Tribunal de première instance, 19 septembre 2017, La société A c/ La SAM B et autres
Abstract🔗
Répétition de l'indu - Sursis à statuer (non) - Règle « Le criminel tient le civil en l'état » - Application (non) - Identité des questions soumises à la juridiction civile et à la juridiction pénale (non)
Résumé🔗
Il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur l'action en répétition de l'indu. En effet, la règle selon laquelle le criminel tient le civil en l'état n'est pas applicable, puisque les questions soumises à la juridiction civile et à la juridiction pénale sont distinctes.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
N° 2014/000600 (assignation du 28 mai 2014)
N° 2015/000203 (assignation du 21 novembre 2014)
N° 2015/000639 (assignation du 13 mars 2015)
JUGEMENT DU 19 SEPTEMBRE 2017
En la cause de :
La société de droit de la République de Chypre dénommée A, dont le siège social est situé X1 à Limassol (3105) Chypre, agissant poursuites et diligences de ses administrateurs « Directors » en exercice, Messieurs a SA. et b SA., demeurant en cette qualité audit siège,
DEMANDERESSE AU PRINCIPAL, ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Donald MANASSE, avocat au barreau de Nice,
d'une part ;
Contre :
La Société Anonyme Monégasque B, exerçant sous l'enseigne E, dont le siège social se trouve X2 à Monaco, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice, y domicilié en cette qualité,
DÉFENDERESSE AU PRINCIPAL, ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur, DEMANDERESSE SUR APPEL EN GARANTIE ;
La Société Anonyme de droit français dénommée C, dont le siège social se trouve X3, 75000 Paris, élisant domicile en sa succursale de F, X3, prise en la personne de son Directeur Général en exercice, y demeurant en cette qualité ;
INTERVENANTE VOLONTAIRE AU PRINCIPAL, DÉFENDERESSE SUR DEMANDE EN INTERVENTION FORCÉE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
La société de droit du Ghana dénommée D, dont l'adresse est X4, Madina Accra, prise en la personne de son « chief executive officer » C. E. O, domicilié en cette qualité à ladite adresse ;
DÉFENDERESSE SUR APPEL EN GARANTIE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
LE TRIBUNAL,
Vu l'exploit de saisie-arrêt, d'assignation et d'injonction du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 28 mai 2014, enregistré (n° 2014/000600) ;
Vu la déclaration originaire, de l'établissement bancaire dénommé C, tiers-saisi, contenue dans ledit exploit ;
Vu la déclaration complémentaire formulée par l'établissement bancaire dénommé C, par courrier en date du 7 juillet 2014 ;
Vu le jugement avant-dire-droit rendu par ce Tribunal en date du 26 février 2015 ayant reçu la banque C en son intervention volontaire, autorisé la SAM B à appeler en garantie la société D, renvoyé la cause et les parties à l'audience du 11 juin 2015 et sursis à statuer sur les autres demandes;
Vu l'exploit de dénonce d'assignation et assignation en intervention forcée du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 21 novembre 2014, enregistré (n° 2015/000203) ;
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 13 mars 2015, enregistré (n° 2015/000639) ;
Vu les conclusions de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de la SAM B, en date des 29 octobre 2015, 11 novembre 2015, 24 mars 2016, 17 janvier 2017 et 11 mai 2017 ;
Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la société A, en date des 13 mai 2015, 11 novembre 2015, 26 novembre 2015, 9 juin 2016 et 8 mars 2017 ;
Vu les conclusions de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de la SA C, en date des 29 Janvier 2015, 28 janvier 2016, 11 janvier 2017 et 5 avril 2017 ;
Vu les conclusions de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la Société D, en date des 11 janvier 2017 et 5 avril 2017 ;
À l'audience publique du 8 juin 2017, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 19 septembre 2017 ;
FAITS. PROCÉDURE. PRÉTENTIONS DES PARTIES
En exécution d'un contrat de fourniture de bois, la société de droit suédois G (la société G), a émis le 24 mars 2014 une facture auprès de la société de droit jordanien H (la société H), d'un montant de 809.608 US dollars.
Dans le cadre de relations commerciales entre la société de droit chypriote A (la société A) et la société H, il a été convenu que la première réglerait pour le compte de la seconde la somme de 400.000 euros en paiement partiel de la facture émise par la société G.
À l'appui d'une facture n° 7856, établie par la société H, mentionnant en qualité de bénéficiaire la société B et ses coordonnées bancaires, la société A a viré, le 5 mai 2014, la somme de 400.000 euros sur le compte bancaire de la société B ouvert dans les livres de la banque C à Monaco ;
Exposant que la société H avait été victime d'un piratage informatique l'ayant conduit à porter, par erreur, sur la facture n° 7856 les coordonnées bancaires de la société B, et que par suite de cette erreur, elle avait versé à cette dernière la somme de 400.000 euros, la société A a présenté une requête en saisie-arrêt sur les sommes détenues par la banque C pour le compte de la société B pour avoir sûreté et garantie de la somme de 410.000 euros ;
Le 27 mai 2014, le président du Tribunal de première instance a autorisé la société A à pratiquer une saisie-arrêt auprès de la banque C en qualité de tiers détenteur à concurrence de la somme de 400.000 euros sur toutes sommes deniers ou valeurs détenus par la société B pour avoir sûreté, garantie et paiement de ladite somme ;
Dans la procédure enrôlée sous le n° 2014/000600 :
Suivant acte d'huissier en date du 28 mai 2014, la société A a fait pratiquer cette saisie-arrêt ;
Par acte du même jour, elle a assigné la société de droit monégasque B, exerçant sous l'enseigne E, devant le Tribunal de première instance de Monaco aux fins de :
Condamnation de la société B à lui payer la somme de 400.000 euros représentant le principal, les frais et les intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2014,
Validation de la saisie-arrêt pratiquée.
Suivant déclaration initiale du 28 mai 2014 puis complémentaire du 3 juin 2014, la banque C a déclaré détenir pour le compte de son client un compte en euros et un compte en dollars, tous deux débiteurs ;
Par conclusions du 25 juillet 2014 réitérées le 13 novembre 2014, la société B a sollicité, in limine litis, l'autorisation d'appeler en garantie la société D, société du droit du Ghana (la société D), dont l'adresse est P. O Box 1498, Madina Accra ;
Par conclusions en date du 30 octobre 2014, la société A a maintenu l'ensemble de ses demandes et s'est opposée à l'appel en garantie ;
Par conclusions en date du 8 janvier 2015, la banque C est intervenue volontairement à l'instance en application de l'article 383 du Code de procédure civile ;
À l'audience du 18 décembre 2014, les parties ont indiqué qu'elles allaient formaliser un accord selon lequel :
la société A acceptait que la société B verse la somme de 150.000 euros sur le compte séquestre de la CARPA,
en contrepartie, la société A ne s'opposerait plus à la demande d'appel en garantie.
Suivant jugement avant dire doit en date du 26 février 2015, la présente juridiction a :
Reçu la banque C en son intervention volontaire,
Autorisé la société B à appeler en garantie la société D, société du droit du Ghana, et l'a autorisée à l'assigner pour l'audience du 11 juin 2015,
Renvoyé la cause et les parties à l'audience du 11 juin 2015,
Sursis à statuer sur les autres demandes,
Réservé les dépens en fin de cause ;
Dans ses conclusions ultérieures, la société A, tout en réitérant ses demandes initiales, conclut au débouté :
de la demande de jonction des trois instances pendantes devant le Tribunal de Première Instance et enrôlées sous les numéros 2014/000600, 2015/000203 et 2015/00000639,
des demandes de sursis à statuer.
Dans le dernier état de ses écritures, la société défenderesse B a sollicité :
la jonction de la présente procédure avec celle qu'elle a engagée à l'encontre de la société D,
un sursis à statuer jusqu'à ce que la société D ait fourni des précisions sur l'opération litigieuse,
un sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne sur le mérite de sa plainte et plus généralement de l'instruction pénale en cours,
à titre subsidiaire, un renvoi pour conclure au fond.
De son côté, la banque C réclame :
la jonction de la présente procédure avec celles enrôlées sous les numéros 2015/000203 et 2015/00000639,
un sursis à statuer en l'état de la procédure d'instruction en cours,
et à défaut de jonction, un sursis à statuer dans la présente procédure à condition qu'il soit également ordonné dans les procédures enrôlées sous les numéros 2015/000203 et 2015/00000639,
à défaut, le renvoi des parties à la prochaine audience utile pour conclure au fond.
Dans la procédure n° 2015/000203 :
Suivant acte d'huissier en date du 21 novembre 2014, la société A a fait assigner la banque C et la société B aux fins de :
validation de sa demande en intervention forcée de la banque C dans la procédure qu'elle a engagée à l'encontre de la société B enrôlée sous le numéro 2014/000600,
jonction de la présente procédure avec celle enrôlée sous le n° 2014/000600,
condamnation de la banque C à lui rembourser la somme de 400.000 euros en principal, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et ce sur le fondement de la répétition de l'indu,
subsidiairement, condamnation de la banque C à lui payer la somme de 400.000 euros à titre de dommages et intérêts, et ce sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
Dans ses dernières écritures, la société A réitère ses demandes initiales, conclut au débouté :
de la demande de la banque C de jonction des trois instances pendantes devant le Tribunal de Première Instance et enrôlées sous les numéros 2014/000600, 2015/000203 et 2015/00000639,
des demandes de sursis à statuer,
de la demande de société B de mise hors de cause.
En défense et dans le dernier état de ses écritures, la banque C sollicite :
la jonction de la présente procédure avec celles enrôlées sous les numéros 2014/000600 et 2015/00000639,
un sursis à statuer en l'état de la procédure d'instruction en cours,
et à défaut de jonction, un sursis à statuer dans la présente procédure à condition qu'il soit également ordonné dans les procédures enrôlées sous les numéros 2014/000600 et 2015/00000639,
à défaut, le renvoi des parties à la prochaine audience utile pour conclure au fond.
De son côté, la société B conclut :
à sa mise hors de cause, en l'absence de demande formée à son encontre,
en cas de jonction des procédures enrôlées sous les numéros 2014/000600 et 2015/00000639, la jonction de la présente procédure avec celles-ci et un sursis à statuer sur les demandes de la société A.
Dans la procédure enrôlée sous le numéro 2015/000639 :
Par acte d'huissier en date du 13 mars 2015, la société B a fait assigner la société D en présence de la société A et de la banque C aux fins de :
jonction de la présente instance avec celle enrôlée sous le numéro 2014/000600,
condamnation de la société D à la relever et garantir de toutes les sommes qu'elle pourrait être amenée à verser à la société A et plus généralement de tout condamnation qui pourrait être éventuellement être prononcée à son encontre.
Dans ses conclusions ultérieures, outre ses prétentions initiales, elle demande :
un sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive soit intervenue sur le mérite de la plainte et plus généralement de l'instruction pénale en cours,
à titre subsidiaire, un renvoi pour conclure au fond.
Dans ses conclusions en date des 11 janvier 2017 et 5 avril 2017, la société D réclame :
un sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive soit intervenue sur le mérite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société B le 22 octobre 2014,
à titre subsidiaire, un renvoi pour conclure au fond.
Dans le dernier état de ses écritures, la banque C sollicite :
la jonction de la présente procédure avec celles enrôlées sous les numéros 2014/000600 et 2015/00000203,
un sursis à statuer en l'état de la procédure d'instruction en cours,
et à défaut de jonction, un sursis à statuer dans la présente procédure à condition qu'il soit également ordonné dans les procédures enrôlées sous les numéros 2014/000600 et 2015/00000203,
à défaut, le renvoi des parties à la prochaine audience utile pour conclure au fond.
De son côté, la société A conclut au débouté de :
la demande de jonction des trois instances pendantes devant le Tribunal de Première Instance et enrôlées sous les numéros 2014/000600, 2015/000203 et 2015/00000639,
des demandes de sursis à statuer.
MOTIFS
SUR LES DEMANDES DE JONCTION
Sur la jonction des procédures n° 2014/000600 et 2015/000203 à la demande de la banque C
En l'absence d'opposition des parties à la jonction de :
l'instance principale en validation de saisie-arrêt introduite par la société A à l'encontre de la société B et dans laquelle la banque C est intervenue volontairement le 8 janvier 2015,
avec l'instance relative à l'assignation en intervention forcée délivrée par la société A à l'encontre de la banque C le 30 novembre 2014,
il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des instances enregistrées sous les numéros 2014/000600, 2015/000203, ces procédures opposant les mêmes parties et étant fondée sur la même cause ;
Sur la jonction des procédures n° 2014/000600 et 2015/000203 avec la procédure n° 2015/000639 à la demande de la société B et de la banque C
Selon l'article 271 du Code de procédure civile, il est statué par le même jugement sur la demande originaire et la demande en garantie, si elles sont en état ;
Il résulte du texte précité que la jonction ou la disjonction sont des mesures qui permettent de statuer en même temps et de manière cohérente sur des demandes formées de façon distincte mais qui concernent en définitive la même affaire, et que seul le retard éventuel découlant de la mise en état de la seconde affaire peut justifier qu'elles soient jugées séparément ;
En l'espèce, il y lieu de rappeler que suivant jugement avant dire droit en date du 26 février 2015, la présente juridiction a autorisé la société B à appeler en garantie la société D considérant qu'il existait un intérêt à ce que la société appelée en garantie s'explique sur la justification du virement effectué par la société A sur son compte bancaire;
À l'appui de sa demande d'appel en garantie, la société B avait fait valoir que :
dans le cadre de son activité d'import-export, la société D, avec qui elle est en relation d'affaire, devait lui faire parvenir un virement de 400.000 euros,
à la réception du virement provenant de la société A qu'elle ne connaissait pas, elle s'était rapprochée de la société D,
le dirigeant de la société D lui avait alors indiqué que la société A devait régler cette facture pour le compte de la société NASEED VENTURES qui devait elle-même s'en acquitter auprès de la société D,
ce n'était qu'après l'avoir reçu, qu'elle avait appris que ce virement litigieux pouvait être la conséquence d'une fraude, dont elle ignorait si la société D en était l'auteur, ou elle-même la victime.
Au soutien de sa demande de jonction, la société B ajoute que les explications de la société D sur le fond du dossier sont nécessaires à une bonne compréhension du litige ;
La banque C expose que les trois instances procèdent d'une même cause et que les trois affaires sont totalement imbriquées ;
Pour s'opposer à la jonction de la procédure d'appel en garantie aux deux autres procédures, la société A soutient que l'objet de l'appel en garantie est distinct des deux autres instances ;
Cependant, il résulte des éléments du dossier que l'instance principale formée par la société A, ainsi que l'instance sur intervention forcée jointe à la première ne sont pas en état d'être jugée en l'état des exceptions de sursis à statuer soulevées par les sociétés défenderesses, celles-ci s'étant réservées la possibilité de conclure au fond ;
En outre, il est de bonne justice de réunir l'appel en garantie à l'instance principale de laquelle elle découle ;
En conséquence, pour une bonne administration de la justice et conformément aux dispositions de l'article susvisé, les procédures enrôlées sous les numéros n° 2014/000600 et 2015/000203 d'une part et 2015/000639 d'autre part seront jointes ;
SUR LE SURSIS À STATUER
Dans le dernier état de ses écritures et au regard de la comparution de la société D, la société A s'oppose aux demandes de sursis à statuer aux motifs de l'ancienneté de l'action principale et de l'action en intervention forcée, et de l'intention dilatoire de la société B qui a sollicité le sursis à statuer huit mois après le jugement du 26 février 2015 (le 29 octobre 2015) et ce alors qu'elle avait déposé sa plainte avec constitution de partie civile un an plus tôt (le 22 octobre 2014) ;
Elle ajoute que :
l'action civile n'a pas pour objet de faire réparer les conséquences des infractions pour lesquelles la société B a déposé plainte, mais d'obtenir la condamnation de celle-ci à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle lui a fait subir,
le sursis à statuer est facultatif.
Au soutien de sa demande de sursis à statuer, la société B se prévaut du principe de droit processuel « le criminel tient le civil en l'état », exposant que :
le 22 octobre 2014, elle a déposé plainte contre X entre les mains d'un juge d'instruction de Monaco, estimant dans cette affaire que les faits pouvaient constituer un faux, un usage de faux et une escroquerie,
l'instruction est désormais en cours : des actes d'instruction étant accomplis.
Elle réfute user de manœuvres dilatoires, faisant valoir que seules les investigations pénales en cours permettront de comprendre l'opération litigieuse et d'éclairer la présente juridiction sur les responsabilités susceptibles d'être encourues ;
Elle indique en outre que la société D semble réserver au juge d'instruction ses explications lesquelles sont indispensables à la compréhension du litige ;
Enfin, la société B précise que la société A et la société H ont également déposé une plainte pénale et qu'ainsi, l'existence d'une éventuelle faute délictuelle de sa part, comme invoquée par la société A, ne saurait être appréciée en l'état ;
La banque C avance que :
la société B a justifié de la mise en mouvement de l'action publique,
les faits énoncés dans la plainte sont susceptibles d'influer directement sur l'action civile, puisque le préjudice évoqué par la société A se rapporte à l'infraction dénoncée,
le virement litigieux a été effectué sur la base de factures alléguées de faux,
pour que l'action en répétition de l'indu introduite par la société A soit recevable, il lui appartient de justifier qu'elle a payé à tort la société B,
cette action est nécessairement dépendante du résultat de l'instruction pénale qui devra déterminer si les factures ayant servi de cause au paiement sont des faux.
Elle ajoute que la société A a également déposé plainte pour faux, usage de faux, vol, tentative de vol et escroquerie, que cette plainte a également un lien avec l'affaire civile en cours dans la mesure où elle révèle que c'est l'établissement d'une fausse facture qui a donné lieu au virement litigieux ;
La société D soutient que les trois conditions nécessaires à l'application du principe « le criminel tient le civil en l'état » sont réunies :
l'action publique est en mouvement : des actes d'instruction étant accomplis,
l'action publique a été engagée avant ou pendant l'action civile,
l'issue de la plainte pénale aura une incidence directe sur l'affaire civile en cours : les investigations pénales devant déterminer les agissements éventuellement frauduleux à l'origine du virement litigieux.
Elle réfute adopter une attitude dilatoire, considérant que sa position répond à un souci de bonne administration de la justice ;
Aux termes des dispositions de l'article 3 du Code de procédure pénale, l'action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique ;
Elle peut aussi être poursuivie séparément : dans ce cas, l'exercice en est suspendu tant qu'il n'a pas été statué définitivement sur l'action publique intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile ;
La règle, « le criminel tient le civil en l'état » ne s'impose cependant que lorsque la juridiction civile est saisie de la même question que la juridiction pénale ;
En l'espèce, la juridiction pénale a été saisie de deux plaintes :
L'une déposée le 28 mai 2014, par la société A entre les mains du Procureur Général de Monaco, contre personne non dénommée, pour des faits de faux et usage de faux, vol et tentative de vol, escroquerie, abus de confiance, recel et violation des correspondances ; concernant cette plainte, il n'est versé aucune pièce de nature à établir que l'action publique a été mise en mouvement,
L'autre déposée le 22 octobre 2014, par la société B, avec constitution de partie civile entre les mains du juge d'instruction de la juridiction monégasque, contre personne non dénommée, pour des faits de faux, usage de faux et escroquerie ; concernant cette seconde plainte, il est justifié du paiement de la consignation fixée par le juge d'instruction et donc de la mise en œuvre de l'action publique.
L'action civile engagée par la société A dans le cadre de la présente instance tend, pour sa part, à la condamnation de la société B au paiement des causes de la saisie, et ce au titre de la restitution d'un paiement indu ;
Ainsi, il résulte de ces éléments qu'à l'évidence la juridiction civile et la juridiction pénale ne sont pas saisies de la même question, de sorte que le sursis à statuer n'est pas de droit au sens de l'article 3 du Code de procédure pénale ;
Le sursis à statuer sollicité par la société B, la banque C et la société D peut toutefois également être ordonné dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;
Les défenderesses soutiennent à ce titre que le sort de la procédure pénale exercera nécessairement une influence sur le sort de la présente instance civile ;
Cependant la plainte pénale étant contre personne non dénommée, il n'est pas établi, à ce stade, de lien suffisant avec l'instance civile en cours, de sorte que la demande de sursis à statuer n'est pas fondée (Cour de révision 18 mai 1992) ;
Au surplus, il importe peu que le virement litigieux exécuté par la société A sur le compte bancaire de la société B soit la résultante d'une ou plusieurs infractions pénales, dans la mesure où il appartient au demandeur, dans le cadre de l'action civile en répétition l'indu, de prouver :
que son paiement était dépourvu de cause,
la mauvaise foi de l'accipiens quant à l'étendue de sa dette de restitution.
Or, la société A estime ne pas avoir besoin d'attendre l'issue des procédures pénales pour disposer de tels éléments de preuve ;
Enfin, l'action en responsabilité délictuelle exercée, à titre subsidiaire, par la société A à l'encontre de la banque C est fondée sur des faits entièrement distincts de ceux servant de base à l'action pénale ;
Ainsi, les procédures pénales en cours n'exerceront pas d'influence directe sur le bien-fondé ou non de l'action civile introduite par la société A ;
Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer formée par les défenderesses ;
En conséquence, il convient de renvoyer les parties devant le Tribunal pour les conclusions au fond des parties défenderesses ;
Les dépens seront réservés en fin de cause ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et avant dire droit ;
Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 2014/000600, 2015/000203 et 2015/000639 sous le numéro 2014/000600 ;
En conséquence,
Déclare sans objet la demande de la société A tendant à obtenir la validation de sa demande d'intervention forcée de la banque C dans la procédure enrôlée sous le numéro 2014/000600 ;
Rejette la demande de mise hors de cause de la société B dans l'instance enrôlée sous le numéro 2015/000203 ;
Déboute la société B, la banque C et la société D de leur exception de sursis à statuer ;
Renvoie les parties à l'audience du 8 NOVEMBRE 2017 à 9 heures pour les conclusions au fond de la société B, la banque C et la société D ;
Réserve les dépens en fin de cause ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Premier Juge, Madame Séverine LASCH, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistés lors des débats seulement, de Madame Isabel DELLERBA, Greffier ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 19 SEPTEMBRE 2017, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabel DELLERBA, Greffier, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.