Tribunal de première instance, 17 mai 2018, La Sarl N c/ La Sarl V

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Abstract🔗

Contrat – Manquement contractuels (oui) – Résolution (non) – Conditions

Résumé🔗

Le contrat de sponsoring conclu le 29 juillet 2016 entre la SARL N et la SARL V, société ayant pour objet la création et l'exploitation d'un fonds de commerce de joaillerie, bijouterie, orfèvrerie ainsi que la fabrication et l'assemblage y relatif, sous la marque « de la société V » stipule en son article 3 une clause d'exclusivité. La SARL N n'a que partiellement rempli les obligations qu'elle avait contractées le 29 juillet 2016 vis-à-vis de la SARL V. Elle a ainsi manqué aux obligations conventionnelles suivantes : clause d'exclusivité stipulée à l'article 3 ; obligation de promotion sur certains supports de communication (programme officiel et site internet) stipulée à l'article 4.2.2 ; obligation d'exposition des produits du sponsor dans les vitrines du Salon de réunions X de Paris, stipulée à l'article 4.2.6. Pour le reste, il n'est pas rapporté la preuve d'autres manquements contractuels imputables à la SARL N.

Même si elle ne le spécifie pas expressément dans ses écritures en défense, la SARL V fonde son refus de régler les sommes à elle réclamées sur l'exception d'inexécution, qui permet à une partie de se dispenser de remplir ses obligations lorsque son co-contractant n'a pas exécuté tout ou partie des siennes. Cette exception ne peut trouver application qu'en présence d'un contrat synallagmatique, comportant des obligations à exécution simultanée et à condition que l'inexécution invoquée soit suffisamment grave. En l'espèce, le contrat litigieux comporte bien des obligations réciproques et simultanées, en ce que l'obligation principale du sponsor est celle de régler la somme totale de 120.000 euros, tandis que l'obligation principale de la société organisatrice du tournoi est celle de lui fournir certaines prestations tendant à la promotion de sa marque. Il appartient au juge d'apprécier, en cas d'inexécution partielle, si cette inexécution a assez d'importance pour que la résolution doive être prononcée ou si elle sera suffisamment réparée par une condamnation à des dommages-intérêts. Si les manquements avérés de la SARL N sont tels qu'ils justifient l'application de l'exception d'inexécution, s'agissant du règlement de la somme de 20.000 euros, ils ne sont pas d'une gravité et d'une ampleur suffisante pour fonder la résolution du contrat litigieux. Il résulte en effet de ce qui précède que, pour l'essentiel, le contrat de sponsoring conclu le 29 juillet 2016 entre la SARL N et la SARL V a été exécuté, les manquements démontrés portant seulement sur trois des obligations contractées par la société demanderesse envers la société défenderesse. C'est pourquoi, la société N et la société V seront déboutées pour la première de sa demande principale en paiement de la somme de 20.000 euros et pour la seconde de sa demande reconventionnelle tendant au prononcé de la résolution du contrat de sponsoring conclu le 29 juillet 2016 et à la restitution subséquente de la somme de 100.000 euros.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

N° 2017/000478 (assignation du 21 avril 2017)

JUGEMENT DU 17 MAI 2018

En la cause de :

  • La SARL N, dont le siège social se trouve X1 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;

DEMANDERESSE ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat près la même Cour,

d'une part ;

Contre :

  • La SARL V, dont le siège social se trouve X2 à Monaco, prise en la personne de son gérant en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit de saisie-arrêt, d'assignation et d'injonction du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 21 avril 2017, enregistré (n° 2017/000478) ;

Vu la déclaration originaire, de l'établissement bancaire dénommé B, tiers-saisi, contenue dans ledit exploit ;

Vu la déclaration complémentaire formulée par l'établissement bancaire dénommé B, par courrier en date du 3 mai 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de la SARL V, en date des 4 octobre 2017, 10 janvier 2018 et 7 mars 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SARL N, en date des 23 novembre 2017 et 7 février 2018 ;

À l'audience publique du 8 mars 2018, les conseils des parties ont déposé leurs dossiers et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 17 mai 2018 ;

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 29 juillet 2016, la SARL de droit monégasque N, organisatrice d'un tournoi de polo intitulé « N », a conclu avec la SARL de droit monégasque V, un contrat de sponsoring qui prévoyait qu'à l'occasion de l'édition 2016 dudit tournoi, la première s'engageait à promouvoir la produits de la seconde, selon diverses modalités.

En contrepartie, il était prévu que la SARL V verse à la SARL N la somme totale de 120.000 euros TTC, payable comme suit :

  • 60.000 euros au jour de la signature du contrat,

  • 40.000 euros dans les 7 jours précédant l'évènement,

  • 20.000 euros dans les 7 jours suivant la fin de l'évènement.

Le tournoi N s'est déroulé du 15 au 18 septembre 2016 et la SARL V s'est acquittée des deux premières échéances.

Faute de règlement du solde, la SARL N a, par courrier RAR du 24 mars 2017, mis la SARL V en demeure de lui payer la somme de 20.000 euros.

Le paiement n'étant pas intervenu, la SARL N a, le 10 avril 2017, déposé une requête aux fins de saisie-arrêt des comptes bancaires de la SARL V.

Autorisée en cela par ordonnance présidentielle du 18 avril 2017, la SARL N a, par acte d'huissier du 21 avril 2017, fait procéder auprès de la société B, à la saisie des sommes détenues par la SARL V, pour sûreté et garantie de la somme de 20.000 euros.

L'établissement bancaire a déclaré détenir pour le compte de la société saisie la somme de 358,33 euros.

Par déclaration complémentaire du 3 mai 2017, il a déclaré détenir la somme de 156,33 euros.

Par le même acte, la SARL N a fait assigner la SARL V en validation de la saisie et en paiement de ses causes, soit la somme principale de 20.000 euros.

Saisi le 28 avril 2017 par la SARL V, le Juge des référés de ce Tribunal a, par ordonnance du 29 novembre 2017, rétracté l'ordonnance du 18 avril 2017 et ordonné la mainlevée immédiate de la saisie-arrêt pratiquée le 21 avril 2017.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

En défense, la SARL V conclut au rejet des prétentions adverses et sollicite reconventionnellement :

  • le prononcé de la résolution du contrat de sponsoring conclu le 29 juillet 2016 ;

  • la restitution de la somme de 100.000 euros qu'elle a versée en exécution dudit contrat, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, capitalisés par trimestre ;

  • l'allocation d'une somme complémentaire de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, capitalisés par trimestre.

Elle soutient qu'elle n'est pas redevable de la somme de 20.000 euros au motif que la SARL N a elle-même manqué à ses obligations au titre du contrat de sponsoring conclu entre elles le 29 juillet 2016.

Pour ce même motif, elle réclame reconventionnellement la résolution judiciaire dudit contrat, en application des dispositions de l'article 1039 du Code civil.

Sur ce même fondement et en application de la clause contractuelle qui stipule qu'en cas d'inexécution, « la Société restituera au Sponsor l'intégralité des sommes reçues au titre de la participation financière de ce dernier à l'Évènement », elle demande la restitution subséquente des sommes qu'elle a déjà versées.

S'agissant des manquements contractuels qu'elle reproche à sa cocontractante, elle expose que :

  • 1 -

    • le contrat de sponsoring prévoyait une clause d'exclusivité en son article 3 ;

    • or, dans les interviews télévisées données par f. MI., gérant de la SARL N et par ailleurs capitaine de l'équipe dénommée « M », il n'a pas été mentionné que le sponsor du tournoi N 2016 était la SARL V mais que le partenaire principal de l'évènement était le Casino de Monte Carlo ;

    • à cet égard, la partie adverse soutient vainement que cette interview n'est pas produite dans son intégralité et qu'ainsi il n'est pas rapporté la preuve de ce qu'elle aurait manqué à ses obligations alors qu'il lui incombe de prouver qu'elle les aurait exécutées ;

    • de plus, le même f. MI. est apparu en photo sur le programme officiel du tournoi, porteur d'un t-shirt siglé de la marque « CARTIER » et non de la marque V ;

    • pourtant, le 11 août 2016, la SARL V, consciente de l'impossibilité matérielle de faire réaliser, avant la date de confection du programme officiel, des t-shirts à l'effigie de sa marque, avait validé un projet faisant figurer sur ledit programme un joueur de polo anonyme, dont le t-shirt ne portait aucune marque ;

    • c'est donc en méconnaissance de ses obligations contractuelles que la SARL N a fait figurer sur le programme officiel de l'évènement, exclusivement sponsorisé par la SARL V, une photographie prise lors d'une précédente édition alors que la société Cartier était le sponsor du tournoi ;

  • 2 -

    • dans le cadre de son obligation générale de promotion de la SARL V, la SARL N devait, aux termes de l'article 4.2.1 du contrat de sponsoring, faire référence, dans toutes les communications relatives à l'évènement, au « Sponsor » en qualité de « Title Sponsor » ;

    • or, la SARL N a présenté la personne de la société V comme le sponsor du tournoi N 2016, au lieu de la société V ;

    • cela ressort notamment d'une image du site internet Google intitulée « Inteview tournoi N 2016 MI. 05 05 2017 17h19 » ;

    • plus généralement, il n'a jamais été fait mention, ni avant, ni pendant, ni après l'évènement de la SARL V ;

    • de plus, alors que le projet de programme officiel validé le 11 août 2016 par la SARL V prévoyait clairement la mention du « Trophée de la société V », la programme définitif n'en fait pas mention ;

    • plus généralement le « Trophée de la société V », n'a pas été associé à chaque mention du tournoi N 2016 comme le démontrent plusieurs images tirées de divers sites internet ;

  • 3 -

    • en application de l'article 4.2.2 du contrat, le logo de la SARL V devait être apposé sur tout le matériel de communication et les supports de promotion de l'évènement, notamment dossier de presse, programme officiel, site internet, panneaux « photo call », billets et invitations ;

    • or, ni le logo de la société V, ni sa qualité de sponsor officiel n'apparaissent sur le programme officiel, le site internet, les billets et invitations du tournoi N 2016 ;

  • 4 -

    • l'article 4.2.6 du contrat prévoyait par ailleurs la présentation des produits de la société sponsor dans les vitrines du Salon de réunion X de Paris, en vue d'une exposition privée de la marque, le premier jour, lors de la conférence de presse, le deuxième jour et le quatrième jour de l'évènement, ainsi que l'organisation, le troisième jour, d'une vente aux enchères des produits du sponsor ;

    • or la SARL V n'a pas eu la possibilité de présenter des pièces de haute joaillerie dans les conditions prévues puisque n'ont été organisées ni conférence de presse, ni présentation des bijoux ;

    • de même, aucune vente aux enchères de ses produits n'a été effectuée ;

  • 5 -

    • enfin, l'article 4.2.7 du contrat prévoyait l'organisation d'un concours de chapeau, dont il était convenu que la société V serait la présidente et pourrait sélectionner les participantes ;

    • or ce concours n'a pas été organisé comme il devait l'être et il n'a pas été annoncé que la société V en était la présidente.

À l'appui de sa demande reconventionnelle et accessoire en paiement de dommages-intérêt pour procédure abusive, la SARL V soutient que :

  • la SARL N a engagé la présente action en paiement tout en sachant qu'elle avait manqué à ses propres obligations, ainsi que sa cocontractante le lui avait fait savoir dans plusieurs courriers ;

  • comme l'a relevé le juge des référés dans son ordonnance du 29 novembre 2017, elle a fait preuve de déloyauté en omettant délibérément de produire à l'appui de sa requête aux fins de saisie-arrêt, les courriers de contestation de sa cocontractante qui, s'ils avaient été connus du juge des requêtes, auraient fait échec à la saisie-arrêt ;

  • elle a contraint la SARL V à se défendre en justice dans deux instances : la présente procédure au fond et celle en référé.

En réplique, la SARL N maintient l'intégralité de ses prétentions, considérant qu'elle a exécuté toutes les obligations contractuelles auxquelles elle était tenue.

Elle forme par ailleurs une demande additionnelle en paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Elle fait valoir que :

  • nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même, les deux courriels de réclamation produits par la partie adverse ne démontrent pas les manquements contractuels qui lui sont reprochés et qu'elle n'a jamais reconnus ;

  • à cet égard, l'attestation établie par Monsieur O, interprète en langue russe ayant assisté la société V lors d'un entretien avec le gérant de la SARL N, est sujette à caution, le témoin, rémunéré par la partie adverse, n'étant pas nécessairement impartial ;

  • s'agissant de la prétendue violation de l'obligation d'exclusivité, elle n'est pas démontrée car le reportage diffusé par la chaîne télévisée Monaco Info ne contient pas l'intégralité de l'interview accordée par f. MI. mais seulement un montage de cette dernière ;

  • or il incombe à la partie qui allègue un manquement contractuel d'en rapporter la preuve ;

  • c'est par ailleurs en raison de l'impossibilité de réaliser des photographies faisant apparaître le nom du sponsor de l'édition 2016 que la société N n'a eu d'autre choix que de recourir, pour illustrer le programme officiel, à une photographie prise lors d'une précédente édition, dont la marque CARTIER était le sponsor ;

  • s'agissant de l'obligation de promotion sur les supports de communication et contrairement à ce qui est allégué, le logo de la société sponsor a bien été apposé sur les billets et invitations ainsi que, sur les supports de communication et les différents reportages télévisés y font référence en utilisant les termes « de la société V » ;

  • les articles 4.2.4 et 4.2.8 du contrat prévoient certes que le sponsor donne son nom à une des équipes participant au tournoi et que le trophée remis au vainqueur se nomme « la société V » mais il ne stipule pas qu'à chaque mention du tournoi N doive être associée la mention dudit trophée ;

  • s'agissant de la vente aux enchères prévue à l'article 4.2.6 du contrat, une mention manuscrite apposée sur l'acte, en son article 4.2.9, stipule qu'il appartient au sponsor, et non à la société N, d'organiser cette vente ;

  • s'agissant du concours de chapeaux, la partie adverse se contente d'indiquer dans ses écritures que « le concours de chapeaux n'a pas été organisé comme il devait l'être, et il n'a pas été annoncé que la société V était la présidente dudit concours » ;

  • ce faisant, elle reconnaît implicitement que le concours a bien eu lieu et que la société V en était la présidente ;

  • pour le reste, aucune stipulation contractuelle ne prévoit de conditions particulières pour l'organisation de ce concours ni n'impose que sa présidence par la société V fasse l'objet d'une annonce particulière ;

  • il résulte de l'ensemble de ces éléments que la partie défenderesse échoue à rapporter la preuve de ce que la SARL N aurait violé la clause d'exclusivité, aurait été défaillante dans la promotion de la société sponsor sur les supports de communication, se serait abstenue d'organiser la vente aux enchères et le concours de chapeaux prévus au contrat ;

  • dans ces conditions, elle reste redevable du solde du prix des prestations ;

  • elle est par ailleurs mal fondée en sa demande reconventionnelle en résolution du contrat, dans la mesure où elle n'a pas respecté les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire contractuelle, laquelle prévoit l'envoi d'une lettre RAR de mise en demeure indiquant l'intention d'en faire application ;

  • sur le fondement de l'article 1039 du Code civil, la demande de résolution du contrat est également infondée, en ce que la SARL N n'a commis aucune inexécution contractuelle ;

  • enfin, la résistance de la SARL V est abusive, au motif qu'elle tente, plus d'un an après que la dernière échéance soit devenue exigible, de justifier sa propre inexécution contractuelle en arguant de prétendus manquements, non démontrés, de sa cocontractante.

MOTIFS DE LA DÉCISION

  • Sur l'exécution du contrat :

L'article 989 du Code civil dispose :

  • « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

  • Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

  • Elles doivent être exécutées de bonne foi. ».

Aux termes de l'article 1162 du même code :

  • « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ».

  • Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. ».

  • Sur la violation de la clause d'exclusivité :

Le contrat de sponsoring conclu le 29 juillet 2016 entre la SARL N et la SARL V, société ayant pour objet la création et l'exploitation d'un fonds de commerce de joaillerie, bijouterie, orfèvrerie ainsi que la fabrication et l'assemblage y relatif, sous la marque « de la société V » stipule en son article 3 intitulé « Exclusivité » :

  • « De manière générale, la Société garantit que le Sponsor est le partenaire exclusif de l'Évènement dans son secteur d'activité. Le Sponsor sera seul habilité à se prévaloir de la dénomination de « Sponsor officiel », en toute langue, dans son secteur d'activité.

  • La Société s'interdit, en conséquence, de solliciter l'aide et le concours d'un autre partenaire que le Sponsor, exploitant des activités concurrentes et similaires de celui-ci, pour l'évènement objet du présent contrat et pendant toute la durée de celui-ci. ».

En raison des termes explicites de cette clause, qui limite la condition d'exclusivité à un même secteur d'activité, ce qui, a contrario, autorise le recours à d'autres sponsors exerçant dans des domaines distincts, le moyen tiré de ce que, dans son interview télévisé à la chaîne Monaco Info, f. MI., gérant de la société organisatrice et capitaine de l'équipe « de la société V », mentionne uniquement le Casino de Monte Carlo comme partenaire du tournoi, ne constitue pas, en soi, une violation de ladite clause.

Ce moyen sera donc écarté.

Il en va différemment du moyen selon lequel, sur le programme officiel de l'évènement, figure, en première page, une photographie de f. MI., en tenue de polo, vêtu d'un t-shirt à l'effigie de la marque de bijoux « CARTIER ».

Cette photographie est en effet de nature à promouvoir une marque concurrente de celle qu'exploite la société sponsor, ce qui caractérise une violation de la clause d'exclusivité.

Cette violation est ici d'autant plus fragrante qu'il est rapporté la preuve de ce que le 1er août 2016, la société sponsor avait validé, par une mention manuscrite « bon pour accord » accompagnée d'une signature, un projet de programme sur lequel figurait une photographie différente, montrant un joueur de polo anonyme vêtu d'un t-shirt blanc sans logo.

En ne faisant pas figurer sur le programme du tournoi N 2016 la mention de la société sponsor mais en y faisant au contraire figurer la photographie d'une marque concurrente à celle du sponsor, la SARL N a manqué à ses obligations contractuelles.

  • Sur l'obligation de promotion :

C'est en vain que la SARL V reproche à sa cocontractante de n'avoir pas mentionné la société sponsor en tant que telle mais le nom de sa gérante et créatrice de la société V, alors que ce nom constitue également et surtout la marque qu'elle exploite et que c'est bien la promotion de cette marque qui constitue l'objectif du contrat de sponsoring, la personne morale constituée par la SARL V n'étant que l'entité juridique signataire du contrat.

Ce moyen sera donc écarté.

C'est également en vain que la SARL V reproche à sa cocontractante de n'avoir pas systématiquement associé la mention du trophée « de la société V » à chaque mention du tournoi N 2016 alors qu'aucune stipulation du contrat ne l'impose.

L'article 4.2.8 du contrat prévoit simplement que « les parties s'accordent pour que le Trophée remis au vainqueur du tournoi de l'Évènement se nomme « V ».

Aucun manquement contractuel ne peut donc être caractérisé de ce chef.

L'article 4.2.2 du contrat de sponsoring institue par ailleurs une obligation de promotion sur les supports de communication, libellée en ces termes :

  • « La Société s'engage à assurer la promotion du Sponsor, en particulier en apposant le logo du Sponsor sur tout le matériel de communication et tous les supports de promotion de l'Évènement, et notamment sur :

    • Le dossier de presse envoyé à la presse internationale, le document « Save the Date », les dossiers envoyés à tous les participants du tournoi N ;

    • Le programme officiel de l'Évènement ;

    • Le Site Internet ;

    • Un article éditorialiste sur le magazine du tournoi N;

    • Les panneaux « Photo-Call » utilisés à Monaco pendant les manifestations ;

    • Les billets et invitations de l'Évènement et de tous les évènements associés, et ce incluant la soirée de Gala. ».

Il ressort des propres pièces communiquées (n° 32 et 33) par la défenderesse que, contrairement à ce qu'elle allègue, les billets d'entrée au tournoi et l'invitation à la soirée de gala du samedi 17 septembre 2016, comportent bien le logo de la société sponsor par la mention « Trophée de la société V ».

Ce moyen sera donc écarté.

Il est en revanche exact qu'en méconnaissance des stipulations contractuelles claires et explicites rappelées ci-dessus, la SARL N a omis de faire figurer le logo « de la société V » sur le programme du tournoi N 2016 (pièce en défense n° 31), et ce alors que d'autres logos, notamment celui de la SOCIÉTÉ R, y apparaissent.

Il en va de même du site internet du tournoi N 2016.

Ces omissions caractérisent des manquements contractuels à la clause susmentionnée.

L'article 4.2.6 du contrat prévoit l'exposition des produits du sponsor, dans les termes suivants :

  • « Le Sponsor pourra exposer ses produits en vitrine dans le Salon de Réunions X de Paris, pour une exposition privée de la marque V :

    • Le premier jour de l'Évènement (prévu le jeudi 15 septembre 2016) lors de la Conférence de presse ;

    • Le deuxième jour de l'Évènement (prévu le vendredi 16 septembre 2016) ;

    • Le quatrième jour de l'Évènement (prévu le dimanche 18 septembre 2016).

    • La Société s'engage expressément à organiser une vente aux enchères des produits du sponsor le troisième jour de l'évènement (prévu le samedi 17 septembre 2016). ».

La SARL N ne s'explique pas sur le moyen adverse selon lequel sa cocontractante n'aurait pas eu la possibilité de présenter ses pièces de haute joaillerie dans les conditions prévues puisque n'ont été organisées ni conférence de presse ni présentation des bijoux, et ce alors qu'en application des dispositions de l'article 1162 du Code civil, la preuve lui en incombe.

C'est donc qu'ainsi que le soutient la SARL V, la partie demanderesse a manqué à son obligation contractuelle de ce chef.

Il en va différemment de l'obligation relative à l'organisation d'une vente aux enchères de produits de la marque V.

Il est certes établi, notamment par les échanges de courriers entre la SARL N et l'association « W », bénéficiaire du produit de la vente aux enchères, qu'une vente a bien eu lieu à l'occasion du dîner de gala mais qu'à cette occasion n'ont été proposés que deux tableaux, lesquels n'ont d'ailleurs pas trouvé preneur, et qu'aucun bijou de la marque de la société V n'y a été proposé.

Pour autant, il ressort de la lecture du contrat que la vente aux enchères évoquée à l'article 4.2.6 devait être organisée par le sponsor lui-même, ainsi que cela résulte d'une mention manuscrite apposée en page 7, en marge du programme détaillé de l'évènement.

La SARL V s'étant contractuellement engagée à organiser elle-même la vente aux enchères de ses produits, elle ne saurait sérieusement reprocher cette abstention à sa cocontractante.

Enfin, l'article 4.2.7 du contrat prévoit également l'organisation d'un concours de chapeaux.

Toutefois, il ne spécifie nullement les modalités d'organisation de ce concours et n'impose pas d'avantage que sa présidence de la société V fasse l'objet d'une annonce particulière.

Il stipule simplement :

  • « Lors de l'Évènement, un concours de chapeau (sic) est organisé. Les Parties conviennent que Madame SI. sera la Présidente du jury et pourra sélectionner des participantes au concours. ».

Aucun manquement contractuel ne saurait donc être reproché de ce chef à la SARL N.

Au total, il résulte de ce qui précède que la SARL N n'a que partiellement rempli les obligations qu'elle avait contractées le 29 juillet 2016 vis-à-vis de la SARL V.

Elle a ainsi manqué aux obligations conventionnelles suivantes :

  • clause d'exclusivité stipulée à l'article 3 ;

  • obligation de promotion sur certains supports de communication (programme officiel et site internet) stipulée à l'article 4.2.2 ;

  • obligation d'exposition des produits du sponsor dans les vitrines du Salon de réunions X de Paris, stipulée à l'article 4.2.6.

Pour le reste, il n'est pas rapporté la preuve d'autres manquements contractuels imputables à la SARL N.

  • Sur la demande principale en paiement et sur la demande reconventionnelle en résolution du contrat et en paiement de dommages-intérêts :

Même si elle ne le spécifie pas expressément dans ses écritures en défense, la SARL V fonde son refus de régler les sommes à elle réclamées sur l'exception d'inexécution, qui permet à une partie de se dispenser de remplir ses obligations lorsque son co-contractant n'a pas exécuté tout ou partie des siennes.

Cette exception ne peut trouver application qu'en présence d'un contrat synallagmatique, comportant des obligations à exécution simultanée et à condition que l'inexécution invoquée soit suffisamment grave.

En l'espèce, le contrat litigieux comporte bien des obligations réciproques et simultanées, en ce que l'obligation principale du sponsor est celle de régler la somme totale de 120.000 euros, tandis que l'obligation principale de la société organisatrice du tournoi est celle de lui fournir certaines prestations tendant à la promotion de sa marque.

L'article 1039 du Code civil dispose par ailleurs que :

  • « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement.

  • Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit ; la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix, ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages-intérêts.

  • La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. ».

Il appartient au juge d'apprécier, en cas d'inexécution partielle, si cette inexécution a assez d'importance pour que la résolution doive être prononcée ou si elle sera suffisamment réparée par une condamnation à des dommages-intérêts.

Tirant les conséquences des manquements contractuels qu'elle impute à la société N, la SARL V invoque tout à la fois l'exception d'inexécution, qui fonde son refus de régler le solde de 20.000 euros, et la résolution du contrat, avec paiement de dommages-intérêts.

Or si les manquements avérés de la SARL N sont tels qu'ils justifient l'application de l'exception d'inexécution, s'agissant du règlement de la somme de 20.000 euros, ils ne sont pas d'une gravité et d'une ampleur suffisante pour fonder la résolution du contrat litigieux.

Il résulte en effet de ce qui précède que, pour l'essentiel, le contrat de sponsoring conclu le 29 juillet 2016 entre la SARL N et la SARL V a été exécuté, les manquements démontrés portant seulement sur trois des obligations contractées par la société demanderesse envers la société défenderesse.

C'est pourquoi, la société N et la société V seront déboutées pour la première de sa demande principale en paiement de la somme de 20.000 euros et pour la seconde de sa demande reconventionnelle tendant au prononcé de la résolution du contrat de sponsoring conclu le 29 juillet 2016 et à la restitution subséquente de la somme de 100.000 euros.

  • Sur les demandes accessoires en paiement de dommages-intérêts :

Il résulte de ce qui précède que la SARL V n'a pas résisté abusivement à la demande en paiement de la somme de 20.000 euros puisqu'en application de l'exception d'inexécution, elle était bien-fondé à refuser de régler cette somme.

Il s'ensuit que la société N sera déboutée de sa demande accessoire en paiement de dommages-intérêts de ce chef.

En revanche, c'est de manière abusive que cette dernière a attrait sa cocontractante devant ce Tribunal pour lui réclamer paiement d'une somme qu'elle savait ne pas lui être due en raison de ses propres manquements contractuels, qu'elle ne pouvait ignorer.

Sa déloyauté dans la procédure préalable de saisie-arrêt a par ailleurs été stigmatisée par le Juge des référés qui, dans son ordonnance du 29 novembre 2017, a relevé qu'elle avait délibérément omis de produire, à l'appui de sa requête, certaines pièces dont la connaissance n'aurait pas manqué de conduire à son rejet.

Ce comportement fautif a contraint la SARL V à devoir faire valoir ses droits en justice et son préjudice sera justement compensé par l'allocation d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts.

  • Sur les dépens :

La SARL N, qui succombe au principal, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Constate qu'en l'état de la mainlevée ordonnée par le Juge des référés, la demande de validation de la saisie-arrêt est devenue sans objet ;

Déboute la SARL N de sa demande principale en paiement de la somme de 20.000 euros ;

Déboute la SARL V de sa demande reconventionnelle tendant au prononcé de la résolution du contrat de sponsoring conclu le 29 juillet 2016 ;

Déboute la SARL V de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 100.000 euros ;

Déboute la SARL N de sa demande accessoire en paiement de dommages-intérêts ;

Condamne la SARL N à payer à la SARL V la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Condamne la SARL N aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens soient provisoirement liquidés sur état par le Greffier en Chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Léa PARIENTI, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Florence TAILLEPIED, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 17 MAI 2018, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Mademoiselle Marine PISANI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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