l'apposition des scellés sur un appartement sis dans une villa devant être démolie pour permettre la construction du « Vallespir » aurait fait obstacle à ce que les travaux de démolition soient entrepris dans le délai prescrit ;
Considérant que si la demande de prorogation présentée par le sieur C. fait état de l'apposition de scellés sur l'appartement dont s'agit, il ressort du dossier et il n'est pas contesté par l'Administration que ce fait est inexact ;
Considérant, toutefois, que, dans sa demande, le sieur C. faisait valoir également, que « l'ouverture du chantier de l'immeuble » Le Vallespir «, étant conditionnée par la démolition des villas existantes », il sollicitait la prorogation du « délai de permis de construire dudit immeuble jusqu'à la libération des locaux » ; qu'à cette demande était jointe une lettre, en date du 6 décembre 1971, du notaire chargé de la liquidation de la succession de la dame J., locataire jusqu'à son décès, d'un appartement sis dans une des villas dont s'agit ; que cette lettre, sans faire état de scellés, précisait que « l'appartement en cause serait libéré de tous les meubles le meublant avant les fêtes de Noël, en tout cas au plus tard fin janvier 1972 », et que les clés de l'appartement seraient remises « dès qu'il serait libéré » ;
Considérant, dans ces conditions, que le seul motif allégué par le sieur C. ne consistait pas dans l'apposition de scellés et qu'à supposer même que l'Administration n'ait pas, au moment où elle a pris sa décision, constaté l'erreur ainsi commise par le demandeur, le motif tiré de la présence de meubles dans l'appartement était à lui seul suffisant pour justifier, au regard de l'article 11 de l'Ordonnance Souveraine du 9 septembre 1966, l'octroi par l'Administration, en vertu de l'appréciation qu'il lui appartenait de faire des motifs de la demande, de la prorogation du délai imparti au constructeur ;