Tribunal Suprême, 5 décembre 1960, Société Financière et Bancaire de Monte-Carlo c/ Ministre d'Etat

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Abstract🔗

Compétence

Ordonnance du 7 mai 1958 - Contentieux constitutionnel - incompétence de l'autorité souveraine

Commerce et industrie

Société commerciale - retrait d'autorisation - inobservation d'une Ordonnance Souveraine subordonnant le retrait à l'avis d'une commission - texte dérogatoire au droit commun - application restrictive

Recours pour excès de pouvoir

Violation de la loi - constatation des faits - exactitude - appréciation des faits - pouvoir souverain de l'autorité administrative


Motifs🔗

Rainier III, par la grâce de Dieu, prince souverain de Monaco.

Vu Notre Ordonnance, n° 1792, du 7 mai 1958, créant un recours contentieux en annulation des Ordonnances nécessaires à l'exécution des lois, ainsi que des décisions ou mesures prises en matière administrative ;

Vu la requête de la Société Financière et Bancaire de Monte-Carlo tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 3 février 1960 par lequel M. le Ministre d'État a rapporté l'arrêté du 17 mars 1956 autorisant la constitution de la Société et approuvant ses statuts ;

Vu le mémoire en réponse de M. le Ministre d'État tendant au rejet de la requête ;

Vu les conclusions de M. le Procureur Général ;

Ensemble les pièces et documents produits ;

Vu l'arrêt, en date du 30 novembre 1960, par lequel le Tribunal Suprême a rejeté la requête par laquelle la Société et consorts demandaient l'annulation de la même décision comme portant atteinte aux droits et libertés consacrés par le titre II de la Loi constitutionnelle ;

Vu l'Ordonnance, du 5 mars 1895, sur les sociétés anonymes et commandites par actions, modifiée par les Ordonnances des 17 septembre 1907, 10 juin 1909, les Lois n° 71 du 3 janvier 1924, n° 216 du 27 février 1936 et par les Ordonnances-Lois n° 340 du 11 mars 1942 et n° 342 du 25 mars 1942 ;

Vu la Loi, n° 408, du 20 janvier 1945, complétant l'Ordonnance du 5 mars 1895 ;

Vu l'Ordonnance Souveraine, n° 3167, du 29 janvier 1946, réglant l'établissement du bilan des sociétés anonymes et en commandite ;

Vu l'Ordonnance du 23 février 1946, soumettant à la révision les autorisations de constitution de sociétés par actions ;

Sur le rapport du Tribunal Suprême saisi en matière administrative :

Considérant que les moyens basés sur la violation des articles 7 et 9 de la Charte constitutionnelle relèvent de la compétence du Tribunal Suprême, conformément aux dispositions de l'article 1er de l'Ordonnance du 21 avril 1911, modifiée par l'Ordonnance du 15 juin 1946 et à celles de l'article 1er de Notre Ordonnance, n° 1792, du 7 mai 1958 ; qu'ils ne sauraient, par suite, être utilement invoqués à l'appui d'un recours contentieux administratif et qu'après examen de ces moyens, le Tribunal Suprême a rejeté, par arrêt en date du 30 novembre 1960 la requête dont il était saisi ;

Considérant, par contre, qu'il y a lieu d'examiner les moyens concernant la violation de la loi ou un excès de pouvoir ;

Sur le moyen tiré de l'inobservation des prescriptions de l'Ordonnance Souveraine, n° 3184, du 23 février 1946, subordonnant à l'avis d'une Commission instituée par ladite Ordonnance les retraits des autorisations accordées à compter du 1er septembre 1939 aux sociétés immobilières et commerciales ayant leur siège à Monaco ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Convention franco-monégasque du 14 avril 1945, rendue exécutoire dans la Principauté de Monaco par l'Ordonnance du 25 juillet 1945 et concernant la répression des fraudes fiscales et le renforcement de l'assistance administrative mutuelle, le Gouvernement monégasque avait accepté de prendre l'engagement de procéder « avant le 1er janvier 1946, à la révision des autorisations accordées à compter du 1er septembre 1939 aux sociétés immobilières et commerciales ayant leur siège social à Monaco » ;

Considérant que l'Ordonnance du 23 février 1946, rendue en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 21 de la Constitution, a eu pour but d'édicter les règles nécessaires à l'exécution de cet engagement et de permettre la révision de toutes les autorisations visées par lui en dehors même des cas où le retrait d'autorisation était prévu par la législation existante et à la suite d'une procédure simplifiée ;

Considérant qu'il résulte, tant des termes de l'Ordonnance que des travaux préparatoires, que ces règles dérogatoires à la législation de droit commun des sociétés étaient strictement limitées aux autorisations dont la révision était ordonnée, c'est-à-dire à celles délivrées depuis le 1er septembre 1939 et avant la promulgation de l'Ordonnance du 23 février 1946 ;

Considérant que, pour celles intervenues après cette date comme pour celles antérieures au 1er septembre 1939, seule est applicable la législation de droit commun ;

Considérant que la Société Financière et Bancaire de Monte-Carlo a été autorisée le 17 mars 1956 et que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'Ordonnance du 23 février 1946 lui étaient applicables :

Sur le moyen tiré de ce que la gravité de la sanction ne serait pas justifiée par les faits de la cause et qu'ainsi la décision attaquée serait entachée d'excès de pouvoir ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que l'arrêté attaqué comportant retrait d'autorisation a été pris en application de l'article 39 de la Loi n° 408, du 20 janvier 1945, dans le cas prévu par l'article 38 de ladite loi et après la procédure prévue au même article ;

Considérant qu'il n'est pas établi qu'il ait été basé sur des faits matériellement inexacts ;

Considérant que si l'article 39 ci-dessus visé permet à l'autorité administrative soit d'inviter la Société à se mettre en règle sans préjudice de l'application de l'amende prévue à l'article 37, soit de prononcer le retrait de l'autorisation, il lui laisse un pouvoir souverain d'appréciation des faits qui n'est pas susceptible d'être discuté devant le Juge de l'excès de pouvoir ; que c'est dès lors légalement que le Ministre d'État a pris l'arrêté portant retrait de l'autorisation accordée à la Société Financière et Bancaire de Monte-Carlo et que celle-ci n'est pas fondée à en demander l'annulation ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS ;

Avons ordonné et ordonnons :

Le recours formé par la Société Financière et Bancaire de Monte-Carlo est rejeté.

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