Tribunal de première instance, 5 juillet 2018, L'Association G c/ M. Le Procureur Général
Abstract🔗
Exequatur - Majeurs protégés - Ordonnance du juge des tutelles de Cannes
Résumé🔗
Le Tribunal de première instance a déclaré exécutoire en Principauté la décision du juge des tutelles de Cannes ayant placé un majeur sous tutelle et désigné l'Association G en qualité de tuteur aux biens et à la personne. Par la suite, le Juge des tutelles de Cannes a autorisé l'association tutélaire à procéder à la clôture de divers comptes bancaires ouverts au nom de la majeure protégée ainsi qu'à la décapitalisation de la somme de 40.000 euros d'un compte ouvert dans une banque monégasque et au virement de cette somme sur le compte de gestion ouvert dans un établissement bancaire situé en France. L'association tutélaire demande, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, l'exequatur de cette décision.
Le Tribunal fait droit à cette demande dès lors que l'authenticité de cette ordonnance, sa conformité avec l'ordre public monégasque et la compétence de la juridiction l'ayant rendue ne font en l'espèce l'objet d'aucune contestation. Par ailleurs, l'absence de notification des décisions concernant la majeure protégée était motivée par son état de santé et son incapacité à comprendre et à exercer les droits procéduraux qui lui sont reconnus par la loi. En outre, l'ordonnance concernée a été prononcée en considération de l'intérêt de la personne protégée et dans l'objectif d'assurer l'équilibre de son budget.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2018/000424 (assignation du 16 mars 2018)
JUGEMENT DU 5 JUILLET 2018
En la cause de :
L'association G, Association Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs, dont le siège social se trouve X1, 06201 Nice Cedex 3, agissant poursuites et diligences de son Président en exercice, en sa qualité de tuteur d o. DU. veuve BO., en vertu d'une décision rendue par le Juge des tutelles du Tribunal d'Instance de Cannes le 10 octobre 2016 ;
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
M. le Procureur Général de la Principauté de Monaco, séant au Palais de Justice, rue Colonel Bellando de Castro à Monaco ;
COMPARAISSANT EN PERSONNE ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 16 mars 2018, enregistré (n° 2018/000424) ;
Vu les conclusions du Ministère Public en date du 18 avril 2018 ;
À l'audience publique du 17 mai 2018, le conseil de l'Association G a déposé son dossier et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 21 juin 2018 et prorogé au 5 juillet 2018, les parties en ayant été avisées ;
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par ordonnance du Juge des tutelles du Tribunal d'instance de CANNES en date du 11 mai 2016, o. DU. veuve BO. a été placée sous sauvegarde de justice. Par jugement en date du 10 octobre 2016, o. DU. veuve BO. a été placée sous tutelle, l'association G, Association Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs ayant été désignée en qualité de tuteur pour la représenter et administrer ses biens et sa personne.
Par acte d'huissier en date du 24 mai 2017, l'Association G a donné assignation à Monsieur le Procureur Général près la Cour d'appel de Monaco devant le Tribunal de première instance de Monaco afin de voir déclarer exécutoire à Monaco le jugement du Tribunal d'instance de Cannes en date du 10 octobre 2016.
Par jugement en date du 22 février 2018, le Tribunal de première instance de Monaco a déclaré exécutoire en Principauté le jugement en date du 10 octobre 2016 par lequel le juge des tutelles de Cannes a placé o. DU. veuve BO. sous tutelle et désigné l'Association G en qualité de tuteur aux biens et à la personne.
L'Association G indique que par ordonnance en date du 15 septembre 2017, le Juge des tutelles de Cannes l'a autorisée à procéder à la clôture de divers comptes bancaires ouverts au nom d o. DU. veuve BO. ainsi qu'à la décapitalisation de la somme de 40.000 € du compte titre n°XX ouvert à la société H et au virement de cette somme sur le compte de gestion ouvert dans un établissement de la Société I situé en France.
Considérant avoir un intérêt à ce que cette décision soit déclarée exécutoire à Monaco, par acte d'huissier en date du 16 mars 2018, l'Association G a donné assignation au Procureur Général de la Principauté de Monaco devant le Tribunal de première instance de Monaco. Elle demande, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, que soit déclaré exécutoire en Principauté de Monaco l'ordonnance rendue le 15 décembre 2017 par le juge des tutelles du Tribunal d'instance de Cannes.
Par conclusions déposées le 18 avril 2018, Monsieur le Procureur général de la Principauté de Monaco indique s'en rapporter à l'appréciation du Tribunal.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande principale
Selon l'article 14 de la loi n°1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé, « lorsqu'ils sont exécutoires dans l'Etat dans lequel ils sont intervenus, les jugements rendus par les tribunaux étrangers, passés en force de chose jugée, ainsi que les actes reçus par les officiers publics étrangers ne sont susceptibles d'exécution dans la Principauté qu'après avoir été déclarés exécutoires par le Tribunal de première instance, sauf stipulation contraires des traités ».
La Convention du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco, rendue exécutoire à Monaco par l'ordonnance souveraine n°106 du 2 décembre 1949, prévoit une procédure d'exequatur simplifiée pour les décisions judiciaires rendues en France.
L'article 18 de la convention précitée permet au Tribunal saisi d'une demande d'exequatur d'une décision française de déclarer celle-ci exécutoire en Principauté de Monaco, après avoir vérifié :
l'authenticité de l'expédition de cette décision,
la compétence de la juridiction dont elle émane,
la régularité des citations délivrées aux parties ainsi que la réalité de sa force de chose jugée,
et ce au regard de la loi du pays d'origine, soit la loi française en l'espèce,
la conformité des dispositions dont l'exécution est poursuivie à l'ordre public ou aux principes de droit public du pays où l'exequatur est requis.
L'Association G verse à l'appui de sa demande l'ordonnance en date du 15 septembre 2017 ayant notamment autorisé la décapitalisation de la somme de 40.000 € du compte TITRE n°XX ouvert à la société H au nom d o. DU. et le virement de cette somme sur le compte de gestion n°YY ouvert au nom d o. DU. à la Société I.
Cette ordonnance a été rendue suite à la requête présentée à cette fin par l'Association G en sa qualité de tuteur d o. DU. et a fait l'objet d'une notification à l'association le 27 septembre 2017 ; elle n'a été frappée d'aucun recours.
L'authenticité de cette ordonnance, sa conformité avec l'ordre public monégasque et la compétence de la juridiction l'ayant rendue ne font en l'espèce l'objet d'aucune contestation. Il résulte en outre des décisions antérieures que l'absence de notification des décisions la concernant à o. DU. était motivée par son état de santé et son incapacité à comprendre et à exercer les droits procéduraux qui lui sont reconnus par la loi.
Par ailleurs, il ressort des termes de l'ordonnance concernée que celle-ci a été prononcée en considération de l'intérêt de la personne protégée et dans l'objectif d'assurer l'équilibre de son budget.
Au vu de ces éléments, il convient de faire droit à la demande d'exequatur. S'agissant d'un rétablissement de la situation financière d o. DU., vu l'urgence, il est dans l'intérêt de la majeure protégée d'assortir le présent jugement de l'exécution provisoire.
Sur les demandes annexes
Les dépens seront laissés à la charge de l'Association G en sa qualité de tuteur d o. DU. veuve BO..
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare exécutoire en Principauté de Monaco l'ordonnance du 15 septembre 2017 par laquelle le Juge des tutelles de Cannes, statuant dans le cadre de la tutelle instaurée au profit d o. DU. veuve BO., a notamment autorisé l'Association G à procéder à la décapitalisation de la somme de 40.000 € du compte TITRE n°XX ouvert à la société H au nom de o. DU. veuve BO. et au virement de cette somme sur le compte de gestion n°YY ouvert au nom de Madame o. DU. veuve BO. à la Société I ;
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;
Condamne l'Association G en sa qualité de tuteur d o. DU. veuve BO. aux entiers dépens de l'instance ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Martine COULET, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Vice-Président, Monsieur Adrian CANDAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Mademoiselle Marine PISANI, Greffier en Chef Adjoint ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 5 JUILLET 2018, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Mademoiselle Florence TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.