Tribunal de première instance, 24 avril 2025, p H épouse J et m J c/ La Société Civile C et autres

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Abstract🔗

Bail commercial - Bail verbal - Résiliation judiciaire - Recevabilité (non) - Intérêt à agir - Qualité pour agir - Décision définitive entre les mêmes parties

Résumé🔗

Le Tribunal rejette l'ensemble des demandes de la demanderesse à propos d'un différend portant sur l'occupation de locaux à usage commercial. La demanderesse soutenait être locataire des lieux en vertu d'un bail verbal conclu dans les années 1980 avec son époux décédé. Elle sollicitait la résiliation du bail verbal, la restitution des lieux, la condamnation des défendeurs à divers titres (occupation sans droit, restitutions de loyers, indemnité pour troubles de jouissance, etc.) et l'expulsion de tout occupant sans droit ni titre. Il est jugé que la demanderesse n'établissait ni sa qualité de bailleresse ni son intérêt à agir pour obtenir la résiliation d'un bail verbal qui aurait lié son époux décédé et les occupants. De plus, une précédente décision définitive entre les mêmes parties ayant déjà tranché la question de la possession des lieux et la prétendue existence d'un bail, les demandes actuelles se heurtaient à l'autorité de la chose jugée. En conséquence, l'ensemble des prétentions de la demanderesse est déclaré irrecevable ou rejeté.


TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

N° 2022/000421 (assignation du 5 mai 2022)

JUGEMENT DU 24 AVRIL 2025

En la cause de :

  • 1- p H épouse J, née le jma à Bucarest (Roumanie), de nationalité italienne et suisse, demeurant x1 à Monaco,

  • 2- m J, né le jma à Zurich (Suisse), de nationalité suisse, demeurant x1 à Monaco ;

DEMANDERESSES, ayant toutes les deux élu domicile en l'étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

  • 1- La Société Civile C, dont le siège social se trouve x2 à Monaco, prise en la personne de ses gérants, en exercice ;

  • 2- jj ZZ, demeurant X3,

  • 3- m, r, L (nom d'usage O), demeurant x2 à Monaco ;

DÉFENDEURS, ayant tous les trois élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

Visa🔗

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 5 mai 2022, enregistré (n° 2022/000421) ;

Vu l'exploit de saisie-arrêt, d'assignation et d'injonction du ministère de Maître Frédéric LEFEVRE, huissier, en date du 19 décembre 2022, enregistré (n° 2023/000197) ;

Vu la déclaration originaire, de l'établissement bancaire dénommé ZA, tiers-saisi, contenue dans ledit exploit ;

Vu la déclaration complémentaire formulée par l'établissement bancaire ZA, par courrier en date du 4 janvier 2023 ;

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Frédéric LEFEVRE, huissier, en date du 7 février 2024, enregistré (n° 2024/000318) ;

Vu la jonction prononcée sur le siège à l'audience du 31 octobre 2024 des instances susvisées lesquelles se poursuivent désormais sous le seul numéro 2022/000421 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Frank MICHEL avocat-défenseur, au nom de la société civile C, jj ZZ et m, r, L (nom d'usage O), en date du 31 octobre 2024 ;

Vu les conclusions récapitulatives de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom de p H épouse J et m J, en date du 23 janvier 2025 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 février 2025 ;

À l'audience publique du 13 février 2025, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 24 avril 2025, par mise à disposition au Greffe.

Motifs🔗

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 17 septembre 2021, m I a signé avec f.G un engagement de location pour un appartement sis immeuble x1, x1 à Monaco.

Le loyer annuel est de 144.000 euros, soit 12.000 euros par mois, outre 1.000 euros de charges mensuelles.

La locataire a pris possession des lieux, un total de 93.847,50 euros a été versé par p H épouse I, sa mère, au titre des loyers et dépôt de garantie.

Le bien a été vendu à la société civile C le 15 octobre 2021.

Un appel de loyers a été effectué par la bailleresse, le 6 décembre 2021 qui n'a pas été suivi de versements. Un commandement de payer a été délivré le 23 février 2022.

Les parties ont passé un accord transactionnel en mars 2022 pour mettre fin au litige, concernant les loyers impayés et les troubles de jouissance invoqués par les locataires, cet accord n'a pas été exécuté.

Le 26 juillet 2022, un nouveau commandement de payer a été délivré pour une somme due de 117.968 euros pour la période courant du 1er octobre 2021 au 30 septembre 2022.

La société civile C a obtenu une ordonnance du Président du Tribunal de première instance de Monaco le 14 décembre 2022, ordonnant la saisie conservatoire sur le ou les comptes bancaires des débitrices, pour avoir sûreté, garantie et paiement de la somme de 180.000 euros.

La saisie-arrêt s'est révélée partiellement infructueuse.

Le juge des référés saisi par p H épouse J et m I en rétractation de cette ordonnance a, par ordonnance du 31 janvier 2024, rejeté la demande, considérant que, même si un débat existait entre les parties sur des troubles de jouissance, la société civile C justifiait à tout le moins d'un principe certain de créance justifiant la saisie-arrêt accordée au bénéfice de la société civile C.

Le bail d'un an, arrivé à échéance en octobre 2022, n'a pas été renouvelé.

Par ordonnance en date du 4 janvier 2023, le Juge des référés du Tribunal de première instance de Monaco s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d'expulsion de la société civile C à l'encontre de p H épouse J et m I, compte tenu des désaccords entre les parties sur l'existence ou non d'un bail conforme.

Par arrêt du 4 juillet 2023, la Cour d'appel a :

  • - constaté que le bail liant les parties est arrivé à échéance au jour où elle statue, p H épouse I et m I sont donc occupantes sans droit ni titre,

  • - ordonné leur expulsion et tous occupants de leur chef des lieux loués sis x1 à Monaco ;

  • - condamné in solidum p H épouse J et m I à payer à la société civile C la somme provisionnelle de 117.968 euros, au titre des loyers et charges demeurés impayés au 26 juillet 2022 ;

  • - condamné in solidum p H épouse J et m I aux dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Franck MICHEL, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Les occupantes ont quitté les lieux, un procès-verbal de constat de sortie a été dressé le 21 juin 2023.

Par acte d'huissier en date du 5 mai 2022, p H épouse J et m I ont assigné la société civile C représentée par ses gérants en exercice jj ZZ et m, r, L (nom d'usage O) devant le Tribunal de première instance de Monaco, et demandent au Tribunal de :

  • - les déclarer recevables et bien fondées en leurs demandes ;

  • - dire et juger qu'un accord transactionnel est intervenu entre les parties le 22 mars 2022 liant valablement p H épouse J et m I d'une part, et la société civile C d'autre part ;

  • - prononcer l'exécution de l'accord conclu le 22 mars 2022 avec toutes conséquences de droit ;

  • - condamner la société civile C à exécuter ses obligations telles qu'elles résultent de l'accord convenu le 22 mars 2022 ;

  • - en conséquence,

  • - condamner la société civile C à exécuter les travaux de plomberie et de serrurerie dans l'appartement sis dans l'immeuble Le x1, Bloc A, x1 à Monaco, à ses frais et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

  • - dire et juger qu'un nouveau bail a été conclu entre la société civile C d'une part et p H épouse I et m I d'autre part, concernant l'appartement sis dans l'immeuble Le x1, Bloc A, x1 à Monaco pour une durée de 3 ans à compter du 1er octobre 2021 moyennant le versement d'un loyer mensuel d'un montant de 10.000 euros jusqu'à la réalisation de l'ensemble des travaux mis à la charge de la société civile C ;

  • - condamner la société civile C à payer à p H épouse I et à m I la somme de 40.000 euros en garantie des vices et défauts de la chose louée empêchant l'usage prévu au bail, conformément aux dispositions de l'article 1561 du Code civil ;

  • - à titre subsidiaire, si le Tribunal ne devait pas reconnaître la validité de l'accord conclu entre les parties,

  • - condamner la société civile C à leur payer une somme de 100.000 euros au titre des préjudices matériels, financiers, moraux et perte de jouissance subis ;

  • - en toutes hypothèses,

  • - condamner la société civile C à leur payer une somme de 10.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

  • - ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

  • - condamner la société civile C aux entiers dépens distraits au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Par acte d'huissier en date du 19 décembre 2022, la société civile C a assigné p H épouse I et m I devant le Tribunal de première instance, en présence de la l'établissement bancaire ZA et demande au Tribunal de :

  • - déclarer régulière, bonne et valable la saisie-arrêt pratiquée le 19 décembre 2022 auprès de la banque ZA pour valoir sûreté, garantie et paiement de la somme de 180.000 euros ;

  • - condamner p H épouse I et m I au paiement de ladite somme ;

  • - dire que le tiers-saisi se libérera entre les mains de la société civile C des sommes saisies à concurrence de la créance en principal, frais et accessoires ;

  • - condamner p H épouse I et m I aux dépens distraits au profit de Maître Franck MICHEL, avocat-défenseur sous sa due affirmation de droit.

La jonction de l'instance enrôlée sous le n° 2023/000197 avec l'instance 2022/000421 a été prononcée le 31 octobre 2024, sous le n° unique 2022/000421.

Par acte d'huissier du 7 février 2024, la société civile C a assigné devant le Tribunal de première instance de Monaco, m I et demande au Tribunal de :

  • - ordonner la jonction du présent litige avec les procédures enrôlées sous les n° 2022/000141 et 2023/000197 ;

  • - condamner m I à lui payer une somme de 236.148,46 euros arrêtée au 19 juin 2023, avec majoration de 20 % des sommes dues au titre de la clause pénale et des intérêts moratoires de 1.5 % par mois calendaire, tout mois commencé étant dû ;

  • - condamner m I au paiement d'une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

  • - condamner m I au paiement d'une somme de 30.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

  • - valider la saisie-conservatoire pratiquée le 22 janvier 2024 suivant ordonnance présidentielle du 28 novembre 2023 portant sur le véhicule MINI immatriculé xxx ;

  • - convertir la saisie-conservatoire en saisie-exécution ;

  • - ordonner la vente aux enchères publiques du véhicule susmentionné ;

  • - dire que la requérante recouvrera sur le produit de la vente le montant de sa créance en principal, frais, intérêts, dommages et intérêts, accessoires et dépens ;

  • - ordonner l'exécution provisoire de la décision à venir ;

  • - condamner m I aux entiers frais et dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Franck MICHEL, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

La jonction de l'instance enrôlée sous le n° 2024/000318 avec l'instance enrôlée sous le n° 2022/000421 a été prononcée le 31 octobre 2024, sous le n° unique 2022/000421.

Par conclusions du 23 janvier 2025, p H épouse I et m I demandent au Tribunal de :

  • - condamner la société civile C à leur verser une somme de 40.000 euros de dommages et intérêts au titre du caractère incontestable de la perte de jouissance des lieux du fait des désordres affectant l'appartement ;

  • - condamner la société civile C à leur verser une somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

  • - débouter la société civile C de toutes ses demandes ;

  • - condamner la société civile C à restituer à p H épouse I la somme de 36.000 euros au titre du dépôt de garantie ;

  • - condamner la société civile C à leur rembourser la somme de 5.617,54 euros au titre des travaux réalisés dans l'appartement et la somme de 4.051 euros au titre des factures d'hôtel ;

  • - ordonner la main levée de la saisie-arrêt pratiquée sur les comptes de p H épouse I et m I le 19 décembre 2022 ;

  • - ordonner la main levée de la saisie conservatoire opérée sur le véhicule de m I le 22 janvier 2024 ;

  • - condamner la société civile C à leur verser une somme de 10.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens distraits au profit de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Les demanderesses contestent dans le corps de leurs écritures la validité du bail prétendument signé par m I.

En outre, elles considèrent que la société civile C a failli à son obligation de délivrance et de garantie des vices.

Les désagréments subis les ont privées d'une jouissance paisible des lieux dont elles demandent indemnisation alors que le bien était loué 12.000 euros par mois.

Le fait d'avoir dû quitter les lieux par anticipation leur a généré de nombreux frais qu'elles chiffrent à la somme de 150.000 euros.

Par conclusions récapitulatives du 31 octobre 2024, la société civile C demande au Tribunal de :

  • - ordonner s'il y a lieu la mise hors de cause de Monsieur ZZ et de r.L, avec toutes conséquences de droit ;

  • - à titre principal,

  • - dire et juger que le contrat de bail litigieux a été résolu de plein droit le 4 mars 2022, ou le 4 août 2022, faute de règlement dans les délais impartis visés aux commandements de payer des 23 février et 26 juillet 2022 ;

  • - dire et juger que p H épouse I et m I sont occupantes sans droit ni titre ;

  • - à titre subsidiaire,

  • - dire et juger que le contrat de bail non renouvelé est arrivé à échéance les 30 septembre ou 14 octobre 2022 et que les occupants sont sans droit ni titre depuis ces dates ;

  • - à titre infiniment subsidiaire,

  • - prononcer la résiliation judiciaire du contrat de bail aux torts exclusifs du preneur ;

  • - en toute hypothèse,

  • - condamner solidairement p H épouse I et m I au paiement d'une somme de 236.148,46 euros arrêtée au 19 juin 2023 ;

  • - dire qu'en application du contrat de bail, cette somme sera majorée de plein droit de 20 % au titre de la clause pénale et des intérêts moratoires au taux de 1.5 % par mois calendaire ;

  • - condamner solidairement p H épouse I et m I au paiement de ces sommes majorées ;

  • - déclarer bonne, régulière et valable la saisie-arrêt pratiquée à l'encontre de p H épouse I et m I à hauteur de 236.148,46 euros en principal, frais, clause pénale, intérêts moratoires, dommages et intérêts et accessoires ;

  • - dire que la ZA pourra se libérer valablement entre les mains de l'huissier des sommes qu'elle détient pour le compte de la société civile C jusqu'à concurrence de ladite somme ;

  • - valider avec toutes conséquences de droit la saisie-conservatoire pratiquée le 22 janvier 2024 portant sur le véhicule de m I, de marque MINI immatriculé xxx, de couleur noire ;

  • - convertir la saisie conservatoire en saisie exécution ;

  • - ordonner la vente aux enchères publiques du véhicule susmentionné après accomplissement des formalités légales ;

  • - dire que la société civile C recouvrera sur le produit de la vente le montant de sa créance en principal, frais, intérêts, dommages et intérêts, accessoires et dépens ;

  • - condamner solidairement p H épouse I et m I à lui payer une somme de 50.000 euros de dommages et intérêts ;

  • - condamner solidairement p H épouse I et m I 50.000 euros au titre des frais de procédure ;

  • - ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

  • - condamner solidairement p H épouse I et m I aux dépens distraits au profit de Maître Franck MICHEL, avocat-défenseur aux offres de droit.

Les débats ont été clos par ordonnance du 7 février 2025.

À l'audience du 13 février 2025, les conseils des parties ont déposé leur dossier et l'affaire a été mise en délibéré au 24 avril 2025.

SUR CE,

  • - Sur la mise hors de cause des gérants de la société civile C

La société civile C indique que dans l'assignation, il est indiqué que la société civile C est « prise en la personne de ses gérants en exercice, Monsieur jj ZZ (…) et Madame m r.L (nom d'usage O) », or les gérants n'ont pas la qualité de parties, il convient de les mettre hors de cause.

Il convient de rappeler qu'une personne morale, assignée en justice, est représentée par ses représentants légaux, en l'espèce les deux gérants qui ne sont aucunement assignés, à titre personnel mais bien à titre de représentant légal, en application de l'article 141 du Code de procédure civile qui prévoit la représentation en justice d'une société par son Président ou tout membre indiqué dans les statuts et de l'article 153 du même code qui précise que la copie de l'exploit d'assignation est laissée pour les sociétés civiles, à la personne ou domicile de l'associé Directeur, Administrateur ou Gérant.

En conséquence, l'assignation est régulière et il n'y a pas lieu de mettre hors de cause jj ZZ et m, r, L (nom d'usage O), étant précisé qu'aucune demande n'a été formulée à leur encontre.

  • - Sur l'absence de validité du bail d'octobre 2021 soulevée par p H épouse I et m I

Le Tribunal relève que p H épouse I et m I sont très confuses dans leurs écritures sur ce qu'elles invoquent et demandent au titre de l'absence de validité du bail. Aucune demande explicite n'est retranscrite dans le dispositif sur cette question.

m I a signé un engagement de location du 17 septembre 2021. Cet engagement de louer l'appartement est souscrit « sous réserve de l'acceptation du bailleur », ce qui a été le cas en l'espèce, validant ainsi l'engagement signé par m I.

Le document indique également que dans l'hypothèse où celle-ci renoncerait à exécuter le contrat de location, la somme versée sera perdue à titre de dommages et intérêts pour le bailleur. Aucune renonciation de m I n'a été exprimée.

Elle est donc liée par ce premier engagement.

La société civile C produit un contrat de bail au nom de « m I » sur lequel il est indiqué que le contrat a été « reçu par WhatsApp le 1er octobre 2021 ».

Dans leurs écritures, les demanderesses indiquent que m I qui séjournait à Madrid à cette date, n'a pu avoir signé ce contrat de bail. Au de la mention précitée, elle a signé à distance.

Elle ne fournit par ailleurs aucun élément attestant de ce qu'elle n'a pas signé le document.

Pourtant, conformément à ce qui est prévu dans ce contrat, p H épouse I a versé une somme de 93.487,50 euros correspondant à la caution de trois mois de loyers et à une avance de loyers de trois mois, le 29 septembre 2021.

Au vu de ces éléments, le Tribunal considère que m I s'est engagée par la signature de ce contrat. Les demanderesses ont d'ailleurs, quelques jours après ce premier bail, sollicité du bailleur un nouveau bail afin que p H épouse I figure également en qualité de locataire, ce qui induit implicitement qu'elles reconnaissent l'existence d'un bail antérieur au seul nom de m I.

Ce 2ème bail n'a pas été signé en raison des désordres apparus dans l'appartement.

À l'huissier qu'elles ont mandaté le 29 octobre 2021, elles ont déclaré « que la SCI K leur a donné à bail à loyer pour une durée déterminée d'un an, qui a pris effet à compter du 15 octobre 2021, un appartement… ». Dans leurs déclarations, elles se présentent comme « locataires » depuis le 15 octobre 2021.

C'est donc le bail signé par m I, seule, qui trouve à s'appliquer.

La demande de voir prononcer la nullité du bail de fin septembre 2021 figurant dans la motivation des demanderesses sera rejetée.

p H épouse I ne figurant pas sur ce bail, n'en est pas moins colocataire au titre d'un bail verbal en application de l'article 1554 Code civil qui édicte que « on peut louer ou par écrit ou verbalement ».

p H épouse I ne conteste d'ailleurs pas être locataire des lieux, bien que n'ayant pas signé le 2ème projet de bail et s'est comportée comme tel. p H épouse I a noué une relation de locataire/bailleur, elle a occupé régulièrement seule le bien, sa fille séjournant à Madrid, elle a été l'interlocutrice unique de l'agence immobilière et de la société civile C pour tous les problèmes rencontrés dans l'appartement.

Les modalités applicables à ce bail verbal sont celles figurant au contrat signé par m I qui ont été exécutées par p H épouse I, s'agissant notamment des sommes à verser lors de l'entrée dans les lieux.

  • - Sur les demandes de la société civile C se rapportant au contrat de bail et à l'occupation sans droit ni titre des parties

La Cour d'appel dans son arrêt du 4 juillet 2023, saisie de la demande de constatation de la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire, a clairement indiqué que cette question était sans intérêt dès lors que le bail est arrivé à échéance en octobre 2022 et n'a pas été renouvelé, les locataires ayant de surcroît quitté les lieux depuis cette date.

La société civile C a maintenu dans ses dernières écritures des demandes qui sont devenues sans objet dès lors qu'il est établi que p H épouse I et m I ont quitté les lieux qu'elles occupaient.

Il convient de constater que p H épouse I et m I ne sont plus dans les lieux et que le bail est résilié.

Le Tribunal dit en conséquence que toutes les demandes se rapportant au contrat de bail de l'une ou l'autre des parties sont devenues sans objet.

  • - Sur la demande en paiement de la société civile C des loyers et charges restant dus par p H épouse I et m I

p H épouse I et m I n'ont pas formulé d'observations dans leurs écritures s'agissant du décompte produit par la société civile C.

Il est produit à la procédure le procès-verbal d'état des lieux de sortie établi par huissier de justice le 21 juin 2023, en présence de p H épouse I et v.P de l'agence B représentant la société civile C.

Le procès-verbal mentionne que Madame I remet ce jour-là à v.P les clés de l'appartement. p H épouse I et m I ont donc quitté l'appartement le jour de l'état des lieux de sortie.

La société civile C sollicite le paiement au titre des loyers et charges restant dus au 19 juin 2023 de la somme de 236.148,46 euros.

Le décompte fourni en pièce 42 sur la période courant d'octobre 2021 au 19 juin 2023 affiche un solde débiteur de la somme demandée.

Ce décompte établit que hormis les trois mois de loyers versés d'avance à l'entrée dans les lieux, aucun versement n'a été effectué par les locataires postérieurement.

Le décompte arrêté au 19 juin 2023 est donc conforme aux éléments du dossier.

Il est donc établi que p H épouse I et m I doivent au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation une somme totale de 236.148,46 euros.

  • - Sur la demande financière de la société civile C au titre de la clause pénale forfaitaire

Les demanderesses n'ont formulé aucune observation particulière sur cette demande.

Il est produit par la société civile C le contrat de bail signé par m I le 1er octobre 2021, qui comprend au paragraphe CLAUSE PÉNALE « À défaut de paiement des loyers et accessoires en totalité ou en partie, à bonne date, toute somme, demeurant due sera, de plein droit, majorée d'une clause pénale forfaitaire et irréductible, équivalent à 20 % des sommes dues TTC lorsque la TVA est applicable ».

Dans ses écritures, la société civile C sollicite la condamnation au paiement des loyers dus de 236.148,46 euros « majorée de la clause pénale forfaitaire et irréductible, équivalent à 20 % des sommes dues TTC lorsque la TVA est applicable ». En l'occurrence, il n'y a pas de TVA.

Les demandes à ce titre ne sont pas chiffrées mais il est de jurisprudence constante qu'une demande non chiffrée n'est pas, de ce seul fait, irrecevable. Il suffit que la partie en demande ait présenté suffisamment d'éléments pour la chiffrer.

S'agissant d'une somme de 20 % des sommes dues, le calcul est d'évidence et il sera fait droit à cette demande à hauteur de 47.229,69 euros.

En revanche, s'agissant des intérêts moratoires contractuel à hauteur de 1,5 % par mois calendaire, tout mois commencé étant dû, le Tribunal relève que la société civile C n'a pas jugé utile de chiffrer le montant de ces intérêts moratoires alors que le calcul est complexe car la base de calcul sur laquelle s'applique le taux de 1,5 % n'est pas précisée, or elle varie mois par mois en fonction des sommes dues, ce qui peut au final être sujet à contestation et prive le Tribunal de la possibilité de le faire.

La société civile C est déboutée de sa demande non chiffrée au titre des intérêts moratoires.

La somme totale due à la société civile C est donc de 236.148,46 euros + 47.229,69 euros soit 283.378,15 euros.

  • - Sur le trouble de jouissance invoqué par p H épouse I et m I et les demandes financières en découlant

p H épouse I et m I indiquent avoir cessé de payer les loyers du fait des nombreux problèmes rencontrés dans l'appartement loué.

Elles sollicitent une indemnité de 40.000 euros au titre d'une perte de jouissance.

La société civile C indique en réponse à cette demande que les locataires ne sont pas fondées en leur demande dès lors qu'elles ont pris les lieux en connaissance de cause puisqu'une visite a eu lieu et qu'un état des lieux a été établi.

S'agissant de la visite préalable à l'entrée dans les lieux, p H épouse I a effectivement visité l'appartement avant la signature du bail mais elles soutiennent dans leurs écritures que la visite s'est faite sans électricité, il était donc impossible de constater des désordres.

Ce point est confirmé par un échange de messages WhatsApp du 18 octobre 2021, dans lequel p H épouse I écrit à l'agence immobilière « je n'avais pas vérifié ni l'air conditionné ni les stores de terrasse parce que la lumière était coupée ni les robinets parce que l'eau était coupée ».

L'agence immobilière, dans ses messages ultérieurs, ne conteste absolument pas les conditions dans lesquelles s'est faite la visite telles que décrites par son interlocutrice.

La société civile C justifie de l'envoi par WhatsApp à « I » d'une vidéo présentant l'appartement, le 8 septembre 2021 à 11h45.

À 14h21, le même jour, la destinataire répond « s'il est à 12, on le prend tout de suite », 12 signifiant la somme de 12.000 euros de loyer.

La société civile C s'appuie sur cet envoi pour indiquer que les locataires ont pu prendre connaissance des lieux mais une vidéo ne permet pas de vérifier le fonctionnement d'une climatisation ou d'une douche.

Il est produit un courriel du 15 novembre 2021 de la ZB, fournisseur d'électricité, qui indique que le contrat « m I » a pris effet le 15 octobre 2021, soit postérieurement à la visite du 11 octobre.

La défenderesse indique dans ses écritures que « le précédent contrat avait été résilié puis a été repris par m I », ce ne peut être que le 15 octobre 2021 comme indiqué par la ZB, ce qui confirme que le 11 octobre 2021, le contrat d'électricité n'était pas réactivé, il ne pouvait donc pas y avoir d'électricité dans l'appartement.

Si la société civile C conteste ce point, le Tribunal relève qu'elle n'était pas le bailleur à ce moment-là puisqu'elle a acquis le bien loué le 15 octobre 2021, les locataires étaient déjà occupantes.

Le Tribunal considère donc que les locataires n'ont pas été en mesure, lors de la visite des lieux de vérifier le bon fonctionnement de la climatisation et des salles de bain.

S'agissant de l'état des lieux d'entrée établi le 11 octobre 2021, la société civile C était représentée par v.P de l'agence ZR et m I était représentée par c.D.

m I conteste avoir donné mandat à c.D pour la représenter à cet état des lieux. La société civile C produit en pièce jointe à l'état des lieux d'entrée, une procuration de m I à c.D signée le 11 octobre 2021 par l'intéressée.

m I dit n'avoir jamais signé ce document, sa signature serait un copié/collé de celle figurant sur le contrat de bail. Effectivement, les deux signatures figurant sur les deux documents précités sont strictement identiques, ce qui est assez rare mais le Tribunal ne peut considérer que, parce que les deux signatures sont identiques, celle figurant sur le mandat n'est pas authentique, alors que lorsque deux signatures ne sont pas identiques, on conclut souvent à un faux.

Il appartient à m I de démontrer par d'autres éléments extérieurs qu'elle n'aurait pas signé personnellement le mandat donné à c.D dès lors qu'aucune raison ne peut expliquer que le bailleur, lors de l'entrée dans les lieux fasse un faux, pour établir un état des lieux d'entrée « contradictoire ». Le bailleur pouvait exiger de la locataire qu'elle soit présente ou se fasse représenter, d'autant que p H épouse I indique dans ses écritures que leur ancien bail ayant été résilié, elles devaient trouver rapidement un nouveau logement.

Le Tribunal prendra donc en compte l'état des lieux d'entrée.

En tout état de cause, l'article 1571 du Code civil pose le principe que « s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire ».

L'état des lieux d'entrée mentionne que :

  • - dans la cuisine, les meubles et électroménagers sont neufs, le néon du linteau s'allume,

  • - dans l'entrée, les stores à enrouleur fonctionnent, un battant de porte placard ne ferme pas,

  • - dans les toilettes, l'éclairage et la VMC fonctionnent ainsi que la chasse d'eau,

  • - dans le couloir, trois spots et un détecteur de fumée au plafond fonctionnent,

  • - dans le séjour, les volets roulants électriques fonctionnent,

  • - dans la loggia, les quatre spots dans le faux plafond fonctionnent, les deux stores de toile mécaniques grincent,

  • - dans la salle de bains, aucun dysfonctionnement n'est mentionné, s'agissant de l'éclairage, de la vasque, de la baignoire et des meubles, y compris dans les toilettes de cette salle de bains,

  • - dans la chambre 1 et 2, aucun dysfonctionnement n'est mentionné.

p H épouse I et m I indiquent avoir dès octobre 2021 constaté de nombreux désordres, précisant que selon elles, l'appartement n'était pas vivable, pas de wifi, pas de porte qui ferme, pas de lave-linge, pas de placard pour l'aspirateur ou les produits d'entretien, les fils n'étaient pas encastrés et jonchaient le sol.

Elles produisent un constat d'huissier du 29 octobre 2021, soit près de 19 jours après leur entrée dans les lieux.

L'huissier mentionne :

  • - Dans le hall d'entrée, dans le double placard, les deux portes sont cassées, la locataire lui indiquant ne pas détenir de clé pour ce placard, le store déroulant est cassé (photo à l'appui),

  • - Dans le salon, le thermostat est sur « ON », nombre « 11/12 », Madame I indique que la climatisation ne fonctionne pas malgré cela ; la double baie vitrée est difficile à manipuler, le volet roulant n'est pas doté d'un système électrique,

  • - Les stores bannes extérieurs sont électriques mais la locataire signale n'avoir aucune télécommande,

  • - Les chambre 1 et 2 ont le même problème de climatisation que le séjour,

  • - Dans la salle de douche de la chambre 1, l'eau du robinet s'écoule mal et la colonne de douche ne produit pas d'eau,

  • Dans leurs écritures, les demanderesses indiquent que l'eau a été coupée par la société civile dénommée pour éviter un dégât des eaux,

  • - Dans la salle de douche de la chambre 2, une douchette a été installée à la demande de la locataire mais depuis, le robinet dysfonctionne, le mitigeur est difficile à manipuler, le clapet de bonde du lavabo ne fonctionne pas correctement,

  • - Dans la cuisine, il y a un lave-linge que la locataire souhaiterait voir déplacé,

Cette mention contredit le fait qu'il n'y aurait pas de lave-linge dans l'appartement comme mentionné dans les écritures des demanderesses.

Par ailleurs, la pièce 12 communiquée par p H épouse I et m I est un compte rendu d'une réunion qui s'est tenue dans l'appartement le 22 mars 2022 en présence de Madame I (pas de prénom mentionné), Monsieur A, propriétaire, jj ZZ et v.P de l'agence ZR.

Y sont énoncés les désordres constatés ce jour-là dans l'appartement :

  • - Salle de bains,

    • • Le flexible de douche est trop court,

    • • Le robinet de la baignoire ne fonctionne pas,

    • • La baguette sous le plafond à gauche est décollée,

    • • La bonde du lavabo est défectueuse,

  • - Chambre n° 1,

    • • La clef de la porte d'entrée ne fonctionne pas,

  • - Placard dans le couloir,

    • • La clef de la porte ne fonctionne pas,

  • - Placard dans l'entrée,

    • • Les portes ne sont pas ajustées,

  • - Salle de douche,

    • • L'eau a été coupée pour éviter un dégât des eaux,

    • • La porte de la douche n'est pas étanche,

  • - Salon,

    • • Impossibilité d'installer un téléphone fixe en l'état de la vétusté de l'installation de l'immeuble,

    • • Le parquet a bougé récemment,

  • - Terrasse,

    • • Les stores électriques ne fonctionnent pas, il faut utiliser une manivelle, absence de télécommande.

Solutions à apporter :

  • - Réparation des serrures : Madame I va communiquer le nom du family office de confiance pour permettre à l'entreprise d'accéder à l'appartement, un rendez-vous sera fixé,

  • - Remplacement des moteurs de stores, selon devis de 2.393,60 euros,

  • - Travaux de plomberie dans les salles de bains : un plombier de la copropriété interviendra pour réaliser l'ensemble des travaux,

Propositions transactionnelles :

  • - Le bailleur prend en charge les travaux de serrurerie et de plomberie,

  • - Madame I prend en charge le remplacement des moteurs des stores,

  • - Madame I propose de réaliser à sa charge les travaux d'embellissement avec l'accord du bailleur, en contrepartie il accepte de consentir un bail de 3 ans et une réduction de loyers rétroactive jusqu'à réalisation de l'ensemble des travaux à sa charge.

p H épouse I et m I justifient avoir fait changer les moteurs des stores électriques pour la somme de 2.393,60 euros.

Le Tribunal relève qu'aucune mention n'est faite sur la climatisation qui ne fonctionnait pas en octobre 2021, ce qui induit que ce problème a été résolu entre temps. Le trouble de jouissance découlant de ce problème a été subi entre octobre 2021 et mars 2022.

Ce document du 22 mars confirme les constats faits par l'huissier et les légitimes revendications des locataires quant à un trouble de jouissance généré par certains désordres.

Les locataires ont donc démontré qu'elles n'ont pas loué un appartement en bon état des réparations locatives comme l'impose au bailleur le texte précité.

Le fait que la douche de la chambre 1 n'ait pas été réparée en mars 2022 caractérise un trouble de jouissance dès lors que chacune des deux chambres a une salle de bain, ce qui est pris en compte dans la fixation du loyer. Les demanderesses expliquent qu'il y a eu précédemment un très important dégât des eaux dans l'immeuble qui explique que l'eau est coupée dans la salle de bains 1.

Dans la seconde salle de bain, les locataires ont demandé la pose d'une douchette. La société civile C produit la facture du 15 octobre 2021 établissant qu'un plombier est venu installer une douchette dans la baignoire pour permettre aux locataires de se doucher mais la note de 2022 précitée indique que le tuyau est trop court.

Elles ne pouvaient d'ailleurs pas prendre de bain dans la baignoire car le robinet ne fonctionne pas.

Dans leurs écritures, les demanderesses indiquent qu'un employé des ZC est intervenu pour permettre l'installation du téléphone, de la Wifi et de la télévision. Des prises électriques obsolètes ont également été changées.

Cet accord n'a au final pas été mis en oeuvre de part et d'autre, un courrier du 14 avril 2022 du conseil de la société civile C adressé au conseil de p H épouse I et m I indique « qu'au regard des nouvelles exigences de votre cliente, de son indisponibilité à faire visiter les lieux aux acquéreurs potentiels, et surtout de l'absence de règlement du loyer et charges depuis plusieurs mois, la propriétaire ne souhaite pas aller plus avant et aucun accord n'est possible en l'état ».

Sur cette question de l'accès à l'appartement, la société civile C produit deux attestations de « refus d'accès au logement par l'occupante des lieux », le 15 octobre 2021 de l'entreprise ZD, plombier et le 2 décembre 2021 d'une entreprise de peinture. Le Tribunal relève toutefois qu'il est évoqué par ailleurs la pose d'une douchette le 15 octobre 2021 par un plombier, ce qui atteste que l'accès à l'appartement ce jour-là a été possible.

p H épouse I indique que le rendez-vous du 23 décembre 2021 a été porté à sa connaissance la veille à 20h30 alors qu'elle n'était pas à Monaco.

Pour les autres rendez-vous, ils ont volontairement été ignorés par les locataires du fait, selon elles, que la société civile C contestait les désordres et n'envoyait des entreprises que « pour vérification » et non « pour intervention ».

Les éléments à prendre en compte dans l'évaluation du trouble de jouissance, sont les suivants :

  • - les locataires ont occupé légalement les lieux entre le 11 (ou 15) octobre 2021 et le 22 octobre 2022, soit un an, durant lequel elles n'ont pas eu accès à une deuxième douche, étant rappelé que la douche dans la salle de bains 2 ne pouvait se prendre qu'assis. Le problème de la douche de la salle de bain 1 s'est avéré insoluble puisqu'il nécessite des travaux de grande ampleur, à savoir casser toute la salle de bain, ce que la société civile C, nouvel acquéreur, n'était visiblement pas enclin à entreprendre.

  • - elles n'ont pu actionner les stores extérieurs que lorsque p H épouse I a pris en charge le coût du changement des moteurs,

  • - la climatisation n'a pas fonctionné durant cinq mois au plus sans que la date de remise en marche ne soit connue.

Elles ont également subi quelques problèmes de serrure d'armoires et de portes. Si ces derniers désagréments ne sont pas acceptables dans un appartement loué 12.000 euros par mois, ils demeurent toutefois mineurs et ne privaient pas les locataires de la jouissance du logement.

p H épouse I et m I se sont abstenues de payer les loyers à compter de janvier 2022 et la société civile C l'invoque pour justifier le fait qu'elles n'aient pas rempli les obligations mises à sa charge dans la note de mars 2022.

Cela peut être vrai pour certains désordres auxquels elle pouvait remédier mais il est établi qu'elle ne pouvait solutionner la coupure d'eau dans la salle de bain 1 au risque de provoquer de nouvelles inondations dans l'immeuble. L'exception d'inexécution soulevée par la bailleresse n'est donc que partiellement fondée.

Le préjudice réel lié au trouble de jouissance retenu par le Tribunal peut être estimé à une somme globale de 20.000 euros.

p H épouse I et m I sollicitent le paiement d'une somme de 5.617,54 euros au titre des travaux dans l'appartement qu'elles décomposent en trois postes.

  • - Le remboursement par la société civile C de la facture des changements de moteurs des stores extérieurs de 2.393,60 euros.

La société civile C ne conteste pas la réalité de cette prise en charge par les locataires. Le Tribunal fait droit à cette demande dès lors qu'il ressort de l'accord de mars 2022 que cette dépense est à la charge des locataires. La contrepartie prévue n'ayant pas été réalisée par la SCI, la somme payée devra être remboursée.

  • - Le remboursement par la société civile C des tringles laissées par les locataires dans l'appartement pour une somme de 950 euros.

Le Tribunal rejette cette demande car aucun accord avec la SCI n'a été passé sur ce point, les locataires pouvaient démonter les tringles.

  • - Le remboursement par la société civile C de la somme de 2.273,94 euros correspondant à quatre factures de son family office :

    • • la 1ère facture d'avril 2022 de 780 euros comprend ZC, pose d'une prise de téléphone, examen des stores et essai de réparations, rendez-vous avec le serrurier et conception dossier,

    • • la 2ème facture de mai 2022 de 653,94 euros correspond à l'installation d'un store et DHL,

    • • la 3ème facture de mai 2022 de 480 euros est libellée « assistance femme de ménage »,

    • • la 4ème facture de juillet 2022 de 360 euros est libellée « assistance serrurier ».

Non seulement les libellés ne sont pas très clairs car ce ne sont pas des factures d'entreprise intervenant dans l'appartement mais des factures du family office de p H épouse I et m I.

L'accord de mars 2022 ne mettait à la charge de la locataire que les changements de moteurs de stores déjà évoqués, les questions de serrurerie étaient à régler par le bailleur.

Les facture d'avril 2022 et de juillet 2022 évoquent des rendez-vous avec le serrurier, ce qui correspond aux honoraires du family office qui se substitue aux locataires. Ce n'est pas au bailleur à supporter le coût du family office parce que les locataires ne peuvent pas être présents aux rendez-vous.

L'installation d'un store n'est pas prévue dans l'accord, la mise à la charge du bailleur n'est pas fondée, tout comme l'assistance à la femme de ménage, liée à l'absence des locataires.

Le Tribunal déboute p H épouse I et m I de leur demande en paiement de la somme de 2.273,94 euros.

Sur la somme totale de 5 .617,54 euros demandée, le Tribunal ne retient à la charge de la société civile C que la somme de 2.393,60 euros à rembourser aux locataires au titre des changements de moteurs de stores.

p H épouse I et m I demande l'indemnisation par la société civile C des factures d'hôtel de 4.051 euros découlant du fait que p H épouse I n'a pu occuper l'appartement loué et a dû se loger à l'hôtel.

Il est produit deux factures de l'hôtel Hermitage au nom de « p I », la 1ère concerne deux nuits et petits déjeuners du 10 au 12 juin 2023, soit quelques jours avant le départ de l'appartement et la seconde se rapporte à un séjour dans l'hôtel du 19 au 22 juin 2023.

p H épouse I explique n'avoir plus séjourné dans l'appartement lorsqu'elle s'est aperçue en juin que quelqu'un s'y était introduit. Elle avait alors constaté que des bouteilles du bar avaient été cassées, outre un grand miroir déposé. Il est établi qu'un jeu de clés était conservé par le concierge. Au vu de la gravité des faits, les demanderesses étaient légitimes à déposer plainte, ce dont elles ne justifient pas. Dès lors, la prise en charge des frais d'hôtel n'incombe pas au bailleur dès lors que sa responsabilité n'est pas établie.

Le Tribunal relève qu'à ces dates, le contrat de location était résilié, p H épouse I étant occupante sans droit ni titre, elle n'est pas fondée à solliciter une indemnisation de ses frais d'hôtel.

p H épouse I et m I sont déboutées de leur demande en paiement de la somme de 4.051 euros.

  • - Sur la demande de dommages et intérêts présentée par p H épouse I et m I pour l'ensemble des autres préjudices subis à hauteur de 150.000 euros

p H épouse I et m I expliquent qu'elles avaient quitté leur précédent appartement parce qu'il devait être vendu et justifient par leurs pièces que finalement, il a été rénové par son propriétaire qui leur a proposé en mars 2022 de réintégrer les lieux pour un loyer de 14.000 euros par mois. Elles ont refusé parce qu'elles avaient un engagement de la société civile C qu'elle allait remédier aux désordres et que lorsqu'elles se sont aperçues que la SCI ne voulait pas respecter l'accord, elles n'ont pu changer d'avis car leur ancien appartement avait été reloué entre temps.

Le Tribunal relève d'emblée que l'accord a été passé en mars 2022 et que les loyers ont cessé d'être payé dès janvier 2022, ce qui n'était pas de nature à favoriser l'exécution de son engagement par le bailleur. En n'honorant pas au moins une partie des loyers, les locataires ont contribué à l'enlisement de la situation et donc au préjudice qu'elles invoquent puisque si l'accord n'a pas été respecté par la SCI, c'est bien du fait de l'absence de versements des locataires.

Sur ce point, aucun dédommagement ne sera accordé aux demanderesses.

p H épouse I et m I indiquent qu'elles ont dû déménager du fait de la situation de blocage avec la SCI qui n'a pas permis le renouvellement du bail, ce qui leur a généré des frais supplémentaires qui justifient l'octroi d'une indemnité de relocation.

Or il est établi que le bail pouvait légitimement être résilié du fait de l'impayé des loyers sur de nombreux mois et qu'il n'a pas été renouvelé à son échéance. Qu'ils s'agissent d'une résiliation ou d'un non renouvellement, ce sont les locataires qui sont à l'origine de la décision de la SCI, elles ne peuvent solliciter l'indemnisation d'un préjudice qu'elles ont elles-mêmes contribué à générer.

Le Tribunal ne retient aucun élément dans les développements des demanderesses susceptible de justifier l'indemnisation d'un préjudice, y compris moral et déboute p H épouse I et m I de leur demande à ce titre.

  • - Sur la demande de dommages et intérêts de la société civile C au titre d'une procédure « manifestement abusive » de la part de p H épouse I et m I

La société civile C indique que p H épouse I et m I sont de mauvaise foi en ayant agi en justice à son encontre au regard des circonstances des loyers incontestablement dus.

Le Tribunal a retenu un préjudice de jouissance des locataires justifiant que le bailleur indemnise les locataires.

Ce point suffit à établir que la procédure n'est pas abusive dès lors que p H épouse I et m I ont obtenu une réponse favorable partielle à leur demande.

Le Tribunal déboute la société civile C de sa demande de dommages intérêts au titre d'une procédure abusive.

  • - Sur les sommes dues de part et d'autre

Le Tribunal a retenu une créance locative à la charge de p H épouse I et m I avec la clause pénale d'un montant de 283.378,15 euros.

Il a par ailleurs fixé l'indemnisation de p H épouse I et m I par la société civile C au titre d'un trouble de jouissance d'un montant de 20.000 euros outre 2.393,60 euros de changement de moteurs de stores.

Un dépôt de garantie d'un montant de 36.000 euros a été versé par les locataires qui n'a pas été restitué et n'a pas été déduit des sommes restantes dues figurant au décompte fourni en pièce 42 par la société civile C.

Les locataires ont quitté les lieux depuis de nombreux mois, la société civile C ne présente aucune demande financière au titre de réparations locatives à mettre à la charge de p H épouse I et m I, la demande de restitution du dépôt de garantie de 36.000 euros de p H épouse I et m I est donc fondée.

Il y a lieu d'ordonner la compensation entre les créances respectives de la société civile C à hauteur de 283.378,15 euros et de p H épouse I et m I à hauteur de 58.393,60 euros, soit une créance résiduelle de la société civile C de 224.984,55 euros et le Tribunal condamne solidairement p H épouse I et m I à payer à la société civile C cette somme, avec intérêts légaux à compter de l'assignation.

Il déboute les parties du surplus de leurs demandes au fond.

  • - Sur la validation de la saisie-arrêt demandée par la société civile C

Par ordonnance du 14 décembre 2022, le Président du Tribunal de première instance de Monaco a autorisé la société civile C à faire pratiquer une saisie-arrêt entre les mains de la banque ZA sur toutes sommes, avoirs, deniers ou valeurs détenus par eux pour le compte de p H épouse I et/ou m I et ce, pour avoir sûreté et garantie du paiement de sa créance de 180.000 euros et ce jusqu'à parfait paiement.

La saisie-arrêt a été réalisée le 19 décembre 2022.

La banque ZA a déclaré détenir :

  • - au nom de m I, un compte dont le solde est débiteur,

  • - au nom de p H épouse I, un compte euros de 25.179,69 euros, un compte dollars de 37.178,33 $ et un encours carte bancaire de – 2.186,34 euros.

Le Tribunal déclare les saisies-arrêts pratiquées, bonnes, valables et régulières.

Au vu de la condamnation de p H épouse I et m I prononcée dans ce jugement, il convient de valider la saisie-arrêt pratiquée le 19 décembre 2022 entre les mains de la banque ZA pris en ses bureaux de Monaco sur les comptes ouverts au nom de p H épouse I et/ou m I à hauteur du montant des condamnations en principal, outre intérêts, frais et accessoires, présentement prononcées.

  • - Sur la saisie-conservatoire pratiquée le 22 janvier 2024 par la société civile C

Par ordonnance du 28 novembre 2023, le Président du Tribunal de première instance de Monaco a autorisé la société civile C à faire saisir conservatoirement par huissier le véhicule automobile appartenant à m I, à savoir un véhicule de marque MINI, immatriculé xxx, et ce, pour avoir sûreté, garantie et paiement de la somme de 250.000 euros.

La saisie-conservatoire a été pratiquée le 22 janvier 2024 suivant procès-verbal de Maître Thomas LEFEVRE, clerc d'huissier.

Le Tribunal ayant retenu une créance solidaire de la société civile C à l'encontre de p H épouse I et/ou m I, il convient de déclarer régulière et valable la saisie-conservatoire et de valider à concurrence des sommes dues en principal, intérêts, frais et accessoires, en exécution du présent jugement, la saisie conservatoire du véhicule MINI immatriculé xxx pratiquée le 22 janvier 2024, avec toutes conséquences de droit.

Cette saisie conservatoire est convertie en saisie-exécution.

Le Tribunal ordonne la vente aux enchères publiques du véhicule MINI appartenant à m I, après accomplissement des formalités légales par huissier choisi par la société civile C qui recouvrera sur le produit de la vente, le montant de sa créance.

  • - Sur la demande au titre des frais de procédure

L'article 238-1 du Code de procédure civile prévoit que :

« Le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer :

  • 1° à l'autre partie la somme qu'il déterminera au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

  • 2° et le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'assistance aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide ;

Dans tous les cas, le juge tiendra compte de l'équité, de la situation économique de la partie condamnée. Il pourra, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne pourra être inférieure à la part contributive de l'Etat.

L'avocat bénéficiaire de l'assistance judiciaire ne pourra cumuler la somme prévue au titre du 2° du présent article avec la part contributive de l'Etat ».

p H épouse I et m I sont condamnées in solidum à payer à la société civile C la somme de 10.000 euros au titre des frais de procédure non compris dans les dépens.

p H épouse I et m I sont condamnés in solidum aux dépens distraits au profit de Maître Franck MICHEL, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

  • -Sur l'exécution provisoire du présent jugement

En application de l'article 202 du Code de procédure civile, « hors les cas dans lesquels la décision en bénéficie de plein droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, par la décision qu'elle est destinée à rendre exécutoire, sous réserve des dispositions de l'article 203 ».

Le texte précise que « l'exécution provisoire peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi ».

Au vu de l'importance de la créance de la société civile C, de son ancienneté, il importe que la société civile C puisse engager des mesures d'exécution visant au recouvrement partiel ou total de sa créance qui ne peut sérieusement être contestée dans le quantum retenu par le Tribunal.

Le présent jugement sera donc assorti de l'exécution provisoire.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort,

Rejette la demande de la société civile C de mise hors de cause jj ZZ et m, r.L (nom d'usage O), gérants de la société civile ;

Constate que le bail n'a pas été renouvelé à son échéance d'octobre 2022 ;

Rejette la demande de nullité du bail signé par m I fin septembre 2021 ;

Dit que p H épouse I est locataire des lieux au titre d'un bail verbal ;

Constate que p H épouse I et m I ont quitté les lieux occupés le 21 juin 2023 ;

Dit en conséquence que les moyens et demandes, notamment de la société civile C portant sur la résiliation du bail et l'expulsion des locataires sous astreinte sont dépourvus d'objet ;

Dit que la société civile C a démontré sa créance au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation à l'encontre de p H épouse I et m I à hauteur de 283.378,15 euros ;

Fixe le préjudice de jouissance de p H épouse I et m I à la somme de 20.000 euros ;

Dit que la société civile C doit rembourser à p H épouse I et m I la somme de 2.393,60 euros au titre du coût des changements de moteurs de stores ;

Déboute p H épouse I et m I de leurs demandes de remboursement des sommes de 950 euros au titre des tringles, de 2.273,54 euros au titre du Family office et de leur demande de remboursement des frais d'hôtel ;

Déboute p H épouse I et m I de leur demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice matériel et moral ;

Déboute la société civile C de sa demande non chiffrée au titre des intérêts moratoires ;

Dit que la société civile C est tenue au remboursement à p H épouse I et m I du dépôt de garantie d'un montant de 36.000 euros ;

Ordonne la compensation entre les créances respectives de la société civile C de 283.378,15 euros et de p H épouse I et m I de 58.393,60 euros ;

Condamne solidairement p H épouse I et m I à payer à la société civile C la somme de 224.984,55, avec intérêts légaux à compter de l'assignation ;

Valide la saisie-arrêt pratiquée le 19 décembre 2022 entre les mains de la banque ZA pris en ses bureaux de Monaco sur les comptes ouverts au nom de p H épouse I et/ou m I à hauteur du montant des condamnations en principal, outre intérêts, frais et accessoires ;

Dit que l'établissement bancaire précité, tiers-saisi, se libérera valablement des sommes qu'il détient pour le compte de p H épouse I et/ou m I par le versement qu'il en opérera entre les mains de la société civile C ;

Déclare régulière et valide la saisie conservatoire pratiquée le 22 janvier 2024 par Monsieur Thomas LEFEVRE, clerc d'huissier, sur le véhicule de marque MINI immatriculé à Monaco xxx appartenant à m I ;

Convertit cette saisie en saisie- exécution ;

Ordonne la vente aux enchères publiques dudit bien saisi après accomplissement des formalités légales par tel huissier qu'il appartiendra à la société civile C de choisir pour éteindre les causes de la saisie et les frais y afférents ;

Dit que la société civile C pourra recouvrer sur le produit de la vente le montant de sa créance en principal, intérêts, frais et accessoires résultant du présent jugement ;

Condamne in solidum p H épouse I et/ou m I à payer à la société civile C la somme de 10.000 euros au titre des frais de procédure non compris dans les dépens ;

Prononce l'exécution provisoire du présent jugement ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne in solidum p H épouse I et/ou m I aux dépens distraits au profit de Maître Franck MICHEL, avocat-défenseur sous sa due affirmation ;

Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 24 AVRIL 2025, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Alexia BRIANTI, Premier Juge, Madame Catherine OSTENGO, Juge, assistées de Madame Christèle SETTINIERI, Greffier, en présence du Ministère public.

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