Tribunal de première instance, 8 juin 2017, La SPA B c/ M. m., b., h. GA.

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Abstract🔗

Bien meuble – Action en revendication – Conditions – Qualité de sous-acquéreur de bonne foi (non)

Résumé🔗

En droit, la preuve de la propriété d'un bien meuble s'opère toujours sur la foi de deux éléments fondamentaux : la possession du bien et les titres d'acquisition. En pratique, la revendication est principalement intentée lorsque le meuble réclamé a été aliéné par un autre que son propriétaire. L'article 2098 du Code civil dispose : « En fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été soustrait, par un crime ou un délit, une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte, du crime ou du délit, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient » alors que l'article 2099 alinéa 1er précise « Si le possesseur actuel de la chose soustraite ou perdue l'a achetée dans une foire ou dans un marché, ou dans une vente publique, ou d'un marchand vendant des choses pareilles, le propriétaire originaire ne peut se la faire rendre qu'en remboursant au possesseur le prix qu'elle lui a coûté ». Ce dernier article ne peut être invoqué que si la possession de l'article 2098 s'applique et par un acquéreur dont la possession est exempte de vices, étant précisé que le caractère équivoque d'une possession s'apprécie au regard des circonstances ayant entouré l'acquisition du meuble querellé mais également au regard des compétences spécifiques de l'acquéreur.

Or, il est constant que le « navire », en ce compris le navire de plaisance, est un meuble, doté d'une nationalité, qui fait l'objet d'une immatriculation auprès de l'administration d'un Etat qui lui octroie un pavillon. Aux termes de l'article L.316-1 du Code de la mer : « Les navires sont soumis aux règles de droit commun applicables aux biens meubles sous réserve des règles spéciales édictées dans la présente loi et ses ordonnances d'application. Tout acte constitutif, translatif ou extinctif de la propriété ou de tout autre droit réel sur un navire francisé doit, à peine de nullité, être fait par écrit. L'acte doit comporter des mentions propres à l'identification des parties intéressées et du navire ». C'est la raison pour laquelle, tout navire doit être immatriculé auprès de la Direction des affaires maritimes conformément aux dispositions de l'article L. 413-2 du même code. Dès lors, tout acte de vente d'un navire doit contenir : le nom et la désignation du navire, les caractéristiques du navire, l'identité du ou des propriétaires, la copie de l'immatriculation. C'est afin d'assurer la publicité de la propriété et de l'état des navires que le législateur prescrit la tenue de fichiers d'inscription des navires comportant pour chacun d'eux une « fiche matricule » sur laquelle figurent différentes informations dont le nom du propriétaire ainsi que certains actes, parmi lesquels ceux qui sont translatifs de propriété, et exige que l'immatriculation contienne tous les renseignements figurant sur cette fiche. En décidant de les immatriculer, le législateur a voulu leur donner un régime juridique assez proche de celui des immeubles qui ne peut être assimilé à celui des « meubles » prévus à l'article 2098 du Code civil qui repose sur l'idée que la propriété des meubles se manifeste fondamentalement aux yeux des tiers par la possession qu'on en a. Dès lors qu'une telle publicité est organisée relativement à certains meubles, la maxime de l'article 2098 ne se justifie plus, le tiers pouvant se renseigner utilement sur les droits de son auteur quant au meuble dont l'acquisition est envisagée. Aussi les navires faisant l'objet d'une publicité en douane échappent à l'application de la règle « en fait de meubles, la possession vaut titre » et il en va de même des navires de plaisance, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon le tonnage. Contrairement aux dires du défendeur, cette publicité est destinée à l'information des tiers et n'a pas une vocation purement administrative comme c'est le cas pour les véhicules. En conséquence, la maxime « en fait de meubles, possession vaut titre » n'est pas applicable à l'embarcation litigieuse, et il importe peu dès lors que m. GA. soit de bonne ou de mauvaise foi quant au bien-fondé de l'action en revendication. Il appartient dès lors au demandeur à la revendication de prouver qu'il est le véritable propriétaire. Même si m. GA. reconnaît dans ses toutes dernières conclusions avoir été informé préalablement à la « cession » de ce que le navire était la propriété de la SPA C et que la SARL D n'en était que le crédit-preneur, il affirme toutefois que son acquisition était connue de la société crédit bailleur et a été effectuée avec son consentement. Dès lors, le Tribunal peut légitimement s'interroger sur les circonstances très particulières de l'acquisition de ce bateau dans le cadre d'un crédit-bail connu par le futur acquéreur, professionnel du droit, qui n'a sollicité de son vendeur l'établissement d'aucun acte translatif de propriété écrit ni la confirmation écrite par le crédit bailleur de son acceptation du rachat anticipé alors qu'il ne pouvait ignorer, du fait même de sa profession d'avocat, la règlementation et les publicités afférentes à ce type de vente. C'est la raison pour laquelle il est admis que lorsque les formalités de publicité légale prévues au bénéfice du crédit bailleur ont été régulièrement accomplies, l'entreprise de crédit-bail peut opposer aux ayants cause à titre onéreux de son client, ses droits sur les biens dont elle a conservé la propriété. En conséquence, m. GA., ayant-cause à titre onéreux du crédit-preneur dont il a acquis ses droits directement auprès de lui, ne peut bénéficier de la qualité de sous-acquéreur de bonne foi. Il s'ensuit que m. GA. n'est pas propriétaire de l'embarcation identifiée par le numéro de la coque (H.I.N) VV, baptisée aujourd'hui « U » et, en conséquence, il doit restituer ladite embarcation à son propriétaire, la SPA B, laquelle pourra à défaut de remise volontaire dans le délai d'un mois suivant la signification du présent jugement procéder à son appréhension forcée.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

N° 2016/000132 (assignation du 2 octobre 2015)

JUGEMENT DU 8 JUIN 2017

En la cause de :

  • La société B, société anonyme de droit italien, ayant son siège social à X1 39100 Bolzano (BZ) (Italie), immatriculée au Registre des Sociétés de Bolzano sous le numéro XX, agissant poursuites et diligences de son Administrateur Délégué en exercice, M. s. CA., demeurant en cette qualité audit siège ;

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

  • M. m., b., h. GA., né le 11 décembre 1937, de nationalité suisse, demeurant X2, 98000 Monaco ;

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 2 octobre 2015, enregistré (n° 2016/000132) ;

Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de m. GA., en date des 18 février 2016 et 7 décembre 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de la SPA B, en date des 23 juin 2016 et 27 janvier 2016 (en réalité 27 janvier 2017) ;

À l'audience publique du 9 mars 2017, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 11 mai 2017, délai qui a été successivement prorogé au 18 mai 2017, 1er juin 2017 et 8 juin 2017, les parties en ayant été avisées par le Président ;

FAITS ET PROCÉDURE

Le 8 août 2008, la SPA C a consenti à la SARL D un crédit-bail n° ZZ portant sur une embarcation de plaisance à moteur construite par la SPA E modèle W ( numéro de coque VV) moyennant le prix de 1.451.712 euros hors-taxes ;

Ce contrat prévoyait en outre une durée de 60 mois avec date de prise d'effet à la souscription du protocole de livraison et acceptation de l'embarcation et, au plus tard, à la date d'immatriculation de l'embarcation ainsi que le paiement de 59 loyers périodiques d'un montant de 25.795 euros plus TVA payables à partir du 1er jour de chaque mois ;

Le 18 août 2009, la capitainerie du port de La Spezia (Italie) a déclaré que le bateau à moteur n° RR a été inscrit dans le registre des bateaux de plaisance avec mention de la SARL D comme crédit preneur en vertu du contrat de crédit-bail pour une durée initiale de 72 mois avec échéance au 8 août 2014 reportée au 30 juillet 2015 sur demande de la SPA C ;

Désireux d'acquérir ce bateau, m. GA., de nationalité suisse résidant à Monaco, a été mis en relation le 10 septembre 2010 avec le dirigeant de la SARL D., M. g. DI LU., par l'intermédiaire de M. c. ZA., courtier ;

Par mail du 4 octobre 2010, M. g. DI LU. a indiqué à m. GA. que le bateau modèle W faisait l'objet d'un contrat de leasing auquel devrait nécessairement succéder le futur acquéreur ;

Le 5 octobre 2010, m. GA. a effectué un virement de 100.000 euros au bénéfice de la SARL D. à titre d'acompte ;

Par mail en date du 21 février 2011, M. g. DI LU. a informé m. GA. qu'il avait obtenu l'acceptation de la SPA C, crédit-bailleur, aux droits de laquelle est venue la SPA B, de procéder au rachat anticipé du contrat de leasing, avec paiement du prix total du bateau pour un montant de 1.279.056,55 au lieu de 1.244.931euros dans l'hypothèse normale de la succession dans le contrat de crédit-bail ;

Le 2 mars 2011, la SARL D. a adressé à m. GA. une facture d'un montant de 1.179.056,54 euros réglée intégralement par virement du 4 mars 2011 ;

À compter de cette date, m. GA. a pris possession dudit bateau ;

Par lettre recommandée du 11 juillet 2011 avec avis de réception signé le 22 juillet 2011, la SPA C s'est, par suite des défaillances de paiement des loyers du crédit-bail, prévalue de la clause de résiliation prévue à l'article 14 du contrat du 8 août 2008, entraînant obligation pour la SARL D. de livrer immédiatement le bien loué et de payer en une seule échéance les montants échus à la date de la résiliation, majorés des frais, des intérêts moratoires contractuels ainsi que les montants non encore dus à compter de cette date ;

Sur requête de la SPA C, le 16 décembre 2011, le juge de Trévise a ordonné, avec exécution provisoire, à la SARL D, de « livrer immédiatement à la SPA C les biens objets des contrats n° ZZ et YY » (autre navire), et « de payer immédiatement à cette dernière la somme globale de 2.757.792,54 euros en plus des intérêts légaux », et ce, « avec obligation de la requérante d'imputer à ce qui est dû, et en tout cas de reconnaître en faveur du crédit preneur, ce qu'elle devrait percevoir de la vente ou réemploi même en leasing, des biens objet du contrat de leasing, déduction faite des frais y afférant, et de restituer l'éventuel surplus ».

Par jugement du 18 juillet 2013, le Tribunal de Milan a déclaré la faillite de la SARL D et désigné Maître c. MA. en qualité de curateur et M. g. DI LU. comme liquidateur ;

Le 17 septembre 2013, la SPA C a déposé auprès de M. le Juge Délégué à la faillite une requête en revendication de l'embarcation litigieuse ;

Le 26 novembre 2013, le curateur de la faillite a informé la SPA C qu'il avait déposé le projet d'état du passif au greffe adoptant la mesure en relation avec la requête en revendication, et a également porté à sa connaissance que ledit navire n'était plus entre les mains du crédit-preneur pour se trouver sur la Côte d'Azur ;

En janvier 2014, la SPA C a donné mandat à la SARL F pour organiser la restitution du navire, objet du litige ;

Celui-ci ayant été localisé au port de Cap d'Ail, m. GA., contacté par le curateur, a refusé cette restitution, par courriel du 1er février 2014, s'estimant propriétaire du bateau ;

Face à ce refus, la SPA C a mandaté un investigateur privé pour confirmer la localisation au Port de Cap-d'Ail afin de déposer auprès du juge français deux requêtes aux fins :

  • d'une part, de se faire autoriser à désigner un huissier de justice avec pour mission de se rendre sur les lieux où le navire était mouillé aux fins de constater l'occupation du navire et d'obtenir l'identité des détenteurs/ occupants, ainsi que de se rendre dans les locaux de la société G aux fins de constater le nom actuel du navire et se faire délivrer une copie intégrale de tout document du navire dans sa dénomination actuelle, comme un certificat d'immatriculation ou équivalent, l'attestation d'assurance RC, ainsi que l'adresse de toute personne se prétendant propriétaire et/ ou bénéficiaire économique et/ ou capitaine du navire ;

  • d'autre part, de se faire autoriser à pratiquer une saisie-conservatoire, ce pour sûreté et conservation de la somme de 530.000 euros, et afin que le navire ne soit pas déplacé et à nouveau perdu et entreprendre parallèlement une action judiciaire en vue d'obtenir sa restitution ;

Par ordonnance du 12 mai 2015, le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Nice a autorisé la SPA C à faire procéder à la saisie conservatoire de l'embarcation de plaisance identifiée sous le numéro de coque VV, se trouvant au port de Cap-d'Ail, entre les mains d'un tiers détenteur dénommé m. GA. ;

À la même date, le Président du Tribunal de grande instance de Nice a commis un huissier avec mission de constater l'occupation du navire identifié sous le numéro de coque VV, et mouillé au port de Cap-d'Ail, d'obtenir l'identité des détenteurs/occupants, de se rendre à la capitainerie du port de Cap-d'Ail afin de constater le nom actuel du navire et de se faire délivrer une copie intégrale de tous documents du navire (certificat d'immatriculation ou équivalent, attestation d'assurance RC, adresse de toute personne se présentant comme propriétaire et/ou bénéficiaires économiques et/ou capitaine du navire) ;

Le 18 mai 2015, à la demande de la SPA C, Maître BRETAUDEAU, Huissier de justice, a saisi le navire dénommé U, immatriculé VV, sous pavillon néerlandais et a constitué m. GA. comme gardien ;

Par ordonnance du 6 août 2015, le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Nice a, au visa de la convention internationale de Bruxelles du 10 mai 1952, des articles L5114-22 et suivants du Code des transports, des articles L511-3 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution et des articles R 121-1 et suivants du même Code, autorisé la SPA B à faire procéder à la saisie conservatoire de l'embarcation de plaisance lui appartenant, baptisée aujourd'hui U, portant le numéro d'identification de la coque VV, et se trouvant entre les mains d'un tiers détenteur, m. GA. ou de tout autre tiers se prétendant propriétaire de l'embarcation, et ce, pour sûreté et conservation de la somme de 530.000 euros, correspondant à une évaluation provisoire de la créance ;

Le 4 septembre 2015, Maître BRETAUDEAU, agissant au nom de la SPA C, a signifié à m. GA. la mainlevée pure et simple de la saisie conservatoire pratiquée le 18 mai 2015 au motif qu'elle n'avait, en réalité, aucune qualité à agir : la propriété du yacht ayant été cédée par la SPA C à la SPA B le 17 décembre 2014 en vertu d'une scission par transfert partiel de patrimoine ;

Le même jour, Maître BRETAUDEAU, agissant au nom de la SPA B, a procédé à la saisie conservatoire de l'embarcation de plaisance appartenant à la requérante, dénommée U, et se trouvant entre les mains de m. GA., tiers détenteur et constitué gardien ;

Par acte d'huissier en date du 2 octobre 2015, la SPA B a fait assigner m. GA. devant la présente juridiction afin de voir, sous bénéfice de l'exécution provisoire :

  • À titre principal,

    • constater que selon l'inscription au registre italien des embarcations de plaisance (« Licenza di Navigazione delle Imbarcazioni da Diporto ») la SPA B est propriétaire de l'embarcation identifiée par le numéro de la coque (H. I. N) VV, baptisée aujourd'hui « U » et qu'aucun acte de mutation de la propriété en faveur de m. b. h. GA. n'y est inscrit,

    • ordonner en conséquence à m. GA., sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard devant courir pendant une période limitée à trois mois, de remettre l'embarcation identifiée par le numéro de la coque (H. I. N) VV, baptisée aujourd'hui « U », dans les huit jours qui suivront la signification du jugement à intervenir, à tout représentant dûment mandaté de la SPA B,

    • dire et juger qu'à défaut de remise volontaire, passé le délai de trois mois, la SPA B sera autorisée à procéder à l'appréhension forcée de l'embarcation identifiée par le numéro de la coque (H. I. N) VV, baptisée aujourd'hui « U », par toutes voies de droit, et ce avec l'assistance de tout auxiliaire de justice et de la force publique, avec toutes conséquences de droit,

  • À titre subsidiaire,

    • si m. GA. avait délivré une garantie de paiement et obtenu la mainlevée de la saisie conservatoire de l'embarcation susvisée, le condamner à lui payer à la somme de 500.000 euros équivalente à la valeur estimée de l'embarcation,

  • En tout état de cause,

    • condamner m. GA. à lui payer, en réparation de la privation de jouissance relative à ce navire, une indemnité égale à 10.000 euros par mois, à calculer sur la période échue ou à échoir depuis le 4 septembre 2015, jusqu'à la date à laquelle le navire sera effectivement remis à cette société,

    • dire et juger que cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

    • ordonner la capitalisation de ces intérêts et dire que cette capitalisation interviendra, le cas échéant, chaque année à la date anniversaire du jugement à intervenir,

Par ordonnance du 12 août 2016 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance de Nice, la SCP H, huissiers de justice, a été commise, assistée par un technicien ou tout expert inscrit sur la liste des experts judiciaires de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, avec pour mission de se rendre à bord du navire aux fins de :

  • constater l'occupation ou non dudit navire,

  • d'obtenir le cas échéant l'identité des éventuels occupants,

  • décrire de la façon la plus précise l'état général du navire,

  • décrire s'il existe des dommages ou des dégradations affectant le navire,

  • évaluer la valeur vénale du navire au regard de son état général et actuel,

M. p. BE., expert maritime inscrit sur la liste près de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, a été désigné pour accomplir la mission susvisée ;

Selon procès-verbal en date du 8 septembre 2016, il a relevé que la valeur vénale actuelle du navire était comprise entre 615.000 euros et 680.000 euros, sous réserve d'une inspection des œuvres vives et d'essais en mer ;

Par conclusions en date du 18 février 2016, m. GA. a contesté la qualité à agir de la SPA B, sollicité le rejet des pièces versées aux débats sans traduction en langue française ou seulement avec traduction partielle et demandé l'application des dispositions de l'article 2099 du Code civil s'agissant d'un navire soumis à immatriculation alors que sa bonne foi est amplement démontrée par les circonstances mêmes de l'acquisition du bien mobilier ;

Dans ses dernières écritures datées du 26 janvier 2017, la SPA B maintient ses demandes initiales accompagnées de demandes nouvelles après avoir constaté que la partie défenderesse avait renoncé, dans ses dernières conclusions du 7 décembre 2016, à son moyen principal d'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir ;

Elle sollicite donc à présent de :

  • À titre principal,

    • constater que selon l'inscription au registre italien des embarcations de plaisance (« Licenza di Navigazione delle Imbarcazioni da Diporto »), elle est propriétaire de l'embarcation identifiée par le numéro de la coque (H. I. N) VV, baptisée aujourd'hui « U » et qu'aucun acte de mutation de la propriété en faveur de m. GA. n'y est inscrit,

    • constater que sa qualité à agir n'est pas contestée par m. GA..

  • En conséquence,

    • dire et juger ses demandes recevables,

    • déclarer recevables toutes les pièces qu'elle a versées aux débats,

    • dire et juger que m. GA. n'est pas propriétaire de l'embarcation identifiée par le numéro de la coque (H. I. N) VV, baptisée aujourd'hui « U »,

    • ordonner à m. GA., sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard devant courir pendant une période limitée à trois mois, de remettre l'embarcation identifiée par le numéro de la coque (H. I. N) VV, baptisée aujourd'hui « U », dans les huit jours qui suivront la signification du jugement à intervenir, à tout représentant dûment mandaté de la SPA B,

    • dire et juger qu'à défaut de remise volontaire, passé le délai de trois mois, elle sera autorisée à procéder à l'appréhension forcée de l'embarcation identifiée par le numéro de la coque (H. I. N) VV, baptisée aujourd'hui « U », par toutes voies de droit, et ce avec l'assistance de tout auxiliaire de justice et de la force publique, avec toutes conséquences de droit,

  • À titre subsidiaire,

    • si m. GA. avait délivré une garantie de paiement et obtenu la mainlevée de la saisie-conservatoire de l'embarcation identifiée par le numéro de la coque (H. I. N) VV, le condamner à lui payer la somme de 680.000 euros équivalente à la valeur estimée de l'embarcation.

  • En tout état de cause,

    • condamner m. GA. à lui payer, en réparation de la privation de jouissance relative à ce navire, une indemnité égale à 10.000 euros par mois, à calculer sur la période échue ou à échoir depuis le 4 septembre 2015, jusqu'à la date à laquelle le navire sera effectivement remis à cette société,

    • dire et juger que cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

    • ordonner la capitalisation de ces intérêts et dire que cette capitalisation interviendra, le cas échéant, chaque année à la date anniversaire du jugement à intervenir,

    • déclarer irrecevable et tout état de cause mal fondée la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de m. GA.,

    • ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toutes voies de recours et sans caution,

Elle soutient en substance que :

  • si elle n'a, dans un premier temps, fait procéder à la traduction que d'extraits pertinents des documents produits afin d'éviter de submerger le Tribunal d'informations inutiles et étrangères, elle verse maintenant aux débats leur traduction intégrale,

  • les pièces produites au soutien de l'argumentation de m. GA. selon laquelle il aurait valablement acquis le navire ne permettent pas de démontrer que la SPA C ou la SPA B ont cédé leurs droits à la SARL D, et notamment il ne verse aux débats aucun acte juridique de transfert de propriété sur l'embarcation au profit de la SARL D ou directement à son profit,

  • les seuls dires de M. g. DI LU. ne démontrent nullement que la SPA C aurait consenti à la cession du titre de propriété du bien, par rachat anticipé ou autre, en faveur de la SARL D ni que cette dernière était capable d'engager le crédit bailleur dans un contrat de vente aux conditions dont m. GA. fait état,

  • la facture non signée dont se prévaut le défendeur n'est qu'un document comptable, qui ne constitue pas un acte juridique ayant valeur contractuelle et qui ne présente même pas les caractéristiques minimales d'une quelconque preuve de cession du bien par la SARL D en sa faveur,

  • m. GA. était parfaitement conscient et même sciemment complice de la distraction du navire ainsi qu'il résulte tant de la manipulation des documents d'immatriculation officiels du navire auprès du registre italien, que de ses allégations sur le caractère incomplet de la Licence de navigation remise à l'Huissier,

  • en versant elle-même aux débats l'intégralité du procès-verbal de l'huissier en date du 18 mai 2015, elle établit que m. GA. a sciemment soustrait des pages de ce document officiel se faisant passer, à tort, pour le propriétaire du bateau,

  • le navire, en tant que meuble soumis à immatriculation et à nationalité, est rattaché à l'Etat personne juridique et n'est donc pas soumis à la maxime de l'article 2276 du Code civil français : « en fait de meubles, la possession vaut titre »,

  • en effet, l'immatriculation d'un navire n'est pas qu'administrative, elle est également attributive de nationalité ce qui implique un contrôle et une reconnaissance de la propriété par l'autorité de l'Etat d'immatriculation et un système de publicité de la propriété où la possession ne suffit pas à établir que le possédant est le légitime propriétaire car seule l'inscription au registre d'immatriculation vaut titre,

  • le tiers acquéreur de bonne foi d'un navire vendu par un propriétaire apparent peut en acquérir la propriété contre le propriétaire muni d'un titre écrit seulement par prescription acquisitive comme en matière immobilière,

  • cette règle est applicable de la même manière en droit monégasque, où les navires obéissent au même particularisme d'immatriculation par registre public et de la naturalisation,

  • de plus, même s'il est évident que l'article 2099 du Code civil monégasque ne s'applique pas dans le cas d'espèce, il ne peut être invoqué que par un acquéreur dont la possession est exempte de vices,

  • contrairement à ce que prétend m. GA., le certificat d'inscription au registre des sociétés de la SARL D ne permet pas d'établir que cette dernière serait spécialisée dans la « commercialisation de la marque J » et, même à le supposer, la société I n'a aucun lien juridique avec la SPA C ni avec la SPA B,

  • par ailleurs, il n'est pas prouvé que M. c. ZA. ait eu à l'époque les autorisations nécessaires pour agir en tant que courtier professionnel dans la plaisance,

  • m. GA. est détenteur de l'embarcation sans droit ni titre et de surcroit de mauvaise foi,

  • concernant le quantum du préjudice, il ne peut être sérieusement soutenu que pour obtenir la mainlevée de la saisie-conservatoire d'un navire il faille nécessairement verser une caution,

  • elle est privée injustement du bien dont elle avait gardé la propriété aux fins de garantie depuis juillet 2011 et, par conséquent, elle subit injustement la dépréciation de la valeur de celui-ci,

Par conclusions du 7 décembre 2016, m. GA. sollicite du Tribunal de :

  • À titre préliminaire,

    • - écarter des débats les pièces partiellement traduites communiquées par la SPA B, à défaut de traduction intégrale en langue française,

  • À titre principal,

    • constater qu'il a, en toute bonne foi, régulièrement acquis le bateau saisi auprès de la SARL D, vendeur de choses pareilles, pour un montant de 1.279.056,54 euros,

    • constater qu'il est étranger au litige opposant la SPA B à la SARL D,

  • En conséquence,

    • dire et juger qu'il est propriétaire du bateau saisi, avec toutes conséquences de droit,

  • À titre subsidiaire,

    • si le Tribunal venait à reconnaître la qualité de propriétaire du bateau à la SPA B et à faire droit à sa demande de restitution, condamner la SPA B à lui verser la somme de 1.279.056,54 euros correspondant au prix qu'il a réglé pour l'acquisition dudit bateau, en application de l'article 2099 du Code civil,

  • En tout état de cause,

    • débouter la SPA B de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires,

    • dire et juger qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire de la décision à intervenir,

    • condamner la SPA B à lui verser, en réparation de son préjudice d'agrément et de jouissance, la somme de 20.000 euros par semaine pour les mois d'avril à septembre et 15.000 euros par semaine pour les mois d'octobre à mars, et ce, depuis le 4 septembre 2015 et jusqu'à libération du bien saisi,

    • condamner la SPA B à lui rembourser les frais d'entretien du bateau qu'il est contraint de prendre à sa charge du fait de la saisie pratiquée, qui s'élèvent d'ores et déjà à la somme de 63.234,31 euros et ce, jusqu'à libération dudit bateau,

    • condamner la SPA B à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts par application des articles 234 in fine du Code de procédure civile et 1229 du Code civil,

Il réplique pour l'essentiel que :

  • l'article 8 de la Constitution prévoyant expressément que le français est la langue officielle de l'État, toutes les pièces italiennes non traduites intégralement en français doivent être rejetées dans un souci de respect du contradictoire et d'une bonne administration de la justice,

  • ayant régulièrement acquis son bateau auprès de la SARL D en 2011, il l'a fait immatriculer aux Pays-Bas et dispose donc d'un titre d'immatriculation à son nom,

  • la question de l'application de la règle « en fait de meuble possession vaut titre » est par conséquent sans objet dès lors qu'il dispose d'un titre démontrant sa qualité de propriétaire du bateau,

  • en outre, il n'a jamais été informé de la liquidation de la SARL D, ni de la procédure italienne dont se prévaut la SPA B pour solliciter la restitution du bateau,

  • c'est donc en toute bonne foi que lorsque la SARL F, mandatée par la SPA C, a sollicité la restitution du bateau près de 3 ans après son acquisition, il a indiqué ne « pas avoir l'intention de céder le bateau W dont [il est] propriétaire »,

  • les décisions sur lesquelles la SPA B fonde ses demandes ne peuvent produire aucun effet, dès lors qu'elles n'ont pas été rendues à son contradictoire et ne sont pas exécutoires en Principauté de Monaco : dès lors aucune restitution ne saurait intervenir,

  • la SPA B n'a fait pratiquer qu'une saisie conservatoire sur le bateau se trouvant dans le port de Cap d'Ail, telle que pratiquée en vertu des articles L. 5114-21 et suivants du Code des transports français, et n'a pour seul objectif que l'immobilisation du navire dans l'attente d'une décision au fond,

  • à ce titre, la SPA B ne peut solliciter l'appréhension forcée dudit navire dans l'hypothèse où sa qualité de propriétaire viendrait à être reconnue et ne serait suivie d'aucune remise volontaire du bien,

  • contrairement à ce que soutient la demanderesse, il n'a jamais indiqué ne pas avoir eu connaissance du contrat de leasing puisqu'il a racheté par anticipation le bateau avec la certitude que son acquisition était connue du crédit bailleur compte tenu des correspondances échangées avec M. g. DI LU.,

  • sa bonne foi lors de l'acquisition du bateau est manifeste et les allégations de soustraction de documents de la partie demanderesse ne sont pas avérées,

  • en toute hypothèse, même à la supposer fondée, l'action en revendication initiée par la SPA B ne saurait prospérer que moyennant le remboursement du prix qu'il a été contraint de régler pour l'acquisition du bateau conformément aux dispositions de l'article 2099 du Code civil monégasque,

  • il est constant que l'article 2099 précité s'applique aux biens immatriculés tels que les navires et les véhicules,

  • il est constant également qu'il a acheté le bateau auprès d'un vendeur de choses pareilles, la SARL D, spécialisée dans la vente de bateaux et notamment la commercialisation de la marque J, tel que cela résulte de son objet social et de ses factures,

  • dès lors, s'il est fait droit à la demande de restitution formulée par la SPA B, cette dernière devra lui reverser, à tout le moins, la somme de 1.279.056,54 euros correspondant au prix réglé pour l'acquisition dudit bateau,

  • en outre, l'immobilisation prolongée du bateau lui a causé incontestablement un important préjudice en ce qu'il ne peut plus jouir de son bien et qu'il demeure contraint d'en assumer les frais d'entretien, sans compter les frais de la présente procédure judiciaire,

SUR CE,

À titre liminaire, il convient de constater que m. GA. abandonne son moyen principal d'irrecevabilité des demandes de la SPA B pour défaut de qualité à agir après que cette dernière ait communiqué aux débats, en cours de procédure, l'acte de scission par transfert de patrimoine intervenu entre la SPA C et la SPA B le 17 décembre 2014 ( pièces n° 23 et 23-1) ;

  • Sur la demande de rejet de pièces :

En vertu de l'article 8 de la Constitution, la langue française étant la langue officielle en Principauté, l'ensemble des pièces produites aux débats et rédigées en langue étrangère doivent être traduites intégralement ;

Après avoir communiqué dans un premier temps des traductions partielles de certains documents rédigés en langue italienne, la SPA B a produit en cours d'instance leur traduction en langue française dans leur intégralité ;

Dès lors, il n'y a pas lieu au rejet des pièces n° 4, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15 et 21 produites par la partie demanderesse ;

  • Sur l'action en revendication :

Les parties à la présente instance fondent leur action en revendication sur les dispositions des articles 2098 et 2099 du Code civil monégasque tout en se référant concomitamment à la jurisprudence et aux textes législatifs français dont les conditions et les effets sont identiques, sans que ce double usage ne soit contesté de part et d'autre ;

En défense, m. GA. sollicite l'application de la maxime « en fait de meubles, possession vaut titre » de l'article 2098 du Code civil qui, selon lui, s'appliquerait aux biens immatriculés, tels que les véhicules et les navires. A défaut, arguant de sa bonne foi, il soutient que les dispositions de l'article 2099 du même code lui sont applicables en ce qu'il a acquis le bien chez un marchand vendant des choses pareilles ;

En réplique à cette argumentation, la SPA B soutient que le navire, qui est un meuble obéissant à un particularisme irréductible, n'est pas soumis aux règles de la possession mobilière et que m. GA. est de mauvaise foi ;

En droit, la preuve de la propriété d'un bien meuble s'opère toujours sur la foi de deux éléments fondamentaux : la possession du bien et les titres d'acquisition ;

En pratique, la revendication est principalement intentée lorsque le meuble réclamé a été aliéné par un autre que son propriétaire ;

L'article 2098 du Code civil dispose : « En fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été soustrait, par un crime ou un délit, une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte, du crime ou du délit, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient » alors que l'article 2099 alinéa 1er précise « Si le possesseur actuel de la chose soustraite ou perdue l'a achetée dans une foire ou dans un marché, ou dans une vente publique, ou d'un marchand vendant des choses pareilles, le propriétaire originaire ne peut se la faire rendre qu'en remboursant au possesseur le prix qu'elle lui a coûté » ;

Ce dernier article ne peut être invoqué que si la possession de l'article 2098 s'applique et par un acquéreur dont la possession est exempte de vices, étant précisé que le caractère équivoque d'une possession s'apprécie au regard des circonstances ayant entouré l'acquisition du meuble querellé mais également au regard des compétences spécifiques de l'acquéreur ;

Or, il est constant que le « navire », en ce compris le navire de plaisance, est un meuble, doté d'une nationalité, qui fait l'objet d'une immatriculation auprès de l'administration d'un Etat qui lui octroie un pavillon ;

Aux termes de l'article L.316-1 du Code de la mer : « Les navires sont soumis aux règles de droit commun applicables aux biens meubles sous réserve des règles spéciales édictées dans la présente loi et ses ordonnances d'application.

Tout acte constitutif, translatif ou extinctif de la propriété ou de tout autre droit réel sur un navire francisé doit, à peine de nullité, être fait par écrit.

L'acte doit comporter des mentions propres à l'identification des parties intéressées et du navire ».

C'est la raison pour laquelle, tout navire doit être immatriculé auprès de la Direction des affaires maritimes conformément aux dispositions de l'article L. 413-2 du même code ;

Dès lors, tout acte de vente d'un navire doit contenir :

  • le nom et la désignation du navire,

  • les caractéristiques du navire,

  • l'identité du ou des propriétaires,

  • la copie de l'immatriculation.

C'est afin d'assurer la publicité de la propriété et de l'état des navires que le législateur prescrit la tenue de fichiers d'inscription des navires comportant pour chacun d'eux une « fiche matricule » sur laquelle figurent différentes informations dont le nom du propriétaire ainsi que certains actes, parmi lesquels ceux qui sont translatifs de propriété, et exige que l'immatriculation contienne tous les renseignements figurant sur cette fiche ;

En décidant de les immatriculer, le législateur a voulu leur donner un régime juridique assez proche de celui des immeubles qui ne peut être assimilé à celui des « meubles » prévus à l'article 2098 du Code civil qui repose sur l'idée que la propriété des meubles se manifeste fondamentalement aux yeux des tiers par la possession qu'on en a ;

Dès lors qu'une telle publicité est organisée relativement à certains meubles, la maxime de l'article 2098 ne se justifie plus, le tiers pouvant se renseigner utilement sur les droits de son auteur quant au meuble dont l'acquisition est envisagée ;

Aussi les navires faisant l'objet d'une publicité en douane échappent à l'application de la règle « en fait de meubles, la possession vaut titre » et il en va de même des navires de plaisance, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon le tonnage ;

Contrairement aux dires du défendeur, cette publicité est destinée à l'information des tiers et n'a pas une vocation purement administrative comme c'est le cas pour les véhicules ;

En conséquence, la maxime « en fait de meubles, possession vaut titre » n'est pas applicable à l'embarcation litigieuse, et il importe peu dès lors que m. GA. soit de bonne ou de mauvaise foi quant au bien-fondé de l'action en revendication ;

Il appartient dès lors au demandeur à la revendication de prouver qu'il est le véritable propriétaire ;

À l'appui de ses demandes, la SPA B verse aux débats six pièces justifiant pleinement son droit de propriété sur le navire litigieux, à savoir :

  • une facture, en date du 25 août 2008, de la SPA E émise au nom de la SPA C, signée par le fondé de pouvoir de la SPA E et authentifiée par notaire,

  • le contrat de crédit-bail n° ZZ du 8 août 2008,

  • le certificat d'immatriculation auprès du registre italien auprès duquel l'embarcation litigieuse demeure toujours inscrite mentionnant la SPA B comme propriétaire,

  • l'arrêt du 16 Décembre 2011 du Tribunal de Trévise condamnant la SARL D à restituer le navire à la SPA C,

  • la communication du 26 novembre 2013 par le curateur de dépôt du projet d'état du passif au Greffe et de l'acceptation de la demande en revendication du navire,

  • l'acte constitutif de la scission de transfert partiel de patrimoine du 17 décembre 2014,

alors que m. GA. ne produit pour sa défense aucun acte juridique prouvant sa propriété sur cette embarcation mais seulement :

  • un courriel de M. c. ZA., en date du 10 septembre 2010, lui adressant une fiche des caractéristiques du bateau visité le jour même,

  • un courriel de M. g. DI LU. du 4 octobre 2010 l'informant de l'existence du crédit-bail,

  • un courriel de Mme n. JO. de la SARL D du 15 octobre 2010 listant les documents nécessaires pour « le dossier de succession dans le leasing »,

  • un courriel de M. g. DI LU. du 21 février 2011 expliquant les conditions de rachat anticipé obtenu du crédit bailleur,

  • une facture de la SARL D du 2 mars 2011 pour un montant de 1.279.056,54 euros,

  • deux virements d'un montant respectif de 100.000 euros le 5 octobre 2010 et de 1.179.086,96 euros le 4 mars 2011,

  • un certificat international pour les bâtiments de plaisance à son nom pour le bateau dénommé U en date du 28 mai 2013,

  • des factures de frais d'amarrage au port de Cap d'Ail du 1e septembre 2015 au 31 janvier 2016.

Même si m. GA. reconnaît dans ses toutes dernières conclusions avoir été informé préalablement à la « cession » de ce que le navire était la propriété de la SPA C et que la SARL D n'en était que le crédit-preneur, il affirme toutefois que son acquisition était connue de la société crédit bailleur et a été effectuée avec son consentement ;

Dès lors, le Tribunal peut légitimement s'interroger sur les circonstances très particulières de l'acquisition de ce bateau dans le cadre d'un crédit-bail connu par le futur acquéreur, professionnel du droit, qui n'a sollicité de son vendeur l'établissement d'aucun acte translatif de propriété écrit ni la confirmation écrite par le crédit bailleur de son acceptation du rachat anticipé alors qu'il ne pouvait ignorer, du fait même de sa profession d'avocat, la règlementation et les publicités afférentes à ce type de vente ;

C'est la raison pour laquelle il est admis que lorsque les formalités de publicité légale prévues au bénéfice du crédit bailleur ont été régulièrement accomplies, l'entreprise de crédit-bail peut opposer aux ayants cause à titre onéreux de son client, ses droits sur les biens dont elle a conservé la propriété ;

En conséquence, m. GA., ayant-cause à titre onéreux du crédit-preneur dont il a acquis ses droits directement auprès de lui, ne peut bénéficier de la qualité de sous-acquéreur de bonne foi ;

Il s'ensuit que m. GA. n'est pas propriétaire de l'embarcation identifiée par le numéro de la coque (H. I. N) VV, baptisée aujourd'hui « U » et, en conséquence, il doit restituer ladite embarcation à son propriétaire, la SPA B, laquelle pourra à défaut de remise volontaire dans le délai d'un mois suivant la signification du présent jugement procéder à son appréhension forcée ;

  • Sur l'astreinte

Eu égard aux circonstances de l'espèce explicitées ci-dessus, il n'apparaît pas nécessaire d'assortir la restitution de l'embarcation dénommée « U » d'une astreinte ;

La SPA B sera donc déboutée de ce chef de demande ;

  • Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la privation de jouissance du bateau :

Privée de son navire depuis plus de cinq années tout en subissant la dépréciation de sa valeur, la SPA B sollicite une indemnité mensuelle égale à 10.000 euros à calculer sur la période échue ou à échoir depuis le 4 septembre 2015 jusqu'à la remise effective du navire ;

Cependant force est de constater qu'elle ne détaille pas les différents éléments à l'origine de sa demande ;

Pour autant, il est indéniable que la privation de jouissance de son bateau est constitutive d'un réel préjudice financier, lequel peut être évalué à la somme mensuelle de 5.000 euros depuis le 4 septembre 2015, date de la saisie conservatoire de l'embarcation, et ce jusqu'à remise effective de celle-ci entre ses mains avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

  • Sur la capitalisation des intérêts :

Conformément à la demande de la SPA B et en application de l'article 1009 du Code civil, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts en cas de convention spéciale ou de demande judiciaire comme en l'espèce ;

Dès lors les intérêts dus depuis plus d'une année s'incorporeront au capital et produiront eux-mêmes intérêts chaque année à la date anniversaire du présent jugement ;

  • Sur les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts formulées par m. GA. :

N'étant ni possesseur de bonne foi ni propriétaire de l'embarcation dénommée « U », m. GA. sera débouté de sa demande de remboursement du prix de vente de l'embarcation d'un montant de 1.279.056,54 euros qu'il a réglé auprès de la SARL D, crédit preneur, mais également de ses demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice d'agrément et de jouissance qu'il aurait subi, outre ceux au titre des frais d'entretien dudit bateau ;

Enfin, il sera également débouté de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros par application des articles 234 in fine du Code de procédure civile et 1229 du Code civil ;

  • Sur l'exécution provisoire :

Les conditions de l'article 202 aliéna 1er du Code de procédure civile n'étant pas réunies en l'espèce, il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

  • Sur les dépens

Partie succombante, m. GA. supportera les entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de Maître Patricia REY, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute m. GA. de sa demande tendant à obtenir le rejet des pièces n° 4, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15 et 21 produites par la SPA B ;

Dit que la SPA B est propriétaire de l'embarcation identifiée par le numéro de la coque (H. I. N) VV, baptisée aujourd'hui « U » ;

Ordonne à m. GA. de restituer l'embarcation identifiée par le numéro de la coque (H. I. N) VV, baptisée aujourd'hui « U » dans le mois qui suivra la signification du présent jugement à tout représentant mandaté de la SPA B ;

Dit qu'à défaut de remise volontaire de l'embarcation identifiée par le numéro de la coque (H. I. N) VV, baptisée aujourd'hui « U », la SPA B pourra procéder à son appréhension forcée par toutes voies de droit et avec l'assistance d'un Huissier de justice et de la Force Publique;

Dit n'y avoir lieu à assortir cette obligation d'une astreinte ;

Condamne m. GA. à payer à la SPA B à la somme mensuelle de 5.000 euros depuis le 4 septembre 2015 et jusqu'à remise effective dudit bateau entre ses mains avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, à titre de dommages et intérêts en réparation de sa privation de jouissance ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus depuis plus d'une année qui interviendra chaque année à la date anniversaire du présent jugement ;

Déboute m. GA. de ses demandes reconventionnelles ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

Condamne m. GA. aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de Maître Patricia REY, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, Madame Geneviève VALLAR, Premier Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Mme Emmanuelle PHILIBERT, Greffier ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 8 JUIN 2017, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabel DELLERBA, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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