Tribunal de première instance, 3 octobre 2024, La société à responsabilité limitée de droit monégasque dénommée C c/ e.B
Abstract🔗
Immobilier – Agence immobilière – Droit à commission – Responsabilité contractuelle (non) – Perte de chance (non) – Responsabilité délictuelle (non) – Remboursement des frais (non) – Atteinte à l'image (non) – Résistance abusive (non)
Immobilier – Agence immobilière – Obligation d'information et de conseil – Manquement (non)
Résumé🔗
La SARL C explique qu'e.B lui avait donné mandat général de rechercher, négocier et conclure la vente à bref délai d'un appartement à Monaco pour un budget de 14 millions d'euros. Elle ajoute que, suite à l'acceptation de l'offre par le propriétaire, l'acquéreur avait marqué son intention de poursuivre la vente, en transmettant sa carte d'identité pour le notaire et en annonçant le versement de l'acompte. En l'espèce, il est constant qu'aucun mandat écrit n'a été signé entre les parties, e.B ne contestant toutefois pas avoir sollicité la SARL C aux fins de rechercher un appartement en Principauté. Il est par ailleurs constant que, par la suite, tant la promesse synallagmatique de vente et d'achat que l'acte authentique de vente du bien n'ont pas été signés. Or, la loi n° 1.252 du 12 juillet 2002, d'ordre public, prohibe le versement d'une quelconque commission d'agence avant que la vente ait été effectivement conclue, la vente immobilière ne produisant ses effets qu'à l'issue d'un acte authentique en vertu de l'article 1426 alinéa 2 du Code civil. Ainsi, à défaut d'avoir, malgré ses diligences, permis la réalisation effective de la transaction souhaitée par le mandant, l'agent immobilier ne peut prétendre à rémunération, l'acte constatant l'engagement des parties étant celui par lequel se réalise l'opération envisagée, en l'espèce la vente du bien immobilier. En outre, la détermination de la cause de l'absence de réitération de l'acte et l'éventuelle caractérisation d'une responsabilité, pertinente dans les rapports entre acheteurs et vendeurs, aux termes de l'article 1033 du Code civil, est indifférente en l'espèce, le législateur n'ayant pas entendu lui faire produire des conséquences juridiques au sein de la loi n° 1.252 du 12 juillet 2002, sur le droit à rémunération de l'agent immobilier. La demanderesse sera en conséquence déboutée de sa demande de ce chef.
La demanderesse soutient, à titre subsidiaire, qu'e.B devrait être condamné à réparer sa perte de chance de percevoir sa commission, considérant que le droit à paiement pour l'agent immobilier trouve son origine dans la parfaite exécution du mandat de recherche qui lui a été donné, e.B s'étant désengagé unilatéralement de son obligation sans motif réel ni sérieux. À défaut de signature de l'acte authentique de vente, l'engagement contractuel d'e.B au titre du bon d'honoraires acquéreur n'avait pas à être exécuté de sorte qu'aucun manquement ne peut être reproché à e.B sur le fondement contractuel. La demande de la SARL C de ce chef sera donc également rejetée.
La société demanderesse se fonde sur la responsabilité délictuelle pour solliciter des dommages et intérêts, considérant avoir accompli ses prestations avec diligence et célérité, ayant joué un rôle déterminant dans l'obtention d'un accord de volonté écrit quant à la chose et son prix entre le vendeur et l'acquéreur, justifiant sa rétribution au titre des peines et soins. Le Tribunal ne peut que constater en l'espèce que la société demanderesse n'allègue ni ne démontre aucune faute délictuelle de la part d'e.B, le seul fait qu'elle ait effectué des diligences aux fins de rechercher un appartement pour ce dernier ne suffisant pas à justifier l'allocation de dommages et intérêts en l'absence de faute démontrée. Cette demande sera en conséquence rejetée.
La demanderesse sollicite, sur le fondement des articles 1838 et 1839 du Code civil, le remboursement des frais acquittés au titre de la facture n° xxx de l'entreprise D qu'elle soutient avoir acquittée en lieu et place de son mandant. Le défendeur se fonde sur le manquement allégué de la SARL C à ses obligations pour soutenir le rejet de cette demande. Le Tribunal constate qu'il n'est pas justifié qu'e.B aurait donné mandat à la SARL C pour faire procéder aux opérations ayant donné lieu à la facturation litigieuse et qu'aucun document ne prévoit que ces frais seraient à la charge d'e.B, de sorte que cette demande de la SARL C sera rejetée.
La SARL C fonde sa demande d'atteinte à l'image sur la responsabilité contractuelle d'e.B et, à défaut, sur sa responsabilité délictuelle, soutenant que le comportement de ce dernier a altéré son image auprès du contractant et des autres participants à l'acte de vente, présents au jour de la signature prévue. Elle considère que le refus du défendeur de la rétribuer au titre des diligences qu'elle a accomplies constitue une offense à l'image professionnelle qu'elle affiche. La demanderesse ne justifie toutefois aucunement du préjudice d'image qu'elle allègue alors que seules les deux parties en cause, le propriétaire du bien et le notaire n'ont été informés de cette situation et qu'il a été retenu que l'absence de comparution du défendeur à l'acte notarié n'était pas fautive à l'égard de l'agent immobilier. Cette demande sera donc rejetée.
La demanderesse fait valoir à cet égard que le défendeur ne pouvait se méprendre sérieusement sur l'existence de son obligation envers la SARL C alors qu'elle a multiplié les tentatives de règlement amiable, le comportement de l'autre partie l'ayant obligée à s'adresser à justice. Toutefois, compte tenu de l'issue du présent litige et du rejet de l'ensemble des demandes de la SARL C, aucune résistance abusive ne saurait être reprochée à e.B de sorte que cette demande sera également rejetée.
Le défendeur soutient que l'inexécution de ses obligations par l'agence immobilière lui a causé un important préjudice financier et moral, lui imposant de se défendre contre le vendeur du bien litigieux dans le cadre de procédures judiciaires. Aucun manquement relatif à l'obligation d'information et de conseil ne peut être retenu à l'encontre de la SARL C, de sorte qu'e.B sera débouté de sa demande de ce chef.
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2022/000383 (assignation du 14 avril 2022)
JUGEMENT DU 3 OCTOBRE 2024
En la cause de :
La société à responsabilité limitée de droit monégasque dénommée C, dont le siège social se trouve X1, rez-de-chaussée et sous-sol à Monaco, exerçant sous l'enseigne C, prise en la personne de son gérant en exercice, o.A, domicilié en cette qualité audit siège social ;
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
e.B, né le jma à Voronej (Russie), de nationalité russe, président de société, ayant demeuré x2 à Monaco, et actuellement x3 à Monaco ;
DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
Visa🔗
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 14 avril 2022, enregistré (n° 2022/000383) ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de e.B, en date du 12 septembre 2023 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom de la SARL C, en date du 5 décembre 2023 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 31 mai 2024 ;
À l'audience publique du 6 juin 2024, les conseils des parties ont déposé leur dossier. Le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 3 octobre 2024, par mise à disposition au Greffe. Le Procureur Général n'a pas conclu dès lors qu'il n'est plus intervenant au dossier puisque le défendeur a constitué avocat.
Motifs🔗
FAITS ET PROCÉDURE :
Courant janvier 2021, e.B a sollicité les services de la SARL C, exerçant l'activité d'agent immobilier, afin d'acheter un appartement à Monaco.
Suite à plusieurs visites, e.B a signé le 5 mars 2021 une offre d'achat portant sur un appartement situé au sein de l'immeuble E, pour un montant de 11.400.000 euros, outre un bon d'honoraires prévoyant le paiement d'un montant de 1,8% du prix final d'acquisition en faveur de l'agence.
Après plusieurs échanges de courriels entre les parties relatifs notamment à la superficie de l'appartement, e.B n'a pas versé le montant de l'acompte prévu et ne s'est pas présenté devant le notaire pour la signature de la promesse synallagmatique de vente.
Suivant exploit d'huissier en date du 14 avril 2022, la SARL C a assigné e.B devant ce Tribunal.
Dans ses conclusions récapitulatives en date du 5 décembre 2023, elle sollicite de voir :
Déclarer la SARL C recevable en son action ;
Juger que la SARL C est bien fondée en ses prétentions ;
Débouter e.B de toutes ses fins, demandes et prétentions ;
À titre principal,
Condamner avec toutes conséquences de droit e.B à lui payer la somme de 205.200 euros en principal toutes taxes comprises au titre de son droit à commission ;
À titre subsidiaire,
Condamner avec toutes conséquences de droit e.B à lui payer la somme de 201.096 euros au titre de sa perte de gain ;
À titre encore plus subsidiaire,
Condamner avec toutes conséquences de droit e.B à lui payer la somme de 170.000 euros à titre d'indemnisation de ses peines et soins ;
En tout état de cause,
Condamner avec toutes conséquences de droit e.B à lui rembourser la somme de 90 euros au titre de la facture n° xxx de l'entreprise D ;
Condamner avec toutes conséquences de droit e.B à lui payer la somme de 45.000 euros à titre de réparation du préjudice d'image et de réputation ;
Condamner avec toutes conséquences de droit e.B à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Assortir toute condamnation à paiement des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure réceptionnée le 28 juin 2021, sinon du jugement à intervenir ;
Ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis une année entière pour toute condamnation à paiement prononcée contre e.B à son profit ;
Condamner e.B aux entiers dépens d'instance, tout frais et accessoires compris, dont distraction au profit de Maître Christophe BALLERIO ;
Condamner e.B à lui payer la somme de 8.500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;
Prononcer l'exécution provisoire pour l'intégralité du jugement à intervenir, en ce inclus les dépens et frais exposés non compris dans les dépens.
Par conclusions récapitulatives en date du 12 septembre 2023, e.B demande au Tribunal de :
Débouter la SARL C de l'intégralité de ses demandes ;
À titre reconventionnel,
Constater que la SARL C a manqué à ses obligations de conseil, renseignement et d'information à son égard ;
En conséquence,
Condamner la SARL C au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamner la SARL C au paiement de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;
Condamner la SARL C aux entiers dépens de l'instance ainsi que tous frais et accessoires dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous son affirmation de droit.
Par ordonnance de clôture en date du 31 mai 2024, l'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 6 juin 2024 lors de laquelle les conseils des parties ont déposé leur dossier. L'affaire a été mise en délibéré au 3 octobre 2024.
SUR CE,
Sur la demande aux fins de condamnation d'e.B à la somme de 205.200 euros au titre du droit à commission
La SARL C explique qu'e.B lui avait donné mandat général de rechercher, négocier et conclure la vente à bref délai d'un appartement à Monaco pour un budget de 14 millions d'euros.
Elle ajoute que, suite à l'acceptation de l'offre par le propriétaire, l'acquéreur avait marqué son intention de poursuivre la vente, en transmettant sa carte d'identité pour le notaire et en annonçant le versement de l'acompte.
Au soutien de sa demande de paiement de la commission, la SARL C fait valoir que :
L'article 12 de la loi 1.252 qui encadre la perception de commissions par un agent immobilier à l'occasion des opérations portant sur les immeubles ou fonds de commerce qu'il est autorisé à effectuer pour le compte d'autrui n'assimile pas « l'acte constatant l'engagement des parties » à l'acte réitératif passé devant notaire visé par l'article 1426 alinéa 2 du Code civil ;
L'acte écrit visé par le texte, dont l'existence caractériserait l'acquisition définitive par l'agent immobilier de son droit à commission et rendrait exigible son paiement, n'est pas nécessairement un acte authentique, la seule obligation étant celle de recueillir des parties au contrat, sur un seul et même acte pourvu de la force contraignante, leur échange de volonté sur la chose, le prix et leurs engagements réciproques pour parfaire l'opération conclue ;
L'acte authentique de vente, la promesse synallagmatique de vente ou d'achat auquel se trouve adjoint le bon de commission de l'agence immobilière ou encore l'offre d'achat valablement formulée et contresignée par le vendeur comportant les engagements respectifs des parties et l'adjonction du bon de commission de l'agence immobilière constituent tous un type différent « d'acte unique » au sens de l'article 12 de la loi 1.252 ;
Le droit à paiement pour l'agent immobilier au titre des prestations fournies trouve valablement son origine dans la parfaite exécution du mandat général de recherche, de négociation et de transaction qui lui a été donné et se matérialise par l'établissement d'un « acte unique » au sens de l'article 12 de la loi 1.252, auquel est adjoint le bon de commission conclu entre l'agence immobilière et son mandant ;
L'ouverture du droit à rétribution de l'agence immobilière était uniquement conditionnée à l'acceptation écrite par le vendeur avant le 9 mars 2021, du prix d'achat et des conditions de vente formulées par e.B ;
e.B est d'abord engagé au travers d'une convention régulièrement conclue le 5 mars 2021 avec la SARL C intitulée « bon d'honoraires acquéreur » ayant pour objet de déterminer le montant de la créance due à la mandataire et sa date d'exigibilité ;
C'est ensuite au travers de l'offre d'achat qu'e.B a fait rédiger et transmettre au propriétaire par l'entremise de la SARL C qu'il s'est engagé, en cas d'accord du vendeur, à lui régler ses honoraires fixes de 1,8%, soit la somme de 205.200 euros ;
e.B et la SARL C sont liés par ce bon d'honoraires d'acquéreur, indissolublement attaché à l'offre d'achat contresignée par le vendeur, le tout formant « l'acte unique » au sens de l'article 12 de la loi 1.252 ;
L'offre d'achat et son acceptation par le vendeur constituent un engagement réciproque des parties recueilli sur un même acte écrit exprimant valablement leur accord sur la chose et le prix, outre leurs engagements respectifs et réciproques, ouvrant le droit à la SARL C de percevoir sa commission dont le paiement devait intervenir au plus tard au jour de la signature authentique de la vente.
Le défendeur soutient quant à lui que, en vertu de l'article 12 de la loi 1.252, ce n'est qu'en cas de vente du bien immobilier, et donc à la signature de l'acte authentique, que l'agent immobilier est en droit de solliciter le paiement de sa commission, une promesse synallagmatique ou une offre d'achat ne scellant pas la vente du bien immobilier, quand bien même il y aurait un accord sur la chose et le prix, précisant que les dispositions de la loi 1.252 sont d'ordre public.
L'article 12 de la loi n° 1.252 du 12 juillet 2002 dispose :
« À la demande du client, le titulaire de l'autorisation administrative doit établir un mandat par lequel il est habilité à négocier ou à s'engager à l'occasion d'opérations spécifiées à l'article premier. Ce mandat doit être écrit et limité dans le temps.
Même en l'absence d'un mandat, aucun bien, effet, valeur somme d'argent représentatif de commissions, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque n'est dû au titulaire de l'autorisation administrative ou ne peut être accepté par lui, avant qu'une des opérations visées à l'article premier ait été effectivement conclue et constatée dans un même acte constatant l'engagement des parties ».
L'article 1er vise notamment l'achat et la vente d'immeubles.
En l'espèce, il est constant qu'aucun mandat écrit n'a été signé entre les parties, e.B ne contestant toutefois pas avoir sollicité la SARL C aux fins de rechercher un appartement en Principauté.
Il est en outre établi que le 5 mars 2021, e.B a signé une offre d'achat, rédigée en langues française et anglaise, portant sur un appartement situé au 2eme étage numéro 2.01 lot numéro 5 ainsi qu'un emplacement pour voiture numéro 223 lot 394, situés au sein d'un immeuble dénommée E, pour un montant de 11.400.000 euros, payable comptant le jour de la signature de l'acte réitératif.
L'offre prévoyait au titre « condition », qu'un diagnostic soit réalisé par un expert attestant que l'appartement n'était pas infesté d'insectes nuisible avant le 26 mars 2021.
En outre, il était prévu que, à l'acceptation de l'offre la somme de 1.140.000 euros devait être payée à titre d'acompte entre les mains du notaire puis, le solde de 10.260.000 euros au bénéficiaire de l'offre au jour de la signature de l'acte authentique de vente du bien. Il est par ailleurs stipulé que la signature d'un compromis devait intervenir le 26 mars 2021 au plus tard devant notaire et la signature de la vente au plus tard le 31 mai 2021.
L'acte prévoyait enfin que « les honoraires d'agences acquéreur et vendeurs seront payés au plus tard le jour de la signature authentique de la vente selon les bons d'honoraires annexés à la présente offre d'achat ».
Il n'est pas contesté que cette offre a été acceptée et contresignée le jour même par le vendeur.
Le bon d'honoraires, en date du 5 mars 2021, que le défendeur reconnaît avoir signé, est rédigé dans les termes suivants : « Monsieur e.B […] m'engage par la présente à régler les honoraires de négociation de 1,8% T. T. C. à l'agence C […]]] sur le prix final pour l'acquisition des biens ci-après désignés :
Désignation des biens :
Les portions d'un immeuble en copropriété dénommé x4 à 98000 MONACO libre de loi et d'occupation
Un appartement situé au 2eme étage numéro 2.01 lot numéro (5) CINQ
Un emplacement pour voiture numéro 223 au sous-sol lot numéro (394) TROIS CENT QAUTRE-VINT QUATORZE
Payable au plus tard le jour de la signature de l'acte authentique. ».
Il est relevé que les stipulations de ce document sont également traduites en langue anglaise, à l'exception de la désignation des biens.
Il est par ailleurs constant que, par la suite, tant la promesse synallagmatique de vente et d'achat que l'acte authentique de vente du bien n'ont pas été signés.
Or, la loi 1.252 précitée, d'ordre public, prohibe le versement d'une quelconque commission d'agence avant que la vente ait été effectivement conclue, la vente immobilière ne produisant ses effets qu'à l'issue d'un acte authentique en vertu de l'article 1426 alinéa 2 du Code civil.
Ainsi, à défaut d'avoir, malgré ses diligences, permis la réalisation effective de la transaction souhaitée par le mandant, l'agent immobilier ne peut prétendre à rémunération, l'acte constatant l'engagement des parties étant celui par lequel se réalise l'opération envisagée, en l'espèce la vente du bien immobilier.
En outre, la détermination de la cause de l'absence de réitération de l'acte et l'éventuelle caractérisation d'une responsabilité, pertinente dans les rapports entre acheteurs et vendeurs, aux termes de l'article 1033 du Code civil, est indifférente en l'espèce, le législateur n'ayant pas entendu lui faire produire des conséquences juridiques au sein de la loi n°1.252 du 12 juillet 2002, sur le droit à rémunération de l'agent immobilier.
La demanderesse sera en conséquence déboutée de sa demande de ce chef.
Sur la demande aux fins de condamnation d'e.B à la somme de 201.096 euros au titre de la perte de gain
La demanderesse soutient, à titre subsidiaire, qu'e.B devrait être condamné à réparer sa perte de chance de percevoir sa commission, considérant que le droit à paiement pour l'agent immobilier trouve son origine dans la parfaite exécution du mandat de recherche qui lui a été donné, e.B s'étant désengagé unilatéralement de son obligation sans motif réel ni sérieux.
La SARL C fait valoir que l'offre d'achat acceptée par le vendeur engage définitivement les deux parties, de sorte qu'en cas d'inexécution, la partie obligée est tenue de réparer intégralement le préjudice que l'effet de sa carence a causé à son cocontractant. Elle soutient avoir largement exécuté ses obligations de mandataire sans manquer de loyauté ni de fidélité.
Elle considère ainsi que l'absence de régularisation de la vente est exclusivement imputable au défendeur et que la perte de chance qu'elle a subie d'obtenir le paiement de sa commission peut être évaluée à 98% tant il était certain jusqu'au jour du rendez-vous devant notaire que celui-ci exécuterait ses engagements loyalement et de bonne foi.
e.B considère de son côté que, s'il a valablement donné mandat verbal à la SARL C de lui proposer divers appartements à l'achat, cette dernière a manqué à ses obligations de mandataire, plus particulièrement son devoir de conseil et d'information.
Il soutient que la demanderesse ne l'a pas informé de l'absence de cave dans cet appartement alors que cela faisait partie de ses critères de recherches, ni des charges de copropriété et qu'elle aurait unilatéralement décider de retirer la condition suspensive relative à l'obtention d'un emprunt bancaire sans le consulter alors qu'elle aurait dû l'interroger sur le mode de financement de l'acquisition.
Le défendeur précise également que l'offre, pour laquelle l'agence ne lui avait fourni aucune explication quant aux conséquences juridiques de sa signature, était particulièrement lacunaire, ne contenant aucune indication quant à l'identité du vendeur ni aucune précision relative à la superficie de l'appartement.
Il affirme avoir appris, après la signature de l'offre, que d'importants travaux de façade de l'immeuble étaient projetés et que des travaux à proximité auraient pour conséquence d'obstruer la vue mer de l'appartement.
e.B indique ne pas avoir compris la portée juridique de l'offre d'achat, n'ayant aucune connaissance en matière de vente et achat immobiliers, particulièrement en droit monégasque.
Il soutient enfin que la non-réitération de la vente devant un notaire est un risque que doit nécessairement accepter de prendre toute agence immobilière dans le cadre de son activité, le paiement d'une commission n'étant jamais assuré tant que la vente n'est pas signée.
La demanderesse fonde cette demande subsidiaire sur la responsabilité contractuelle. Le défendeur ne conteste pas avoir donné mandat verbal à la SARL C de rechercher pour son compte un appartement en Principauté. Toutefois, aucun manquement ne saurait être reproché au mandant dans le cadre de cette relation contractuelle dans laquelle ses obligations ne sont pas précisées.
Il ne peut y avoir de rupture contractuelle fautive entre l'agent immobilier et l'acheteur du fait de la non réitération de l'acte authentique par celui-ci en ce que les dispositions de l'article 1426 du Code civil n'ont pas lieu à s'appliquer entre ces parties.
Dès lors, le seul rapport contractuel susceptible d'engager e.B envers la SARL C est le bon d'honoraires dont le contenu a été précédemment mentionné.
Toutefois, en application des dispositions précitées de l'article 12 de la loi 1.252, d'ordre public, l'agent immobilier ne peut percevoir de commission avant la signature de l'acte authentique de vente, étant relevé au surplus que l'offre d'achat prévoit que le solde du prix de vente soit payé lors de la signature de l'acte authentique, les honoraires de négociation de l'agence immobilière étant un pourcentage du prix final d'acquisition.
Ainsi, à défaut de signature de l'acte authentique de vente, l'engagement contractuel d'e.B au titre du bon d'honoraires acquéreur n'avait pas à être exécuté de sorte qu'aucun manquement ne peut être reproché à e.B sur le fondement contractuel.
La demande de la SARL C de ce chef sera donc également rejetée.
Sur la demande aux fins de condamnation d'e.B à la somme de 170.000 euros à titre d'indemnisation des peines et soins
La société demanderesse se fonde sur la responsabilité délictuelle pour solliciter des dommages et intérêts, considérant avoir accompli ses prestations avec diligence et célérité, ayant joué un rôle déterminant dans l'obtention d'un accord de volonté écrit quant à la chose et son prix entre le vendeur et l'acquéreur, justifiant sa rétribution au titre des peines et soins.
Le défendeur soutient les mêmes arguments que ceux précédemment développés quant aux manquements de l'agent immobilier dans l'exécution de son mandat de recherche de bien immobilier, ne lui ouvrant droit au paiement d'aucun montant.
Aux termes de l'article 1229 du Code civil :
« Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. ».
L'agent immobilier éconduit peut à ce titre solliciter des dommages-intérêts, à condition qu'il prouve une faute du mandant qui l'a privé de la réalisation de la vente, compte tenu des diligences accomplies.
Il appartient en outre à la partie qui prétend engager la responsabilité délictuelle de son adversaire de rapporter la preuve d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité.
Le Tribunal ne peut que constater en l'espèce que la société demanderesse n'allègue ni ne démontre aucune faute délictuelle de la part d'e.B, le seul fait qu'elle ait effectué des diligences aux fins de rechercher un appartement pour ce dernier ne suffisant pas à justifier l'allocation de dommages et intérêts en l'absence de faute démontrée.
Cette demande sera en conséquence rejetée.
Sur la demande de la SARL C aux fins de remboursement de la somme de 90 euros
La demanderesse sollicite, sur le fondement des articles 1838 et 1839 du Code civil, le remboursement des frais acquittés au titre de la facture n° xxx de l'entreprise D qu'elle soutient avoir acquittée en lieu et place de son mandant.
Le défendeur se fonde sur le manquement allégué de la SARL C à ses obligations pour soutenir le rejet de cette demande.
Le Tribunal constate qu'il n'est pas justifié qu'e.B aurait donné mandat à la SARL C pour faire procéder aux opérations ayant donné lieu à la facturation litigieuse et qu'aucun document ne prévoit que ces frais seraient à la charge d'e.B, de sorte que cette demande de la SARL C sera rejetée.
Sur la demande de la SARL C aux fins de condamnation d'e.B à la somme de 45.000 euros à titre de réparation au préjudice d'image et de réputation
La SARL C fonde cette demande sur la responsabilité contractuelle d'e.B et, à défaut, sur sa responsabilité délictuelle, soutenant que le comportement de ce dernier a altéré son image auprès du contractant et des autres participants à l'acte de vente, présents au jour de la signature prévue. Elle considère que le refus du défendeur de la rétribuer au titre des diligences qu'elle a accomplies constitue une offense à l'image professionnelle qu'elle affiche.
La demanderesse ne justifie toutefois aucunement du préjudice d'image qu'elle allègue alors que seules les deux parties en cause, le propriétaire du bien et le notaire n'ont été informés de cette situation et qu'il a été retenu que l'absence de comparution du défendeur à l'acte notarié n'était pas fautive à l'égard de l'agent immobilier.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur la demande de la SARL C aux fins de condamnation d'e.B à la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
La demanderesse fait valoir à cet égard que le défendeur ne pouvait se méprendre sérieusement sur l'existence de son obligation envers la SARL C alors qu'elle a multiplié les tentatives de règlement amiable, le comportement de l'autre partie l'ayant obligée à s'adresser à justice.
Toutefois, compte tenu de l'issue du présent litige et du rejet de l'ensemble des demandes de la SARL C, aucune résistance abusive ne saurait être reprochée à e.B de sorte que cette demande sera également rejetée.
Sur la demande reconventionnelle d'e.B aux fins de dommages et intérêts
Le défendeur soutient que l'inexécution de ses obligations par l'agence immobilière lui a causé un important préjudice financier et moral, lui imposant de se défendre contre le vendeur du bien litigieux dans le cadre de procédures judiciaires.
Il ajoute s'être trouvé bloqué dans son projet d'acquisition d'un bien immobilier par la seule faute de l'agence immobilière qui lui a fait signer une offre d'achat dans la précipitation sans prendre la peine de l'informer et le conseiller sérieusement sur son engagement et sur le bien concerné.
En sa qualité de professionnel de l'immobilier, l'agent immobilier est tenu d'une obligation de renseignement et de conseil à l'égard de son mandant qui lui impose de fournir des informations loyales.
La violation du devoir de conseil, simple obligation de moyens laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond, s'apprécie en fonction des circonstances de la cause et, en particulier de la volonté, de la situation et des connaissances des parties.
Il sera au préalable relevé qu'e.B s'est présenté, dans un entretien avec le magazine MonacoLife en janvier 2020, produit aux débats, comme un ancien avocat, converti à la finance après deux années d'exercice de cette profession, directeur d'un Family Office à Monaco, investissant notamment dans l'immobilier.
Le défendeur évoque d'abord le fait que l'agent immobilier ne lui aurait pas communiqué la surface de l'appartement sur lequel il a formulé l'offre litigieuse.
Plusieurs échanges de courriels sont versés au dossier relativement à la superficie de l'appartement :
Un mail du 3 mars 2021 de la SARL C à e.B, proposant un calendrier de visites et mentionnant, pour l'appartement concerné, une superficie de 178 m2 ;
Des échanges entre l'agent immobilier et la soeur d'e.B, aux termes desquels il apparaît que ce dernier souhaite qu'un architecte français choisi par ses soins se rende dans l'appartement pour en mesurer la superficie, ce à quoi le propriétaire se serait opposé ;
Un mail de l'agent immobilier en date du 11 mars 2021 proposant une rencontre entre le propriétaire et l'offrant le lendemain et annonçant en pièce jointe le plan de l'appartement fourni par le constructeur
Le 11 mars, l'agent immobilier a adressé à e.B un plan de l'étage, issu d'un procès-verbal d'assemblée générale de copropriété, faisant état, selon le mail dont la pièce jointe n'est pas produite, d'une surface de 178 m2 ;
D'autres échanges courriels entre les mêmes parties dans les jours suivants, ne parvenant pas à un accord sur ce point, l'agent immobilier indiquant in fine le 16 mars 2021, que le propriétaire a décidé de ne pas procéder à la mesure de son appartement avant le versement de l'acompte.
Il ressort ainsi de ces échanges que plusieurs éléments d'information et documents relatifs à la surface du bien immobilier ont été communiqués par l'agent immobilier à l'acquéreur avant et après la visite de l'appartement, de sorte qu'aucun manquement ne peut être reproché de ce chef à la SARL C.
e.B évoque également le fait que l'agence immobilière aurait unilatéralement décidé de retirer la condition suspensive de financement. Or, cela n'est établi par aucune pièce et il est en outre relevé que l'offre était traduite en langue anglaise, dans laquelle e.B s'exprimait dans ses échanges avec l'agent immobilier et qu'il lui appartenait, le cas échéant, d'indiquer à l'agent immobilier qu'il souhaiter prévoir une telle condition suspensive, étant relevé au surplus qu'il a pris soin de mentionner une condition suspensive relative à l'absence d'insectes nuisibles dans l'appartement.
S'agissant de l'absence de cave, le Tribunal ne peut que constater qu'aucune cave n'est mentionnée dans la description du bien litigieux, tant dans les courriels préalables à la visite que dans l'offre signée par e.B, lequel ne démontre pas avoir informé l'agent immobilier que l'existence d'une cave ait été une condition déterminante de son achat. Il en va de même s'agissant des charges de copropriété en ce qu'il n'est aucunement établi que l'agent immobilier aurait dissimulé des informations à cet égard ni que l'acheteur, homme d'affaires expérimenté dans le domaine immobilier, ait sollicité quelque information à ce sujet.
Le défendeur ne démontre pas d'avantage que d'importants travaux de façade de l'immeuble étaient projetés dans l'immeuble ou que des travaux à proximité auraient eu pour conséquence d'obstruer la vue mer de l'appartement, ne produisant aucune pièce à l'appui de ces allégations.
Aucun manquement relatif à l'obligation d'information et de conseil ne peut donc être retenu à l'encontre de la SARL C de sorte qu'e.B sera débouté de sa demande de ce chef.
Sur l'exécution provisoire
Aux termes de l'article 202 du Code de procédure civile, « hors les cas dans lesquels la décision en bénéficie de plein droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, par la décision qu'elle est destinée à rendre exécutoire, sous réserve des dispositions de l'article 203.
Sont notamment exécutoires de droit à titre provisoire les ordonnances de référé, les décisions qui prescrivent des mesures provisoires pour le cours de l'instance, et celles qui ordonnent des mesures conservatoires.
L'exécution provisoire peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. Elle peut aussi être accordée pour le paiement de l'amende civile, de l'indemnité de l'article 238 et des dépens et des frais non compris dans les dépens ».
En l'espèce, l'issue du litige ne rend pas nécessaire d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Aux termes de l'article 231 du Code de procédure civile, la partie qui succombe est condamnée aux dépens.
Il y a donc lieu de condamner la SARL C aux dépens, dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Selon l'article 238-1 du Code de procédure civile :
« Le juge condamnera la partie tenue aux dépens ou qui perdra son procès à payer :
1° à l'autre partie la somme qu'il déterminera, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'assistance judiciaire une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'assistance aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide.
Dans tous les cas, le juge tiendra compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il pourra, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. ».
En l'espèce, l'équité commande de condamner la SARL C à payer à ce titre à e.B la somme de 2.000 euros.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire, et en premier ressort,
Déboute les parties de l'ensemble de leurs demandes ;
Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la présente décision ;
Condamne la SARL C à payer au titre des dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile la somme de 2.000 euros à e.B ;
Condamne la SARL C aux dépens, dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Après débats en audience du Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,
Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 3 OCTOBRE 2024, par Madame Evelyne HUSSON, Vice-Président, Madame Alexia BRIANTI, Premier Juge, Madame Catherine OSTENGO, Juge, assistées, de Madame Clémence COTTA, Greffier, en présence du Ministère public.