Tribunal Suprême, 11 octobre 1961, Société anonyme monégasque « Les Éditions Littéraires de Monaco », sieur J. (R.) c/ Ministre d'Etat

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Abstract🔗

Procédure

Délai de recours - point de départ - décision ni notifiée ni publiée - connaissance acquise des vices dont pouvait être entachée la décision

Urbanisme et construction

Permis de construire non conforme aux règles sur l'urbanisme, la construction et la voirie - espaces verts - construction souterraine - hauteur et gabarit : dérogation accordée sans nécessité - Annulation


Motifs🔗

Le Tribunal Suprême

Vu la requête en date du 27 juin 1961 présentée :

1° Par la Société anonyme monégasque « Les Éditions Littéraires de Monaco », représentée par son Président, Administrateur délégué le sieur V. (L.) ;

2° Par le sieur J. (R.) et tendant à l'annulation d'un arrêté du Ministre d'État, en date du 19 décembre 1960, qui a accordé un permis de construire à la Société immobilière « du Soleil » représentée par le sieur P. (G.) motif pris de ce que l'arrêté attaqué est intervenu en violation de l'article 8 de l'Ordonnance-Loi du 3 novembre 1959 et des articles 8, 9, 11, 13 et 50 de l'Ordonnance Souveraine du 16 novembre 1959 concernant l'Urbanisme, la Construction et la Voirie ;

Vu l'arrêté du Ministre d'État, en date du 19 décembre 1960 ;

Vu la contre-requête du Ministre d'État tendant au rejet de la requête comme irrecevable pour cause de forclusion subsidiairement comme non fondée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu l'Ordonnance constitutionnelle du 5 janvier 1911, modifiée par les Ordonnances des 18 novembre 1917, 12 juillet 1922, 17 octobre 1944 et 16 janvier 1946 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine du 21 avril 1911 sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême modifiée par l'Ordonnance du 15 juin 1946 ;

Vu l'Ordonnance-Loi du 4 janvier 1961, concernant le contentieux administratif de l'annulation ;

Vu l'Ordonnance-Loi du 3 novembre 1959 concernant l'Urbanisme, la Construction et la Voirie ;

Vu l'Ordonnance-Souveraine du 16 novembre 1959, concernant l'Urbanisme, la Construction et la Voirie ;

Ouï M. Marcel Lachaze, membre du Tribunal Suprême en son rapport ;

Ouï Mes Edgar Faure, Cueff et Fourcade, en leurs observations ;

Ouï M. le Procureur Général en ses conclusions ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la contre requête :

Considérant que l'article 1er de l'Ordonnance-Loi du 4 janvier 1961 a donné compétence au Tribunal Suprême pour statuer souverainement sur les recours aux fins d'annulation pour violation de la loi ou excès de pouvoir formés notamment contre les décisions administratives et que d'après l'article 2 de la même ordonnance, les dispositions de l'ordonnance sur l'organisation et le fonctionnement du Tribunal Suprême du 21 avril 1911 modifiée par l'Ordonnance du 15 juin 1946 s'appliquent audits recours ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de l'ordonnance susvisée du 21 avril 1911, « le recours devant le Tribunal Suprême doit être formé, à peine de déchéance, dans les deux mois à partir du jour où a eu lieu le fait sur lequel il est fondé, ou à partir du jour où ce fait a pu être connu de l'intéressé » ;

Considérant que l'arrêté du Ministre d'État en date du 19 décembre 1960 accordant un permis de construire à la Société Civile Immobilière « Le Soleil » n'a été ni notifié aux requérants, ni publié ; que d'autre part, il n'est pas établi que plus de deux mois avant le 27 juin 1961, date de la requête, les requérants aient été à même de connaître les vices dont pouvait être entaché ledit arrêté ; que si le Ministre d'État invoque en sens contraire la circonstance que les travaux de bétonnage de l'immeuble litigieux auraient commencé le 6 mars 1961, ce fait, en admettant même qu'il puisse être tenu pour établi, n'était pas de nature à révéler aux requérants les vices qui servent de base à leur requête ; que dans ces conditions, le Ministre d'État n'est pas fondé à prétendre que la requête serait irrecevable pour cause de tardiveté ;

Au fond :

Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article 8 de l'Ordonnance-Loi du 3 novembre 1959 concernant l'Urbanisme, la Construction et la Voirie, « Toutes les zones vertes, tous les espaces plantés, publics ou privés, doivent être maintenus ou reconstitués. Les constructions ne peuvent y être autorisées qu'à titre exceptionnel, après avis du Comité visé à l'article 3, et si elles laissent subsister une superficie d'espace vert suffisante pour conserver à la parcelle son caractère actuel, ou si elles comportent la reconstitution à proximité dans le même îlot urbain, d'un espace vert au moins équivalent » ;

Considérant que la construction autorisée par le permis de construire du 19 décembre 1960 ne laisse pas subsister sur la parcelle litigieuse une superficie d'espace vert suffisante pour conserver à la parcelle son caractère actuel, et qu'elle ne comporte pas la reconstitution à proximité d'un espace vert au moins équivalent ;

Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article 9-6° de l'Ordonnance Souveraine du 16 novembre 1959, « dans la zone à gabarit moyen les constructions doivent être tenues à quatre mètres au moins des limites de propriétés » ; que, pour l'application de ces dispositions, il n'y a pas lieu de distinguer les constructions souterraines et les autres ; qu'il est constant que la construction autorisée par l'arrêté attaqué dans la zone à gabarit moyen comporte des garages souterrains situés à moins de quatre mètres des limites de propriétés ;

Considérant enfin que pour justifier la dérogation accordée par le permis de construire en ce qui concerne le gabarit et la hauteur de l'immeuble, la contre-requête invoque les dispositions de l'article 13 b) de l'Ordonnance du 16 novembre 1959 aux termes desquelles : « Le Comité, dans le souci d'ordonner les opérations projetées entre elles ou avec des constructions voisines existantes, pourra prescrire l'établissement de plans de coordination partiels définissant les dispositions générales et particulières des constructions.

» Dans ce cas et s'il y a nécessité, le gabarit et la hauteur des immeubles pourront faire l'objet d'une autorisation exceptionnelle « ;

Considérant qu'en admettant même qu'il ait été satisfait aux prescriptions du premier alinéa de l'article 13 b) par la présentation d'un plan de coordination émanant du constructeur et que le Comité se serait approprié, il n'y avait en l'espèce, pour l'Administration, aucune nécessité, au sens de l'article 13 b) deuxième alinéa d'accorder la dérogation susvisée ;

Considérant que les trois irrégularités ainsi relevées à l'encontre de l'arrêté du Ministre d'État en date du 19 décembre 1960, sont de nature à vicier ledit arrêté dans son ensemble ; que dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, il y a lieu de prononcer l'annulation de l'arrêté attaqué ;

Dispositif🔗

DÉCIDE :

Article 1er🔗

L'arrêté du Ministre d'État en date du 19 décembre 1960 accordant un permis de construire à la Société Civile Immobilière » Le Soleil " est annulé.

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