Tribunal de première instance, 15 novembre 2018, La Société B c/ f. g. AN.
Abstract🔗
Exequatur – Convention franco-monégasque – Conditions
Résumé🔗
La Convention du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco, rendue exécutoire à Monaco par l'ordonnance souveraine n° 106 du 2 décembre 1949, prévoit une procédure d'exequatur simplifiée pour les décisions judiciaires rendues en France. L'article 18 de la convention précitée permet au Tribunal saisi d'une demande d'exequatur d'une décision française de déclarer celle-ci exécutoire en Principauté de Monaco, après avoir vérifié, au regard tout d'abord de la loi du pays d'origine, soit la loi française en l'espèce : l'authenticité de l'expédition de cette décision, la compétence de la juridiction dont elle émane, la régularité des citations délivrées aux parties ainsi que la réalité de sa force de chose jugée. En l'espèce, l'intégralité des conditions requises étant ainsi remplies, il y a lieu de déclarer exécutoire sur le territoire de la Principauté de Monaco le jugement du Tribunal de grande instance de Nice du 7 décembre 2015, avec toutes conséquences de droit.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2018/000502 (assignation du 25 avril 2018)
JUGEMENT DU 15 NOVEMBRE 2018
En la cause de :
La SAS B, dont le siège social se trouve à Saint-Jean-Cap-Ferrat (06230), prise en la personne de son Président en exercice, d. DU. demeurant en cette qualité audit siège ;
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
f. g. AN. de nationalité italienne, anciennement domicilié X1à Monaco, demeurant actuellement X2 à Monaco ;
DÉFENDEUR, DÉFAILLANT,
En présence de :
M. le PROCUREUR GÉNÉRAL, en son Parquet, Palais de Justice, rue Colonel Bellando de Castro à MONACO ;
COMPARAISSANT EN PERSONNE ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 25 avril 2018, enregistré (n° 2018/000502) ;
Vu les conclusions du Ministère Public en date du 10 juillet 2018 ;
À l'audience publique du 11 octobre 2018, le conseil de la SAS B a déposé son dossier, nul n'ayant comparu pour f. AN. et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 15 novembre 2018 ;
FAITS ET PROCÉDURE :
Par exploit d'huissier du 25 avril 2018, la société par actions simplifiées à associé unique B a fait assigner par devant ce Tribunal f. AN. en présence de Monsieur le Procureur Général de la Principauté de Monaco, afin de voir déclarer exécutoire en Principauté de Monaco le jugement du Tribunal de grande instance de Nice du 7 décembre 2015.
Elle sollicite également le paiement de dommages et intérêts à hauteur de 2.000 euros et le bénéfice de l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, la SAS B expose :
qu'elle a réalisé des travaux d'entretien de jardinage dans la propriété de f. AN. située à Saint-Jean-Cap-Ferrat dont les factures sont restées impayées,
que par jugement en date du 7 décembre 2015, le Tribunal de de grande instance de Nice a condamné f. AN. à lui régler la somme de 22.278,03 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2014, outre la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles et les dépens, avec exécution provisoire sur les sommes dues à hauteur de 15.000 euros,
que ce jugement est régulier en la forme,
qu'il émane d'une juridiction compétente d'après la loi locale,
que les droits de la défense ont été respectés et les parties régulièrement citées,
que le jugement est passé en force de chose jugée,
que la reconnaissance de cette décision ou son exécution n'est pas contraire à l'ordre public monégasque.
Régulièrement cité, f. AN. n'a pas comparu, ni personne pour lui.
Par conclusions du 10 juillet 2018, Monsieur le Procureur Général a conclu à ce que le jugement rendu le 7 décembre 2015 par le Tribunal de grande instance de Nice soit déclaré exécutoire.
SUR CE,
Sur la qualification du jugement :
Dès lors que le défendeur, non comparant, n'a pas été cité à personne et qu'il ne résulte, au surplus, d'aucune des pièces de la procédure qu'il ait eu connaissance de l'assignation délivrée à son encontre, le présent jugement sera rendu par défaut.
Sur le fond :
La Convention du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco, rendue exécutoire à Monaco par l'ordonnance souveraine n° 106 du 2 décembre 1949, prévoit une procédure d'exequatur simplifiée pour les décisions judiciaires rendues en France.
L'article 18 de la convention précitée permet au Tribunal saisi d'une demande d'exequatur d'une décision française de déclarer celle-ci exécutoire en Principauté de Monaco, après avoir vérifié, au regard tout d'abord de la loi du pays d'origine, soit la loi française en l'espèce :
l'authenticité de l'expédition de cette décision,
la compétence de la juridiction dont elle émane,
la régularité des citations délivrées aux parties ainsi que la réalité de sa force de chose jugée.
En l'espèce, il est versé aux débats l'original de l'expédition certifiée conforme du jugement du Tribunal de grande instance de Nice revêtue de la formule exécutoire et la première expédition de signification dudit jugement en date du 14 janvier 2016 ainsi que son retour Parquet. Il est en outre produit le certificat de non-appel du 22 mars 2018 apposé sur la signification du 14 janvier 2016.
L'expédition exécutoire, délivrée le 7 décembre 2015 par le Greffe, du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Nice, présente tous les caractères propres à justifier de son authenticité.
Ladite décision a été prononcée par une juridiction territorialement compétente, en l'espèce le Tribunal de Grande Instance de Nice, puisque le lieu d'exécution du contrat se trouvait sur son ressort.
Il résulte de la lecture de la décision réputée contradictoire du 7 décembre 2015 que les parties ont été régulièrement citées devant la juridiction. Il est précisé dans le jugement que f. AN. bien que régulièrement assigné, n'a pas constitué avocat.
La décision en cause, qui a été signifiée par huissier en France le 14 janvier 2016 et transmis au Parquet General de Monaco le 2 février 2016 aux fins de remise à l'intéressé, n'a au demeurant pas été frappée d'appel, ainsi qu'il résulte du certificat du Greffier en Chef de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence du 22 mars 2018.
Ce jugement est donc bien passé en force de chose jugée, conformément aux dispositions de l'article 500 du Code de procédure civile français.
Enfin, les dispositions du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Nice le 7 décembre 2015 ne sont pas contraires à l'ordre public monégasque.
L'intégralité des conditions requises étant ainsi remplies, il y a lieu de déclarer exécutoire sur le territoire de la Principauté de Monaco le jugement du Tribunal de grande instance de Nice du 7 décembre 2015, avec toutes conséquences de droit.
Sur la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive :
Il n'est pas démontré en l'espèce que f. AN. ait fait preuve de résistance abusive.
En conséquence, la SAS B sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur le surplus :
L'article 218 du Code de procédure civile dispose : « L'exécution provisoire ne peut être ordonnée, avec ou sans caution, qu'en cas d'urgence, et par le jugement même qui adjuge le profit du défaut ».
En l'absence d'urgence démontrée, il n'y a pas lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.
Partie succombante, f. AN. sera condamné aux dépens avec distraction au profit de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, par application de l'article 231 du Code de procédure civile.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement de défaut,
Déclare exécutoire en Principauté de Monaco, avec toutes conséquences de droit, le jugement n° RG 15/01694 du Tribunal de grande instance de Nice du 7 décembre 2015 ;
Déboute la SAS B de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
Condamne f. AN. aux dépens avec distraction au profit de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Vice-Président, Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, Madame Geneviève VALLAR, Premier Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Mademoiselle Marine PISANI, Greffier en Chef Adjoint ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 15 NOVEMBRE 2018, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Vice-Président, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.