Tribunal de première instance, 14 février 2019, c. H. c/ d. C. et la société A
Abstract🔗
Responsabilité contractuelle - Responsabilité médicale - Opération d'augmentation mammaire - Responsabilité du médecin (oui) - Manquement à son obligation d'information (oui) - Chirurgie esthétique Obligation d'information renforcée - Prétendue information orale - Absence d'information sur les risques - Faute technique (oui) - Soins non conformes aux données acquises de la science - geste chirurgical fautif - Faute de la patiente (non)
Résumé🔗
Après que le défendeur a pratiqué une opération d'augmentation mammaire sur la demanderesse, cette dernière a constaté un décollement du sternum qui s'est aggravé lors de la survenance d'une grossesse. S'agissant de la responsabilité du praticien, il résulte de l'article 8 du Code de règlement de déontologie médicale, visé à l'article 10 de l'ordonnance-loi n° 327 du 30 août 1941 instituant un Ordre des Médecins, que le médecin, sauf exception, n'est en principe autorisé à dispenser ses soins à un patient que s'il a obtenu de ce dernier un consentement éclairé et réfléchi. Cette obligation a pour corollaire le devoir d'apporter au patient tous les renseignements qui lui permettront d'exercer librement son choix d'accepter ou de refuser les soins proposés. Le médecin est donc tenu, sauf urgence, impossibilité ou refus du patient d'être informé, de lui décrire de façon claire, loyale et appropriée, compte tenu des circonstances et de la personnalité de l'intéressé, la nature et la nécessité des soins et de l'informer des conséquences et des risques qui pourraient en découler. Or, en l'espèce, si l'expert judiciaire note qu'une information complète orale aurait été délivrée, le respect de l'obligation d'information, dont la portée est renforcée s'agissant d'une intervention de chirurgie esthétique, n'est pas démontré dès lors que la patiente soutient ne pas avoir été informée du risque de décollement du sternum et des risques liés à une grossesse précoce après mis en place des implants mammaires. Il convient donc de retenir la responsabilité du médecin à ce titre.
Par ailleurs, la responsabilité du médecin est de nature contractuelle. À ce titre, il ne doit entreprendre que des traitements dont il maîtrise les aspects techniques, et cela en conformité avec les données acquises de la science. Sa responsabilité a lieu d'être engagée en cas de maladresse ou de manquement fautif dans l'exécution d'un acte médical et il lui appartient, conformément à l'article 1162 du Code civil, de prouver qu'il s'est effectivement acquitté des obligations lui incombant. Or, en l'espèce, l'expert relève que si les soins chirurgicaux ont été attentifs, ils ne sont pas conformes aux données acquises de la science dès lors qu'on ne peut éliminer « une faute technique lors du geste chirurgical avec décollement rétro musculaire trop important en interne lors de la réalisation des loges prothétiques ». Il précise également que l'origine de la complication semble être due à un décollement per-opératoire trop important au niveau de la loge sous musculaire. En revanche, il n'est pas établi que le comportement de la patiente a pu participer à la réalisation ou à l'aggravation de son propre préjudice, notamment le fait d'avoir manqué certaines consultations post-opératoires et d'avoir porté un soutien-gorge de type push-up. Il convient donc de déclarer le médecin entièrement responsable des conséquences dommageables résultant de la faute commise lors de la réalisation de l'intervention d'augmentation mammaire litigieuse.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2017/000112 (assignation du 2 septembre 2016)
JUGEMENT DU 14 FÉVRIER 2019
En la cause de :
c. H. née le 17 juillet 1992 à Menton, de nationalité française, vendeuse, demeurant X1 06500 Menton ;
Bénéficiairé de de l'assistance judiciaire selon décision du bureau n°XX du 6 juin 2016
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
d. C. né le 19 janvier 1949 à Monaco, de nationalité française, chirurgien, demeurant « X2», X2 à Monaco ;
La Société A, dont le siège social se trouve X3, 92800 Puteaux (France), prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration en exercice, p-y. G. demeurant en cette qualité audit siège ;
DÉFENDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 2 septembre 2016, enregistré (n° 2017/000112) ;
Vu le jugement avant-dire-droit rendu par ce Tribunal en date du 6 avril 2017 ayant notamment ordonné une mesure d'expertise confiée au Docteur d. DU. ;
Vu le rapport de cet expert déposé au greffe général le 13 septembre 2017 et son additif le 13 octobre 2017 ;
Vu le renvoi subséquent de la cause et des parties à l'audience du Tribunal du 30 novembre 2017 ;
Vu les conclusions de Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur, au nom de c. H. en date des 19 avril 2018 et 3 octobre 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de d. C. et la société A en date du 28 juin 2018 ;
À l'audience publique du 13 décembre 2018, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 14 février 2019 ;
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Au cours de l'année 2012, c. H. s'est rapprochée du Dr d. C. en vue de la réalisation d'une opération d'augmentation mammaire par prothèse. L'intervention a été pratiquée le 2 avril 2013 au sein de l'établissement public de droit monégasque B
Après cette intervention, c. H. indique avoir constaté la présence d'une anomalie sous la forme d'un décollement du sternum qui n'aurait pas été utilement pris en compte par le Dr C. et s'est aggravé au cours des mois suivants, notamment lors de la survenance d'une grossesse.
Considérant que son état révélait de manquements commis par le praticien lors de cette intervention, par acte d'huissier en date du 2 septembre 2016, c. H. a donné assignation au Dr d. C. et à son assureur la société A devant le Tribunal de première instance de MONACO en vue d'obtenir la désignation d'un médecin expert et la condamnation du Dr C. et de son assureur, la société A, au paiement d'une somme provisionnelle de 10.000€.
Par jugement en date du 6 avril 2017, ce tribunal a ordonné une mesure d'expertise médicale confiée au Dr d. DU. et a rejeté la demande de provision présentée par la requérante.
Le médecin expert a déposé son rapport le 13 décembre 2017.
Par conclusions additionnelles et récapitulatives déposées le 3 octobre 2018, c. H. demande, sous le régime de l'exécution provisoire :
d'être déclarée recevable et bien fondée en ses prétentions,
qu'il soit dit que le Dr C. est responsable d'une ou plusieurs fautes commises dans le cadre de l'opération pratiquée et qu'il soit constaté qu'il est entièrement responsable du préjudice subi à la suite de cette opération,
la condamnation in solidum du Dr C. et de la société A au paiement de son préjudice évalué provisoirement à 103.323,96€ outre le remboursement des frais médicaux relatifs aux opérations à venir sur présentation des factures y afférentes ainsi que la perte de salaire consécutive,
en tout état de cause, la condamnation in solidum du Dr C. et de la société A au paiement de la somme de 10.000€ à titre de dommages et intérêts outre les dépens.
À l'appui de ses demandes, c. H. indique que sa poitrine a été abimée par l'intervention du 2 avril 2013 ; elle reproche au Dr C. un manquement à son obligation d'information renforcée s'agissant de chirurgie esthétique en ce qu'elle n'a pas été informée des risques liés à cette implantation mammaire et conteste avoir eu connaissance de la nature de ces risques ; que les moyens nécessaires n'ont pas été mis en œuvre pour éviter un décollement du sternum et l'échec de l'opération et que le suivi post-opératoire s'est également avéré défaillant, le chirurgien n'ayant pas tenté de réparer l'erreur commise à cette occasion alors qu'il était informé des difficultés rencontrées dès le lendemain de l'intervention. En réponse à la défense du Dr C. c H. conteste toute participation à la réalisation de son propre dommage et considère que celui-ci n'a pas été aggravé par sa grossesse, dès lors que l'origine du dommage se situe bien dans la faute commise par le Dr C. lors de l'intervention.
Par conclusions déposées le 28 juin 2018, le Dr d. C. et la société A demandent :
que soit limitée à 70% la part de responsabilité du Dr C. dans les préjudices allégués par la requérante et que son préjudice soit fixé selon les sommes mentionnées en leurs écritures,
que leur condamnation soit en conséquence limitée à la somme de 2.172,53€,
qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils acceptent de prendre en charge les frais de reprise chirurgicale imputables aux complications sur justificatifs,
le débouté de c H. du surplus de ses demandes.
Les défendeurs font valoir que l'obligation d'information a bien été respectée au vu du temps de réflexion laissé à c H. et du nombre de consultations réalisées de sorte que les risques opératoires étaient connus de la patiente ; ils considèrent également que le suivi de la patiente a été régulier et adapté et qu'il n'a eu connaissance de la complication survenue que 7 mois et demi après la réalisation de l'intervention ; que la reprise chirurgicale a dû être retardée compte tenu de la grossesse de la patiente qui a par ailleurs aggravé son préjudice dans une mesure qu'il convient de fixer à 30%.
MOTIF DE LA DÉCISION :
Sur la responsabilité du Dr C. :
Il résulte de l'article 8 du Code de règlement de déontologie médicale, visé à l'article 10 de l'ordonnance-loi n° 327 du 30 août 1941 instituant un Ordre des Médecins, que le médecin doit avoir le plus grand respect de la personne humaine ; il en découle que, sauf urgence caractérisée par la nécessité de sauver la vie d'autrui ou sauf placement d'un malade mental par décision judiciaire, le médecin n'est en principe autorisé à dispenser ses soins à un patient que s'il a obtenu de ce dernier un consentement éclairé et réfléchi.
Cette obligation a pour corollaire le devoir d'apporter au patient tous les renseignements qui lui permettront d'exercer librement son choix d'accepter ou de refuser les soins proposés ; le médecin est donc tenu, sauf urgence, impossibilité ou refus du patient d'être informé, de lui décrire de façon claire, loyale et appropriée, compte tenu des circonstances et de la personnalité de l'intéressée, la nature et la nécessité des soins et de l'informer des conséquences et des risques qui pourraient en découler.
Par ailleurs, il doit être rappelé que la responsabilité du médecin est de nature contractuelle ; à ce titre, le praticien ne doit entreprendre que des traitements dont il maîtrise les aspects techniques et cela en conformité avec les données acquises de la science. Sa responsabilité a lieu d'être engagée en cas de maladresse ou de manquement fautif dans l'exécution d'un acte médical.
Il appartient au praticien, conformément à l'article 1162 du Code civil, de prouver qu'il s'est effectivement acquitté des obligations lui incombant.
Concernant l'existence d'un manquement au devoir d'information dont le médecin est redevable, c H. soutient ne pas avoir été informée par le risque de décollement du sternum qui s'est par la suite réalisé et qu'elle n'a donc pas pu avoir conscience de ce risque ni savoir comment réagir face à l'anomalie constatée et n'a en outre pas été informée des risques liés à une grossesse et au déplacement des implants.
Sur ce point, le médecin expert a relevé dans son rapport que « une information complète orale aurait été délivrée » en précisant qu'on « ne note pas de délivrance de fiches d'informations de Société C » ; concernant plus spécifiquement les conséquences d'une grossesse, il est indiqué que « les risques ont été décrits et expliqués à la patiente notamment le risque de déplacement et le fait qu'une grossesse est à éviter dans l'année qui suit la mise en place d'implants. A noter que la patiente conteste ce fait et prétend qu'elle n'a pas été informée des risques d'une grossesse précoce après mise en place d'implants mammaires » (rapport p.5). Selon la chronologie décrite par le médecin :
la première consultation est intervenue le 28 novembre 2012,
une seconde consultation est intervenue le 30 janvier 2013,
la consultation pré-anesthésique a eu lieu le 5 mars 2013,
une troisième consultation pré-opératoire a eu lieu le 27 mars 2013 aux fins de bilan sénologique,
réalisation de l'intervention sous anesthésie générale le 2 avril 2013.
c H. a connu une grossesse environ 4 mois après l'intervention.
Selon l'expert, lors de l'examen, c H. montrait en effet une « synmammie avec présence d'un bourrelet cutané horizontal entre les 2 seins » en lien avec un déplacement des prothèses.
Le médecin expert retient qu'une information orale complète a été délivrée à c H.« avec notification du risque de déplacement et recommandation d'une absence de grossesse précoce après la mise en place d'implants mammaires ».
Les contestations de c H. quant à la délivrance d'une information complète ont été émises à l'occasion des dires exprimés suite au pré-rapport du médecin expert. En effet, ce dernier indique en p.21 de son rapport : « à noter que la patiente ne conteste que dans les dires cette information orale : lors de l'accedit, la patiente n'a pas manifesté de contestations sur l'information sur ces deux points précis ».
Il résulte de ces constatations que le respect de l'obligation d'information dont la portée est par ailleurs renforcée s'agissant d'une intervention de chirurgie esthétique n'est pas démontré en l'espèce. En effet, le fait que c H. n'ait dénoncé une absence d'information complète que dans le cadre des dires ne permet pas de considérer qu'elle aurait reçu une information complète détaillée et adaptée lui ayant permis de consentir de façon éclairée à l'intervention dont elle a fait l'objet et d'avoir conscience des risques encourus, notamment celui du déplacement des prothèses et des conséquences esthétiques pouvant en résulter. En l'état de la procédure, les seules déclarations des parties quant à l'exécution de cette obligation ne permettent donc pas de s'assurer du contenu et de la portée des informations qui ont été effectivement délivrées à la patiente.
Dès lors, la responsabilité du Dr C. a lieu d'être engagée à ce titre en ce qu'il ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, par application des textes précités, de ce qu'il a délivré à sa patiente une information complète, détaillée et adaptée quant aux risques liés à l'intervention pratiquée.
Par ailleurs, il doit être relevé qu'en p.24 de son rapport, le médecin expert indique que « les soins chirurgicaux réalisés ont été attentifs mais non conformes aux données acquises de la science : en effet, on ne peut éliminer une faute technique lors du geste chirurgical avec un décollement rétro musculaire trop important en interne lors de la réalisation des loges prothétiques ». Il est par ailleurs rappelé par le médecin expert que l'origine de la complication semble être due à un décollement peropératoire trop important au niveau de la loge sous musculaire (p.21).
En revanche, aucun élément ne permet d'objectiver le fait que le comportement de la patiente ait pu participer à la réalisation ou à l'aggravation de son propre préjudice. À ce titre, le fait que celle-ci ne se soit pas présentée à certaines consultations post-opératoires est considéré comme n'ayant pas eu de conséquences au niveau de la suite et de la détérioration du résultat esthétique. S'agissant du fait que c H. ait porté après l'intervention un soutien-gorge de type push-up entraînant une pression des prothèses vers le haut, il n'est également pas démontré que cette pratique ait pu participer à la réalisation du préjudice. C'est donc vainement que les défendeurs soutiennent qu'une part de responsabilité doit être laissée à la charge de c H. dans le cadre de la réparation de son préjudice.
Au vu de ces éléments, il convient de déclarer le Dr C. entièrement responsable des conséquences dommageables consécutives à la faute commise lors de la réalisation de l'intervention d'augmentation mammaire du 2 avril 2013.
Il sera condamné à l'indemnisation de cet entier préjudice in solidum avec son assureur, la société A.
Sur l'indemnisation du préjudice :
c H. détaille son préjudice de la façon suivante :
Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
Frais médicaux, dépenses de santé actuelles : 70 € + 10.441,36 €
Frais divers : 33,62 €
Perte de gains professionnels futurs : 2.628,98 €
Préjudices patrimoniaux définitifs (après consolidation) :
Dépenses de santé futures : 12.000 €
Préjudices extra patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
Souffrances endurées : 15.000 €
Préjudice esthétique temporaire : 2.250 €
Préjudice sexuel temporaire : 54.000 €
Préjudices extra patrimoniaux définitifs (après consolidation) :
Déficit fonctionnel permanent : 3.900 €
Préjudice esthétique permanent : 3.000 €
S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :
Concernant la somme de 70 €, la requérante indique l'avoir engagée dans le cadre d'une consultation en chirurgie esthétique devant le Dr BE. Elle verse aux débats une facture émise par ce médecin le 29 mai 2015 d'un montant de 70 € au titre d'une telle consultation. Le Dr C. ne s'oppose pas à cette demande. Il convient donc d'y faire droit et d'allouer 70 € à c. H.
Concernant la somme de 10.441,36 €, c. H. soutient qu'elle correspond au montant de l'emprunt auquel elle a eu recours pour financer la première intervention réalisée par le Dr C. Elle verse aux débats un tableau d'amortissement émanant de la société D faisant état d'un prêt de 8.000 € dont le coût est de 2.441,36 €. Ce prêt a été remboursé à compter du 12 janvier 2014. Il est en outre produit le devis relatif à l'acte pratiqué par le Dr C. dont le montant était fixé à 6.050 €.
Le Dr C. oppose que cette dépense doit rester à la charge de c. H. compte tenu du fait que l'indication de la première intervention n'était pas contestable et que le remboursement sollicité conduirait à un enrichissement sans cause.
En l'espèce, il doit être considéré que le paiement du coût initial de l'intervention n'est pas un préjudice consécutif à la faute commise par le médecin ; en conséquence, si le droit à la réparation intégrale du préjudice doit permettre à la victime de se voir rétablie dans la situation qui aurait dû être la sienne dans le cas où la faute se serait pas survenue, la réparation consiste alors en l'obligation faite au médecin de prendre à sa charge les frais médicaux nécessaires à la reprise chirurgicale sans qu'il puisse en outre être condamné au remboursement des sommes qu'il a lui-même perçues.
c. H. sera en conséquence déboutée de cette demande.
Concernant les frais divers, c. H. sollicite la somme de 33,62 € correspondant aux frais de déplacement engagés pour se rendre à la consultation en chirurgie esthétique du Dr BE. Le Dr C. ne s'oppose pas à cette demande. Il convient d'allouer ces 33,62 € à c. H.
Concernant la perte de gains professionnels futurs, c. H. soutient que son préjudice correspond à la perte de salaire post-opératoire sur la base d'un repos d'un mois après chaque opération. Elle verse aux débats son bulletin de salaire du mois de décembre 2017 faisant état d'un revenu de 1.314,49 €.
Les défendeurs opposent que ce poste de préjudice n'a pas été retenu par le médecin expert dans ses conclusions et que la demande doit en conséquence être rejetée.
Il ressort en effet du rapport de l'expert qu'aucune perte de gains professionnels actuels ou futurs n'a été retenue. c. H. ne verse aux débats aucune pièce de nature à remettre en cause ces conclusions et une indisponibilité professionnelle d'un mois devant survenir à la suite de chaque opération n'est pas démontrée. En outre, il doit être souligné que dans ses réponses au dire, le médecin expert a précisé que « ces actes opératoires (...) nécessitent un arrêt de travail de quelques jours et non pas de quelques semaines comme il a été noté dans les dires ».
Il convient en conséquence de rejeter ce chef de demande.
S'agissant des dépenses de santé futures :
c. H. soutient que de nouvelles interventions vont être nécessaires pour corriger l'anomalie résultant de cette première prise en charge ; qu'elle ne parvient pas à obtenir une évaluation précise du coût de ces interventions à venir mais considère que deux actes seront nécessaires et que ce préjudice doit ainsi être évalué à la somme de 12.000 €. Elle verse aux débats un certificat établi le 26 février 2018 par le Dr C.-S., chirurgien plasticien à l'établissement public E de Nice indiquant que « une des possibilités chirurgicales serait une dépose des prothèses mammaires bilatérales dans un premier temps puis une repose uniquement un an après avec non certitude du résultat ». Elle précise que « les bénéfices d'une chirurgie de reprise sont extrêmement difficiles à évaluer ».
Les défendeurs opposent que les frais relatifs à la chirurgie à venir seront pris en charge sur justificatifs.
La nécessité d'une ré-intervention en vue de corriger les anomalies apparues après l'opération du Dr C. n'est pas contestée et est par ailleurs retenue par le médecin expert qui indique que « 1 ou 2 interventions chirurgicales seront nécessaires pour corriger cette anomalie » afin de procéder à cette reprise. La première intervention doit avoir pour objet la dépose des prothèses, la seconde, devant être réalisée quelques mois plus tard, la remise en place de deux prothèses.
Au vu de ces conclusions de l'expert qui indiquent expressément la nécessité de recourir à une telle reprise par le biais d'une outre deux interventions et au vu du coût de la première intervention dont justifie la requérante, il convient de faire droit à sa demande présentée au titre des dépenses de santé futures et de lui allouer une somme de 11.000€ au titre de ce poste de préjudice.
S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :
Concernant les souffrances endurées, elles sont évaluées par 1/7 par le médecin expert qui relève l'absence de souffrances physiques mais des « souffrances psychiques importantes compte tenu du siège du problème (le sein : organe de la féminité) ».
c. H. considère que ses souffrances endurées doivent être évaluées à 4/7 puisqu'elle était âgée de 20 ans au moment de l'opération litigieuse et que sa féminité étant atteinte, elle a dû arrêter des activités simples comme le fait d'aller à la plage ou de nourrir son fils au sein ; elle fait en outre valoir que sa vie est en suspens depuis plus de 5 ans.
Les défendeurs opposent que l'évaluation de ces souffrances doit être maintenue à 1,5/7 et présente une offre d'indemnisation à hauteur de 1.500€.
Il convient de rappeler d'une part que les souffrance endurées relèvent des préjudices avant consolidation de sorte que les souffrances morales ou physiques qui perdurent postérieurement à la consolidation des blessures (en l'espèce fixée au 2 avril 2014) doivent s'envisager au titre du déficit fonctionnel permanent et, d'autre part, que les troubles ressentis dans les conditions d'existence et la perte de qualité de vie pendant la période traumatique sont pris en compte au titre du déficit fonctionnel temporaire.
En conséquence, en l'espèce, les moyens soutenus par c. H. pour contester l'évaluation de ses souffrances faite par le médecin expert ne sont pas pertinents. En effet, ce dernier a bien pris en compte la nature psychique des souffrances en écartant toute dimension physique. En outre, il a expressément retenu les considérations également soulevées par la requérante relatives à la dimension symbolique de cette atteinte.
Compte tenu de ces éléments, au vu des conclusions de l'expert, il convient d'allouer à c. H. une somme de 2.500€ .
Concernant le préjudice esthétique temporaire, le médecin expert a évalué ce poste de préjudice à 1,5/7 en notant un « mauvais résultat esthétique mais pas de présentation dans un état physique altéré au regard des tiers à l'exception de ses proches du fait de la situation de disgrâce esthétique ».
Les défendeurs proposent une indemnisation de ce préjudice à hauteur de 1.500€.
Au vu du taux retenu, de la nature et de sa durée s'agissant d'un préjudice temporaire, il convient d'allouer en réparation de ce poste de préjudice une somme de 1.500€ .
Concernant le préjudice sexuel temporaire, la requérante considère que ce poste de préjudice doit s'envisager par référence à la base d'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence, soit entre 500 et 900€ par mois. Elle soutient que le médecin expert ne fixe aucune date de fin de son préjudice sexuel et qu'en conséquence, celui-ci doit être considéré comme toujours en cours dans le cadre de la présente procédure. Ainsi, par référence au nombre de mois écoulés depuis l'intervention et en fonction d'une base d'indemnisation de 900€ par mois, c. H. sollicite une somme de 54.000€ à parfaire.
Les défendeurs opposent que ce poste de préjudice doit être intégré au déficit fonctionnel temporaire qui n'a pas été retenu par le médecin expert. Ils concluent ainsi au rejet de cette demande.
Il est constant que le préjudice sexuel, envisagé en tant que préjudice temporaire avant consolidation, est indemnisé au titre de l'atteinte dans les joies usuelles de la vie courante et de la perte de qualité de vie, cet aspect du préjudice étant envisagé sous la désignation du déficit fonctionnel temporaire. En l'espèce, le médecin expert a retenu une « absence de relations sexuelles depuis l'intervention ». En p.11 de son rapport, il mentionne : « on note une détérioration de l'état psychologique de la patiente qui a engendré une altération de sa vie relationnelle et sociale et une rupture d'avec le père de son fils. Cet état a nécessité un suivie psychothérapique avec 3 consultations sans recours à un traitement médicamenteux ».
Nonobstant ces conclusions, le médecin expert n'a pas retenu de période de déficit fonctionnel temporaire en lien avec la faute médicale. La reconnaissance d'une altération de la vie relationnelle apparaît cependant comme un élément constitutif de la perte de qualité de vie au cours de la période traumatique. Compte tenu de ces éléments, il a lieu de reconnaître dans son principe l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire occasionné par cette altération de la vie relationnelle incluant l'existence d'une activité sexuelle. S'agissant d'un préjudice temporaire et dont la portée n'apparaît que relative au vu des termes du rapport, il y a lieu de l'indemniser à hauteur de 1.500€ .
S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux définitifs :
Concernant le déficit fonctionnel permanent, il est évalué par le médecin expert à 2% au titre de l'impact psychologique consécutif à cette faute médicale.
c. H. sollicite une indemnisation à hauteur de 3.900€.
Selon le Dr C. les réclamations présentées par c. H. au titre des préjudices définitifs ne peuvent pas prospérer compte tenu du fait que si elle se soumet à une nouvelle intervention pour les corriger, ces anomalies n'existeront plus.
Cependant, la possibilité de recourir à un traitement ou une chirurgie de correction susceptible de diminuer le préjudice subi n'est pas un élément de nature à remettre en cause le droit à réparation intégrale de la victime d'un préjudice et cela, même dans l'hypothèse où l'intention de subir une chirurgie de reprise est exprimée par la patiente.
Dès lors, compte tenu du taux retenu par le médecin expert et de l'âge de c. H. au moment de la consolidation de ses blessures, il convient de lui allouer la somme de 3.000€ en réparation de ce poste de préjudice.
Concernant le préjudice esthétique permanent, il est fixé à 2/7 compte tenu de la présence d'un « bourrelet cutané transversal horizontal entre les deux seins avec aspect de synmammie ». Le médecin expert précise que c. H.« n'envisage pas de rester comme ça et veut absolument avoir recours à une chirurgie correctrice ».
En considération de ces éléments, il convient d'indemniser ce préjudice à 2.500€ .
Ainsi, il convient d'allouer à c. H. la somme totale de 22.103,62€ en réparation des préjudices subis au titre de la faute commise par le Dr d. C. lors de la réalisation de l'intervention du 2 avril 2013.
Sur la demande de dommages et intérêts :
c. H. sollicite la condamnation du Dr d. C. au paiement de la somme de 10.000€ à titre de dommages et intérêts en faisant valoir qu'elle reste très affectée par les conséquences de cette intervention et qu'elle est contrainte d'attendre une décision judiciaire afin d'y remédier outre les contraintes subies du fait de la procédure.
Cependant, c. H. ne justifie pas de l'existence d'un préjudice distinct de ceux auxquels il est procédé à réparation aux termes de la présente décision.
Il convient en conséquence de la débouter de ce chef de demande.
Sur les demandes annexes :
Au vu de la solution du litige, le Dr d. C. sera condamné aux entiers dépens de l'instance.
Les conditions pour que soit prononcée l'exécution provisoire ne sont pas réunies au sens de l'article 202 du Code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu de l'ordonner.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Dit que le Docteur d. C. a commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle lors de la réalisation de l'intervention chirurgicale pratiquée le 2 avril 2013 sur c. H.;
Condamne in solidum le Dr d. C. et son assureur la société A à payer à c. H. la somme totale de 22.103,62€ au titre de l'indemnisation des préjudices résultant de cette faute médicale ;
Déboute c. H. du surplus de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision ;
Condamne in solidum le Dr d. C. et son assureur la société A aux dépens de l'instance distraits au profit de l'administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Vice-Président, Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, Monsieur Adrian CANDAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Mademoiselle Florence TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 14 FÉVRIER 2019, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Monsieur Sébastien BIANCHERI, Vice-Président, assisté de Mademoiselle Amandine RENOU, Greffier stagiaire, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.