Tribunal Suprême, 5 mai 1964, sieurs D. (W.) et consorts, G. (M.) et consorts et de l'Association « l'Union des Intérêts Français à Monaco » c/ Ministre d'État

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Abstract🔗

Actes de gouvernement

Traités internationaux - validité - incompétence du Tribunal Suprême - Acte ayant trait à la négociation, à la signature et à la ratification des traités internationaux - régularité - incompétence du Tribunal Suprême

Impôts et taxes

Convention fiscale franco-monégasque


Motifs🔗

Le Tribunal Suprême

Vu la requête en date du 21 octobre 1963, présentée par M. D. (W.) et consorts, M. G. (M.) et consorts, tendant à l'annulation de l'Ordonnance Souveraine du 19 août 1963, qui a rendu exécutoire à Monaco, la convention fiscale signée à Paris, le 18 mai 1963, motif pris que d'après l'article 7 de cette convention, les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence ou qui ne peuvent justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco au 13 octobre 1962, seront assujetties en France à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire dans les mêmes conditions que si elles avaient leur résidence en France ; que cette disposition lèse les Français venus de France et des départements d'Outre-Mer à Monaco, depuis moins de cinq ans au 13 octobre 1962, qui étaient titulaires d'un droit dont la jouissance était différée, ainsi que les Français venus directement à Monaco de l'étranger, de l'Algérie et des Territoires français d'Outre-Mer, qui se trouvent privés rétroactivement, à compter du 13 octobre 1957, de la législation antérieure ; que l'intangibilité des droits acquis et la non-rétroactivité des actes administratifs sont au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent à l'autorité réglementaire ;

Vu la requête en date du 21 octobre 1963, présentée par l'Association « l'Union des Intérêts Français à Monaco », tendant aux mêmes fins que la requête précédente par les mêmes moyens ;

Vu l'Ordonnance Souveraine du 19 août 1963, rendant exécutoire à Monaco la convention fiscale signée à Paris, le 18 mai 1963 ;

Vu la contre-requête du Ministre d'État en date du 23 décembre 1963, tendant au rejet des requêtes comme irrecevables en tant que dirigées contre une Ordonnance Souveraine, prise pour l'application d'un traité diplomatique, que mettant en cause la validité d'un traité et que soulevant des moyens tirés de principes généraux du droit, qui ne sauraient être présentés devant le Tribunal Suprême, statuant en matière constitutionnelle, tendant en outre à ce que les requérants soient condamnés aux dépens ;

Vu la réplique présentée par les requérants, le 21 janvier 1964, tendant aux mêmes fins que les requêtes par les mêmes moyens, et, en outre, attendu que les requêtes ne sont pas irrecevables, l'article 7 de la convention fiscale du 13 mai 1963, ayant réalisé par un détournement de procédure, une aggravation de la législation fiscale concernant les Français de Monaco ; que la convention du 18 mai 1963 a été promulguée en violation de l'article 14 de la Constitution ; que les principes qui fondent la théorie des actes de Gouvernement en droit français, ne sont pas nécessairement applicables à Monaco ; que l'article 7 de la convention litigieuse viole le principe d'égalité inscrit à l'article 32 de la Constitution ;

Vu la duplique présentée par le Ministre d'État le 24 février 1964, tendant aux mêmes fins que la contre-requête par les mêmes moyens, et, en outre, attendu que la promulgation de la convention fiscale du 18 mai 1963 n'a pas été opérée en violation de l'article 14 de la Constitution, le Conseil de la Couronne ayant été consulté le 9 juillet 1963 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'Ordonnance présidentielle du 16 avril 1963, sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême ;

Ouï M. Marcel Lachaze, membre du Tribunal Suprême en son rapport ;

Ouï Me Raybaudi, avocat défenseur, Me Yves Bonello, avocat au Barreau de Nice, et Me Gilbert George, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation française, en leurs plaidoiries ;

Ouï M. le Procureur Général en ses conclusions ;

Considérant que les deux requêtes susvisées sont dirigées contre l'Ordonnance Souveraine du 19 août 1963, rendant exécutoire à Monaco la Convention fiscale signée à Paris, le 18 mai 1963, mettant en cause la validité de l'article 7 de ladite Convention ; que ces moyens se rattachent à la fois aux dispositions de l'article 90-A et de l'article 90-B de la Constitution :

Considérant que le Tribunal Suprême, statuant soit en matière constitutionnelle en vertu de l'article 90-A de la Constitution, soit en matière administrative, en vertu de l'article 90-B de la Constitution, n'a pas qualité pour apprécier la validité des traités internationaux conclus entre la Principauté de Monaco et les puissances étrangères ;

Considérant d'autre part qu'il n'appartient pas au Tribunal Suprême d'apprécier la régularité des actes ayant trait à la négociation, à la signature et à la ratification des traités internationaux ; qu'ainsi le moyen pris d'une prétendue violation de l'article 14 de la Constitution n'est pas recevable ;

Considérant enfin que si les requérants entendent contester la validité de l'Ordonnance Souveraine du 19 août 1963, en tant que celle-ci porte publication de la Convention du 18 mai 1963, ils n'invoquent aucun vice propre à ladite Ordonnance sur ce point :

Sur les dépens :

Considérant que dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre les dépens à la charge des requérants ;

Dispositif🔗

DÉCIDE :

Article 1er🔗

Les requêtes susvisées sont rejetées ;

Article 2🔗

Les dépens sont mis à la charge des sieurs D. (W.) et consorts, G. (M.) et consorts et de l'Association « l'Union des Intérêts Français à Monaco ».

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