Tribunal de première instance, 29 juin 2017, La SARL A c/ La SCP B et l'Organisation Syndicale de Copropriété de l'immeuble « Y »

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Abstract🔗

Procédure civile - Assignation - Nullité (oui) - Assignation délivrée au syndic représentant l'Organisation Syndicale des copropriétaires (non)

Résumé🔗

L'assignation en justice est nulle, pour vice de fond, en application de l'article 967 alinéa 2 du Code de procédure civile, dès lors qu'elle a été délivrée à une personne qui n'a pas la qualité de syndic et qui ne peut donc représenter l'Organisation Syndicale des copropriétaires d'après les termes de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 relative à la copropriété des immeubles bâtis.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

N° 2017/000217 (assignation du 17 novembre 2016)

JUGEMENT DU 29 JUIN 2017

En la cause de :

  • La SARL A, exerçant sous l'enseigne Z., dont le siège social est situé X1 à Monaco, agissant poursuites et diligences de ses cogérants en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège ;

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

  • La Société Civile Particulière B, dont le siège social est situé X2 à Monaco, prise en la personne de son gérant en exercice, M. a. VI., domicilié en cette qualité X2, X2 à Monaco ;

  • l'Organisation Syndicale de Copropriété de l'immeuble « Y », X1 à Monaco, représenté par son syndic en exercice, M. a. VI., exerçant le commerce en nom personnel sous l'enseigne Y», domicilié en cette qualité immeuble X3«, X3 à Monaco ;

DÉFENDEURS, ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 17 novembre 2016, enregistré (n° 2017/000217) ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SCP B et de l'Organisation Syndicale des Copropriétaires de l'immeuble « Y », en date du 8 février 2017 ;

Vu les conclusions de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de la SARL A, en date du 5 avril 2017 ;

À l'audience publique du 18 mai 2017, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour ;

FAITS ET PROCÉDURE

Aux termes d'un contrat de bail signé le 30 juillet 2009, la SCP B a donné à location à la SCS C, désormais SARL A, des locaux à usage de bureaux administratifs situés dans l'immeuble « Y » sis X1 à Monaco. Le bail a été reconduit le 1er janvier 2013 jusqu'au 31 décembre 2013. Par avenant signé le 31 juillet 2013, a. VI. ès- qualités a donné l'autorisation à la SCS C de domicilier dans les lieux loués, la SARL PRDreprésentée par Monsieur BO.. Le bail a été renouvelé à son échéance du 31 décembre 2013. Le 17 mai 2016, suite à un dégât des eaux, la SARL A aurait notamment été privée de l'usage normal d'une partie des lieux et subi des préjudices.

Par acte d'huissier en date du 17 novembre 2016, la SARL A a fait citer la société civile particulière B et l'Organisation Syndicale des Copropriétaires de l'immeuble »Y« au visa des articles 1559 et 1566 du Code civil, et subsidiairement de la responsabilité quasi délictuelle, devant le tribunal aux fins de voir :

  • - à titre principal :

    • prononcer sa condamnation à lui verser la somme de 30.000 € au titre du trouble de jouissance, 10.000 € au titre de la perte d'exploitation, 20.000 € pour l'exécution de mauvaise foi du contrat de bail et de sa résistance abusive,

    • dire et juger qu'il s'opérera compensation entre les condamnations mises à la charge de la Société Civile Particulière B et le loyer outre les charges pour un montant de 64.790,05 euros,

  • - à titre secondaire subsidiaire :

    • condamner l'Organisation Syndicale des copropriétaires de l'immeuble « Y » à lui verser les sommes suivantes :

      • 30.000 € au titre du trouble de jouissance,

      • 10.000 € au titre de la perte d'exploitation,

      • 20.000 € pour résistance abusive,

  • - très subsidiairement,

    • pour le cas où les responsabilités de la SCP B et du Syndicat seraient communes, les condamner à lui payer les sommes de 30.000 € au titre du trouble de jouissance, 10.000 € au titre de la perte d'exploitation, 20.000 € au titre d'une attitude commune fautive l'ayant contraint à saisir la justice.

En réponse, l'Organisation Syndicale des Copropriétaires de l'Immeuble »Y« conclut à la nullité de l'acte introductif d'instance. Subsidiairement, il demande qu'il soit fait droit à son exception d'appel en garantie aux fins d'être autorisé à attraire aux débats la société E, la société F inscrite au registre des commerces et des sociétés de Paris sous le numéro YY, dont le siège social se situe X5 75001 Paris France pour que celle-ci la relève et la garantisse de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Il demande en outre, qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle se réserve de conclure sur le fond du dossier.

Il expose que les dispositions de l'article 967 du Code de procédure civile n'ont pas été respectées aux motifs que la SARL A aurait assigné l'Organisation Syndicale des Copropriétaires de l'Immeuble « Y » représenté par son syndic a. VI. exerçant le commerce en nom personnel sous l'enseigne «  Y. » demeurant en cette qualité immeuble X3, X3 à Monaco, alors que le syndic de l'immeuble serait la SARL G dont le siège social se trouve X4, « X4» à Monaco. Il précise qu a. VI. exerçant sous l'enseigne « Y» exploite une agence immobilière, exclusive de toute fonction de Syndic d'immeubles.

Il ajoute que les dégâts des eaux dont a été victime la SARL A proviendraient d'une canalisation privative du copropriétaire situé au-dessus des locaux de la demanderesse, d. DE. BE..

La société civile particulière B demande au tribunal de recevoir son exception d'appel en garantie et de l'autoriser à attraire aux débats, d. DE. BE. et la société anonyme de droit français dénommée I. Elle soutient que le trouble de jouissance dont se prévaut la SARL A proviendrait de la canalisation privative du copropriétaire situé au-dessus des locaux de la demanderesse, d. DE. BE.. Elle ajoute qu'elle est assurée en qualité de propriétaire non occupant par la société J et souhaite donc appeler en garantie Monsieur DE. BE. outre la société anonyme de droit français dénommée I.

En réponse, la SARL A expose en premier lieu, qu'il convient de se questionner sur la personne du représentant du syndicat dès lors qu a. VI. est assigné dans le cadre de la présente instance dans cette affaire à la lecture de la page de garde. En second lieu, elle soutient qu'elle n'est pas copropriétaire de l'immeuble de sorte qu'elle n'a pas de lien de droit avec l'Organisation Syndicale des Copropriétaires de l'Immeuble «Y» et avec le représentant légal de celui-ci.

À cet égard, elle soutient qu'il n'est pas possible d'identifier clairement l'identité du syndic une confusion résultant de son appellation sur plusieurs documents en lien avec son activité. Elle précise que le décompte des charges qu'elle a perçues ne fait pas mention du syndic. Elle ajoute qu'elle a reçu un courriel d a. VI. apparaissant comme gestionnaire du bien loué, auquel, il était joint un carton scanné à l'entête de la SARL G.

Elle expose qu'il est versé aux débats un procès-verbal d'une assemblée générale en date du mois d'octobre 2015, lequel est rédigé à l'entête de la SARL G.

Elle soutient par ailleurs que la résolution portant renouvellement du mandat de syndic n'est pas davantage précise, celui-ci étant désigné sous la dénomination SARL G.

Elle fait valoir aussi que la SARL G n'est pas le nom d'une société mais une enseigne qui est exploitée par la SARL K et qu'au rang des résolutions du procès-verbal de ladite assemblée générale, il peut être lu « Monsieur VI. informe les copropriétaires » ou « Monsieur VI. précise ».

Elle considère qu'il faudrait que l'Organisation Syndicale des Copropriétaires de l'Immeuble «Y» produise le procès-verbal de l'assemblée générale désignant le syndic.

Elle conclut enfin que dès lors qu a. VI. a été assigné à personne, la demande ne serait pas nulle mais irrecevable précisant qu'elle a tout de même procédé parallèlement à une assignation dirigée contre l'Organisation Syndicale des copropriétaires de l'immeuble « Y », représenté par le syndic « allégué », la SARL K, dont il demandera la jonction à la présente instance.

SUR CE

L'article 264 du Code de procédure civile dispose que « Toute nullité pour vice de forme d'exploit introductif d'instance sera couverte, si elle n'est proposée avant toute exception ou défense, autre que les exceptions de caution et d'incompétence. Toute nullité pour vice de forme des autres actes de procédure sera couverte, si elle n'est proposée avant toute discussion de ces actes au fond.

Aucune nullité pour vice de forme d'exploit introductif d'instance ou d'autres actes de procédure ne pourra être prononcée que s'il est justifié que l'inobservation de la formalité à l'origine du vice a causé un grief à la partie l'ayant invoquée.

Les nullités de fond limitativement énoncées au deuxième alinéa de l'article 967 pourront en revanche être prononcées sans que celui qui s'en prévaut ait à justifier d'un grief.

Elles pourront être proposées en tout état de cause et même relevées d'office par le tribunal lorsqu'elles auront un caractère d'ordre public ou qu'elles procèderont d'un défaut de capacité d'ester en justice ».

L'article 967 du Code de procédure civile prévoit qu'« un acte de procédure ne pourra être déclaré nul pour vice de forme que s'il manque d'un élément essentiel, s'il résulte de l'inobservation d'une formalité d'ordre public ou si la nullité en est expressément prononcée par la loi.

Il ne pourra l'être pour irrégularité de fond que s'il est affecté de l'une des irrégularités suivantes :

  • - défaut de capacité d'ester en justice ;

  • - défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant dans l'instance comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;

  • - défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice. (...) ».

L'article 21 de la loi n°1-329 du 8 janvier 2007 relative à la copropriété des immeubles bâtis édicte, qu'outre les pouvoirs qui peuvent lui être conférés par une délibération de l'assemblée générale, le syndic est chargé d'assurer le respect des clauses du règlement de copropriété et l'exécution des décisions de l'assemblée générale, de pourvoir à l'administration, à la conservation, à la surveillance, à l'entretien et à l'amélioration de l'immeuble, d'établir le projet de budget, et de tenir une comptabilité séparée pour chaque syndicat de copropriété qui fait apparaître la position de chaque copropriétaire à l'égard du syndicat ainsi que la situation de trésorerie du syndicat.

Le syndic représente l'Organisation Syndicale dans tous les actes civils et en justice ; toutefois, il ne peut agir en justice, au nom du syndicat, qu'après y avoir été autorisé par l'assemblée générale. Cette autorisation n'est pas nécessaire pour les mesures conservatoires, les actions en recouvrement de créances, les demandes en référé et pour défendre aux actions intentées contre l'Organisation Syndicale.

En l'espèce, la SARL A verse aux débats un décompte de charges au nom de l'agence « Y» et un courriel d a. VI. sous l'adresse a e-mail avec la signature « a. VI.» située au-dessus de l'entête de la SARL G -administrateur de biens - Syndic de copropriétés. Dans ce courriel, il est demandé à M. BO. de régler son dernier appel de loyers et de charges.

La copropriété de l'immeuble «Y» produit aux débats un procès-verbal d'assemblée générale en date du 19 octobre 2015 à l'entête de la SARL G administrateur. Dans la partie 7 nommée « renouvellement du mandat du syndic », il est indiqué que le mandat de la SARL G est renouvelé pour une période de 3 ans, soit jusqu'à la tenue de la prochaine assemblée annuelle de 2018.

La SARL verse aux débats un extrait des inscriptions portées au répertoire du commerce et de l'industrie en date du 14 février 2017 qui dispose que la société à responsabilité limitée dont la raison sociale ou dénomination de la SARL K a pour enseigne H Le siège social de cette société est situé X4 « X4» - 98000 Monaco. Cette société a pour activité la gestion immobilière, l'administration de biens immobiliers et syndic d'immeubles en copropriété. Le gérant de cette société est a. VI..

Il ressort de ces éléments que d'après le procès-verbal d'assemblée générale produit aux débats, c'est la SARL G qui est le syndic. Il s'agit d'une SARL dénommée K dont l'enseigne est H et dont le siège social est situé X4 X4 - 98000 Monaco.

Il n'y a pas lieu dès lors de demander au syndicat de produire la délibération désignant le syndic puisque ce document figure précisément parmi les pièces produites aux débats en défense.

Par ailleurs, il est indiqué dans l'acte introductif de la présente instance, que l'assignation a été délivrée au « l'Organisation Syndicale de Copropriété de l'Immeuble Y », X1 à Monaco, représenté par son syndic en exercice, a. VI. exerçant le commerce en nom personnel sous l'enseigne « Y» demeurant en cette qualité, immeuble « X3 X3 à Monaco où étant et parlant à a. VI., syndic, dans ses bureaux de l'Annonciade à Monaco. »

La SARL A précise qu'elle a fait délivrer parallèlement une assignation à l'Organisation Syndicale des Copropriétaires de l'Immeuble « Y » cette fois représenté par la SARL K.

Même s'il est constant que dans les correspondances adressées à la SARL A, l'identité du syndic de la copropriété des copropriétaires de l'immeuble «Y» n'apparaît pas clairement, il n'en demeure pas moins que celui-ci est clairement identifié et nommé dans le répertoire du commerce et de l'industrie, registre officiel et accessible pour prendre connaissance de ce type d'information.

L'assignation critiquée mentionne qu a. VI. a été assigné en qualité de Syndic alors qu'il n'est pas syndic de la copropriété de l'immeuble « Y ».

Il en découle qu a. VI. n'a pas le pouvoir (irrégularité de fond) pour représenter l'Organisation Syndicale des Copropriétaires de l'immeuble »Y" en qualité de syndic d'après les termes de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 relative à la copropriété des immeubles bâtis, de sorte que l'assignation doit être annulée en application de l'article 967 alinéa 2 du Code de procédure civile sans qu'il soit nécessaire de faire la preuve d'un grief .

Il n'y a pas lieu dès lors de statuer sur les demandes des parties.

La SARL A, partie succombante à l'instance, sera condamnée aux dépens.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare nulle l'assignation en date du 17 novembre 2016 ;

Condamne la SARL A aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Vice-Président, Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, Madame Carole DELORME-LE FLOC'H, Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi ou assistées, lors des débats seulement, de Madame Isabel DELLERBA, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 29 JUIN 2017, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Vice-Président, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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