Tribunal de première instance, 15 février 2018, La SAS A. c/ La société B.
Abstract🔗
Exéquatur - Convention Franco-Monégasque du 21 septembre 1949 - Conditions réunies (oui)
Résumé🔗
La Convention du 21 septembre 1949 prévoit une procédure d'exéquatur simplifiée pour les décisions judiciaires rendues en France. La décision a été prononcée par un Tribunal compétent, elle a été régulièrement signifiée et est passée en force de chose jugée. Elle ne comporte aucune contrariété à l'ordre public monégasque. Il convient donc de faire droit à la demande d'exéquatur.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2018/000101 (réassignation du 25 septembre 2017)
JUGEMENT DU 15 FÉVRIER 2018
En la cause de :
La SAS A., dont le siège social est X1, 92200 NEUILLY SUR SEINE (France), agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège ;
DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
La société Civile de droit français dénommée B., dont le siège social se trouvait X3 à Paris (75017) et ce jusqu'à sa radiation d'office le 1er septembre 2016, faisant suite à une mention de cessation d'activité en date du 30 mai 2016, prise en la personne de son gérant M. f. AN., né le 24 octobre 1970 à Blois (France), ayant demeuré X1 à Monaco, et actuellement domicilié X2 à Monaco ;
DÉFENDERESSE, NON COMPARANTE ;
M. le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'appel de Monaco, séant en ses bureaux en son Parquet Général, Palais de Justice, Rue Colonel Bellando de Castor à Monaco ;
DÉFENDEUR, COMPARAISSANT EN PERSONNE,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 28 juin 2017, enregistré (n° 2017/000586) ;
Vu le jugement de réassignation subséquent et l'attestation du Greffe relative à ce jugement, en date du 19 septembre 2017 ;
Vu l'exploit de réassignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 25 septembre 2017, enregistré (n° 2018/000101) ;
Vu les conclusions du Ministère Public en date du 28 novembre 2017 ;
À l'audience publique du 7 décembre 2017, Maître Yann LAJOUX a déposé son dossier, nul n'ayant comparu pour la société B., et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour le 15 décembre 2017 ;
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon exploit en date du 28 juin 2017 puis réassignation du 25 septembre 2017, la société par actions simplifiées (SAS) A. (A.) a fait assigner la société civile de droit français dénommée B., prise en la personne de son gérant Monsieur f. AN. et le Procureur Général aux fins d'obtenir l'exéquatur d'un jugement rendu le 31 mars 2016 sous le RG 15/09598, minute 11, par la 5e chambre, 2e section du Tribunal de Grande Instance de PARIS.
Cette décision a :
condamné la société civile de droit français B. à payer à la SAS A. la somme de 596.095,72 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2015, outre celle de 38.028 euros au titre de la clause pénale,
condamné la société B. à restituer à la société A. le matériel, objet du contrat de location, dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement,
prononcé une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un mois après la signification du jugement, pendant une durée de trois mois,
condamné la société B. à verser à la SAS A. la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles, outre le paiement des dépens.
Aux termes de son argumentation fondée sur les dispositions de la convention franco-monégasque en date du 21 septembre 1949, la demanderesse fait valoir que :
ce jugement a été signifié à la société défenderesse suivant acte d'huissier du 15 septembre 2016 pour tentative, et le 19 septembre 2016 pour régularisation par procès-verbal, l'huissier s'étant alors rendu au siège de la société sis 20-24 rue des acacias à Paris, et ayant dressé un procès-verbal de vaines recherches,
si la société B. a été radiée d'office le 1er septembre 2016 du Registre du Commerce de Paris suite à une cessation d'activité le 30 mai 2016, la personnalité morale de la société subsiste jusqu'à la clôture de la liquidation, laquelle n'a pas été publiée à ce jour,
le jugement susvisé n'a pas été frappé d'appel, de sorte qu'il est devenu définitif et a désormais autorité de la chose jugée,
elle est contrainte de solliciter l'exéquatur de la décision sur le territoire monégasque, compte tenu du fait que la dernière adresse connue du gérant de la société condamnée se trouve X1 à MONACO, soit hors de la compétence territoriale française.
La SAS A. fonde sa demande d'exéquatur sur les dispositions de la convention franco-monégasque relative à l'aide judiciaire en date du 21 septembre 1949.
La société B. a été assignée une première fois en vain au domicile de son gérant, f. AN., le 28 juin 2017, puis une seconde fois à la nouvelle adresse de celui-ci, sis X2 à MONACO par acte du 25 septembre 2017 ; la copie de l'assignation déposée à la Mairie le 26 septembre 2017 a été retirée par Monsieur AN. ès qualités le 27 septembre 2017.
Le Ministère Public a conclu le 28 novembre 2017 que les conditions de l'article 18 de la convention franco-monégasque étaient bien remplies, de sorte que l'exéquatur du jugement précité devait être ordonné.
SUR QUOI :
La défenderesse n'a pas comparu mais il est établi qu'elle a eu connaissance de l'assignation, puisque son gérant est venu retirer en Mairie de Monaco la copie qui y avait été déposée à son attention. La présente décision sera donc qualifiée de réputée contradictoire au visa de l'article 214 du Code de procédure civile.
Force est de constater que la société civile B. a été radiée du registre du commerce et des sociétés de Paris le 1er septembre 2016.
Cependant, cette radiation n'est pas nécessairement un obstacle à son assignation en justice, dès lors que sa personnalité morale subsiste à tout le moins jusqu'à la publication de la clôture de la liquidation, voire aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés.
L'article 472 du Code de procédure civile prévoit que « les jugements rendus par les Tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers ne seront susceptibles d'exécution dans la Principauté qu'après avoir été déclarés exécutoires par le Tribunal de première instance, à moins de stipulations contraires dans les traités ».
La Convention du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco, rendue exécutoire à Monaco par l'ordonnance souveraine n106 du 2 décembre 1949, prévoit une procédure d'exéquatur simplifiée pour les décisions judiciaires rendues en France.
L'article 18 de la convention précitée permet au Tribunal saisi d'une demande d'exéquatur d'une décision française de déclarer celle-ci exécutoire en Principauté de Monaco, après avoir vérifié, au regard tout d'abord de la loi du pays d'origine, soit la loi française en l'espèce :
l'authenticité de l'expédition de cette décision,
la compétence de la juridiction dont elle émane,
la régularité des citations délivrées aux parties ainsi que la réalité de sa force de chose jugée.
L'expédition exécutoire délivrée le 6 avril 2016 par le Greffe, du jugement rendu le 31 mars 2016 par le Tribunal de Grande Instance de Paris, présente tous les caractères propres à justifier de son authenticité.
Cette décision a été prononcée par une juridiction territorialement compétente, en l'espèce le Tribunal de Grande Instance de PARIS, puisque le domicile de la société défenderesse se trouvait sur son ressort.
Il résulte de la lecture de la décision réputée contradictoire du 31 mars 2016 que les parties ont été régulièrement citées devant la juridiction. Il est précisé dans le jugement que la société B., bien que régulièrement assignée, n'a pas constitué avocat.
La décision en cause, qui a été signifiée par procès-verbal de vaines recherches le 19 septembre 2016, n'a au demeurant pas été frappée d'appel, ainsi qu'il résulte du certificat du Greffier en Chef de la Cour d'Appel de PARIS du 20 octobre 2016.
Ce jugement est donc bien passé en force de chose jugée, conformément aux dispositions de l'article 500 du Code de procédure civile français.
Dans un second temps, le Tribunal doit vérifier, au regard de la loi monégasque, l'absence de contrariété à l'ordre public des dispositions que comporte la décision.
En l'occurrence, les dispositions du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS le 31 mars 2016 ne sont pas contraires à l'ordre public monégasque.
Il convient dès lors de faire droit à la demande d'exéquatur.
La société B., qui succombe, doit supporter les dépens par application de l'article 231 du Code de procédure civile.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,
Déclare exécutoire en Principauté de Monaco, avec toutes conséquences de droit, le jugement rendu le 31 mars 2016 par le Tribunal de Grande Instance de Paris (5e chambre et 2e section) sous le RG n°15/9598, minute 11 ;
Condamne la société civile de droit français B. aux dépens, avec distraction au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Françoise DORNIER, premier Juge, Madame Virginie HOFLACK, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 15 FÉVRIER 2018, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.