Tribunal de première instance, 7 juin 2018, a. BA. c/ m. AL.
Abstract🔗
Procédure civile - Compétence des juridictions monégasques (oui) - Union libre - Retrait de l'autorité parentale (oui)
Résumé🔗
La mère, de nationalité française et demeurant à Monaco, demande le prononcé du retrait total de l'autorité parentale du père, de nationalité marocaine et domicilié en France, à l'égard de leur fille, âgée de 15 ans. L'enfant vit avec sa mère et son beau-père en Principauté de Monaco depuis plusieurs années sans qu'un autre rattachement puisse être envisagé. Le Tribunal est donc compétent pour connaître de ce litige et applique le droit monégasque.
Le rapport d'enquête sociale mentionne que l'enfant, jusqu'à l'âge de cinq ans, a maintenu quelques liens distendus avec son père qui ne respectait pas les décisions de justice. Il voyait sa fille de manière aléatoire uniquement lorsqu'il était disponible. L'enfant n'a plus revu son père depuis plus de deux ans et ce dernier n'a pas cherché à la revoir alors que l'exercice de son autorité parentale a déjà été suspendu. Le Tribunal accueille en conséquence la demande de retrait total de l'autorité parentale présentée par la mère.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2018/000189 (Assignation du 8 septembre 2017)
JUGEMENT DU 7 JUIN 2018
En la cause de :
a. BA. épouse BE., née le 5 décembre 1984 à Grasse (France), de nationalité française, demeurant et domiciliée X1 à Monaco,
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Raphaëlle SVARA, avocat-stagiaire près la même Cour ;
d'une part ;
Contre :
m. AL., né le 25 mai 1982 à Fes (Maroc), de nationalité marocaine, demeurant et domicilié « X2 », X2 à Cannes La Bocca (06150),
DÉFENDEUR, non comparant ;
En présence de :
Monsieur le Procureur Général, près la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, séant en son Parquet Général, Palais de Justice, 5 rue Colonel Bellando de Castro à Monaco ;
COMPARAISSANT EN PERSONNE ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'ordonnance présidentielle en date du 25 août 2017 autorisant la demanderesse à assigner, conformément à l'article 850 a. a 3 du Code de procédure civile ;
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Claire NOTARI, huissier, en date du 8 septembre 2017, enregistré (n° 2018/000189) ;
Vu le jugement avant-dire-droit au fond en date du 14 décembre 2017 ayant notamment invité le Ministère Public à faire diligenter une mesure d'enquête sociale confiée à la Direction de l'Aide et l'Action sociales ;
Vu le rapport d'enquête de la Direction de l'Aide et l'Action sociales en date du 12 mars 2018 ;
Vu les conclusions de Maître Christine PASQUIER-CUILLA, au nom d a. BA. épouse BE., en date du 10 avril 2018 ;
Vu les conclusions du Procureur Général en date du 11 avril 2018 ;
À l'audience du 20 avril 2018, en l'absence de m. AL. régulièrement convoqué, le conseil d a. BA. épouse BE. a déposé son dossier et le jugement a été mis en délibéré ;
CONSIDÉRANT LES FAITS SUIVANTS :
Le 1er février 2003, n. AL. est née de l'union libre d a. BA. et de m. AL..
Selon acte d'huissier du 8 septembre 2017, a. BA. épouse BE. a fait assigner m. AL. devant la présente juridiction siégeant en Chambre du conseil afin que soit prononcé le retrait total de l'autorité parentale de ce dernier à l'égard de leur fille n., en application des articles 323-1 et 324 du Code civil.
Elle fait valoir pour l'essentiel que le père de n. s'en est totalement désintéressé depuis plus de deux années, en s'abstenant d'exercer son droit de visite et d'hébergement, de prendre des nouvelles de sa fille ou de régler une quelconque contribution alimentaire qu'elle a cessé de réclamer ; que son époux actuel envisage d'adopter n., cette adoption n'étant possible que si m. AL. s'est vu retirer l'autorité parentale, conformément à l'article 345-1 du Code civil français, loi nationale de l'adoptant.
Régulièrement avisé de l'assignation qui lui a été remise le 3 octobre 2017, m. AL. n'a pas comparu, ni personne pour lui.
Par jugement avant-dire-droit au fond en date du 14 décembre 2017, ce Tribunal a notamment invité le Ministère Public à faire diligenter une mesure d'enquête sociale confiée à la Direction de l'Aide et l'Action sociales.
Cet organisme a transmis au Parquet Général son rapport en date du 12 mars 2018.
La demanderesse a déposé des écritures judiciaires complémentaires ne comportant aucune demande nouvelle mais apportant des précisions sur les dispositions légales applicables à la cause présentant de multiples éléments d'extranéité.
Par des conclusions du 11 avril 2018, le Ministère Public a relevé que les juridictions monégasques étaient compétentes pour connaître du présent litige qui est soumis au droit monégasque, conformément aux dispositions de la convention de la Haye du 19 octobre 1996, et sur le fond, que les éléments recueillis, les décisions précédemment rendues par le Juge tutélaire et le désintérêt évident du père justifient la demande de retrait de l'autorité parentale.
SUR CE,
La convention de la Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, rendue exécutoire en Principauté de Monaco par une ordonnance souveraine n° 16.277 du 2 avril 2004, prévoit en ses articles 5 et 15 que les juridictions compétences sont celles de l'État de la résidence habituelle de l'enfant et appliquent leur loi à moins d'un lien plus étroit de la situation avec un autre Etat.
En l'espèce, n. vit avec sa mère et son beau-père en Principauté de Monaco depuis plusieurs années sans qu'un autre rattachement puisse être envisagé.
En conséquence, la présente juridiction est compétente pour connaître du présent litige et fera application du droit monégasque.
L'article 323-1 du Code civil prévoit : « Peuvent se voir retirer totalement ou partiellement l'autorité parentale, en dehors de toute condamnation pénale, les père et mères investis de tout ou partie de cette autorité, s'ils compromettent la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation d'un de leurs enfants.
Peuvent pareillement se voir retirer totalement ou partiellement l'autorité parentale, les père et mère investis de tout ou partie de cette autorité qui, pendant plus de deux ans, se sont volontairement abstenu d'exercer les droits et de remplir les devoirs qu'ils avaient à l'égard de l'enfant ».
Suivant ordonnance du 12 décembre 2013, le Juge tutélaire de la Principauté de Monaco a suspendu le versement d'une part contributive à l'entretien et l'éducation de n. en constatant qu a. BA. épouse BE. n'en sollicitait plus le paiement compte tenu de la participation financière très rare de m. AL. à cet égard.
Par ordonnance du 24 octobre 2014, ce même magistrat a suspendu l'exercice de l'autorité parentale de m. AL. et a supprimé son droit de visite et d'hébergement fixé par sa précédente décision du 12 décembre 2013.
Le rapport d'enquête sociale du 12 mars 2018 mentionne que jusqu'à l'âge de cinq ans, n. a maintenu quelques liens distendus avec son père qui ne respectait pas les décisions de justice en accueillant sa fille de manière aléatoire uniquement lorsqu'il était disponible, que l'enfant n'a plus revu son père depuis le mois de juin 2014, lequel n'a pas cherché à la joindre, et se souvient de lui généralement « saoul » lorsqu'elle se rendait à son domicile, et enfin que m. AL. a été convoqué à deux reprises par courrier recommandé effectivement réceptionnés mais demeurés sans réponse.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que le père de n., dont l'exercice de l'autorité parentale a déjà été suspendu, s'est volontairement abstenu depuis plus de deux années d'exercer ses droits et de remplir ses devoirs à l'égard de sa fille, si bien que la demande de retrait total de l'autorité parentale doit être accueillie.
m. AL. devra également supporter les dépens du présent jugement.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, après débats en Chambre du conseil,
Ordonne le retrait total de l'autorité parentale de m. AL. à l'égard de sa fille mineure, n. AL. ;
Condamne m. AL. aux dépens, avec distraction au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens soient provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Vice-Président, Madame Carole DELORME-LE FLOC'H, Juge, Madame Virginie HOFALCK, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Brigitte VOLPATTI, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 7 JUIN 2018, par Magali GHENASSIA, Vice-Président, assistée de Madame Florence TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce, en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.