Tribunal de première instance, 2 novembre 2017, M. g A et Mme f. BO. épouse A c/ M. m. D et autres
Abstract🔗
Responsabilité délictuelle – Conditions – Faute (oui) – Préjudices (oui) – Indemnisation (oui) – Appel en garantie – Recevabilité (oui) – Bien-fondé (oui)
Résumé🔗
En l'état des désordres invoqués au titre des nuisances sonores, le fondement de la responsabilité délictuelle issu des articles 1229 et 1230 du Code civil implique de démontrer la faute, la négligence ou l'imprudence de m. D.
Les éléments de l'espèce convergents suffisent à établir les nuisances sonores dont les malfaçons affectant le système de chauffage sont à l'origine sans que le défaut de mesures acoustiques ne puisse être sérieusement opposé aux époux A. Il apparaît que les nuisances sonores tenant au système de chauffage et au défaut d'isolation du plancher sont encore aggravées par les malfaçons affectant le réseau de fluides qui est déployé dans le plenum entre les deux appartements. La responsabilité de m. D est pleinement engagée du chef des nuisances sonores subies par les époux A.
Au titre des risques d'effondrement des faux plafonds et d'incendie, les travaux réalisés par les entreprises mandatées par m. D ne sont pas réalisés conformément à la réglementation des DTU et normes en vigueur ainsi qu'aux règles de l'art. Par voie de conséquence, m. D doit être déclaré responsable du préjudice subi par les époux A et condamné à le réparer.
Au titre du déplacement de la canalisation descendante de desserte en eau, en portant atteinte à cette canalisation commune, ce qui a entraîné l'effondrement du faux plafond de la salle de bains des époux A, la suppression de l'alimentation en eau, et la sujétion indue issue du trajet de la nouvelle canalisation, m. D a causé aux époux A un préjudice qu'il sera tenu de réparer.
L'appel en garantie est prévu en droit monégasque par l'article 267 du Code de procédure civile qui requiert pour seule condition l'autorisation de la juridiction avant toute défense au fond. Les parties invoquant le droit français, il convient de rappeler que l'appel en garantie est également un mécanisme traditionnel de droit français, qui se distingue d'une action subrogatoire. Contrairement à ce que soutient f. O, la Cour de cassation énonce « qu'une partie assignée est en droit d'en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, une telle action était distincte de l'action directe prévue par le code des assurances ». Ainsi, une partie qui dispose d'un droit de paiement, dispose aussi d'une action en garantie de droit commun comme toute autre partie, sans avoir à justifier d'avoir préalablement indemnisé le tiers victime, solution qu'implique également l'article 267 du Code de procédure civile monégasque. m. D est donc recevable en son appel en garantie.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2016/000095 (assignation du 10 septembre 2015)
N° 2016/000493 (assignation du 4 mars 2016)
JUGEMENT DU 2 NOVEMBRE 2017
En la cause de :
M. g A, né le 18 octobre 1936, de nationalité italienne, demeurant X1, 98000 Monaco ;
Mme f. BO. épouse A, de nationalité italienne, née le 2 octobre 1945 en Italie, demeurant X1, 98000 Monaco ;
DEMANDEURS AU PRINCIPAL, ayant élu domicile en l'étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
M. m. D, né le 28 juillet 1951 à Mondovi (Italie), de nationalité italienne, demeurant X2, 98000 Monaco ;
DÉFENDEUR AU PRINCIPAL,
DEMANDEUR SUR APPEL EN GARANTIE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
M. f. O, ayant exercé sous l'enseigne «F», né le 17 novembre 1968 à Caldelas de nationalité portugaise, demeurant X3, 98000 Monaco ;
ayant élu domicile en l'étude de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Françoise ASSUS-JUTTNER, avocat au barreau de Nice ;
M. a. U, artisan plombier, exerçant sous l'enseigne Y, domicilié en cette qualité à Laghet, X4, 06340 La Trinité ;
ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
DÉFENDEURS SUR APPEL EN GARANTIE,
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 10 septembre 2017, enregistré (n° 2016/000095) ;
Vu le jugement avant-dire-droit rendu par ce Tribunal en date du 18 février 2016, ayant notamment autorisé m. D à appeler en garantie f. O et a. U et renvoyé la cause et les parties à l'audience du 14 avril 2016 ;
Vu l'exploit d'assignation du Ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 4 mars 2016, enregistré (n° 2016/000493) ;
Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de m. D, en date des 23 juin 2016, 17 novembre 2016 et 23 mars 2017 ;
Vu les conclusions de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur, au nom de f. O, en date des 23 juin 2016, 26 janvier 2017 et 8 février 2017;
Vu les conclusions de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom d a. U, en date des 6 octobre 2016 et 7 juin 2017 ;
Vu les conclusions de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de g A et f. BO. épouse A, en date des 8 février 2017 ;
À l'audience publique du 6 juillet 2017, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 26 septembre 2017 et prorogé au 2 novembre 2017, les parties en ayant été avisées par le Président ;
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
g. A et f. BO. son épouse (ci-après les époux A) sont propriétaires d'un appartement situé au premier étage d'un immeuble dénommé « X», X1 et X2 à Monaco.
m. D, devenu propriétaire de l'appartement sus-jacent au décès de Magdeleine R. précédente propriétaire, y a entrepris lors de sa prise de possession d'importants travaux de rénovation ayant consisté notamment en l'installation d'un nouveau système de chauffage central individuel, la réfection de canalisations d'évacuation des eaux, la démolition des revêtements de sol et leur réfection au moyen d'une chape et de la pose d'un parquet de bois dans tout l'appartement, hors pièces d'eau.
Par ordonnance du 20 novembre 2013, le juge des référés, saisi par les époux A a organisé une expertise confiée à Monsieur Émile BE. aux fins de décrire les travaux de rénovation entrepris par m. D, de dire s'ils ont été réalisés dans les règles de l'art, de rechercher l'origine et la cause des différents désordres allégués par les époux A et de déterminer les travaux propres à y remédier.
Par ordonnance du 9 avril 2014 rendue à la requête de m. D, les opérations d'expertise ont été rendues communes à f. O titulaire du lot gros œuvre, et à a. U titulaire du lot plomberie, chauffage.
L'expert a établi son rapport le 16 février 2015.
Par acte du 10 septembre 2015 (procédure n°2016/000095) les époux A ont fait assigner m. D devant le Tribunal de première instance de la Principauté de Monaco à l'effet d'obtenir la condamnation de ce dernier :
- Au paiement de la somme de 58.360€ outre réévaluation au titre des travaux à réaliser dans leur lot ;
- En raison de l'urgence, à l'exécution dans le lot du défendeur des travaux de démolition préconisés par le rapport d'expertise et ce sous astreinte de 1.500 € par jour de retard à compter de l'introduction de l'instance ; subsidiairement sa condamnation à cesser les désordres sous astreinte de 1.500 € par jour de retard à compter de l'introduction de l'instance ;
- Au paiement à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1229 du Code de procédure civile, des sommes de :
135.000 € au titre du préjudice de jouissance résultant des nuisances sonores subies entre janvier 2010 et ce jour, à raison de 2.000 € par mois ;
86.000 € à titre d'indemnité ou de provision en réparation du préjudice de jouissance du fait des travaux à intervenir ;
104.400 € au titre du préjudice moral correspondant à la moitié des loyers encaissés par m. D entre février 2013 et la fin du bail, date à laquelle celui-ci acceptera d'exécuter les travaux ;
2.000 € au titre du préjudice de jouissance à la suite de la suppression de l'alimentation en eau de leur salle de bains ;
Ils sollicitent en outre l'exécution provisoire de la décision et la condamnation de m. D à payer les frais d'expertise judiciaire soit 11.043,90 € et les dépens.
Par jugement rendu le 18 février 2016, le Tribunal de première instance a autorisé m. D à appeler en garantie f. O et a. U.
Par acte d'huissier du 4 mars 2016 (procédure n°2016/000493) m. D a fait assigner f. O et a. U aux fins de voir :
- Prononcer la jonction de la présente instance avec celle introduite selon assignation 15 septembre 2015 à la requête des époux A ;
- Condamner solidairement f. O et a. U à le relever et garantir de toutes éventuelles condamnations prononcées à son encontre sur les demandes des époux A ;
Après évolution, les prétentions et moyens des parties s'établissent comme suit :
Les époux A réitèrent les demandes formulées dans l'assignation, sauf à voir porter à 144.000 € le montant des dommages et intérêts sollicités au titre de leur préjudice de jouissance.
Ils font valoir les divers préjudices suivants :
- Des nuisances sonores nées de l'installation d'un système de chauffage central, et de ses malfaçons et d'un défaut de pose d'une isolation phonique lors de la réfection des sols ;
- Une rupture non autorisée de l'alimentation en eau, résultant de la suppression au cours des travaux de la canalisation descendante qui alimente en eau les appartements situés sous celui de m. D, et un effondrement d'une partie du plafond de la salle de bains desservie par cette canalisation;
- Le risque d'effondrement causé par la surcharge imposée à l'ensemble des plafonds de leur lot par l'accumulation de gravats dans le vide entre les solives et les lambourdes, mis en évidence par le rapport de leur expert conseil et confirmé par l'expert judiciaire qui l'impute directement aux entreprises présentes sur le chantier .
- Un empiètement sur leurs parties privatives résultant de la pose de canalisations et siphons d'évacuation d'eaux usées sous le plancher bas de l'appartement du défendeur, au-dessus du plafond de leur lot ;
Ils soutiennent en outre qu'il y a urgence à procéder aux travaux préconisés par l'expert compte tenu du danger d'effondrement des plafonds relevé par ce dernier, sans qu'il y ait lieu d'attendre la fin du bail que m. D a consenti sur son appartement, tandis que l'occupation par ses locataires est elle-même cause d'un nouveau préjudice, et que cette urgence, délibérément ignorée par le défendeur qui est de mauvaise foi, justifie l'astreinte sollicitée.
Ils développent l'importance du préjudice subi alors qu'ils sont respectivement âgés de 78 et 69 ans, qu'ils occupent leur appartement depuis « la fin des années 60 », tant à titre d'habitation que pour l'activité de tailleur d'habits de Monsieur A (atelier et réception de la clientèle), qu'ils vont devoir le quitter pour la durée des travaux prévue par l'expert augmentée du temps nécessaire à la préparation du chantier et de remise en état soit une période de 6 mois, qu'à la perte de jouissance de leur logement s'ajoute la perte de revenus professionnels pour la même durée.
Ils font valoir également qu'en réalisant des travaux dont il savait dès l'origine qu'ils seraient source de nuisances, et en refusant d'engager les travaux de remise en état au prétexte lucratif du bail en cours, le défendeur leur cause un important préjudice moral.
Ils justifient leur demande d'exécution provisoire par l'urgence à engager les travaux préconisés par l'expert.
En réponse, m. D réitère les demandes formulées dans l'assignation d'appel en garantie du 4 mars 2016 et sollicite en outre que les époux A soient déboutés de leurs demandes ;
Il fait valoir en substance que :
Le fondement de l'article 1233 du Code civil sur lequel repose l'action des demandeurs est inapplicable à l'espèce en l'absence de vice de construction de l'immeuble, le litige portant sur l'allégation de dommages résultant de travaux de rénovation ;
Sur le fondement de l'article 1229 du Code civil, leur action tend en réalité à la réparation d'un trouble anormal du voisinage dont ils ne démontrent ni l'existence ni le caractère excessif par rapport aux inconvénients normaux du voisinage, d'autant que l'expert qui souhaitait procéder à des mesures sonores n'a pu les réaliser du fait de leur refus ;
En procédant à la réfection totale de la chape de béton, il a apporté une amélioration aux conditions sonores de cet immeuble ancien, bâti à la fin du XIXe siècle ;
L'installation de plomberie et d'électricité est située dans le plénum séparant les deux appartements, qui constitue en droit une partie commune, ce qui est confirmé par le règlement de copropriété, outre qu'il n'est pas établi par les demandeurs que ces installations seraient sources de nuisances sonores, et qu'ils n'ont pas qualité à se plaindre du passage de réseau dans des parties communes ;
Le dévoiement de la canalisation commune d'eau descendante n'a pas causé de préjudice aux demandeurs. En effet, l'alimentation en eau a été rapidement rétablie, et la canalisation d'origine en plomb a été remplacée dans les parties communes par un tube de cuivre avec robinet de sécurité ;
L'expert lui attribue la présence de gravats sur les plafonds en plâtre de l'appartement des demandeurs sans pour autant établir l'existence de matériaux issus de la destruction de la chape et des carrelages.
Les plafonds de l'appartement des demandeurs ne sont nullement endommagés alors que la rénovation litigieuse a été réalisée depuis plus de sept ans, ce qui dément le caractère urgent des travaux de reprise ;
Il conteste en outre que les lambourdes aient été cassées ;
Les demandeurs qui sont dans l'incapacité d'établir les nuisances sonores qu'ils allèguent, et n'ont pas été contraints de quitter leur appartement, ne peuvent prétendre à un préjudice de jouissance de ce chef ;
Monsieur A qui n'a pas été contraint de cesser son activité professionnelle ne justifie pas d'une perte de revenus professionnels ;
Leur demande indemnitaire inclut un préjudice futur non démontré, et elle constitue en réalité une demande forfaitaire qui est prohibée ;
Subsidiairement en cas de condamnation, la responsabilité des entreprises appelées en garantie est entière :
f. O a conclu à tort au rejet de l'action subrogatoire alors qu'il ne s'agit que d'une action en garantie non conditionnée par l'indemnisation préalable du tiers lésé, et qui est fondée sur la défaillance de cet entrepreneur qui sera caractérisée en cas de condamnation ;
À cet égard le rapport de l'expert impute à celui-ci la présence des gravats déversés dans les faux plafonds des demandeurs, dont il devait assurer l'enlèvement prévu au devis, ainsi que la présence de gaines et dans le plenum ;
a. U, artisan-plombier chargé de la rénovation du chauffage doit être tenu de répondre des défauts de conformité aux DTU, normes et règles de l'art, caractérisés par l'installation de plomberie dans les plenum, et le défaut de calage de celle-ci, responsable des « coups de bélier » entendus dans l'appartement des demandeurs.
f. O demande au Tribunal de :
- Débouter m. D des demandes formulées à son encontre ;
- Prononcer sa mise hors de cause ;
- Subsidiairement, dire et juger qu'il ne pourrait supporter plus du cinquième des condamnations, la responsabilité étant partagée entre lui et a. U, l'entreprise WB Electricité chargée des travaux d'électricité, m. D en qualité de maître de l'ouvrage, l'entreprise chargée de la pose du parquet ;
- Condamner m. D au paiement de la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts ;
Il fait valoir que :
Le maître de l'ouvrage m. D) assigné en responsabilité des dommages allégués par ses voisins (les époux A) du fait des travaux réalisés dans son lot, dispose d'une action en garantie contre les constructeurs qui constitue une action subrogatoire dans les droits du tiers victime, soumise à la condition préalable qu'il ait indemnisé le tiers lésé par les désordres nés des travaux.
En l'espèce m. D ne justifie pas avoir indemnisé les époux A de sorte que son action est infondée et qu'il doit en être débouté.
Subsidiairement, il s'est vu confier les travaux de démolition du carrelage fait de tommettes, la réalisation d'une nouvelle chape et la pose d'un parquet de bois.
Il n'est donc pas concerné par les désordres relatifs aux nuisances sonores alléguées à la suite de l'installation d'un système de chauffage central par le sol réalisée par a. U, d'autant plus qu'il avait préconisé la pose d'un isolant acoustique que m. D a fait supprimer du devis pour des motifs d'économie, ce qui caractérise une prise de risque par le maître de l'ouvrage.
En outre, il a finalement confié la pose du parquet à une autre entreprise.
L'installation de canalisations des réseaux de fluides dans le plenum des faux-plafonds n'a pas non plus été réalisée par ses soins.
Contrairement à ce que retient l'expert, l'accumulation de gravats dans le faux plafond ne peut lui être imputée, puisque d'une part leur structure n'a pas été analysée, ce qui ne permet pas d'affirmer qu'ils proviennent de la démolition de la chape et du carrelage, et de seconde part, les lambourdes n'ont pas été cassées lors de ses propres travaux, de sorte que cet entassement est soit antérieur, soit imputable aux entreprises d'électricité et de plomberie intervenues après qu'il ait procédé à la démolition de la chape et du carrelage et avant qu'il ne coule la nouvelle chape.
Les cinq entreprises présentes ont donc concouru au dommage, de sorte qu'il ne peut être tenu de supporter plus du cinquième des condamnations.
Enfin, les diverses indemnisations demandées par les époux A sont évaluées forfaitairement, ce qui est prohibé par une jurisprudence constante.
a. U demande au Tribunal de :
- Débouter m. D de ses demandes ;
- Condamner m. D au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Il souligne que sur l'ensemble des préjudices allégués, il n'est concerné que par le point 1.1.4 (page 15) du rapport d'expertise relatif aux nuisances sonores alléguées à la suite de l'installation d'un système de chauffage central au sol, sans que lesdites nuisances aient été établies à l'occasion de l'expertise et ajoute qu'à cet égard les époux A ont refusé la proposition de l'expert de faire effectuer des relevés acoustiques.
SUR CE,
I-Sur la jonction d'instances :
Il existe un lien étroit entre la procédure dirigée par les époux A à l'encontre de m. D à l'occasion des travaux commandés par lui et les appels en garantie de celui-ci dirigés contre les entreprises ayant réalisé ces travaux, de sorte qu'il est d'une bonne administration de la justice de joindre les deux instances enrôlées sous les n°2016/000095 et n°2016/000493.
II-Sur la demande principale :
Les époux A sollicitent la condamnation de m. D à la réalisation des travaux préconisés par l'expert, (subsidiairement à faire cesser les désordres sous astreinte), et l'indemnisation des différents chefs de préjudice qu'ils estiment avoir subi.
Sur la responsabilité de m. D :
Au titre des nuisances sonores :
Les époux A fondent leur action sur les articles 1229, 1230, 1233 du Code civil qui disposent :
Article 1229 : « Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Article 1230 : « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »
Article 1233 : « Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par suite du défaut d'entretien, ou par le vice de sa construction. »
Il convient liminairement d'écarter les dispositions de l'article 1233 qui exigent la preuve de la ruine d'un bâtiment, qui n'est ni alléguée ni rapportée en l'espèce.
En l'état des désordres invoqués, le fondement de la responsabilité délictuelle issu des articles 1229 et 1230 du Code civil implique de démontrer la faute, la négligence ou l'imprudence de m. D.
L'expert relève (rapport P 12), au titre de l'origine et de la cause des désordres, que ce dernier a entrepris d'importants travaux de rénovation comprenant notamment la démolition de plusieurs cloisons ainsi que du carrelage et de la chape de support, l'édification d'une cloison et de pans de cloison, la réalisation sur l'ensemble des sols d'une chape de ciment armée d'un treillis pour recevoir le carrelage, sans constituer de dossier d'architecte soumis à autorisation auprès de la Direction de l'Aménagement Urbain.
m. D a ainsi contrevenu aux obligations issues de l'article 1er de l'Ordonnance Souveraine n° 3.647 du 9 septembre 1966 qui comporte deux dispositions suivant lesquelles : « Aucune construction, aucun travail de terrassement ou de démolition ne peuvent être entrepris sur quelque emplacement que ce soit sans une autorisation préalable du gouvernement » et « aucune modification ne peut être apportée sans autorisation préalable dans les aménagements intérieurs ou les dispositions extérieures des constructions existantes ».
Ce comportement fautif n'est nullement discuté par m. D, et il est ainsi manifeste qu'il a favorisé la mise en œuvre de travaux non conformes aux règles de l'art.
Les époux A se plaignent de nuisances sonores caractérisées par des « coups de bélier ».
Si l'expert indique ne pas avoir pu mener des relevés acoustiques du fait de l'opposition des époux A qui s'estimaient insuffisamment éclairés sur la méthode employée pour y procéder, il explique cependant que l'installation de chauffage central par le sol fournie à m. D est affectée de plusieurs non-conformités :
en effet, il précise que les tuyauteries de cuivre ont un fort coefficient de dilatation, imposant qu'elles soient encastrées de manière totalement désolidarisée du béton ou des matériaux du plancher, avec des matériaux compressibles tels que laine de roche, de verre, de caoutchouc, de mousse.
sur une longueur supérieure à 5 mètres, une lyre de dilatation aurait dû être installée de-même que des compensateurs axiaux à distance soigneusement choisie entre les points fixes.
L'expert confirme sans équivoque que l'absence de lyre ou de compensateurs de dilatation sur les tuyauteries en cuivre, installées sur l'alimentation du chauffage de radiateur en aluminium, de colliers spécialisés permettant le coulissement de tuyauterie et de la désolidarisation avec le béton avec des matériaux incompressibles, constitue une série de malfaçons par rapport aux DTU et aux règles de l'art qui sont directement la cause des « coups de bélier » ressentis par les époux A (rapport p 12 et p13).
Il ajoute que la cessation de ces « coups de bélier » lorsque le chauffage est coupé permet encore de rattacher directement ces troubles sonores à ces non-conformités.
Ces éléments convergents suffisent à établir les nuisances sonores dont les malfaçons affectant le système de chauffage sont à l'origine sans que le défaut de mesures acoustiques ne puisse être sérieusement opposé aux époux A.
Par ailleurs les époux A ont aussi évoqué des bruits de chocs tenant au passage sur les planchers de l'appartement supérieur (pas et vibrations).
L'expert précise (p14) que la pose d'un parquet sur la surface de l'appartement aurait nécessairement du être précédée de la réalisation d'une isolation acoustique telle que définie par la norme NRA 2000, qui était d'ailleurs prévue dans le devis de l'entreprise f. mais qui n'a pas été installée, cette malfaçon étant directement la cause des bruits de chocs ressentis par les époux A.
En conséquence, sur ce point également, s'agissant d'un défaut d'isolation phonique, l'absence de mesures acoustiques n'est pas de nature à faire écarter la réalité des troubles subis par les époux A.
Il apparaît que les nuisances sonores tenant au système de chauffage et au défaut d'isolation du plancher sont encore aggravées par les malfaçons affectant le réseau de fluides qui est déployé dans le plenum entre les deux appartements.
En effet, les investigations de l'expert ont permis d'établir la présence de canalisations d'eau froide sanitaire, électricité, chauffage, électricité-alimentation générale, depuis l'appartement du deuxième étage, traversant les lambourdes cheminant dans le plénum de faux plafond de l'appartement du premier étage, pour alimenter les installations concernées.
L'article 1er du règlement de copropriété de l'immeuble inclut dans les parties communes les poutres et solives de plancher, le hourdis et plus généralement le gros œuvre de planchers et voûtes.
m. D ne peut toutefois être suivi lorsqu'il soutient que s'agissant de canalisations empruntant les parties communes, les époux A n'ont pas qualité pour s'en plaindre et doivent être déboutés, puisque d'une part, ils sont légitimes à agir en réparation du préjudice direct qu'ils subissent du fait de désordres causé par des travaux d'un copropriétaire qui a porté atteinte aux parties communes, et que de seconde part, il résulte des photographies prises par l'expert après ouverture des faux plafonds de l'appartement A qu'une partie de ces tubulures chemine entre les lambourdes et le faux plafond, soit dans leur partie privative (photographies A3, A6, 4,19,20 - rapport p 17 à 23).
En conséquence la responsabilité de m. D est pleinement engagée du chef des nuisances sonores subies par les époux A.
Au titre des risques d'effondrement des faux plafonds et d'incendie :
L'ouverture de trappes dans les faux plafonds de l'appartement du premier étage ainsi que des investigations par caméra ont permis de mettre en évidence la présence de gravats sur ces faux plafonds, comme le démontrent les photographies intégrées au rapport de l'expert (rapport pages 17 à 23).
m. D nie que ces gravats puissent provenir des travaux qu'il a fait réaliser. aux motifs que l'expert n'en a pas fait analyser la structure ce qui interdit toute imputabilité à son égard, et ajoute que les lambourdes n'ayant pas été cassées pendant lesdits travaux, il n'y a pas eu de cavité susceptible de permettre la chute de gravats sur le faux plafond sous-jacent, qu'enfin l'entreprise f. a évacué les gravats du chantier.
Peu important qu'il n'ait pas été procédé à une analyse de gravats pour vérifier si l'on y retrouvait la composition de l'ancienne chape et du carrelage démoli, l'expert a établi, à l'occasion des investigations par les trappes créées dans le faux plafond du premier étage, que les lambourdes en bois, les lattes de bois et autres matériaux composant le plancher de l'appartement du deuxième étage avaient bien été découpées ou détruites par les travaux en plusieurs endroits (photographies et p 23 du rapport) .
En effet, la société K qui a effectué les sondages à la demande des époux A mais dont l'expert a repris les photographies dans son rapport, décrit dans son propre rapport de visite (annexe 137) des matériaux présentant un lien direct avec la pose des canalisations litigieuses ; ainsi elle précise pour la photo A 12 : « Vue du vide au-dessus du cumulus canalisations communes, on aperçoit en gris la nouvelle canalisation avec raccordement qui laisse à désirer ? ? ? Beaucoup de cafouillages de résine, silicones et autres difficiles à déterminer, lambourdes cassées, chape maintenue par du polyane, beaucoup de gravois. ».
Elle précise également pour les photographies 9, 10 11 et 12 qui présentent diverses vues de la réservation vers la porte de dégagement du hall : « La gaine électrique apparente et posée sur le faux plafond vous appartient et elle est abandonnée, toujours les diverses canalisations électriques posées aux lieu et place des lambourdes, sans protection feux et autres, lambourdes cassées et manquantes, quantité impressionnante de gravois sur certains points et surtout près des murs porteurs ».
La quasi-totalité des photographies, et notamment A5, A9, A6, A8, A9 montre que des gravats sous forme de plaques demeurent suspendus dans les lambourdes (donc le plenum), de sorte qu'ils continuent à tomber sur le faux-plafond des demandeurs avec les vibrations.
Il résulte de ces éléments que l'accumulation de gravats est imputable à des travaux réalisés dans l'appartement dont m. D est le propriétaire de sorte qu'il en est responsable à l'égard des demandeurs, sans qu'il y ait lieu dans la relation entre eux, de rechercher s'ils sont imputables aux travaux récents ou à des travaux plus anciens.
La charge indue que ces matériaux imposent aux faux-plafonds s'ajoute au risque d'effondrement des faux plafonds en surcharge, en cas de survenance fortuite d'un sinistre d'eau, de vibrations, et au risque né de l'absence de sécurité du réseau électrique ainsi introduit depuis l'appartement du deuxième étage dans le plénum et, sous celui-ci, au-dessus des faux plafonds et sur ceux-ci.
Il doit donc être retenu, comme le conclut l'expert, qu'il s'agit de non-conformités des installations électriques à la norme C 1500, qui concernent aussi le risque d'incendie en cas de surcharge électrique avec défection des protections habituelles, constituant des malfaçons aux règles de l'art.
Pour l'ensemble de ses constatations l'expert confirme que les travaux réalisés par les entreprises mandatées par m. D ne sont pas réalisés conformément à la réglementation des DTU et normes en vigueur ainsi qu'aux règles de l'art.
Par voie de conséquence, m. D doit être déclaré responsable du préjudice subi par les époux A et condamné à le réparer.
Au titre du déplacement de la canalisation descendante de desserte en eau :
Les époux A reprochaient à m. D d'avoir supprimé la canalisation descendante, alimentant en eau des appartements situés sous le sien, dont leur salle de bains, d'avoir fait obstruction au rétablissement de la desserte en eau, et d'avoir finalement sur l'injonction du syndic de la copropriété, remplacé la canalisation supprimée par de nouvelles tubulures empruntant un autre trajet par ses propres parties privatives.
L'expert confirme qu'à l'origine, l'immeuble était alimenté par une colonne d'eau qui se déversait dans un réservoir en toiture, et que, depuis ce dernier, les appartements étaient ravitaillés de façon gravitaire.
Il ajoute qu a. U prétend avoir installé à la demande de m. D une alimentation en eau depuis le compteur situé au deuxième étage qui traverse son appartement par la dalle, pour ravitailler à travers les lambourdes, la salle de bains du premier étage.
Il résulte des observations expertales que cette desserte existait depuis l'origine de l'immeuble, et que la nouvelle desserte consiste en une réalimentation de pression de ville directe sans passer par la bâche gravitaire.
Si l'expert refuse de se prononcer sur la question de la modification du trajet emprunté par la nouvelle canalisation au travers des lambourdes, il n'en demeure pas moins qu'en remplaçant cette canalisation descendante par une canalisation latérale cheminant dans la chape de béton de son appartement puis dans les lambourdes et les faux-plafonds, m. D a créé pour les époux A une charge et une dépendance qu'aucun motif ne justifie de leur imposer.
L'article 1er du règlement de copropriété énumère parmi les parties communes « les conduites, prises de terre, canalisations, colonnes montantes et descendantes d'eau, d'électricité et de distribution d'eau chaude et froide (sauf toutefois pour les parties des canalisations se trouvant à l'intérieur d'un lot privatif) ».
En portant atteinte à cette canalisation commune, ce qui a entraîné l'effondrement du faux plafond de la salle de bains des époux A, la suppression de l'alimentation en eau, et la sujétion indue issue du trajet de la nouvelle canalisation, m. D a causé aux époux A un préjudice qu'il sera tenu de réparer.
Sur l'indemnisation du préjudice des époux A :
Sur les travaux nécessaires pour remédier aux désordres :
La réparation du préjudice des époux A implique la réalisation dans l'appartement de m. D et dans le plenum entre les deux appartements, des travaux préconisés par l'expert en pages 24 et 25 de son rapport (rubriques A1 à A3) pour lesquelles une étude préalable à faire réaliser par un ingénieur béton est indispensable.
Il convient en conséquence de condamner m. D à faire réaliser les travaux préconisés par l'expert et ce conformément aux règles de l'art et dans le respect des normes d'autorisation.
Compte tenu de l'ancienneté des travaux, de la gravité et de l'ancienneté des désordres et nuisances corrélatives survenues depuis l'année 2009, du refus de m. D d'y mettre fin et d'y remédier malgré les démarches amiables des époux A et du syndic, et du risque que la persistance de la situation fait courir aux époux A, et sans qu'il y ait lieu d'attendre l'issue du bail en cours qui ne saurait être de nature à légitimer la poursuite du préjudice, la demande d'astreinte est justifiée, compte tenu de l'urgence, à hauteur du montant ramené à 200 € par jour de retard, en tenant compte d'un délai de six mois nécessaire à la réalisation des travaux, sous contrôle de bonne fin de l'expert.
L'expert préconise en outre des travaux dans l'appartement des époux A en pages 25 et 26 de son rapport (B1 à B3).
Son estimation totale des travaux de maçonnerie peinture, d'électricité, de chauffage, de maîtrise d'œuvre, et de contrôle par les organismes compétents, pour les travaux relatifs aux deux appartements s'élève à 163.310 €, dont 58.630 € pour celui des demandeurs.
Les époux A sollicitent la somme de 58.630 € de ce chef correspondant au chiffrage de l'expert (tableau 2.7.1 p 38 du rapport), et pour lequel il a sollicité des devis d'entreprise en retenant le moins disant, qui figurent en annexe de son rapport, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à cette demande.
Sur le préjudice de jouissance :
Bien que ce chef de préjudice apparaisse comme sollicité à titre subsidiaire dans le dispositif des écritures des époux A, l'examen du corps de leurs conclusions établit qu'il s'agit en réalité d'une demande effectuée à titre principal.
Leur préjudice de jouissance se décompose en différents postes :
La privation d'eau résultant de la suppression de la canalisation descendante desservant leur salle de bains en eau froide, ajoutée à l'effondrement du faux plafond de cette pièce à cette occasion, qui n'a pas fait l'objet de réparation de la part du défendeur, caractérisent un trouble de jouissance en réparation duquel il y a lieu de condamner m. D à leur payer l'indemnité de 2.000 € qu'ils sollicitent à ce titre.
Ils évaluent à 192.000 € leur préjudice de jouissance résultant des troubles consécutifs aux travaux effectués.
Ils fondent leur demande sur la valeur locative de leur appartement qu'ils estiment à 7.000 € mensuels, au vu d'une surface de 130 m² outre une terrasse de 40 m², sur la base de laquelle ils estiment à 2.000 € par mois de janvier 2010 à février 2013 et de 3.000 € par mois au-delà l'indemnité leur revenant arrêtée au mois de janvier 2017, et à parfaire jusqu'au jugement.
Il y a lieu de tenir compte des nuisances sonores, notamment de nuit ou au petit matin liées au fonctionnement du système de chauffage installé dès 2010 ainsi que des nuisances sonores dues au défaut d'isolation du plancher, le tout amplifié par la propagation des sons et vibrations dues aux atteintes portées aux lambourdes.
Compte tenu du marché locatif monégasque, la valeur locative avancée n'apparaît pas critiquable et n'est pas contredite, de sorte qu'elle sera retenue.
Au vu de ces éléments, il convient de fixer à la somme de 1.000 € par mois le montant de l'indemnité due par m. D à compter du 1er janvier en liquidant celle-ci à la somme de 84.000 € pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2016.
Ils sollicitent en outre la somme de 86.000 € représentant leur préjudice de jouissance du fait des travaux à intervenir.
Les travaux de maçonnerie d'électricité et de peinture concernant l'ensemble des plafonds imposent une mise sous protection de l'ensemble des sols et des objets et meubles garnissant toutes les pièces de l'appartement ainsi que le nettoyage des pièces après les travaux.
La durée des travaux estimée par eux à deux mois dans leur lot portée à trois mois en y intégrant les temps de préparation et le temps de remise en état n'apparaît pas excessive.
Pour l'appartement du 2ème étage, la durée des travaux estimée à six mois par les demandeurs concorde avec l'importance des travaux préconisés par l'expert, sans que ce m. D qui s'oppose à la demande d'indemnisation des époux A produise d'éléments de nature à faire retenir une autre durée.
Il est manifeste que l'ampleur des travaux telle que décrite par l'expert doit contraindre les époux A à se reloger pendant cette période dans laquelle ils incluent les travaux de leur propre appartement.
Il y a donc lieu de leur allouer une indemnité d'un montant de 7000 € X 6 = 42.000 €.
Ils soutiennent en outre que Monsieur A exploite dans cet appartement son activité professionnelle de tailleur et qu'il en subira une perte de revenus professionnels.
Ils ne justifient toutefois pas de la poursuite de cette activité au-delà de l'année 2013 pour laquelle il est établi par une attestation du receveur des taxes de Monaco qu'il a déclaré un chiffre d'affaires s'élevant à 57.200 €.
Sa demande d'indemnité visant à compenser une perte de chiffre d'affaires non démontrée doit être rejetée.
Pour les mêmes motifs, il ne peut pas plus leur être alloué une indemnité de déménagement et réaménagement de l'atelier, de préjudice, de désagréments d'ordre professionnel et perte de clientèle.
Sur le préjudice moral :
Au regard des pièces produites et des constats effectués par l'expert, du refus de m. D de mettre fin aux désordres qui lui ont été signalés tant par les époux A que par le syndic de l'immeuble, et qu'il a laissé amplifier en toute connaissance de cause en ne prenant pas immédiatement les mesures propres à y mettre fin, et en l'état du risque encouru il est indéniable que les demandeurs ont subi un préjudice moral, qui se perpétue depuis 2010.
m. D sera donc condamné à leur payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.
Sur l'exécution provisoire :
En application de l'article 202 du Code de procédure civile exécution provisoire peut être ordonnée, avec ou sans caution dans tous les cas d'urgence, à moins qu'elle ne soit de nature à produire des effets irréparables.
La réalisation des travaux ayant été préconisée par l'expert de manière urgente compte tenu du risque d'effondrement des plafonds et d'incendie, il y a lieu d'assortir de l'exécution provisoire la mesure relative aux travaux.
III-Sur les appels en garantie et la répartition de la dette
m. D sollicite d'être relevé et garanti de toute condamnation prononcée à son encontre par f. O et a. U.
f. O s'y oppose au motif que le maître de l'ouvrage dispose d'une action subrogatoire impliquant qu'il ait d'abord indemnisé le tiers lésé.
L'appel en garantie est prévu en droit monégasque par l'article 267 du Code de procédure civile qui requiert pour seule condition l'autorisation de la juridiction avant toute défense au fond.
Les parties invoquant le droit français, il convient de rappeler que l'appel en garantie est également un mécanisme traditionnel de droit français, qui se distingue d'une action subrogatoire.
Contrairement à ce que soutient f. O, la Cour de cassation énonce « qu'une partie assignée est en droit d'en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, une telle action était distincte de l'action directe prévue par le code des assurances ».
Ainsi, une partie qui dispose d'un droit de paiement, dispose aussi d'une action en garantie de droit commun comme toute autre partie, sans avoir à justifier d'avoir préalablement indemnisé le tiers victime, solution qu'implique également l'article 267 du Code de procédure civile monégasque.
m. D est donc recevable en son appel en garantie.
Dans le rapport de garantie entre celui-ci et les appelés en garantie l'expert propose de répartir les responsabilités comme suit :
- 49,4685 % au maître de l'ouvrage,
- 41,6961 % à l'entreprise f.
- 8,8353 % à a. U.
m. D s'est abstenu d'obéir au processus d'autorisation préalable ce qui l'aurait obligé à faire établir un dossier technique de nature à éviter les manquements et malfaçons relevés et à faire suivre les travaux par un maître d'œuvre.
Il a poursuivi les travaux en aggravant les désordres, et ce en pleine connaissance de cause puisqu'il en était averti par les époux A et le syndic de copropriété et a ainsi amplifié les atteintes aux parties communes et à l'appartement de ses voisins.
Il a en outre fait supprimer du devis de l'entreprise f. l'isolation phonique de la chape, et la pose du parquet qu'il a confiée à une autre entreprise non attraite en la cause.
Il est seul responsable de trouble de jouissance subi depuis les travaux jusqu'au jugement de sorte que l'indemnité d'un montant de 86.000 € et celle de 10.000 € au titre du préjudice moral demeureront à sa charge.
L'entreprise f. est à l'origine de l'accumulation de gravats sur le faux plafond des époux A, des ruptures de lambourdes et poutres et participe ainsi au risque encouru par les époux A.
S'agissant d'un professionnel, elle ne pouvait ignorer le caractère irrégulier des travaux non précédés d'une autorisation, et le risque de nuisances sonores lié à la suppression par le maître de l'ouvrage de l'isolation phonique prévue au devis.
a. U a réalisé les travaux d'électricité en violation des normes techniques et règles de l'art, ces malfaçons étant directement à l'origine des nuisances sonores accompagnant le fonctionnement du système de chauffage central, ce qu'il ne pouvait ignorer.
Ces éléments justifient de retenir que dans les rapports entre eux, le surplus des condamnations seront réparties entre m. D, f. O et a. U comme suit :
- m. D à hauteur de 49 %,
- f. O à hauteur de 42 %
- a. U à hauteur de 9 %.
Sur les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts :
Compte tenu de l'étendue des malfaçons dont ils sont directement à l'origine et de leur responsabilité respective dans le préjudice de la victime, f. O et a. U ont légitimement été appelés en garantie par m. D sans qu'il soit démontré que le droit de celui-ci ait dégénéré en abus.
Il convient en conséquence de les débouter de leurs demandes en dommages et intérêts.
Sur les dépens :
m. D supportera seul l'intégralité des dépens du présent jugement, en ce compris ceux réservés par le jugement du 18 février 2016 et les frais d'expertise, à l'exception toutefois des dépens afférents à l'appel en garantie qui seront supportés par moitié par lui et à hauteur d'un quart par f. O et d'un quart par a. U.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Ordonne la jonction des instances enrôlées sous les n°2016/000095 et n°2016/000493 ;
Déclare m. D responsable, en application des articles 1229 et 1230 du Code civil, des désordres affectant les faux plafonds de l'appartement de g et f. BO. épouse A, ainsi que de leurs préjudices subséquents ;
Condamne m. D à réaliser les travaux préconisés par Paul BE. expert judiciaire, sous contrôle de bonne fin de celui-ci, et dans le respect des normes d'autorisation préalable, dans le délai de six mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 200 € par jour de retard passé ledit délai ;
Ordonne, en raison de l'urgence, l'exécution provisoire de cette condamnation ;
Condamne m. D à payer à g et f. A les sommes suivantes :
58.630 € au titre des travaux de remise en état de leur appartement ;
84.000 € en réparation de leur préjudice de jouissance pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2016 ;
2.000 € au titre du préjudice de jouissance né des dommages résultant de la coupure de la canalisation d'eau de leur salle de bains ;
42.000 € en réparation du préjudice de jouissance né de la nécessité de relogement pendant les travaux de reprise ;
10.000 € au titre de leur préjudice moral ;
Déboute g et f. A du surplus de leurs demandes ;
Condamne f. O et a. U à relever et garantir m. D des condamnations prononcées à son encontre au titre des travaux de reprise (58.630 €), et du préjudice à raison du relogement durant les travaux (42.000 €) dans les proportions suivantes :
- f. O à hauteur de 42 %,
- a. U à hauteur de 9 %.
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;
Condamne m. D aux dépens du présent jugement en ce compris les frais d'expertise et les dépens réservés par jugement du 18 février 2016, à l'exception de ceux afférents aux appels en garantie qui seront supportés à raison de la moitié par m. D et à hauteur d'1/4 chacun par f. O et a. U avec distraction au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés, lors des débats seulement, de Madame Carole FRANCESCHI, Greffier stagiaire ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 2 NOVEMBRE 2017, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Florence TAILLEPIED, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.