Tribunal de première instance, 21 décembre 2017, Mme s. i. H S c/ Le Procureur Général
Abstract🔗
Exequatur - Jugement étranger - Droit applicable - Loi n° 1.448 du 28 juin 2017 - Entrée en vigueur - Application du Code de droit international privé (oui)
Résumé🔗
À défaut de dispositions transitoires, la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé est d'application immédiate, y compris aux instances introduites avant son entrée en vigueur. L'intégralité des conditions requises étant ainsi remplie, il convient de faire droit à la demande et de déclarer exécutoire en Principauté de Monaco le jugement rendu le 9 septembre 2015 par le Tribunal de première instance n° 95 de Madrid (Espagne) ainsi que le procès-verbal d'acceptation et de serment de la charge de tuteur dressé le 25 septembre 2015 par le greffier du même tribunal.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2017/000449 (assignation du 5 avril 2017)
JUGEMENT DU 21 DÉCEMBRE
En la cause de :
Mme s. i. H S, née le 8 juillet 1960 à Madrid, de nationalité espagnole, demeurant X1 à Madrid (ESPAGNE) agissant en qualité de tutrice de sa soeur, m. l. H S, suivant décision du Tribunal de première instance de Madrid (Espagne) en date du 9 septembre 2015 ;
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
M. le PROCUREUR GÉNÉRAL, près la Cour d'Appel de Monaco, demeurant rue Colonel Bellando de Castro - Palais de Justice à Monaco ;
DÉFENDEUR, COMPARAISSANT EN PERSONNE
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI huissier, en date du 5 avril 2017, enregistré (n° 2017/000449) ;
Vu les conclusions du Ministère Public en date des 6 juin 2017 et 18 septembre 2017 ;
Vu les conclusions de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de s. i. H S, en date du 19 octobre 2017 ;
À l'audience publique du 16 novembre 2017, le conseil de la demanderesse a été entendu en ses plaidoiries, le Ministère public en ses observations, et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 21 décembre 2017 ;
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par décision rendue le 9 septembre 2015 par le Tribunal de première instance n° 95 de Madrid (Espagne), s. i. H S a été désignée en qualité de tutrice de sa soeur m. l. H S.
Suivant procès-verbal dressé le 25 septembre 2015 par le greffier du Tribunal de première instance n° 95 de Madrid (Espagne), s. i. H S a accepté la charge de tuteur et prêté serment de la mener à bien.
Désireuse d'effectuer, pour le compte de sa protégée, des actes d'exécution auprès d'établissements bancaires de la Principauté, s. i. H S a, par exploit d'huissier délivré le 5 avril 2017, fait assigner le Procureur Général près la Cour d'appel de Monaco aux fins d'exequatur du jugement rendu le 9 septembre 2015 par le Tribunal de première instance n° 95 de Madrid (Espagne) et du procès-verbal d'acceptation et de serment de la charge de tuteur dressé le 25 septembre 2015 par le greffier du même tribunal.
Par conclusions déposées le 7 juin 2017 et établies sous l'empire des anciens articles 472 et suivants du Code civil, le Ministère Public a conclu à la production préalable, par la partie requérante, de la loi espagnole relative à la condition de réciprocité, évoquée dans un avis de droit produit aux débats.
Postérieurement, la loi espagnole n° 29/2015 du 30 juillet 2015 sur la coopération internationale en matière civile a été communiquée par s. i. H S et surtout, est entrée en application à Monaco la loi n° 1448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé.
Par de nouvelles conclusions, déposées le 18 septembre 2017, le Ministère Public, se fondant sur les articles 13 et suivants de ladite loi, a conclu à la production préalable, par la partie requérante, d'une expédition authentique de la décision dont l'exequatur est réclamé et s'en est rapporté à justice sur le fond.
La pièce demandée a été communiquée au Procureur Général le 18 octobre 2017.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
À défaut de dispositions transitoires, la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé est d'application immédiate, y compris aux instances introduites avant son entrée en vigueur.
Elle dispose :
Article 13 :
« Les jugements rendus par les tribunaux étrangers et passés en force de chose jugée sont reconnus de plein droit dans la Principauté s'il n'y a pas de motif de refus au sens de l'article 15.
Toute partie intéressée peut agir devant les tribunaux de la Principauté en reconnaissance ou en non reconnaissance d'un jugement rendu par un tribunal étranger. »
Article 14 :
« Lorsqu'ils sont exécutoires dans l'État dans lequel ils sont intervenus, les jugements rendus par les tribunaux étrangers, passés en force de chose jugée, ainsi que les actes reçus par les officiers publics étrangers, ne sont susceptibles d'exécution dans la Principauté qu'après avoir été déclarés exécutoires par le tribunal de première instance, sauf stipulations contraires des traités. »
Article 15 :
« Un jugement rendu par un tribunal étranger n'est ni reconnu ni déclaré exécutoire dans la Principauté si :
il a été rendu par une juridiction incompétente au sens de l'article 17 ;
les droits de la défense n'ont pas été respectés, notamment lorsque les parties n'ont pas été régulièrement citées et mises à même de se défendre ;
la reconnaissance ou l'exécution est manifestement contraire à l'ordre public monégasque ;
il est contraire à une décision rendue entre les mêmes parties dans la Principauté ou avec une décision antérieurement rendue dans un autre Etat et reconnue dans la Principauté ;
un litige est pendant devant un tribunal de la Principauté, saisie en premier lieu, entre les mêmes parties portant sur le même objet. »
Article 18 :
« Le demandeur à fins d'exécution ou de reconnaissance doit produire :
Une expédition authentique du jugement ;
l'original de l'exploit de signification ou de tout autre acte en tenant lieu dans l'État où le jugement aura été rendu ;
un certificat délivré, soit par la juridiction étrangère dont émane le jugement, soit par le greffier de cette juridiction, constatant que cette décision n'est ni frappée, ni susceptible d`être frappée d'opposition ou d'appel, et qu'elle est exécutoire sur le territoire de l'État où elle est intervenue.
Ces pièces devront être légalisées par un agent diplomatique ou consulaire de la Principauté accrédité auprès de l'Etat étranger, ou, à défaut, par les autorités compétentes de cet État.
Elles devront, en outre, quand elles ne seront pas rédigées en français, être accompagnées de leur traduction en langue française, faite par un traducteur assermenté ou officiel et dûment légalisée. »
S'agissant des pièces produites à l'appui de la demande, s. i. H S verse une expédition authentique du jugement et une expédition authentique du procès-verbal dont l'exequatur est sollicité, accompagnées de leur traduction en langue française par traducteur-interprète assermenté et revêtues de l'apostille.
Dans son dispositif, le jugement du 9 septembre 2015 précise par ailleurs qu'il est susceptible d'appel mais que « les parties ayant renoncé à tout appel, la décision est définitive », de sorte qu'il n'y a pas lieu d'exiger un certificat de non-appel.
Au vu de cette mention et du fait que les parties étaient présentes lors du prononcé du jugement puisqu'il y est mentionné qu'elles ont été entendues à la date de son prononcé, il faut considérer que l'ensemble des parties a eu parfaitement connaissance de la décision.
Par ailleurs, les conditions de fond prévues à l'article 15 sont réunies, en ce que :
- la compétence du Tribunal de première instance n° 95 de Madrid n'a pas été discutée par les parties, qu'il s'agisse de la majeure à protéger, de sa s¿ur ou du ministère public ;
- il s'agissait d'une procédure gracieuse et non contentieuse et toutes les parties, en ce compris la majeure à protéger, ont été entendues et ont donné leur consentement à la désignation de s. i. H S en qualité de tutrice de sa soeur ;
- aucune disposition du jugement espagnol n'est contraire à l'ordre public monégasque ;
- aucune contrariété de décision ni aucune litispendance n'est alléguée et encore moins établie.
L'intégralité des conditions requises étant ainsi remplie, il convient de faire droit à la demande et de déclarer exécutoire en Principauté de Monaco le jugement rendu le 9 septembre 2015 par le Tribunal de première instance n° 95 de Madrid (Espagne) ainsi que le procès-verbal d'acceptation et de serment de la charge de tuteur dressé le 25 septembre 2015 par le greffier du même tribunal.
Les dépens seront laissés à la charge de la partie requérante.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare exécutoire en Principauté de Monaco avec toutes conséquences de droit :
- le jugement rendu le 9 septembre 2015 par le Tribunal de première instance n° 95 de Madrid (Espagne), désignant s. i. H S en qualité de tutrice de sa soeur m. l. H S ;
- le procès-verbal d'acceptation et de serment de la charge de tuteur dressé le 25 septembre 2015 par le greffier du Tribunal de première instance n° 95 de Madrid (Espagne) ;
Condamne s. i. H S aux entiers dépens de l'instance ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Léa PARIENTI, Juge, Monsieur Adrian CANDAU, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés ou, lors des débats seulement, de Madame Florence TAILLEPIED, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 21 DÉCEMBRE 2017, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.