Tribunal de première instance, 3 octobre 2019, a B c/ Maître y Z et Maître x W
Abstract🔗
Notaires - Responsabilité - Promesse de vente - Non-réalisation de la vente - Obligation de conseil et d'information - Manquement (non)
Résumé🔗
C'est en vain que le bénéficiaire d'une promesse de vente agit en responsabilité contre le notaire pour manquement à son obligation de conseil et d'information. L'échec de la vente est dû à la carence de l'acheteur, qui était parfaitement conscient de la perte de l'indemnité d'immobilisation en cas de non-réalisation de la vente qui lui serait imputable.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2015/000617 (assignation du 29 mai 2015)
JUGEMENT DU 3 OCTOBRE 2019
En la cause de :
a B, de nationalité autrichienne, né le 20 septembre 1970 à Téhéran (Iran), exerçant la profession d'administrateur de société, demeurant X1 à Vienne (Autriche) ;
DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Patrick BENCHETRIT, avocat au Barreau de Paris ;
d'une part ;
Contre :
1. Maître y Z, Notaire, c/o Maître x W Notaire, demeurant X2 à Monaco
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Gaston CARRASCO, avocat au Barreau de Nice ;
2. Maître x W, prise en sa qualité de Notaire à Monaco, demeurant X2 à Monaco ;
DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Gaston CARRASCO, avocat au Barreau de Nice ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 29 mai 2015, enregistré (n° 2015/000617) ;
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 12 avril 2017, enregistré (n° 2017/000464) ;
Vu le jugement avant-dire-droit en date 25 janvier 2018 ayant notamment ordonné la jonction des instances n° 2015/000617 et 2017/000464 et renvoyé la cause et les parties à l'audience du 15 mars 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de a B en dates des 7 novembre 2018 et 8 mars 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de Maître y Z en date des 19 avril 2018, 9 janvier 2019, 9 avril 2019 et 19 avril 2019 ;
À l'audience publique du 16 mai 2019, Maître Gaston CARRASCO a été entendu en sa plaidoirie pour Maître y Z Maître Christophe SOSSO et Maître Sophie LAVAGNA ont déposé leurs dossiers, et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 3 octobre 2019 ;
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 14 novembre 2007, Madame c. M. et Monsieur a B ont conclu une promesse synallagmatique de vente et d'achat portant sur un bien immobilier situé à Monaco dans l'immeuble dénommé S. T. à l'angle de X3 et de X4. Le prix de vente, évolutif en fonction de la date de signature de l'acte, avait été fixé entre 7.800.000 € et 7.950.000 € et devait être payé le jour de la signature de l'acte authentique.
Préalablement à cette vente, Monsieur B a versé la somme de 770.000 € correspondant à un acompte à valoir sur le prix de vente prévu et ce dans les comptes de Maître A C. Notaire à Monaco.
En raison d'un retard dans la conclusion de cette vente, une offre de prorogation a été établie le 10 mars 2008 par a B prévoyant une date de signature jusqu'au 30 avril 2008, une augmentation du prix de vente à 8.300.000 € et le versement d'une somme complémentaire de 430.000 € à titre d'acompte auprès du Notaire.
Malgré un nouveau report d'échéance au 15 mai 2008, la vente n'a pas été conclue.
Par jugement en date du 11 mars 2010, le Tribunal de première instance de Monaco a débouté a B de sa demande visant à faire reconnaître qu'il était toujours bénéficiaire de la promesse de vente et qu'il n'avait pas renoncé à cette vente.
Par arrêt en date du 29 mars 2011, la Cour d'appel de Monaco a déclaré a B irrecevable en son action.
Par arrêt en date du 23 mars 2012, la Cour de révision a rejeté le pourvoi formé par a B contre cet arrêt.
a B ayant ainsi perdu la totalité des acomptes versés préalablement à la vente et considérant avoir été mal conseillé par Maître x W dans ces circonstances, par acte d'huissier en date du 29 mai 2015, il a donné assignation à ce Notaire devant le Tribunal de première instance de Monaco afin de voir reconnaître l'existence d'une faute commise au titre d'un manquement à son devoir de conseil et d'obtenir la condamnation de celui-ci au paiement de la somme de 1.200.000 € en réparation de son préjudice.
Par jugement en date du 28 avril 2016 intervenu dans l'instance enregistrée sous le n° 2015/000617, ce Tribunal a notamment enjoint à a B de verser au titre de la caution judicatum solvi la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 259 du Code de procédure civile à la Caisse des dépôts et consignations.
Par acte d'huissier en date du 12 avril 2017, a B a également donné assignation à Maître y Z Notaire titulaire de l'Office notarial en charge du dossier à l'époque des faits en vue d'obtenir la jonction de cette instance avec celle précédemment engagée à l'encontre de Maître x W et en présentant les mêmes demandes que celles dirigées à l'encontre de cette dernière. a B sollicitait également qu'il soit dit que Maître Z avait commis une discrimination à son encontre du fait de sa nationalité autrichienne et sa condamnation au paiement de la somme de 30.000 € au titre des frais irrépétibles.
Par jugement en date du 25 janvier 2018, ce Tribunal a notamment :
ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 2015/000617 et 2017/000464,
enjoint à a B de verser au titre de la caution judicatum solvi la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 259 du Code de procédure civile à la Caisse des dépôts et consignations.
Par conclusions déposées le 7 novembre 2018, a B demande :
qu'il soit constaté que l'Étude de Maître y Z reprise par Maître x W Notaire à Monaco a manqué à son devoir de conseil à son égard,
qu'il soit constaté que l'acte litigieux présente un caractère léonin et que ce faisant, les défendeurs ont commis une discrimination à son encontre du fait de sa nationalité autrichienne,
qu'il soit dit que de ce fait, l'Étude notariale engage sa responsabilité civile professionnelle et qu'elle devra réparer le préjudice subi à hauteur de 1.200.000 € outre les intérêts à compter du 10 mars 2008 et leur condamnation solidaire au paiement de cette somme,
la condamnation solidaire des requis au paiement de la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts.
Par conclusions déposées le 8 mars 2019, a B maintient ses demandes et sollicite en outre le rejet des débats du témoignage produit par les défendeurs en pièce n° 13.
Il reproche à Maître A C. d'avoir validé un processus de vente déséquilibré, d'avoir manqué à son obligation de conseil en ne traduisant pas les actes notariés dans une langue qui lui soit intelligible, en n'émettant aucune réserve face à un acte manifestement disproportionné dont il aurait dû le dissuader et en ne l'éclairant pas utilement sur le contenu et les effets des engagements souscrits. Il considère ainsi qu'il n'a pas pu avoir connaissance de la teneur de son engagement et qu'il a été victime d'une discrimination susceptible d'être sanctionnée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme.
Par conclusions au fond déposées le 19 avril 2018 et le 9 janvier 2019, Maître y Z demande :
de dire non fondée l'action engagée par a B à son encontre,
la condamnation d a B au paiement de la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêt en réparation de son préjudice moral et matériel et que soit ordonnée la publication du jugement à intervenir dans le journal Nice Matin, édition Monaco-Matin aux frais du demandeur.
Par conclusions récapitulatives déposées le 9 avril 2019, Maître y Z maintient ses demandes et sollicite le rejet de la demande de rejet de pièce présentée par a B
Il fait valoir qu'aucune faute ne peut lui être reprochée au titre de son intervention dans ce projet de vente immobilière, que toutes les informations ont été données quant à la portée des actes accomplis, que les diligences nécessaires ont été assurées pour tenter de concrétiser la vente envisagée et que la non-réalisation de cette vente n'a été imputable qu'au demandeur lui-même alors qu'il avait une parfaite connaissance de ses engagements. A l'appui de sa demande de dommages et intérêts, il fait valoir que les allégations infondées d' a B à son encontre sont de nature à jeter un discrédit sur sa personne et lui causent ainsi un grave préjudice.
Par courrier en date du 11 avril 2019, l'avocat-défenseur de Maître x W a indiqué que celle-ci n'entendait pas déposer de nouvelles écritures judiciaires. Aux termes de ses dernières écritures récapitulatives et en réplique déposées le 7 juin 2017, elle demande que soit déclarée irrecevable l'action engagée à son encontre par a B et la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 400.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral outre la somme de 50.000 € pour procédure abusive.
Concernant son exception d'irrecevabilité, elle fait valoir qu'elle n'a pas eu à connaître du dossier d a B dès lors qu'elle n'a été nommée Notaire que par Ordonnance souveraine en date du 16 septembre 2008 et n'a pris ses fonctions que le 8 octobre 2008. Elle fait donc valoir que le demandeur n'a aucun intérêt à agir à son encontre. Elle précise en outre qu'une étude notariale ne dispose pas de la personnalité juridique et qu'en conséquence aucune demande ne peut être dirigée à son encontre.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'action à l'encontre de Maître x W :
Le régime de la responsabilité des notaires s'envisage sous le fondement de l'article 1229 du Code civil dans la mesure où il n'existe aucun lien contractuel entre lui et les parties à l'acte qu'il est chargé d'instrumenter, s'agissant d'un officier public investi du monopole de l'authentification des actes.
Il en résulte que l'engagement de la responsabilité du Notaire suppose la démonstration de l'existence d'une faute de ce dernier, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre ces deux éléments.
Il est justifié par les pièces produites que Maître x W a été nommée Notaire en remplacement de Maître y Z par Ordonnance Souveraine en date du 16 septembre 2008 et qu'elle a prêté serment devant la Cour d'appel de la Principauté de Monaco le 7 octobre 2008.
Il y a lieu de rappeler que Maître x W en sa qualité de Notaire successeur de Maître y Z n'a pas à répondre des fautes qui auraient été commises par ce dernier et qu'elle ne peut voir sa responsabilité recherchée que pour les fautes qu'elle a personnellement commises. En l'espèce, les griefs invoqués par le demandeur ont eu lieu entre le mois de novembre 2007 et le mois de mai 2008.
Il en résulte qu'aucune faute ne peut être reprochée à Maître x W pour des faits antérieurs à sa prise de fonction ; qu'a B doit en conséquence être considéré comme dépourvu de tout intérêt à agir à son encontre et déclaré irrecevable dans son action.
Sur le rejet de la pièce n° 13 :
Cette pièce constitue une attestation de Monsieur c D établie au visa de l'article 324 du Code de procédure civile et datée du 8 avril 2019.
Le demandeur soutient que le contenu de cette attestation est mensonger et que son auteur est intervenu de façon intéressée à l'acte en qualité de négociateur immobilier.
Cependant, la véracité des informations mentionnées dans une attestation versée à une procédure judiciaire ne constitue pas une condition de recevabilité de celle-ci ; il appartient au Tribunal d'apprécier la valeur probante d'une telle pièce au regard de l'ensemble des éléments versés à la procédure et contradictoirement discutés entre les parties.
Il convient en conséquence de débouter a B de sa demande de rejet de cette pièce.
Sur la responsabilité de Maître y Z :
Concernant le manquement au devoir de conseil :
Il est constant qu'au titre de l'obligation de conseil dont il est tenu, le notaire est chargé de s'assurer de l'efficacité et de la régularité des actes qu'il reçoit ; il lui appartient par ailleurs d'éclairer son client sur la portée, les conséquences et les risques des engagements et opérations juridiques auxquels il prête son concours. Il pèse donc sur le notaire une obligation générale de s'assurer de l'efficacité juridique des actes et contrat qu'il est chargé d'établir en application de l'ordonnance du 4 mars 1886.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que :
le 14 novembre 2007, une promesse synallagmatique de vente et d'achat a été conclue entre Madame c. M. et Monsieur a B en vue de l'acquisition du bien immobilier situé dans l'ensemble « S. T. » à Monaco. Les conditions générales de la vente sont détaillées dans cet acte qui a été établi hors intervention de Maître y Z et les conditions de prix évolutives telles qu'indiquées supra sont mentionnées en p.7. Il est en outre précisé en p.8 que « à l'appui de son engagement, l'acquéreur a d'ores et déjà versé la somme de SEPT CENT SOIXANTE DIX MILLE EUROS, au titre d'acompte à valoir sur le prix de vente ci-dessus prévu, au moyen d'un virement émis au profit de Me Z » et que par ailleurs ce prix est définitivement acquis au vendeur et s'imputera sur le prix de vente « ou bien il restera acquis au vendeur, à titre d'indemnité d'immobilisation, forfaitairement et amiablement convenue, au cas de non réalisation de ladite vente du seul fait de l'acquéreur » ;
le 28 février 2008, un procès-verbal de déclarations de Madame c. M. a été reçu par Maître y Z dont il ressort que a B ne s'est pas présenté lors du rendez-vous en vue de la signature de l'acte de vente ce jour,
le 29 février 2008 Madame M. a fait sommation à a B d'avoir à se trouver en l'étude de ce notaire le 10 mars 2008 aux fins de réitération de la promesse de vente par acte authentique.
par acte en date du 10 mars 2008, Maître y Z a dressé un procès-verbal de carence constatant l'absence de a B et indiquant avoir reçu en ses comptes un virement de 430.000 € émis par ce dernier ainsi que par fax, une offre de prorogation des accords initialement conclus le 14 novembre 2007 mentionnant que le prix de vente serait porté à 8.300.000 € avec réitération au 30 avril 2008 et fixation du montant de l'acompte à la somme totale de 1.200.000 €.
Il convient de relever qu'à ce dernier procès-verbal de carence est annexé un courrier de a B en date du 10 mars 2008 dans lequel ce dernier indique qu'il n'a pas été en mesure de procéder à la signature de l'acte de vente le 28 février 2008 en raison de difficultés de transfert de fonds à Monaco mais qu'il s'engage à porter le prix de la vente à 8.300.000 € et à verser une somme complémentaire de 430.000 €. Il précise que « dans l'éventualité où le 30 avril 2008, le solde du prix (nouvellement convenu) et des frais de la vente n'était pas en la comptabilité de Maître Z de ce seul fait et uniquement de ce fait, cette somme de UN MILLION DEUX CENTS MILLE EUROS (1.200.000 €) resterait automatiquement et définitivement acquise à Madame M. sans aucune formalité ni mise en demeure de sa part. Cette dernière serait alors dégagée de tout engagement envers moi de me vendre les biens susvisés ». Il est également précisé : « je donne ordre irrévocablement par les présentes à Maître Z et sur ma seule responsabilité, mais seulement si Madame M. signe la prorogation du délai de vente au 15 avril 2008, de verser à cette dernière la somme totale de UN MILLION DEUX CENTS MILLE EUROS (1.200.000 €) qu'il doit détenir sur le compte de son Étude en mon nom, le 10 mars 2008 ». Il convient de relever que cet acte procède d'un engagement unilatéral d a B et ne constitue pas un acte formalisé par Maître y Z
Par sommation en date du 15 avril 2008, Madame M. a fait sommation à son acquéreur d'avoir à se trouver en l'Étude de Maître y Z le 30 avril 2008 à 16 heures aux fins de signature de l'acte authentique.
Le 30 avril 2008, Me Z a établi un procès-verbal constatant à nouveau la carence de l'acquéreur. Cet acte précise cependant que a B a déposé en l'étude de ce notaire une attestation établie par sa banque confirmant que le solde du prix de la vente ainsi que les frais y afférents sont bien sur le compte de sa société et devraient arriver sur les comptes du Notaire entre les 10 et 12 mai 2008 et que Madame M. accepte la proposition de a B de proroger jusqu'au 15 mai 2008 la promesse synallagmatique de vente.
Le 15 mai 2008, un nouveau procès-verbal de carence a constaté l'absence d a B
Au vu de cette chronologie du projet de vente, a B considère que Maître y Z aurait dû attirer son attention sur la portée des engagements pris et ne pas valider l'instauration d'une situation contractuelle et économique déséquilibrée. Il soutient que la vente ne s'est pas réalisée en raison des difficultés rencontrées dans le déblocage des fonds mais qu'il n'a jamais renoncé à donner suite à celle-ci. Il se prévaut d'une absence de traduction des actes dans une langue qui lui soit intelligible au motif qu'il ne parlerait pas du tout le français.
Cependant, il doit être relevé que c'est à juste titre que Maître Z oppose au demandeur que ses engagements successifs ont été pris en réaction à sa propre défaillance et par des instructions données à son agent immobilier, Monsieur c D, et que la portée des engagements dont il était à l'initiative ne pouvait qu'être parfaitement connue par son auteur ; qu'en outre, au vu des conventions d'ores et déjà conclues avec la venderesse, les avenants ultérieurs s'imposaient afin de ne pas perdre la somme initialement versée à titre d'indemnité d'immobilisation.
De surcroît, au vu des échanges intervenus entre l'étude notariale et a B directement ou par l'intermédiaire de son mandataire (notamment les courriels en date du 28 février 2008 et du 4 mars 2008 produits par le défendeur), il n'apparaît pas qu'une incompréhension des langues française et anglaise ait pu faire obstacle à une appréhension utile des enjeux et de la portée des engagements contractuels qui ont été pris à l'occasion des différentes étapes de ce processus de vente.
Par ailleurs, il doit être souligné qu'aux termes des décisions prononcées dans l'instance ayant opposé a B à c. M. cette dernière a été libérée de son engagement de vente et les sommes versées à titre d'indemnité d'immobilisation lui sont restées acquises et ce en exécution des conventions passées entre les parties sans qu'à l'occasion de cette instance, la validité de ces conventions ait été remise en cause.
Il résulte de ces éléments que l'évolution de la promesse réciproque formalisée par les parties le 14 novembre 2017 n'a donné lieu à une issue défavorable pour a B qu'en conséquence des défaillances répétées de celui-ci dans ses engagements alors que les termes de ceux-ci étaient parfaitement explicites. Sur ce point, il doit être souligné que ce caractère explicite des clauses ci-dessus rappelées par lesquelles l'acquéreur consentait à la perte des indemnités d'immobilisation versées en cas de non-réalisation de la vente qui lui serait imputable révèle une absence totale d'ambiguïté. Ainsi, s'il incombe effectivement au notaire de s'assurer de la bonne compréhension par son client de la portée de ses engagements, cette obligation ne saurait s'étendre à des termes dépourvus de toute équivocité et il n'y a donc pas lieu en l'occurrence de reprocher à Maître Z de ne pas avoir mis en garde M. B sur les conséquences des clauses litigieuses.
Dès lors, aucun élément ne vient établir que la perte de l'indemnité d'immobilisation versée par le demandeur soit imputable à un manquement de Maître y Z au titre de son obligation d'information et de conseil. Les carences successives de a B lors des rendez-vous organisés en vue de la réitération de la vente par acte authentique ne pouvaient que conduire à une mise en échec de cette vente avec conservation par la venderesse de l'indemnité d'immobilisation convenue telle qu'elle a été actée par les précédentes décisions.
En outre, il doit être précisé que le moyen tiré du caractère léonin de la clause relative à cette indemnité d'immobilisation ne peut pas prospérer. En effet, cette indemnité d'immobilisation a été initialement fixée à 770.000 €, puis augmentée à 1.200.000 € de sorte qu'elle s'est située pendant la procédure de vente entre 10 et 15 % de la valeur du bien vendu. Il n'est pas démontré par le demandeur qu'une telle disposition dans le cadre d'une vente immobilière puisse revêtir un caractère léonin.
Concernant l'existence d'une discrimination :
Monsieur a B considère que Maître y Z a fait preuve d'une volonté manifeste de déséquilibrer la relation contractuelle à son détriment au motif qu'il était de nationalité autrichienne ; qu'un tel agissement est constitutif d'une discrimination au sens de l'article 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
L'article 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme pose en effet le principe du droit à la non-discrimination qui doit conduire à prohiber dans le cadre de relations interindividuelles la pratique, pour un notaire, consistant à organiser sciemment et sans motif légitime une différence de traitement et un déséquilibre des droits entre ses clients dans le cadre d'une vente immobilière en considération de critères tenant à la nationalité des parties.
Toutefois, en l'espèce, outre le fait que le demandeur ne vise pas l'article protégeant la liberté dont il considère avoir été privé, cette allégation n'est soutenue par aucune démonstration sérieuse ni aucun élément de nature à caractériser une pratique discriminatoire qui aurait été adopté par Maître y Z
En considération de ces éléments, il y a lieu de débouter a B de l'ensemble de ses prétentions dirigées contre Maître y Z
Sur les demandes de dommages et intérêts :
Maître y Z :
Monsieur y Z fait valoir que les griefs qui lui sont adressés sont totalement infondés mais de nature à jeter un discrédit sur sa personne et lui causer un grave préjudice moral ; qu'en outre, cette procédure l'a contraint à exposer des honoraires pour assurer sa défense.
L'action en justice est un droit qui ne peut dégénérer en faute que s'il constitue une action inspirée par la malice, la mauvaise foi, une erreur grossière ou à tout le moins une légèreté blâmable. En l'espèce il doit être relevé que l'instance engagée à l'encontre de Maître y Z est survenue postérieurement à l'échec de celle initiée à l'encontre de Madame M. Si ce seul élément ne suffit pas démontrer le caractère abusif de cette action, celle-ci, au-delà du fait qu'elle s'est avérée infondée, est soutenue par des griefs, notamment s'agissant des allégations de discriminations, qui ne reposent sur aucune démonstration utile et sont cependant de nature à porter atteinte à la réputation professionnelle du défendeur et occasionner de ce fait un préjudice moral.
Ainsi, la demande de dommages et intérêts formulée par Maître y Z est fondée dans son principe. Il convient d'y faire droit à hauteur de 15.000 €.
Maître x W :
Maître x W demande la somme de 400.000 € en réparation de son préjudice moral outre la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. Elle fait valoir qu'étant totalement étrangère aux actes concernés, les reproches qui lui sont faits sont totalement infondés mais jettent le discrédit sur son activité, lui occasionnant ainsi un préjudice moral important.
S'agissant de son préjudice matériel, elle indique que celui-ci est difficilement quantifiable en ce que ce discrédit est susceptible de mettre à mal l'activité de son étude et qu'elle a été contrainte dans le cadre de cette instance, d'engager des frais pour assurer sa défense.
Au vu de ces éléments tenant d'une part à l'engagement d'une action manifestement irrecevable à l'encontre de Maître y Z et, d'autre part, des termes de cette action susceptibles de porter atteinte à la réputation professionnelle de celle-ci, il convient de faire droit à sa demande d'indemnisation et de lui allouer la somme de 8.000 € en réparation de l'ensemble de ses préjudices.
Sur les demandes annexes :
Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner a B aux entiers dépens de l'instance.
Concernant la demande de publication de cette décision dans l'édition Monaco-Matin du journal Nice-Matin, cette mesure n'apparaît pas justifiée par les circonstances de l'espèce, il n'y a donc pas lieu de l'ordonner.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare irrecevable l'action engagée par a B à l'encontre de Maître x W aux termes de l'acte introductif d'instance du 29 mai 2015 ;
Déboute a B de sa demande visant à ce que soit écartée des débats la pièce n° 13 produite par Maître y Z;
Déboute a B de l'ensemble de ses prétentions dirigées contre Maître y Z;
Condamne a B à payer à Maître y Z une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts ;
Condamne a B à payer à Maître x W une somme de 8.000 € à titre de dommages et intérêts ;
Déboute Maître y Z de sa demande de publication de la décision ;
Condamne a B aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, et Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, chacun en ce qui le concerne, sous leur due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Vice-Président, Madame Léa PARIENTI, Juge, Monsieur Adrian CANDAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Isabel DELLERBA, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 3 OCTOBRE 2019, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Monsieur Adrian CANDAU, Juge, assisté de Monsieur Damien TOURNEUX, Greffier stagiaire, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.