Tribunal de première instance, 3 juillet 2025, g B c/ La société anonyme de droit français dénommée F
Abstract🔗
Saisie immobilière - Adjudication - Remise - Article 609 du Code de procédure civile - Cause très grave - Vente amiable - Offre acceptée - Capacité de désintéresser le créancier - Proportionnalité - Droit de propriété - Exécution provisoire
Résumé🔗
Le Tribunal ordonne la remise de l'adjudication initialement prévue pour le 4 juillet 2025 concernant trois chambres d'un immeuble à Monaco, objet d'une procédure de saisie immobilière engagée par la société F (successeur universel de la société E) contre Monsieur g.B. Ce dernier avait sollicité le report de la vente aux enchères, arguant de l'existence d'une offre d'achat ferme de son fonds de commerce et des murs attenants, pour un montant total de 4,6 millions d'euros, acceptée et en cours de finalisation par notaire. Il soutenait que cette vente permettrait de désintéresser le créancier poursuivant sans recourir à une vente forcée, portant atteinte à son droit de propriété.
Le Tribunal considère que les conditions de l'article 609 du Code de procédure civile sont réunies. L'offre d'achat était acceptée, sans condition suspensive. g.B détenait 99 % des parts de la SCI propriétaire des murs. Un notaire était saisi pour finaliser la vente avant le 31 juillet 2025. Le produit de la vente permettait de désintéresser le créancier à bref délai. Le Tribunal souligne qu'une vente amiable, en l'espèce plus favorable au créancier que la mise à prix judiciaire, assurait un juste équilibre entre le droit d'exécution du créancier et le droit de propriété du débiteur, protégé par l'article 24 de la Constitution. En conséquence, la vente aux enchères est reportée au 28 août 2025, les modalités initialement prévues restant applicables. Le jugement est assorti de l'exécution provisoire.
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2025/000565 (assignation du 18 juin 2025)
JUGEMENT DU 3 JUILLET 2025
En la cause de :
- g B, né le jma en Italie, de nationalité italienne, commerçant, demeurant x1 à Monaco ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire par décision du bureau d'Assistance judiciaire n° 2025/000512 du 13 juin 2025 ;
DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
- La société anonyme de droit français dénommée F, dont le siège social se trouve X1, représentée par son Directeur Général Délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège, prise en sa succursale dénommée, F, établie x2 à Monaco, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié et demeurant en cette qualité à l'adresse précitée, et venant aux droits et obligations de la société anonyme monégasque dénommée E (E) en suite de la dissolution anticipée sans liquidation et de la transmission universelle de son patrimoine au profit de ladite F intervenues en date du 1er janvier 2023 ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
En présence du :
PROCUREUR GÉNÉRAL, près la Cour d'Appel, séant en son Parquet, Palais de Justice, 5 rue Colonel Bellando de Castro à Monaco ;
Visa🔗
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 18 juin 2025, enregistré (n° 2025/000565) ;
Vu les conclusions du Ministère public en date du 24 juin 2025 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SA F, en date du 25 juin 2025 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de g B, en date du 1er juillet 2025 ;
À l'audience publique du 3 juillet 2025, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoirie, le Ministère Public en ses observations et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 3 juillet 2025, par mise à disposition au Greffe.
Motifs🔗
FAITS ET PROCÉDURE :
Par jugement en date du 8 mai 2025, ce Tribunal a :
- constaté que toutes les formalités et délais prescrits par la loi ont été remplis ;
- fixé au VENDREDI 4 JUILLET 2025 à 9 heures, la vente aux enchères publiques, des parties ci-après désignées, en un seul lot, situées dans l'immeuble dénommé « x2 » sis x2 à Monaco, à savoir :
« « Littéralement retranscrit suivant extrait d'acte à titre onéreux ou gratuit de biens immobiliers en date du 3 mars 2022 ».
Biens transmis : Au rez-de-chaussée
1°) Une chambre de célibataire portant le numéro CENT QUATRE, teinte jaune au plan annexé au cahier des charges.
2°) Une chambre de célibataire portant le numéro CENT CINQ.
3°) Une chambre de célibataire portant le numéro CENT SIX, teinte rouge au plan annexé audit cahier des charges.
Lesquelles chambres actuellement composées de deux pièces avec coin cuisine, d'une entrée avec un W. C. invité et lavabo, salle d'eau avec douche, lavabo et W. C., placards. » ;
Anciennement cadastré sous la Section E, nos de parcelles 238 p, 239 et 241 p et actuellement cadastrés Section RL, no de parcelle 56 ;
Et tel que plus amplement décrit dans ledit cahier des charges ;
sur la mise à prix de 990.000 euros outre les clauses, charges et conditions fixées dans le Cahier des Charges de la vente dont s'agit ;
- ordonné en application de l'article 606 du Code de procédure civile, outre la publicité légale dans le Journal de Monaco et celle prévue à l'article 605 du Code de procédure civile, les publicités supplémentaires suivantes :
• dans la page régionale du quotidien « NICE MATIN » ainsi qu'en page de MONACO de l'édition « MONACO MATIN » ;
• dit que les dépens du présent jugement seront employés en frais privilégiés de vente.
Par l'exploit susvisé en date du 25 juin 2025, g B a fait assigner devant ce Tribunal la SA F en présence du Procureur Général aux fins de :
« Vu l'article 609 du Code de Procédure Civile,
Vu les pièces versées aux débats,
À TITRE PRINCIPAL,
• DIRE ET JUGER recevables et bien fondées les demandes formées par g B,
• CONSTATER l'existence d'une cause très grave et dûment justifiée au sens de l'article 609 du Code de Procédure Civile, fondée sur l'offre d'achat signée par devant Notaire le 16 avril 2025 et devant être réitérée au plus tard le 31 juillet 2025,
EN CONSÉQUENCE,
• ORDONNER la remise de l'adjudication fixée au 4 juillet 2025 par application de l'article 609 du Code de Procédure Civile à une date ultérieure pour permettre à g B de finaliser la vente amiable de ces biens actuellement en cours,
• DIRE que la décision à venir sera revêtue de l'exécution provisoire, avec toutes conséquences de droit,
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,
• REJETER toutes demandes contraires formées par la F ou tout autre contestant,
• CONDAMNER la F SA au paiement de la somme de 2.500 € au profit de g B sur le fondement de l'article 238-1 du Code de Procédure Civile,
• ORDONNER la distraction des dépens au profit de Maître Richard MULLOT, comme en matière d'Assistance Judiciaire. ».
Au soutien de ses demandes, g B expose pour l'essentiel que :
• il exploite depuis près de 30 ans un fonds de commerce de mercerie, bonneterie sous l'enseigne ZA, x3 à Monaco ;
• il a élevé seul ses deux enfants et avait épargné pour leur avenir en ouvrant un compte à la F, parvenant à capitaliser plus de 200.000 euros ;
• à partir de février 2022, à la suite d'une escroquerie qui l'a dépossédé de toutes ses économies, un contentieux est né avec cette banque qui a permis la réalisation de la fraude du fait de son manque de vigilance ; la banque a tenté de profiter de la situation et une procédure est actuellement en cours devant ce Tribunal dans le cadre de laquelle il réclame une somme en principal de près de 200.000 euros ;
• la banque n'a pas hésité à faire pratiquer une saisie immobilière sur les biens acquis le 3 mars 2022 en invoquant un prêt souscrit auprès de cet établissement bancaire pour un montant de 1,5 million d'euros et sur lesquels l'établissement dispose d'une hypothèque conventionnelle ;
• le 26 mars 2025, il s'est vu délivrer une sommation à comparaître à l'audience du 24 avril 2025 durant laquelle il a exposé ses diligences pour pouvoir régler spontanément sa dette en procédant à la vente de son fonds de commerce qu'il exploite depuis plus de 30 ans, mise en vente dont la presse locale s'était fait l'écho bien avant la saisie immobilière ;
• lors de cette audience, il a produit un courrier de Maître Charles-Henri REY, notaire en charge de réaliser cette vente qui a confirmé la préparation d'un acte de vente devant être finalisé avant début juillet 2025 ;
• malgré cela, la F a maintenu sa demande en considérant qu'aucun élément probant n'était apporté malgré sa bonne foi et malgré le contentieux en responsabilité l'opposant à cette banque ;
• on peut se demander si une vente amiable ne serait pas dans l'intérêt de l'établissement bancaire ;
• par jugement du 8 mai 2025, signifié le 19 mai 2025, ce Tribunal a fait droit aux demandes de la F en fixant la vente aux enchères publiques au vendredi 4 juillet 2025 à 9 heures ; cette décision a fait l'objet d'une annonce publiée au Journal de Monaco du 6 juin 2025 ;
• en l'état, il n'a pas manqué de tout mettre en oeuvre, avec une diligence et une bonne foi exemplaires, pour solder sa dette en se résignant à vendre son fonds de commerce fondé en 1896 et ce, alors qu'il avait toujours eu à coeur de ne le céder qu'à un repreneur prêt à perpétuer la tradition de la mercerie ; cette volonté a retardé la finalisation de la vente ;
• il a informé le Tribunal dès l'audience du 24 avril 2025 d'une offre acceptée pour un prix global de 4,6 millions d'euros largement suffisant pour solder sa dette ; le notaire a confirmé cette offre par courrier du 3 juin 2025 ;
• s'il n'a pas été en mesure de produire l'offre d'achat signée entre les parties à temps pour l'audience du 30 avril 2025, elle est désormais disponible pour la pleine information du Tribunal auquel il appartiendra d'en tirer les conséquences qui s'imposent concernant l'existence d'une cause très grave au sens de l'article 609 du Code de procédure civile ;
• si la juridiction a pu considérer dans son jugement du 8 mai 2025 que « Eu égard au fait que la vente invoquée par le débiteur doit se confirmer mais qu'un aléa demeure sur l'issue de cette vente, la vente aux enchères publiques doit être fixée », force est de constater qu'il produit aujourd'hui de nombreux éléments probants démontrant la réalité de cette vente à intervenir et son caractère irrémédiable justifiant pleinement la demande de report de l'adjudication, formulée pour la première fois par courrier manuscrit adressé à la juridiction le 5 juin 2025 ;
• l'offre du 16 mai 2025 ne comporte aucune condition suspensive ;
• les causes très graves et dûment justifiées sont établies dès lors que la vente de gré à gré lui permettra de solder sa dette auprès de la F, tout en préservant son droit de propriété sur le bien immobilier dont l'adjudication est poursuivie, ce qui est favorable à la fois au créancier et au débiteur ;
• dans une décision du 30 mars 2025, ce Tribunal a fait droit à une demande de report d'une vente aux enchères pour une cause très grave et dûment justifiée fondée sur une offre ferme d'achat ; le Tribunal a souligné l'importance de protéger les droits du créancier mais aussi ceux du débiteur et notamment son droit de propriété garanti par l'article 24 de la Constitution dont l'atteinte ne peut être légitime que si elle est nécessaire, proportionnée et inévitable, conditions qui n'étaient pas remplies en l'état d'une offre d'achat ferme permettant d'éviter une vente forcée ;
• ces conditions ne sont pas remplies en l'espèce dès lors que la vente en cours de son fonds de commerce est amplement suffisante pour couvrir la créance due tout en évitant la vente forcée qui le déposséderait de son bien objet de l'adjudication ;
• la protection de son droit de propriété est d'autant plus importante que le bien immobilier saisi a été acquis par ses soins afin de constituer un capital à léguer à ses enfants et que l'adjudication forcée lui ferait subir des préjudices importants alors même qu'il est en partie placé dans cette situation en raison de la fraude dont il a été victime courant 2022 et qui engage incontestablement la responsabilité de la F, venant aux droits de la E ;
• l'article 609 susvisé prévoyant que l'adjudication peut être remise à une date postérieure sans excéder un délai de 60 jours, ce report pourrait aller jusqu'au 2 septembre 2025 ;
• la vente doit être réitérée au plus tard le 31 juillet 2025 ;
• l'urgence justifie l'exécution provisoire ;
• la présente procédure étant directement causée par les agissements de la F qui a fait preuve d'un empressement parfaitement injustifié et a maintenu ses demandes d'adjudication malgré les éléments qu'il a apportés, la F sera condamnée à lui verser la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile au titre des frais exposés, non compris dans les dépens.
Par conclusions en date du 24 juin 2025, le Ministère Public s'en est rapporté à l'appréciation du Tribunal en joignant une copie anonymisée du jugement du 20 mars 2025 cité par g B dans ses écritures et non publié.
Par conclusions en date du 25 juin 2025, la SA F demande au Tribunal de :
• rejeter la demande de remise de l'audience d'adjudication ;
• débouter g B de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
• en conséquence, ordonner le maintien de l'audience d'adjudication au vendredi 4 juillet 2025 à 9 heures ;
• condamner g B aux entiers dépens distraits au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
À l'appui de ses prétentions, elle argue pour l'essentiel que :
• il y a lieu de rappeler, pour information, que g B a introduit une instance afin de mettre en cause sa responsabilité pour manquement à son obligation de surveillance et de vigilance concernant deux virements bancaires d'un montant total de 200.000 euros effectués sur ses instructions et sur présentation du relevé d'identité bancaire du compte à créditer et ce, alors qu'en l'absence d'anomalie apparente, elle était tenue par son devoir de non-immixtion d'exécuter ces instructions de son client ;
• les relations entre elle et le demandeur ne sont pas conflictuelles et la procédure de saisie-arrêt n'est pas une riposte à cette action mais est justifiée par le non-paiement des échéances d'un prêt de 1,5 million d'euros consenti le 3 mars 2022 et que g B s'est abstenu de régler dès la première échéance le 3 mars 2024 ;
• elle l'a contacté à plusieurs reprises et lui a adressé des mises en demeure qui sont restées sans réponse avant que g B ne consente à réaliser un gage de monnaie à hauteur de 495.484,52 euros qui est venu en déduction de sa dette ;
• faute de règlement et de réponse, elle n'a eu d'autre choix que d'engager la procédure de saisie immobilière ;
• sa créance s'élève à ce jour à 1.137.230,52 euros en principal outre les frais de saisie s'élevant à 10.850,96 euros au 24 juin 2025 ;
• la demande de remise de la vente est infondée et devra être rejetée ;
• une offre d'achat ferme et définitive a été formulée par s.G et acceptée par g B sur les murs et la cave sis x3 à Monaco détenus par la SCI B ainsi qu'un fonds de commerce « ZA » exploité au sein de ces murs pour un prix global de 4,6 millions d'euros, hors frais annexes et commission d'agence ;
• cette offre précise que l'acquisition « serait les titres de la SCI propriétaire des murs » ;
• les conditions posées dans la décision du 20 mars 2025 ayant remis une audience d'adjudication à savoir que « l'offre est chiffrée, acceptée, accompagnée du versement d'un acompte et réalisée dans un cadre professionnel, avec intervention d'un notaire, la preuve de la disponibilité immédiate des fonds par l'acquéreur est rapportée ; le créancier pouvant être désintéressé dans un délai raisonnable évitant ainsi une vente forcée portant une atteinte excessive au droit de propriété » ne sont pas manifestement pas réunies en l'espèce ;
• il ne s'agit pas d'une vente à réméré mais d'une cession des murs et de la cave appartenant à la SCI B et du fonds de commerce exploité par g B qui précise que « une fois les fonds encaissés Monsieur g B procédera à la cession de l'intégralité de ses parts dans la SCI B aux acquéreurs » ;
• cette offre n'a pas été réalisée dans un cadre professionnel avec l'intervention d'un notaire mais par acte sous-seing privé ;
• l'offre précise que « on peut choisir le notaire selon le retour des frais que l'expert- comptable nous fera. Si l'on choisit le notaire, nous allons passer par Maître REY » ; aucun rapport estimatif de l'expert-comptable désigné n'est produit aux débats, alors que l'offre d'achat prévoit la désignation d'un expert-comptable pour évaluer la valeur des murs dont la cession est projetée ;
• la preuve du versement effectif de l'acompte de 5 % n'est pas rapportée ;
• le prix de vente du fonds de commerce appartenant à g B soit 600.000 euros n'est pas suffisant pour la désintéresser ;
• il est constaté à la lecture des procurations notariées produites que la cession projetée repose sur la conclusion de deux actes distincts : un acte de vente portant sur le local commercial et la cave entre la SCI B et s.G au prix de 4 millions d'euros et un acte de résiliation des droits locatifs profitant à g B desdits locaux appartenant à la SCI B avec fixation de l'indemnité de résiliation à la somme de 600.000 euros ;
• elle ne détient aucune créance sur la SCI B s'agissant de la vente des murs ;
• aucun justificatif de la situation financière et de la structure capitalistique de la SCI B n'est versé aux débats ; aucun état des créances de cette société n'est produit ;
• g B reste taisant quant aux modalités de règlement de la créance de la F ;
• la saisie immobilière porte sur un bien immobilier qui n'est pas l'objet de la cession amiable projetée contrairement à ce qu'il en était dans l'espèce ayant conduit à la décision du 20 mars 2025 ;
• la procuration notariée du 9 mai 2025 signée par g B en qualité de gérant statutaire de la SCI B au profit de Maître Charles-Henri REY fait ressortir que les conditions suspensives de la vente n'ont pas encore été convenues, l'offre acceptée n'excluant que celle d'obtention de crédit ; la date de réitération n'a pas été fixée contractuellement, seul le notaire en fait mention, ce qui n'a aucune force contraignante ; les modalités de paiement du prix et donc la date de disponibilité des fonds restent à déterminer ;
• g B ne rapporte pas la preuve qu'elle peut être désintéressée de la totalité de sa créance afin d'éviter le recours à une vente forcée.
Par conclusions récapitulatives en date du 1er juillet 2025, g B a réitéré ses demandes et moyens précédemment exposés et en réponse à l'argumentation adverse a sollicité, en outre, le rejet des demandes contraires de la SA F et sa condamnation au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile en arguant de surcroît :
• l'étude de Maître REY, notaire, a bien été saisie pour la finalisation de la vente amiable desdits biens ; il n'est pas inhabituel qu'une offre d'achat soit sous-seing privée ;
• concernant la détention de la SCI B, la banque détient nécessairement les éléments au titre de ses procédures de conformité et notamment du « KYC » ;
• ladite SCI n'a aucune dette et g B en détient 99 % des parts de cette société familiale ;
• il peut en conséquence prétendre à recevoir la somme de 4.560.000 euros, ce qui est amplement suffisant pour désintéresser le créancier poursuivant ;
• la lecture de la décision jointe aux conclusions du Ministère Public confirme que la vente aux enchères est la solution de dernier recours et doit être limitée aux cas où aucune autre possibilité de désintéresser le créancier n'existe ;
• quand bien même cette vente amiable ne serait pas finalisée, la vente aux enchères ne serait que remise et non définitivement arrêtée ;
• le fait que la vente amiable ne concerne pas les biens saisis est favorable au créancier poursuivant ;
• compte tenu de la mise à prix fixée à 990.000 euros, il existe un risque que la banque ne soit pas totalement désintéressée de sa créance, ce qui la forcerait à poursuivre des procédures contre lui et nuirait à toutes les parties d'autant que la mise à prix est bien inférieure au montant réel du bien immobilier saisi ;
• il est de plus en train de finaliser un dossier de crédit de prêt personnel pour un montant de 1.200.000 euros avec pour garantie une hypothèque sur le bien objet de la saisie immobilière auprès de l'établissement bancaire CIC pour solder la créance de la F dans les meilleurs délais.
À l'audience de ce jour, les conseils des parties ont réitéré leurs demandes et moyens et le Ministère Public a confirmé s'en rapporter. L'affaire a été mise en délibéré le jour même 3 juillet 2025.
SUR CE,
L'article 609 du Code de procédure civile dispose que :
« L'adjudication pourra être remise sur la demande du poursuivant ou de l'un des créanciers inscrits, ou de la partie saisie, mais seulement pour des causes très graves et dûment justifiées, qui seront énoncées dans le jugement prononçant la remise.
Le jugement fixera de nouveau le jour de l'adjudication qui ne pourra être éloigné de moins de quinze jours ni de plus de soixante.
Ce jugement ne sera susceptible d'aucun recours ».
Il est constant et justifié que g B justifie d'une offre d'achat de son fonds de commerce et des murs pour un prix total de 4,6 millions d'euros qui a été acceptée. Si cette offre est menée à son terme, elle permettrait de désintéresser le créancier poursuivant.
Si une partie de ces biens appartient à la SCI B, il est justifié que g B détient dans cette société civile particulière 99 % des parts.
Le notaire a confirmé avoir reçu cette offre acceptée et précisé pouvoir régulariser l'acte de vente avant fin juillet 2025.
En conséquence, il est démontré que si la vente aux enchères est remise, en l'état de cette offre acceptée, g B sera en mesure de désintéresser son créancier poursuivant.
Qu'en effet, il est justifié de ce que g B détient 99 % des parts de la SCI B et sera par conséquent le bénéficiaire à hauteur de ce pourcentage de la somme tirée de la vente des titres de ladite société qui détient les murs dans lesquels est exploité le commerce « ZA ».
Que le fait que la banque ne détienne aucune créance sur la SCI B est indifférent puisque son action pourra se porter sur la part du produit de la vente qui sera perçue par g B.
Si le droit de saisir et faire vendre un bien de son débiteur en respectant les règles de procédure de la saisie immobilière est un droit pour le créancier qui dispose d'une sûreté réelle, l'exercice de ce droit constitue une atteinte au droit de propriété du débiteur saisi tel que garanti par l'article 24 de la Constitution.
Il appartient au juge de s'assurer que les procédures d'exécution mises en oeuvre assurent un juste équilibre entre les droits du créancier et ceux du débiteur.
L'exercice d'une voie d'exécution portant une atteinte grave et irrémédiable au droit de propriété du débiteur ne devant intervenir que lorsque le créancier ne peut être désintéressé par une autre voie de droit.
Cet examen de la nécessité et de la proportionnalité de la saisie-immobilière ressortant d'ailleurs de l'esprit du législateur comme le montrent les dispositions des articles 575 et 576 du Code de procédure civile qui, s'ils ne visent pas le présent cas de figure, illustrent l'esprit devant présider à l'appréciation du bien-fondé de la procédure.
En l'espèce, si l'hypothèse de l'obtention d'un prêt qui serait consenti par la banque CIC à g B est trop hypothétique pour être prise en compte, en revanche la vente projetée des murs et du fonds de commerce apparaît sérieuse.
L'offre d'achat a été acceptée et un notaire chargé de préparer les actes de vente. Que s'il n'est pas justifié du paiement de l'acompte de 5 % prévu dans l'offre d'achat acceptée dans la mesure où le notaire ferait état d'une clause de confidentialité, il est établi que la réalisation des ventes a bien été initiée et que l'offre ne contient aucune condition suspensive notamment en ce qui concerne l'obtention des fonds nécessaires à l'achat.
Le seul fait que cette offre a été matérialisée par un acte sous-seing privé ne pouvant être considéré comme un obstacle à sa validité et à sa portée juridique dans la mesure où elle correspond aux exigences légales, seul l'acte de vente lui-même devant être passé en la forme authentique comme l'édicte l'article 1426 du Code civil s'agissant du bien immobilier.
De même, la seule considération à prendre en compte est la capacité du débiteur à désintéresser le créancier dans un délai raisonnable en sorte que le fait que la vente envisagée pour se procurer les liquidités nécessaires pour ce faire ne soit pas le bien saisi est sans influence alors d'autant que cette hypothèse est encore plus favorable au créancier qui conserve ainsi jusqu'à la réception effective des fonds le bénéfice de sa mesure de sûreté.
En conséquence, il apparaît que la SA F pourra être désintéressée du montant de sa créance à bref délai par la réalisation de la vente exposée ci-dessus et qu'à défaut, elle pourra également l'être au moyen de l'exercice d'une voie d'exécution sur les sommes tirées de la vente.
Cette hypothèse correspond sans aucun doute possible à la « cause très grave » prévue par l'article 609 du Code de procédure civile. Cette cause est dûment justifiée puisque la réalité de l'offre d'achat n'est pas contestée.
De plus, la procédure ne se trouvant que remise et non définitivement arrêtée, les droits du créancier poursuivant ne seront pas atteints durablement même à supposer qu'il ne serait pas désintéressé amiablement, il pourra poursuivre la vente forcée et recouvrer les sommes dues dans un délai raisonnable puisque le délai de remise ne peut excéder 60 jours.
En conséquence, il est fait droit à la demande de g B et la nouvelle vente aux enchères publiques des biens saisis ci-dessus désignés est fixée à la date du JEUDI 28 AOÛT 2025 à 9 heures 00.
Le Tribunal précise que toutes les modalités prévues pour la vente du 4 juillet 2025 sont applicables à la prochaine vente.
- Sur la demande au titre des frais de procédure
L'article 238-1 du Code de procédure civile prévoit que :
« Le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer :
1° à l'autre partie la somme qu'il déterminera au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° et le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'assistance aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide ;
Dans tous les cas, le juge tiendra compte de l'équité, de la situation économique de la partie condamnée. Il pourra, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne pourra être inférieure à la part contributive de l'Etat.
L'avocat bénéficiaire de l'assistance judiciaire ne pourra cumuler la somme prévue au titre du 2° du présent article avec la part contributive de l'Etat ».
En l'espèce l'équité commande de ne prononcer aucune condamnation de ce chef au profit de g B qui sera donc débouté de sa demande à ce titre.
Le jugement est assorti de l'exécution provisoire conformément à la demande de g B.
Les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de vente.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en dernier ressort,
Ordonne la remise de l'adjudication prévue à l'audience du vendredi 4 juillet 2025 ;
Fixe au JEUDI 28 AOÛT 2025 à 9 heures la vente aux enchères publiques, des parties ci-après désignées, en un seul lot, situées dans l'immeuble « x2 » sis x2 à Monaco, à savoir :
« « Littéralement retranscrit suivant extrait d'acte à titre onéreux ou gratuit de biens immobiliers en date du 3 mars 2022 ».
Biens transmis : Au rez-de-chaussée
1°) Une chambre de célibataire portant le numéro CENT QUATRE, teinte jaune au plan annexé au cahier des charges.
2°) Une chambre de célibataire portant le numéro CENT CINQ.
3°) Une chambre de célibataire portant le numéro CENT SIX, teinte rouge au plan annexé audit cahier des charges.
Lesquelles chambres actuellement composées de deux pièces avec coin cuisine, d'une entrée avec un W. C. invité et lavabo, salle d'eau avec douche, lavabo et W. C., placards. » ;
Anciennement cadastré sous la Section E, nos de parcelles 238 p, 239 et 241 p et actuellement cadastrés Section RL, no de parcelle 56 ;
Et tel que plus amplement décrit dans ledit cahier des charges ;
sur la mise à prix de 990.000 euros outre les clauses, charges et conditions fixées dans le Cahier des Charges de la vente dont s'agit ;
Ordonne en application de l'article 606 du Code de procédure civile, outre la publicité légale dans le Journal de Monaco et celle prévue à l'article 605 du Code de procédure civile, les publicités supplémentaires suivantes :
• dans la page régionale du quotidien « NICE MATIN » ainsi qu'en page de MONACO de l'édition « MONACO MATIN » ;
Déboute g B de sa demande au titre de ses frais de procédure fondée sur les dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;
Dit, en application de l'article 610 du Code de procédure civile, que les moyens de publicité, visés par le jugement du 8 mai 2025 et précédemment employés, doivent être renouvelés huit jours au moins avant la date de l'adjudication remise ;
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de vente ;
Composition🔗
Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,
Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 3 JUILLET 2025, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Aline BROUSSE, Premier Juge, Madame Catherine OSTENGO, Juge, assistées de Madame Clémence COTTA, Greffier, en présence du Ministère public.