Tribunal de première instance, 12 juillet 2018, M. c. NO. c/ La SAM A
Abstract🔗
Contrat d'entreprise - Garantie décennale (oui)
Résumé🔗
En application de l'article 1630 du Code civil, le maître de l'ouvrage est bien fondé à mettre en œuvre la garantie décennale, dès lors que les désordres affectant les vitrages rendent l'appartement impropre à sa destination et ne pouvaient être décelés par le maître de l'ouvrage, profane, lors de la réception.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2017/000592 (assignation du 6 juillet 2017)
JUGEMENT DU 12 JUILLET 2018
En la cause de :
M. c. NO., né le 4 juin 1952 à Monaco, de nationalité française, demeurant X1 à Monaco ;
DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Charles LECUYER, avocat près cette même Cour ;
d'une part ;
Contre :
La SAM A dont le siège social se trouve X2 à Monaco, prise en la personne de son Administrateur délégué, demeurant en cette qualité audit siège ;
DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 6 juillet 2017, enregistré (n° 2017/000592) ;
Vu les conclusions de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de la SAM A en date des 26 octobre 2017 et 25 janvier 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de c. NO. en date du 14 décembre 2017, puis celles de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, pour cette même partie, en date du 22 mars 2018 ;
À l'audience publique du 17 mai 2018, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 12 juillet 2018 ;
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES,
Dans le cadre d'un programme immobilier, la SAM A a acquis l'appartement de c. NO. situé dans l'immeuble « AA », X3 à Monaco, suivant acte notarié en date du 20 août 2008.
Suivant acte authentique en date du 23 juillet 2012, il a été constaté l'achèvement des travaux de construction de l'immeuble « AA », sis X3 à Monaco et le transfert de propriété par la SAM A au profit de c. NO. d'un appartement situé au 15e étage dudit immeuble.
Préalablement le 17 juillet 2012, un procès-verbal d'état des lieux de l'appartement a été établi contradictoirement entre les parties listant des réserves formulées par c. NO. lesquelles ont été levées le 2 octobre 2012.
Observant par la suite des désordres sur les vitrages de l'appartement, c. NO. les a fait constater par un huissier, le 8 février 2013; Puis le 11 février 2013, il a fait établir par s. ES. expert judiciaire, une note technique sur la nature des désordres, leurs origines et leurs conséquences sur les vitrages.
Après avoir vainement demandé à la SAM A de reprendre ces désordres, c. NO. l'a assignée devant le juge des référés aux fins de désignation d'un expert.
Suivant arrêt en date du 12 janvier 2016, la Cour d'appel a infirmé l'ordonnance de référé du 25 février 2015 ayant débouté c. NO. de sa demande et a instauré une expertise confiée à a. PR..
L'expert a déposé son rapport 14 septembre 2016.
Un accédit de conciliation a été tenu le 22 novembre 2016 à la demande de la SAM A.
L'expert a déposé un rapport additif le 9 janvier 2017.
Par acte d'huissier en date du 6 juillet 2017, c. NO. a assigné la SAM A devant le Tribunal de Première Instance afin d'obtenir avec exécution provisoire, après homologation des rapports d'expertise :
à titre principal, sur le fondement de la garantie décennale, la condamnation de la SAM A à lui payer les sommes de :
32.176,92 euros au titre des travaux de reprise de l'ensemble des baies vitrées,
3.283,20 euros au titre de la location d'un élévateur,
3.546 euros au titre des honoraires du maître d'œuvre,
précisant que ces trois postes d'indemnisation ne seraient pas dus en cas de condamnation de la défenderesse à procéder à ses frais aux travaux de remplacement des vitrages ;
2.177,28 euros au titre du remplacement du double vitrage,
5.000 euros au titre du préjudice de jouissance qui résultera des travaux de reprise,
15.000 euros au titre des frais de justice engagés pour assurer sa défense,
12.313,84 euros au titre des frais d'expertise,
5.000 euros au titre du préjudice moral ;
à titre subsidiaire sur le fondement de la garantie des vices cachés, la condamnation de la SAM A à lui payer les sommes ci-avant exposées.
Dans ses écritures ultérieures, c. NO. a, tout en réitérant ses demandes initiales, conclu au débouté des prétentions adverses.
En défense, la SAM A s'est opposée à l'homologation du rapport d'expertise d'a. PR., a conclu au débouté de c. NO. de l'ensemble de ses prétentions et reconventionnellement, elle a sollicité la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts.
MOTIFS,
Sur l'expertise judiciaire réalisée par a. PR.
Pour voir homologuer l'expertise judiciaire, c. NO. fait valoir les arguments suivants :
l'expert a répondu à tous les chefs de sa mission ainsi qu'à tous les dires adressés par la partie adverse ;
la notice de la Fédération W n'a aucune valeur normative si ce n'est entre les membres de ladite fédération, laquelle n'est qu'une organisation professionnelle représentative des employeurs en France, de sorte qu'il ne saurait être reproché à l'expert le non-respect des préconisations de cette notice à Monaco.
La SAM A fait grief à l'expert de :
ne pas avoir établi de tableau analysant les désordres de chaque vitrage suivant les critères de la Fédération W, lesquels sont répertoriés dans un document officiel dont la valeur ne peut être contestée, ladite fédération ayant été reconnue par le Ministère du Travail français comme une organisation professionnelle d'employeur ;
ne pas avoir complété le tableau de réception des vitrages qu'elle a élaboré (conformément au document officiel de la Fédération W) et communiqué à l'expert dans son dire en date du 20 décembre 2016, l'expert l'ayant lapidairement considéré comme inexploitable ;
avoir retenu des désordres (particules de métal incrustées) non visibles à l'¿il nu selon le document de référence de la Fédération W (aucune irrégularité supérieure à 1 millimètre n'ayant été relevée - les défauts étant constatés au touché), présentant un risque putatif d'oxydation (et non un défaut de jouissance) lequel ne s'est pas réalisé alors que le chantier a été réceptionné depuis plus de 4 années ;
ne pas avoir mesuré les impacts selon les modalités précisées dans le document officiel de la Fédération W ;
ne pas avoir écarté de la liste des désordres hors tolérances les dommages n'attirant pas l'attention sans une observation particulièrement attentive ou exercée.
Pour pointer les contradictions de l'expert judiciaire, elle ajoute qu'il a présenté la notice de la Fédération W aux parties, au cours des opérations d'expertise, comme étant le document de référence officiel, puis n'en a suivi ni le mode opératoire, ni les critères d'acceptation lorsqu'il a examiné les vitrages litigieux.
En l'espèce, les critiques du rapport d'expertise formulées par la société défenderesse se bornent à reprendre ses dires formulés au cours de l'expertise, les 9 septembre 2016 et 20 décembre 2016, ainsi que les remarques formulées par son représentant lors de la réunion de conciliation du 22 novembre 2016 auxquels l'expert a. PR. a répondu dans son rapport du 14 septembre 2016 et dans son additif du 9 janvier 2017 :
en s'expliquant précisément non seulement sur les raisons pour lesquelles il avait retenu les désordres indétectables à l'¿il nu (la manière de les identifier, leur nombre concentré et les risques de corrosion), mais aussi sur les caractéristiques des désordres retenus au regard des valeurs admises sur la notice de la Fédération W ;
en complétant les éléments d'observation et de mesurage des impacts et, notamment en insérant des photos avec échelle de mesure.
En outre, il faut relever que si l'expert n'a pas complété le tableau élaboré par la SAM A (dont aucun exemplaire lisible n'est produit par celle-ci, ce qui ne permet pas au tribunal de vérifier son caractère exploitable), il a néanmoins dressé un tableau des désordres vitrage par vitrage, d'une particulière utilité en ce qu'il répertorie la situation des désordres (à l'intérieur ou à l'extérieur des vitrages), décrit le type de défaut constaté, leur quantité et en indique la cause.
Par ailleurs, la lecture de ce tableau à l'aune des dimensions de chaque vitrage (précisés dans le corps des rapports) et des éléments de mesurage des irrégularités permet de constater que l'expert a respecté les critères de la Fédération W dans l'analyse des désordres, contrairement à ce qu'affirme la SAM A
Il convient d'ajouter que les critères de la Fédération W ne sauraient s'imposer au tribunal dans la détermination des désordres préjudiciables, s'agissant d'un document établi par des professionnels pour les bons usages de leur profession quant aux irrégularités mineures provenant soit des composants eux-mêmes, soit des opérations de fabrication jusqu'à l'utilisation finale, et non d'une norme légale ou réglementaire impérative.
Il s'ensuit que la juridiction peut souverainement retenir au titre des irrégularités dommageables, non seulement les défauts visibles à l'¿il nu mais aussi ceux détectables au touché.
Enfin, il y a lieu de souligner que la SAM A ne produit au dossier aucun avis technique justifiant la remise en cause sur le plan technique de la méthode ou des conclusions de l'expert.
Ainsi les critiques développées par la société défenderesse à l'encontre des rapports des 14 septembre 2016 et 9 janvier 2017 de l'expert a. PR. ne sont pas fondées.
L'expertise relevant d'un travail complet et détaillé constitue en conséquence une base sérieuse d'appréciation des désordres litigieux.
Sur le principe de la garantie décennale :
c. NO. expose au préalable qu'au vu de la description des désordres constatés par l'expert, leur ampleur est indiscutable, mais selon l'expert, ces défauts ne pouvaient être décelés par une personne profane lors de la réception, ne pouvant s'observer qu'à l'usage.
Il en déduit que l'absence de réserve dans le procès-verbal d'état des lieux du 17 juillet 2012 concernant ces désordres ainsi que le quitus de levée des réserves sont sans portée.
Sur l'origine des désordres, c. NO. soutient que l'analyse de l'expert exclut que les travaux réalisés dans son appartement après la livraison (ayant consisté en de simples aménagements (menuiserie et électricité) dans quelques pièces de l'appartement, à l'exclusion du salon où se concentre le plus de désordres) soient à l'origine des défauts constatés sur les vitrages.
Sur la nature des dommages, c. NO. estime que les désordres affectant les vitrages de son appartement relèvent des dispositions des articles 1630 et 2050 du Code civil et engage la responsabilité décennale de la SAM A dans la mesure où quel que soit le type de défaut (concertation des impacts, dimensions des rayures), les vitrages ne remplissent pas leur fonction et sont impropres à leur destination, selon l'expert.
Il ajoute que le risque d'oxydation des particules incrustées est susceptible de faire évoluer le vitrage jusqu'au bris.
La SAM A estime au contraire que sa responsabilité au titre de la garantie décennale n'est pas engagée pour les motifs essentiels suivants :
les désordres affectant les vitrages de l'appartement du demandeur n'ont pas fait l'objet d'une description exhaustive par l'expert selon le mode opératoire fixé par la Fédération W, notamment ils ont été décelés lors d'un éclairage direct des baies vitrées par le soleil, ce qui est prohibé par la Fédération W ;
il est étonnant que les désordres n'aient pas été constatés au moment de la réception de l'appartement par c. NO. alors que celle-ci a eu lieu à une période où le soleil brille régulièrement (juillet), que c. NO. s'est livré à un examen minutieux lors de la livraison et que selon l'expert, les impacts auraient pu être remarqués au moment de la réception, avec plus d'application et d'attention ;
l'appartement litigieux est loué depuis le début de l'année 2013 sans que la prétendue ampleur des désordres n'ait empêché la location, ni que le(s) locataire(s) s'en soi(en)t plaint.
*
L'article 1630 du Code civil prévoit que si l'édifice construit à prix fait, périt en tout ou en partie par le vice de la construction, même par le vice du sol, les architectes et entrepreneurs en sont responsables pendant dix ans.
L'article 2050 du Code civil dispose qu'après dix ans, l'architecte et les entrepreneurs sont déchargés de la garantie des gros ouvrages qu'ils ont faits ou dirigés.
En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que les vitrages de l'appartement de c. NO. situé dans l'immeuble édifié par la SAM A sont affectés de plusieurs vices.
Pour s'opposer à l'engagement de sa responsabilité au titre de la garantie décennale, la société défenderesse conteste la nature des désordres (A) et les conditions d'ouverture de la garantie (B).
Sur la nature des désordres :
Il résulte de l'application des dispositions des articles 1630 et 2050 du Code civil que les désordres relevant de la garantie décennale doivent compromettre la solidité de l'ouvrage ou le rendre impropre à sa destination (CR 9 oct. 2009).
En l'espèce, l'expert a répertorié les désordres constatés sur les vitrages dans un tableau reproduit ci-après :
Vitrage | Face affectée | Type de défaut | Linéaire | Quantité | Cause |
---|---|---|---|---|---|
Salon 1a | Extérieure | une rayure et des impacts multiples (piqures) | 1 trait blanc | éparpillés | Manipulation et projection |
Salon 2a | Extérieure | Reliquat de soudure | Non visible à œil décelable au touché | Travaux de soudure (coffre des volets roulants) | |
Salon 2a | Intérieure | 1 trait de 13mm semblable à un trait de molette avec 3 autres ou plus ou moins profond dans un espace rapproché réduit | 1 sillon blanc | Manipulation ou dans le cours du chantier | |
Salon 3a | Intérieure | Frottement (80mm) entretien | Courbe 80 mm | Brouillard | Nettoyage |
Salon 3b | Intérieure | Concentration d'impacts multiples | Eparpillés | Projection | |
Salon 3c | Intérieure | Concentration d'impacts multiples | Eparpillés | Projection | |
Chambre NO coté NO | Extérieure | Frottement (30 sur 30mm) désordre extérieur inaccessible, dans le vide | Blanc | Manipulation ou entretien extérieur | |
Chambre NO côté N | Extérieure | Une rayure (25mm) | Trait blanc | Manipulation |
Vitrage | Face affectée | Type de défaut | Linéaire | Quantité | Cause | |
---|---|---|---|---|---|---|
Chambre Nord | Extérieure | Reliquat de soudure | Non visible décelable au touché | Travaux de Soudure | ||
Chambre NE côté E | Extérieure | Concentration d'impacts multiples en partie basse | Projection | |||
Salle d'eau Est | Intérieure | Plusieurs impacts rapprochés sur 2 endroits | Eparpillés (80mm) | Travaux réalisés dans la pièce | ||
Chambre parentale Sud | Extérieure | Laitier, Reliquat de soudure | Non visible décelable au touché | soudure (coffre des volets roulants) |
Il n'y a pas lieu de revenir sur les conditions d'observation des défauts par a. PR., prétendument non conformes aux recommandations de la Fédération W selon le la SAM A dès lors qu'il a déjà été répondu aux critiques sur l'expertise.
L'expert a sérié les désordres ainsi constatés comme suit :
des impacts profonds, des piqures ou des cratères dont la concentration incommode le regard à travers les vitrages ;
des incrustations de métal qui rendent les vitrages instables du fait de l'évolution future (corrosion) ;
des rayures linéaires réalisées après le « process » de fabrication, dont le dimensionnement supérieur à la tolérance de la Fédération W incommode le regard.
En conclusion, il a retenu que les désordres relevés sur les vitrages affectaient leur fonction première « qui est d'observer l'environnement sans gêne » mais aussi l'esthétique et l'aspect de leur face.
Plus précisément, l'expert a considéré que :
les défauts constatés étaient inacceptables par leur dimensionnement ou par leur concentration nettement supérieurs à la tolérance de la Fédération W ;
les particules métalliques incrustées, bien que minimes, rendaient instables certains vitrages en raison du risque de corrosion (lequel ne peut être ignoré dans un contexte de brouillard salin permanent, l'immeuble étant implanté à proximité de la mer) ;
Il faut en déduire que l'ouvrage (l'appartement de c. NO. est rendu impropre à sa destination par les défauts ainsi décrits et qualifiés par l'expert, compte tenu d'une part des risques de bris par l'effet de corrosion, et d'autre part de l'ampleur des désordres d'ordre esthétique (concertation et dimensions) affectant un appartement de standing, et ce même si son habitabilité-même n'en est pas atteinte.
Il s'ensuit que l'argument avancé par la société défenderesse sur la mise en location de l'appartement depuis début 2013 est inopérant sur la nature des défauts ainsi retenue.
Les désordres litigieux relèvent donc de la garantie décennale.
Sur les conditions d'ouverture de la garantie :
La garantie décennale de l'entrepreneur ne s'applique qu'aux désordres inconnus du maître de l'ouvrage à la réception; Le désordre caché s'entend du désordre qui n'a pas pu être décelé à la réception par le maître d'ouvrage profane.
En l'espèce, il est constant que :
lors de la réception de l'appartement intervenue le 17 juillet 2012, c. NO. a formulé de nombreuses réserves mais aucune sur les vitrages litigieux ;
c. NO. n'est pas un professionnel de la construction : il doit être considéré comme un maître de l'ouvrage profane.
Dans son rapport, l'expert a relevé que :
pour être remarquées lors de la réception, les dégradations par projections (sur les vitrages 1a et 3 b du salon, de la chambre NE et de la salle d'eau) auraient nécessité « plus d'attention et d'application » ;
les dégradations par incrustation ou collage superficiel (salon 1c, chambre N, Chambre S) sont indétectables à l'œil par une « personne lambda » ;
la dégradation par frottement (salon 3 a) n'attire pas l'attention dans la journée en raison de sa position et de l'exposition du vitrage ;
les désordres ont été caractérisés par des yeux connaisseurs ;
Il résulte de l'analyse de ces éléments que c. NO. maître d'ouvrage profane, n'était pas en capacité de déceler les irrégularités litigeuses affectant les vitrages lors de la réception.
En outre, il ne ressort d'aucun élément du dossier que le demandeur avait connaissance des désordres litigieux le 17 juillet 2012 :
la SAM A n'en rapporte pas la preuve ;
à la lecture de l'annexe 15/8 du rapport d'expertise, il apparaît que c. NO. n'a commencé à faire état de défauts sur les vitrages qu'à compter du 22 octobre 2012.
Les désordres endommageant les vitrages de l'appartement de c. NO. étaient donc inconnus de ce dernier lors de la réception.
Enfin, la société défenderesse ne démontre l'existence d'aucune cause exonératoire de sa responsabilité en qualité d'entrepreneur, n'établissant ni une immixtion fautive de c. NO. ayant concouru à la réalisation des dommages, ni la survenance d'une cause étrangère.
Au contraire, l'annexe 15/8 du rapport d'expertise montre que de nombreux professionnels du bâtiment sont intervenus, sous l'autorité de la SAM A dans l'appartement de c. NO. après la réception jusqu'à la constatation des désordres par ce dernier (fin octobre - début novembre 2012), et ce pour des travaux de nature à provoquer les dommages (travaux de menuiserie, travaux sur inox, polissage), tandis que le demandeur n'a fait intervenir qu'un peintre.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, c. NO. est donc bien fondé à se prévaloir de la garantie décennale à l'encontre de la SAM A pour les désordres ci-avant répertoriés (cf. tableau des désordres).
Sur l'étendue du préjudice :
Au titre de la réparation de son préjudice, c. NO. fait valoir que :
le coût du remplacement des vitrages endommagés a été fixé par l'expert à la somme de 32.176,92 euros ;
ce montant, contrairement à ce qu'a retenu l'expert, ne comprend pas le coût de la location d'un élévateur pour approvisionner les vitrages, de grande taille, dans l'appartement ; ce poste de dépenses, chiffré selon devis, représente la somme de 3.283,20 euros ;
des honoraires d'un maître d'œuvre doivent être également pris en compte, s'agissant de travaux délicats et de grande envergure ; ce poste doit être chiffré à 10 % du montant des travaux, soit 3.546 euros ;
le coût des travaux qu'il a engagés pour remplacer un vitrage défectueux situé dans la salle de bain doit lui être remboursé, soit la somme de 2.177,28 euros ;
la réalisation des travaux va lui faire subir un préjudice de jouissance, les frais de justice qu'il a été contraint d'engager lui ont causé un préjudice matériel, et la mauvaise foi de la SAM A depuis la constatation des désordres lui occasionne un préjudice moral.
Sur l'étendue du préjudice subi par le demandeur, la SAM A n'a développé aucune argumentation en défense.
En l'espèce, la SAM A en sa qualité d'entrepreneur est tenue de réparer l'entier préjudice subi par c. NO.
L'expert a évalué le préjudice matériel résultant du remplacement des vitrages à la somme de 32.176,92 euros, précisant que ce prix comprenait le coût de l'approvisionnement, notamment à l'aide d'un élévateur, jusqu'au 15e étage et de l'évacuation.
a. PR. s'est expliqué précisément dans son rapport, à la suite d'un dire du demandeur sur ce point.
Il s'ensuit que c. NO. est mal fondé à réclamer une somme supplémentaire pour la location d'un élévateur.
En outre, l'expert a expressément indiqué dans son rapport qu'il n'était pas nécessaire de s'adjoindre un maître d'œuvre pour la réalisation de l'opération, s'agissant selon lui d'une opération courante qui consiste en le remplacement de vitrages.
La demande d'indemnité de ce chef sera dès lors rejetée.
Il en sera de même de la demande d'indemnité afférente au coût des travaux engagés pour remplacer le vitrage de la salle de bains côté Est ; en effet, l'expert a précisé que ce désordre ne pouvait être pris en compte, n'ayant pas été évoqué lors de l'accédit et le demandeur ne rapporte pas la preuve que le défaut affectant ce vitrage relève de la garantie décennale, ne démontrant pas que le dysfonctionnement allégué a rendu l'ouvrage (l'appartement) impropre à sa destination.
S'agissant du préjudice de jouissance, il convient d'observer qu'a. PR. n'en a retenu aucun et que c. NO. ne documente pas ce poste de préjudice, notamment sur la durée des travaux et la nature des nuisances pouvant en résulter.
Il ne sera donc alloué au demandeur aucune somme de ce chef.
S'agissant du préjudice financier résultant de l'engagement par c. NO. de frais de justice pour assurer la défense de ses intérêts, il convient de rappeler que la condamnation aux frais de l'instance non compris dans les dépens (frais irrépétibles) n'est pas prévue par le droit monégasque, seuls pouvant être réclamés des dommages-intérêts pour abus de procédure ; de sorte que la demande de dommages et intérêts de ce chef n'est pas fondée et sera rejetée.
Enfin s'agissant du préjudice moral, il faut relever que c. NO. ne saurait reprocher à la SAM A une résistance abusive depuis la constatation des désordres, la société défenderesse pouvant légitimement contester la nature des désordres litigieux et par suite la mise en œuvre de sa garantie.
Cependant, cette dernière a fait preuve d'une mauvaise foi certaine, préjudiciable au demandeur, pendant le déroulement des opérations d'expertise, en réclamant après le dépôt par l'expert de son rapport le 14 septembre 2016, l'organisation d'une tentative de conciliation (qu'elle n'avait nullement réclamée auparavant), à l'issue de laquelle elle a indiqué ne pas vouloir se concilier ( !) ; ce comportement, qui a retardé la clôture des opérations d'expertise de près de 4 mois et alourdi leur coût justifie l'allocation à c. NO. d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.
En conséquence, la société défenderesse sera condamnée à payer au demandeur la somme de 34.176,92 euros au titre des préjudices subis.
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de la SAM A :
Ayant succombé à l'instance, la société défenderesse n'est pas fondée à réclamer des dommages et intérêts pour procédure abusive ; elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
Sur l'exécution provisoire :
Les conditions de l'article 202 du Code de procédure civile n'étant pas réunies, il ne sera pas fait droit à la demande d'exécution provisoire.
Sur les dépens :
La SAM A ayant succombé, supportera les dépens de l'instance, en ceux compris les frais d'expertise, en application des dispositions de l'article 232 du Code de procédure civile.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Vu les rapports en date des 14 septembre 2016 et 9 janvier 2017 déposés par l'expert a. PR.,
Condamne la SAM A à payer à c. NO. la somme de 34.176,92 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices ;
Déboute le demandeur du surplus de ses prétentions ;
Déboute la défenderesse de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;
Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;
Condamne la SAM A aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Martine COULET, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Vice-Président, Madame Séverine LASCH, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Mademoiselle Marine PISANI, Greffier en Chef Adjoint ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 12 JUILLET 2018, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Mademoiselle Marine PISANI, Greffier en Chef Adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.