Tribunal de première instance, 2 septembre 2021, L'État du Sénégal c/ k. W. et autres
Abstract🔗
Procédure civile - Exécution d'une condamnation prononcée par une juridiction sénégalaise - Autorisation de saisies-arrêts à titre conservatoire - Mainlevée (oui) - Rejet de la demande d'exequatur - Pourvoi en révision non suspensif
Résumé🔗
Poursuivant l'exécution sur le territoire monégasque d'une décision de la Cour de répression de l'enrichissement illicite du Sénégal (CREI) ayant condamné les défendeurs pour enrichissement illicite, l'État sénégalais a fait pratiquer une saisie-arrêt sur leurs comptes bancaires. Cependant, en application des articles 13 à 20 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relatifs à la reconnaissance et l'exécution des jugements, les jugements étrangers passés en force de chose jugée ne sont susceptibles d'exécution dans la Principauté qu'après avoir été déclarés exécutoires par les juridictions monégasques. Or, en l'espèce, l'État du Sénégal a été débouté de sa demande d'exequatur, étant précisé que le pourvoi en révision qu'il a formé n'a pas d'effet suspensif. Il a engagé des procédures conservatoires sur le seul fondement de décisions étrangères n'ayant pas encore force exécutoire à Monaco mais constitutives, au stade de la requête initiale, d'un principe certain de créance sous réserve d'obtenir ultérieurement un titre exécutoire en Principauté. La force exécutoire des décisions sénégalaises n'ayant pas été obtenue à Monaco, la demande de validation des saisies ordonnées doit être rejetée. Il convient également d'ordonner la mainlevée des mesures de saisies-arrêts litigieuses.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2016/000641 (assignation du 22 mars 2016)
JUGEMENT DU 2 SEPTEMBRE 2021
En la cause de :
L'ÉTAT DU SENEGAL, représenté par l'Agent Judiciaire de l'État, M. a. D. demeurant au Ministère de l'Économie et des Finances du SENEGAL, X1 à Dakar - (Sénégal) ;
DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,
d'une part ;
Contre :
k. W. né le 1er septembre 1968 à Paris, de nationalité sénégalaise, demeurant rue X2- DAKAR (Sénégal ) ;
DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco plaidant par ledit avocat-défenseur ;
k. A. né le 30 avril 1969 à TYR SOUR (Liban), de nationalité française, demeurant X3 à BEYROUTH (Liban) ;
i. A. né le 18 avril 1966 à BEYROUTH (Liban), de nationalité française, demeurant avenue X4 à DAKAR (Sénégal ) ;
m. P. né le 18 décembre 1968 à Dakar (Sénégal), de nationalité française, demeurant X5- DAKAR (Sénégal) ;
La SA A, dont le siège social se trouve X6 - TORTOLA (B. V. I) prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
La société B, dont le siège social se trouve X7 - TORTOLA (B. V. I) prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
La société C, dont le siège se trouve X8 - TORTOLA (B. V. I.), prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
La société D, dont le siège se trouve X9 - TORTOLA (B. V. I.), prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
La société E, dont le siège social se trouve X10 - Marbella - PANAMA (République du Panama), prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
La société F, dont le siège social se trouve X9 - TORTOLA (B. V. I.), prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
La SA G, dont le siège social se trouve X11 - L 2168 Luxembourg, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
DÉFENDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Corinne DREYFUS-SCHMIDT, avocat au barreau de Paris ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'arrêt de la Chambre du conseil civile de la Cour d'appel en date du 25 février 2016 ;
Vu l'exploit de saisie-arrêt, d'assignation et d'injonction du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 22 mars 2016, enregistré (n° 2016/000641) ;
Vu la déclaration originaire, de la SAM H, tiers-saisi, contenue dans ledit exploit ;
Vu les déclarations complémentaires formulées par l'établissement bancaire SAM H, par courriers en date des 22 mars 2016, 25 mars 2016 et 20 juin 2016 ;
Vu l'exploit de saisie-arrêt, d'assignation et d'injonction du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 3 novembre 2016, enregistré (n° 2017/000335) ;
Vu la déclaration originaire, de l'établissement bancaire dénommé SAM H, tiers-saisi, contenue dans ledit exploit ;
Vu la déclaration complémentaire formulée par l'établissement bancaire SAM H, par courrier en date du 6 février 2017 ;
Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 25 janvier 2018 ayant notamment ordonné la jonction des procédures enregistrées sous les numéros 2016/000641 et 2017/000335 et placé l'affaire au rôle général ;
Vu l'arrêt de la Chambre du conseil civile de la Cour d'appel en date du 26 novembre 2019 ;
Vu le jugement avant-dire-droit de ce Tribunal en date du 8 octobre 2020 ayant notamment rejeté en l'état la demande de mainlevée de la saisie-arrêt formée le 22 mars 2016, maintenu le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'appel portant sur l'appel du jugement du 20 février 2020 (assignation n°2017/000497), renvoyé la cause et les parties à l'audience du mardi 1er décembre 2020 en l'état et réservé les dépens en fin de cause ;
Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de k. A. d i. A. m. P. de la SA A, de la société B, de la société C, de la société D, de la société E, de la société F et de la SA G, en date du 7 avril 2021 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur au nom de k. m. W. en date du 20 avril 2021 ;
Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de l'ETAT DU SENEGAL, en date du 10 juin 2021 ;
À l'audience publique du 17 juin 2021, Maître Corinne DREYFUS-SCHMIDT, avocat au Barreau de Paris, plaidant sous la constitution de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, a été entendue en sa plaidoirie tandis que les conseils des autres parties ont déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 2 septembre 2021 ;
FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTION DES PARTIES
En 2012, la Cour de répression de l'enrichissement illicite du Sénégal (CREI) faisait diligenter une enquête préliminaire sur le patrimoine et le train de vie de Monsieur k. W. ancien ministre, fils de l'ancien président de la République et principal opposant du chef de l'État en exercice.
Le montant de son patrimoine était initialement évalué par les enquêteurs à la somme de 691.044.143.873 francs CFA, soit environ 1.053.490.006 euros.
Deux amis de Monsieur W. Messieurs i. et k. A. hommes d'affaires à la tête de plusieurs entreprises, étaient attraits dans les liens de la prévention en qualité de complices.
Entre 2012 et 2014, la Commission d'instruction de la CREI émettait des demandes d'entraide pénale internationale dont cinq adressées aux autorités judiciaires monégasques afin de geler les actifs de Messieurs W. P. et A. tant en leurs noms personnels qu'au titre de sociétés dont ils seraient les bénéficiaires économiques.
Ainsi, le 7 juin 2013, leurs avoirs et ceux de leurs sociétés détenus dans les livres de la SAM H étaient saisis à titre conservatoire.
Le 23 juin 2014, la Cour d'Appel de Monaco, statuant en Chambre du conseil (instruction) ordonnait la mainlevée du blocage des comptes des frères A. au motif d'une violation grave des droits de la défense.
Une nouvelle demande d'entraide internationale présentée le 26 juin 2014 conduisait à un nouveau blocage de comptes le 7 juillet 2014 alors que les requêtes aux fins de mainlevée étaient rejetées par la Chambre du Conseil de la Cour d'Appel de Monaco confirmée par la Cour de Révision de Monaco.
Par arrêt du 23 mars 2015, la CREI déclarait Monsieur W. coupable d'enrichissement illicite et le relaxait des faits de corruption, déclarait les frères A. et m. P. complices de cette infraction. Elle condamnait les prévenus à une lourde peine d'emprisonnement, à la confiscation de tous leurs biens et notamment les actions des sociétés dont ils étaient bénéficiaires économiques, à 210 millions d'euros d'amende et à une condamnation solidaire à payer 15 millions d'euros de dommages et intérêts au bénéfice de l'État du Sénégal.
Suivant arrêt du 20 août 2015, la Chambre Criminelle de la Cour Suprême de la République du Sénégal rejetait l'ensemble des pourvois.
Le 19 octobre 2015, le procureur spécial au Sénégal sollicitait la mise à exécution de la peine de confiscation prononcée par la CREI à l'international. Le 10 juillet 2018, le Tribunal correctionnel de Monaco rejetait les demandes d'exécution des décisions de confiscation. Ce jugement était confirmé en appel le 7 janvier 2019.
Les autorités sénégalaises sollicitaient également la justice monégasque sur le plan civil en introduisant des procédures de saisies-arrêts et une demande d'exequatur.
Ainsi, par ordonnance du 26 novembre 2015, une requête aux fins de saisie-arrêt était rejetée par le Président du Tribunal de première instance.
Par arrêt du 25 février 2016, la Chambre du conseil de la Cour d'appel infirmait partiellement cette ordonnance et, statuant à nouveau, autorisait l'État du Sénégal à pratiquer une saisie-arrêt à concurrence de la somme de 10.000.000.000 francs CFA sur les comptes de k. W. les frères A. m. P. ainsi que des sociétés F, SA G, E, C, D, B et la SA A dans les livres de la SAM H.
L'État du Sénégal pratiquait une saisie-arrêt sur ces comptes et faisait assigner leurs titulaires devant le Tribunal de première instance les 22 mars et 3 novembre 2016 en vue de voir déclarer régulières et valables les saisies arrêts pratiquées et obtenir condamnation des défendeurs au paiement des causes de celles-ci.
Une demande d'exequatur était introduite le 13 février 2017. Cette demande conduisait le Tribunal, le 25 janvier 2018, à prononcer un sursis à statuer sur la validité des saisies opérées dans l'attente de l'issue de la procédure d'exequatur. Ce sursis à statuer était confirmé en cause d'appel le 26 novembre 2019.
Le 20 février 2020, le Tribunal de première instance déboutait l'État du Sénégal de sa demande d'exequatur des arrêts rendus par la Cour de répression de l'enrichissement illicite le 23 mars 2015 et par la Chambre criminelle de la Cour suprême du Sénégal le 20 août 2015.
Le 30 mars 2021, la Cour d'Appel confirmait le rejet de la demande d'exequatur.
L'État du Sénégal formait un pourvoi en révision le 28 mai 2021.
Par conclusions en date du 7 avril 2021, les frères A. m. P. ainsi que les sociétés F, SA G, E, C, D, B et la SA A font observer que les deux décisions étrangères sur lesquelles l'État du Sénégal s'est fondé pour obtenir une saisie-arrêt à titre conservatoire n'ont aucune existence dans l'ordre juridique monégasque faute d'avoir obtenu l'exequatur. Dans ces conditions, ces décisions ne peuvent constituer un titre. Les défendeurs sollicitent en conséquence le rejet de la demande de validation des saisies ordonnées formée par l'État du Sénégal, le débouté de l'État du Sénégal de l'ensemble de ses demandes, fins moyens et conclusions, la mainlevée des mesures de saisies-arrêts prises par l'État du Sénégal à leur encontre suivant actes de saisie-arrêt et assignation du 22 mars 2016 et du 3 novembre 2016, en vertu de l'arrêt rendu le 25 février 2016 (R. 3328) rendu par la Chambre du Conseil de la Cour d'appel (comptes logés à la SAM H), la condamnation de l'État du Sénégal à payer une somme de 15.000 euros à chacun des défendeurs au titre des dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée ainsi que le prononcé de l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Par conclusions du 20 avril 2021, Monsieur W. sollicite, en soulevant les mêmes moyens que les autres défendeurs, le débouté de l'État du Sénégal de ses demandes de validation de saisie-arrêt, la main levée des saisies arrêts pratiquées par l'État du Sénégal entre les mains de la SAM H à l'encontre de k. W. suivant acte en date du 22 mars 2016 et acte du 3 novembre 2016, la condamnation de l'État du Sénégal à payer la somme de 100.000 euros à k. W.à titre de dommages-intérêts pour procédures abusives et injustifiées et le prononcé de l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Par conclusions du 10 juin 2021, l'État du Sénégal souhaite voir ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure d'exequatur engagée par l'État du Sénégal par assignation en date du 13 février 2017 et toujours pendante devant la Cour de révision.
SUR CE,
Sur la demande de mainlevée de l'ensemble des saisies arrêts opérées :
En application de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé et, plus précisément, des articles 13 à 20 relatifs à la reconnaissance et l'exécution des jugements, les jugements étrangers passés en force de chose jugée ne sont susceptibles d'exécution dans la Principauté qu'après avoir été déclarés exécutoires par les juridictions monégasques.
Au cas d'espèce, le Tribunal de première instance a débouté l'État du Sénégal de sa demande d'exequatur concernant le volet civil des arrêts rendus par la Cour de répression de l'enrichissement illicite le 23 mars 2015 et par la Chambre criminelle de la Cour suprême du Sénégal le 20 août 2015 . Cette décision a été confirmée en appel le 30 mars 2021, cette juridiction retenant que les conditions posées par l'article 18.3 de la loi du 28 juin 2017 n'avaient pas été respectées.
Il convient de rappeler que le pourvoi en révision formé par l'État du Sénégal n'a pas d'effet suspensif.
Le sursis à statuer ordonné par le Tribunal de première instance dans le cadre de la procédure de validation de saisie-arrêt, sursis confirmée par la Cour d'appel, n'avait pour seul objectif que d'attendre l'issue réservée à la procédure d'exéquatur conduite par l'État du Sénégal. En effet, l'État du Sénégal a engagé des procédures conservatoires sur le seul fondement de décisions étrangères n'ayant pas encore force exécutoire à Monaco mais constitutives, au stade de la requête initiale, d'un principe certain de créance sous réserve d'obtenir ultérieurement un titre exécutoire en Principauté.
La force exécutoire des décisions sénégalaises n'ayant pas été obtenue à Monaco, la demande de validation des saisies ordonnées formée par l'État du Sénégal doit donc être rejetée et la mainlevée des mesures de saisies-arrêts prises par l'État du Sénégal à l'encontre des défendeurs doit être ordonnée.
Sur les demandes de dommages et intérêts :
Les frères A. m. P. ainsi que les sociétés F, SA G, E, C, D, B et la SA A sollicitent la condamnation de l'État du Sénégal à leur verser une somme de 15.000 euros chacun au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
Monsieur W. sollicite également la condamnation de l'État du Sénégal à lui verser une somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédures abusives et injustifiées.
Les défendeurs exposent en substance que les sommes se trouvant sur leurs comptes sont bloquées depuis plus de cinq ans au mépris de l'équité et du respect du délai raisonnable protégé par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 rendue exécutoire en Principauté de Monaco par Ordonnance Souveraine n° 408 du 15 février 2016.
Concernant les saisies-arrêts pratiquées, il s'agit effectivement de mesures conservatoires au caractère exceptionnel qui ont pour finalité de sauvegarder les droits du créancier. Le droit monégasque des voies d'exécution ne prévoit pas de délais ou de mesures contraignantes encadrant strictement ces procédures. Selon la jurisprudence de la Cour d'Appel de Monaco (CA, 4 avril 2019, n° DA2019/000216), la permission du juge pour procéder à une saisie-arrêt, soumise aux dispositions de l'article 491 du Code de procédure civile, ne se trouve subordonnée à l'exigence d'aucune autre condition que celle tenant à la démonstration d'un principe de créance présentant un caractère suffisant d'évidence. Cette jurisprudence précise que ni les dispositions de l'article 491 du Code de procédure civile ni la jurisprudence qui en découle ne font référence à la notion de risque dans le recouvrement de la créance.
Cependant si la lecture littérale de l'article 491 du Code de procédure civile monégasque n'exige pas la démonstration de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, il faut se référer aux principes généraux régissant les voies d'exécution s'agissant de mesures exceptionnelles portant atteinte, notamment, au droit de propriété, sur la nécessité de démontrer une menace, la probabilité d'un péril ou le risque vraisemblable de la volatilité des fonds.
De fait, la majeure partie des requêtes déposées devant le Président du Tribunal de première instance font état desdits motifs afin de permettre au juge d'apprécier si le recours à une telle mesure, par nature exceptionnelle et non contradictoire, n'est pas générateur d'un déséquilibre incompatible avec les exigences d'égalité des armes et de loyauté des débats, éléments inhérents à la notion de procès équitable.
Au cas d'espèce, les mesures conservatoires sollicitées étaient motivées par l'État du Sénégal en raison de l'existence d'une condamnation définitive des défendeurs au paiement de la somme de 10 milliards de francs CFA à titre de dommages intérêts et d'une mise en recouvrement sujette à risque par la mise en œuvre de procédures d'exécution et d'exequatur nécessairement longues pouvant laisser du temps aux défendeurs de faire échapper leur patrimoine aux poursuites de l'État (cf. arrêt Cour d'appel du 25 février 2016 / motivations de l'appelant).
L'État du Sénégal n'a effectivement introduit une demande d'exequatur qu'en février 2017, soit quelques mois après l'obtention des mesures conservatoires sollicitées. Démarche qui ne peut être qualifiée de tardive ou de dilatoire dans la mesure où la jurisprudence monégasque rappelle que ne peut être imposé au créancier d'avoir recours à la procédure d'exequatur, celui-ci conservant le choix de la procédure la plus adaptée à la préservation de ses intérêts (CA, 4 avril 2019, n° DA2019/000216).
Dans le cadre de la conduite en parallèle de ces deux instances civiles (validation de saisie-arrêt et exequatur) et, alors même que les dispositions relatives à l'instruction des affaires civiles à Monaco n'accordent pas au juge de la mise en état de pouvoirs d'injonction et de clôture, force est de constater que ces procédures restent « la chose des parties » et que celles-ci ont pu exercer toutes les voies de recours à leur disposition (les défendeurs ont ainsi introduit des demandes en référé rétraction).
Ces éléments de fait et de droit exposés, il ne peut donc être imputé au demandeur la responsabilité d'un délai manifestement trop long qui ne répond pas à l'exigence du délai raisonnable concernant ces mesures conservatoires. Les demandes de dommages et intérêts à son encontre seront donc rejetées.
SUR L'EXÉCUTION PROVISOIRE :
Se référant à l'exposé ci-dessus, il est d'évidence que l'ancienneté du litige caractérise l'urgence et qu'il est nécessaire, dans un souci de bonne administration de la justice, de prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir conformément à l'article 202 alinéa 2 du Code de procédure civile
SUR LES DÉPENS :
L'État du Sénégal, qui succombe au principal, sera condamné aux entiers dépens de l'instance.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,
Rejette la demande de validation des saisies ordonnées formée par l'État du Sénégal suivant actes de saisie-arrêt et assignation du 22 mars 2016 et du 3 novembre 2016, en vertu de l'arrêt rendu le 25 février 2016 (R. 3328) par la Chambre du Conseil de la Cour d'appel ;
Déboute l'État du Sénégal de l'ensemble de ses demandes ;
Ordonne la mainlevée des mesures de saisies arrêts prises par l'État du Sénégal à l'encontre des défendeurs sur les comptes ouverts dans les livres de la SAM H suivant actes de saisie-arrêt et assignation du 22 mars 2016 et du 3 novembre 2016, en vertu de l'arrêt rendu le 25 février 2016 (R. 3328) par la Chambre du Conseil de la Cour d'appel ;
Ordonne la mainlevée des mesures de saisies-arrêts prises par l'État du Sénégal à l'encontre des sociétés SA A, B, C, D, E, F et SA G, (comptes logés à la SAM H) ;
Autorise la SAM H à déconsigner les sommes saisies ;
Rejette l'ensemble des autres demandes pour le surplus ;
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;
Condamne l'État du Sénégal aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maîtres Joëlle PASTOR-BENSA et Olivier MARQUET, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation ;
Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en Chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Françoise BARBIER-CHASSAING, Président du Tribunal de Première Instance, Madame Geneviève VALLAR, Premier Juge, Monsieur Adrian CANDAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Florence TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture étant considérée comme donnée à l'audience du 2 SEPTEMBRE 2021, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Françoise BARBIER-CHASSAING, Président, assistée de Madame, Isabel DELLERBA, Greffier, en présence de Madame Emmanuelle CARNIELLO, Substitut du Procureur Général, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de Justice.