Tribunal de première instance, 2 février 2017, Mme m. VA. BE. c/ Mme d. KN

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Droit international privé - Successions - Liquidation-partage - Liquidation du régime matrimonial - Ressortissants belges mariés en Autriche - Compétence des juridictions monégasques (non) - Procédure civile - Procédure abusive (oui)

Résumé🔗

Un conflit oppose la légataire universelle du défunt à son épouse. La première demande l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession, et préalablement la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre les époux. Le défunt, de nationalité belge avait établi son principal établissement en Belgique tant à la date du testament qu'à la date de son décès. La mention de sa domiciliation en cours à Monaco figurant au testament ne correspond pas à une réalité juridiquement opposable à son épouse. Par ailleurs, le capitaine chargé du service des résidents à la direction de la Sûreté Publique a attesté qu'il n'y avait pas, et qu'il n'y a jamais eu, de dossier de demande et qu'aucune carte de résident n'a été délivrée au nom du défunt. En l'absence de domicile du défunt à Monaco à la date de son décès, sa succession n'a pas été valablement ouverte à Monaco, et le tribunal de première instance n'est donc pas compétent pour en connaître. Par ailleurs, ce Tribunal n'est pas davantage compétent pour connaître d'une demande de liquidation du régime matrimonial concernant deux ressortissants belges mariés en Autriche, en l'absence de tout bien à Monaco. Enfin, le risque de conflit négatif visé par le jugement de ce tribunal, qui a ordonné le sursis à statuer, est désormais écarté puisque la Cour d'appel de Bruxelles s'est déclarée compétente, avec effet dévolutif. A cet égard, il importe peu qu'elle n'ait pas encore statué sur la recevabilité des prétentions de la légataire requérante. En conséquence, le tribunal fait droit à l'exception d'incompétence des juridictions monégasques soulevée par l'épouse.

En l'espèce, la légataire requérante a d'abord saisi la juridiction belge. Alors que cette procédure n'était pas terminée, elle a ensuite assigné son adversaire devant la juridiction monégasque, tout en niant devant cette dernière la compétence des juridictions belges. Enfin, elle a d'abord envisagé, après le prononcé de la décision de la cour d'Appel de Bruxelles retenant sa compétence, une radiation ou un désistement de l'instance introduite par ses soins en sollicitant à cet effet plusieurs renvois. Elle s'est finalement ravisée après le refus de la partie adverse de déroger au principe posé par l'article 412 du Code de procédure civile. Les parties ont alors conclu sur la compétence et l'affaire a été fixée à plaider. Un tel comportement démontre tant la mauvaise foi de la légataire que le caractère abusif de sa procédure. Le dommage en résultant pour l'épouse est réparé par le versement d'une somme de 10 000 euros, à titre de dommages et intérêts.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

N° 2013/000473 (Assignation du 25 mars 2013)

JUGEMENT DU 2 FEVRIER 2017

En la cause de :

  • Mme m. VA. BE., née le 6 mars 1955 à Ixelles (Belgique), de nationalité belge, sans profession, domiciliée à Monaco (98000) - X1,

DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

  • Mme d. KN, née le 3 décembre 1942 à Hove (Royaume-Uni), de nationaltié belge, sans profession domiciliée en Suisse (CH - 3963) - X2,

DÉFENDERESSE, ayant élu domicile en l'étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par Maître Séverine FERRY, avocat au barreau de Nice,

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 25 mars 2013, enregistré (n° 2013/000473) ;

Vu le jugement avant-dire-droit rendu par ce Tribunal en date du 16 septembre 2014 ayant notamment sursis à statuer sur l'ensemble des demandes formées dans le cadre de la présente instance dans l'attente d'une décision définitive des juridictions belges statuant sur leur compétence ;

Vu les conclusions de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de d. KN, en date des 17 juillet 2015 et 27 octobre 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de m. VA. BE., en date du 26 novembre 2015 puis celles de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, pour cette même partie en date des 17 décembre 2015 et 24 novembre 2016 ;

À l'audience publique du 1er décembre 2016, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 2 février 2017 ;

EXPOSÉ DU LITIGE :

  • Les faits constants :

p. KN de nationalité belge a contracté mariage le 4 mars 1986, avec d. KN veuve DE PA., de nationalité belge, à l'hôpital de Vienne (Autriche), alors qu'il était hospitalisé pour avoir été grièvement blessé à la suite d'un attentat commis par le groupe terroriste « Z ».

Par acte sous seing privé signé le 3 mars 1986, veille du mariage, ils ont adopté un régime de séparation de biens, acte dont la validité est contestée par la demanderesse.

Les époux se sont rapidement séparés, d. KN vivant dans sa propriété « Y » en Belgique ou bien en France, partageant la vie du parfumeur j-p. G. durant de longues années, tandis que p. KN partageait celle de m. VA. BE. elle-même de nationalité belge, en Belgique et en Principauté de Monaco.

d. KN a diligenté plusieurs procédures visant à faire annuler le mariage et à voir prononcer le divorce, sans qu'aucune ne prospère.

Aux termes d'un testament authentique en date du 7 septembre 2009 reçu par Maitre h. R., notaire à Monaco, p. KN a institué m. VA. BE. sa légataire universelle.

d. KN a contesté en justice la validité de cet acte, pour ne pas avoir été enregistré en Belgique.

p. KN est décédé en Belgique, a Woluwe-Saint-Lambert le 20 Janvier 2010.

Sa succession a été ouverte à Monaco en l'étude de Maitre m. C-A., notaire.

À la suite du décès de p. KN, d. KN a épousé m. RU..

Le 26 avril 2010, m. VA. BE. a accepté la succession de feu p. KN sous bénéfice d'inventaire, aux termes d'une déclaration faite au greffe de la cour d'appel de Monaco.

Afin de reconstituer la masse successorale, le notaire a tenté au préalable, de procéder à la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre p. et d. KN, ce à quoi cette dernière s'est formellement opposée.

Selon l'estimation établie le 19 mars 2013 par Monsieur LA. comptable fiscaliste belge, la fortune du couple KN, principalement composée d'actifs reçus par d. KN au cours des 25 années de mariage, s'élèverait à la somme de 450.627.623 €.

  • La procédure antérieure :

Le 6 octobre 2010, m. VA. BE. a assigné d. KN devant le Tribunal de première instance de Bruxelles (Belgique) afin d'obtenir la liquidation, et le partage du régime matrimonial ayant existé entre p. KN et d. KN.

Par décision du 26 octobre 2012, le Tribunal de première instance de Bruxelles s'est, d'office, aucune exception d'incompétence n'ayant été soulevée, déclaré territorialement incompétent pour connaitre de l'affaire, estimant que le litige relevait de la compétence des juridictions monégasques.

d. KN a relevé appel de cette décision devant la cour d'appel de Bruxelles.

Selon acte d'huissier du 25 mars 2013, m. VA. BE. a assigné d. KN devant le Tribunal de première instance de Monaco aux fins de le voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

  • - procéder aux opérations de liquidation, compte et partage de la succession de p. KN et ordonner le transfert de l'intégralité du patrimoine du de cujus au profit de la légataire universelle ;

  • - prononcer la liquidation du régime matrimonial de la communauté légale de droit belge ayant existé entre d. KN et p. KN, avec toutes conséquences de droit, notamment à l'effet de régler la succession de p. KN ;

  • - désigner Maitre C-A., Notaire à Monaco, pour procéder aux dites opérations ;

  • - dire qu'il pourra dresser un inventaire des biens composant la communauté des époux KN ;

  • - dire qu'il déterminera la part de cette communauté revenant à feu p. KN, donc à sa légataire universelle m. VA. BE. ;

  • - dire dès lors que l'intégralité des biens dépendant de la succession de p. KN revient à m. VA. BE. es qualité ;

  • - condamner d'ores et déjà d. KN à lui verser une provision de 15.000.000 d'euros à valoir sur la liquidation de ses droits successoraux ;

  • - condamner d. KN à lui transférer l'intégralité du patrimoine revenant à p. KN dépendant de la succession, avec intérêts au taux légal à compter de la date du décès jusqu'à parfait paiement, et à défaut, la condamner à lui en payer la contrevaleur sous forme de dommage et intérêts avec intérêts à compter du 20 Janvier 2010 jusqu'à parfait paiement;

  • - la condamner à lui payer la somme de 1.000.000 euros à titre de légitimes dommages et intérêts;

m. VA. BE. y exposait qu'ayant été instituée légataire universelle par p. KN dans les conditions prévues par les articles 860 et suivants du Code civil, et en l'absence d'héritier réservataire au sens des articles 780 et suivants du code civil, elle a vocation à recevoir tous les biens, droits et actions du de cujus à la date de son décès, en ce compris ceux qui dépendent de la communauté ayant existé entre lui et d. KN, qui les conserve indument depuis des années.

d. KN s'est opposée à cette procédure en présentant notamment in limine litis une demande tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur le tout dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Bruxelles, saisie antérieurement et tendant au même objet à savoir à la liquidation partage du régime matrimonial.

Par jugement rendu le 16 septembre 2014, la présente juridiction a sursis à statuer sur l'ensemble des demandes formées dans le cadre de la présente instance, dans l'attente d'une décision définitive des juridictions belges statuant sur leur compétence, et renvoyé la cause et les parties à l'audience du 10 décembre 2014 à 9 heures.

Par arrêt du 11 juin 2015, la cour d'appel de BRUXELLES a ainsi statué :

« Déclare l'appel de Mme d. KN et de M. g. m. RU. recevable et fondé sur la question du pouvoir de juridiction des cours et tribunaux belges pour connaître de la cause ;

En conséquence,

Met le jugement entrepris à néant,

Statuant à nouveau,

Se déclare internationalement compétente et saisie du surplus de la cause en vertu de l'effet dévolutif de l'appel,

Avant dire droit pour le surplus

Dit la demande formée par Mme VA. BE. sur pied de l'article 19, alinéa 3 du Code judiciaire recevable, mais la mesure d'instruction sollicitée inutile à la détermination des juridictions internationalement compétentes pour connaître des demandes principales, en intervention, et reconventionnelle originaires ;

Renvoie la cause au rôle particulier en vue de sa redistribution à la 43ème chambre de la cour qui examinera si la mesure d'instruction sollicitée est utile à la solution à apporter au litige et, dans l'affirmative, si elle est ou non couverte par le secret professionnel pesant sur les notaires et sur l'administration fiscale ».

C'est en cet état que l'affaire a été appelée à l'audience d'appel des causes du tribunal de première instance de Monaco du 8 juillet 2015.

m. VA. BE. a fait déposer des conclusions de déconstitution le 25 novembre 2015, et des « conclusions en réponse aux conclusions aux fins d'incompétence des juridictions monégasques » de d. KN, le 17 décembre 2015, des « conclusions additionnelles en réponse aux nouvelles conclusions additionnelles aux fins d'incompétence des juridictions monégasques » de la défenderesse le 24 novembre 2016.

Aux termes de celles-ci elle demande au tribunal de :

  • Conclusions du 17 décembre 2015 :

Avant-dire droit sur la question de la compétence des juridictions monégasques,

Ordonner à Madame d. KN de produire aux débats une copie certifiée conforme par le notaire p. NI. ou le notaire b. CO. du courrier qu'ils avaient adressé au nom de Madame d. KN au Service public fédéral Belge Finances Bureau de l'enregistrement de BRUXELLES II en réponse à l'interpellation adressée à Madame KN et à Madame VA. BE. au mois de janvier 2013 ;

À titre tout à fait subsidiaire, si le tribunal estimait que cette pièce ne devrait pas être produite- quod non- rouvrir les débats afin que les parties puissent conclure et plaider sur la base de l'ensemble des autres pièces permettant d'établir la résidence habituelle de Monsieur KN au jour de son décès ;

Voir réserver les dépens en fin de cause.

  • Conclusions du 24 novembre 2016 :

Statuant sur la demande telle qu'elle est formulée à titre principal par Madame KN ;

  • - Déclarer cette demande non fondée en écartant l'exception de litispendance internationale soulevée par Madame KN ;

  • - En tout état de cause, constater que la cour d'appel de Bruxelles ne s'est pas encore prononcée sur l'exception soulevée par Madame KN d'une prétendue irrecevabilité des demandes introduites par Madame VA. BE. devant les juridictions belges en manière telle qu'il n'est pas encore acquis de manière certaine que c'est la Cour d'appel de Bruxelles qui se prononcera sur ces demandes ;

  • - En tout état de cause, voir dire et juger que l'exception de litispendance n'est pas admise par les juridictions monégasques et en conséquence, rejeter cette exception ;

Statuant sur les demandes relatives aux dommages et intérêts et aux dépens de l'instance formulées par Madame KN ;

  • - Surseoir à statuer sur ces demandes jusqu'à ce que le tribunal soit en mesure de trancher la question de la compétence internationale des juridictions monégasques pour connaître des demandes qui lui avaient été soumises en mars 2013 par Madame VA. BE. ;

  • - Voir réserver les dépens en fin de cause.

Elle soutient dans ses conclusions du 17 décembre 2015 que :

  • Le fait que la Cour d'appel de Bruxelles, dans la procédure diligentée par elle suivant citation du 6 octobre 2010, se soit déclarée compétente pour connaître des demandes relatives à la liquidation de la succession de p. KN et la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre lui et d. KN, n'influe pas sur le fait que les juridictions monégasques peuvent également être compétentes ;

  • La juridiction monégasque doit se déterminer sur sa compétence au regard du seul droit monégasque ;

  • C'est à tort que d. KN tente de dissocier liquidation de la succession et liquidation de son régime matrimonial dès lors que lorsqu'une personne décède la liquidation de son régime matrimonial devient l'un des éléments de la succession de sorte que la juridiction compétente pour liquider la succession est nécessairement compétente pour liquider le régime matrimonial ;

  • La juridiction monégasque est compétente en application des articles 3-3° du Code de procédure civile monégasque et de l'article 83 du Code civil du fait que la succession s'est ouverte à Monaco ;

  • C'est à tort que d. KN soutient que p. KN n'était pas domicilié à Monaco au jour de son décès au motif qu'il aurait conservé sa résidence habituelle en Belgique, qu'elle a soutenu qu'il résidait à Monaco dans un courrier qu'elle a elle-même adressé par l'intermédiaire de son notaire à l'administration fiscale belge, en réponse à une interpellation de cette administration, ou elle expliquait qu'au jour de son décès il résidait à Monaco ou en tout cas que sa succession ne s'était pas ouverte en Belgique parce qu'il n'y habitait pas à son décès ;

  • En l'état des explications fournies par le notaire de d. KN, l'administration belge a conclu que la succession de p. KN est effectivement ouverte à Monaco et qu'elle dépend de la compétence des juridictions de la Principauté ;

  • d. KN manque de ce fait à l'obligation de contribuer avec loyauté à la manifestation de la vérité dans la procédure ;

  • Il ne peut donc être statué sur la résidence à Monaco de p. KN tant que cette pièce n'est pas produite ;

Dans ses conclusions du 24 novembre 2016, elle fait valoir que :

  • L'argumentaire de d. KN tend à faire consacrer une exception de litispendance internationale que ne reconnaît pas la jurisprudence monégasque ;

  • Il n'est nullement acquis, en l'état de l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles que les juridictions belges ne déclarent pas irrecevables ses propres demandes, et dans cette hypothèse, seule la juridiction monégasque demeurerait saisie, de sorte que cette dernière n'a pas à prendre en compte le dit arrêt pour retenir sa propre compétence ;

  • Elle conteste les imputations de perfidie et de dénaturation des documents visés formulée à son encontre dans les conclusions de d. KN relativement à l'échange avec l'administration fiscale belge à l'occasion duquel d. KN a reconnu le domicile à Monaco du défunt au jour de son décès ;

  • En vertu du principe dit d'« estoppel » d. KN ne peut dorénavant prétendre le contraire ;

  • La demande en dommages et intérêts de d. KN est « ahurissante » car après l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles, c'est d. KN qui a fait rappeler la procédure devant le tribunal de première instance de MONACO, alors que dans le même temps elle persiste à soulever l'irrecevabilité des demandes de Madame VA. BE. devant la cour d'appel de BRUXELLES qui a dès lors intérêt à ce que les juridictions monégasques ne se déclarent pas incompétentes ;

d. KN a fait déposer le 20 juillet 2015 des « conclusions aux fins d'incompétence des juridictions monégasques » par lesquelles elle demande au tribunal de :

In limine litis

  • Se déclarer incompétent pour connaître des demandes de m. VA. BE. aux fins de procéder à la liquidation partage du régime matrimonial des époux KN (et au demeurant déterminer au préalable quel était le régime matrimonial des époux), demandes identiques à celles dont est saisie la Cour d'appel de Bruxelles, ainsi qu'à la liquidation partage de la succession de feu p. KN ;

  • Débouter m. VA. BE. de sa demande de dommages et intérêts ;

  • Condamner m. VA. BE. aux dépens dont distraction au profit de Maître Didier ESCAUT, Avocat-Défenseur

Par ses conclusions du 27 octobre 2016 elle sollicite en outre de voir :

  • Débouter m. VA. BE. de l'intégralité de ses demandes ;

À titre subsidiaire, si le tribunal estimait devoir statuer sur son éventuelle compétence internationale et ce malgré l'arrêt définitif de la Cour d'Appel de Bruxelles,

  • Ordonner la réouverture des débats afin que les parties puissent conclure et plaider sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande nouvelle de production de pièce formulée par m. VA. BE. (et ce après rejet de cette même demande par les juridictions belges) ;

En toutes hypothèses,

  • Débouter m. VA. BE. de sa demande de dommages et intérêts ;

  • Condamner m. VA. BE. au paiement de la somme de 20.000¿ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

  • Condamner m. VA. BE. aux dépens dont distraction au profit de Maitre Didier Escaut, Avocat-Défenseur ;

Elle fait valoir que :

  • Sa demande est recevable sur le fondement de l'article 4 du Code de procédure civile ;

  • La demande adverse tendant à lui enjoindre, avant-dire droit sur la compétence, de produire une pièce, est nouvelle devant la juridiction monégasque car émise après trois ans de procédure, et dénuée d'intérêt au motif que le juge des référés du tribunal de première instance de Bruxelles en a déjà débouté m. VA. BE. le 3 mars 2014, que la cour d'appel de Bruxelles à qui elle a été à nouveau soumise l'a rejetée dans son arrêt en page 5, et alors que ces décisions qui n'ont pas fait l'objet de recours de la part de celle-ci sont désormais définitives ;

  • Cette demande repose sur une dénaturation perfide et malhonnête des propos relevant de ce courrier et de la position adoptée par l'administration fiscale ;

  • Les parties sont en l'état de l'arrêt de la cour d'appel de BRUXELLES du 11 juin 2015, à l'encontre duquel m. VA. BE. n'a exercé aucun recours, de sorte que l'entier litige va être jugé par cette cour d'appel ;

  • m. VA. BE. ne justifie pas en droit de la compétence de la juridiction monégasque pour connaître de la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre les époux KN faute de disposition légale en ce sens, à supposer que l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu par le tribunal de première instance de BRUXELLES le 4 février 1991 puisse être remise en cause ;

  • Contrairement aux prétentions de m. VA. BE., le domicile du défunt se trouvait en Belgique au moment de son décès et non à Monaco et à cet égard, les éléments sur la présence sporadique de celui-ci à Monaco sont impuissants à démontrer l'existence d'un domicile au sens de la loi, notamment le défaut de certificat de résidence ou de carte de séjour de résident ;

  • Il est démontré au contraire que le défunt n'avait pas son établissement principal en Principauté, notamment par les éléments de deux procédures remontant à 2006 et 2007 ou p. KN est indiqué par m. VA. BE. elle-même comme domicilié en Belgique, à 1000 Bruxelles, X4, adresse qu'il revendique lui-même dans cette même procédure ;

  • L'ensemble des éléments relatifs au domicile et aux séjours du défunt traduisent la mauvaise foi de m. VA. BE. et ses assertions mensongères ; ainsi, le service des résidents à Monaco a confirmé le défaut de demande de carte de résident.

  • En tant que de besoin sur le fond, cette mauvaise foi se traduit également par la revendication d'une créance contre la communauté ayant existé entre les époux KN alors qu'ils étaient mariés sous le régime de la séparation des biens.

SUR CE,

  • Sur la demande de production de pièces :

m. VA. BE. demande qu'avant-dire droit sur la compétence, il soit ordonné à son adversaire de produire une pièce qu'elle estime de nature à faire la preuve de la reconnaissance par d. KN de ce que le domicile de son époux se trouvait à Monaco et non en Belgique.

Selon m. VA. BE. la pièce concernée consisterait en un courrier du notaire de d. KN, adressé à l'administration fiscale belge en janvier 2013.

La détermination du domicile du défunt à la date de son décès survenu le 23 janvier 2010 ne saurait résulter que d'éléments de fait traduisant au sens de la loi monégasque que celui-ci y avait fixé son principal établissement et qui doivent être recherchés dans les actes de celui-ci l'y rattachant.

C'est donc à l'aune du comportement de p. KN que le tribunal doit statuer.

La production demandée, censée éclairer la juridiction sur le seul point de vue que d. KN aurait formulé à cet égard trois ans après le décès est donc particulièrement dénuée d'utilité, de sorte que la demande doit être rejetée.

  • Sur les contestations relatives à la compétence des juridictions :

Liminairement, il convient de préciser qu'il n'existe pas d'accord bilatéral entre Monaco et la Belgique ni d'adhésion par MONACO à un texte multilatéral auquel la Belgique serait partie ou auquel elle aurait adhéré, et qui fixerait à leur égard des règles de droit international privé de conflit.

En l'absence de norme supra nationale, la fixation des règles de droit international privé relève des prérogatives de la souveraineté et doivent donc être recherchées dans le droit monégasque.

Les règles monégasques de droit international privé relativement à la compétence territoriale des juridictions monégasques sont fixées pour l'essentiel par les articles 1er à 5 bis.

Pour ce qui intéresse le présent litige :

  • L'article 1er du Code de procédure civile dispose à titre général que « Les tribunaux de la Principauté exercent la juridiction, soit à l'égard des monégasques, soit à l'égard des étrangers, suivants les règles déterminées par les dispositions suivantes. »

En l'espèce tant m. VA. BE. que d. KN sont de nationalité Belge.

L'article 3- 3° du même code comprend encore par ailleurs que les tribunaux de la Principauté « connaissent, en outre, quel que soit le domicile du défendeur :

* 3° Des actions relatives à une succession ouverte dans la Principauté, jusqu'au partage définitif, s'il s'agit de demandes entre cohéritiers ; et pendant un délai de deux années à compter du décès, s'il s'agit de demandes formées par des tiers contre un héritier ou un exécuteur testamentaire ; »

Enfin selon l'article 83 du Code civil le lieu ou la succession s'ouvre est celui du domicile du défunt.

Les écritures de m. VA. BE. suggèrent une interprétation inversée de ce texte suivant laquelle la saisine d'un notaire à Monaco pour se faire attribuer le legs universel dont elle bénéficie caractérise suffisamment le domicile du défunt.

Il ne peut être tiré de ce texte un critère de rattachement artificiel qui aboutirait en l'espèce à faire dépendre la compétence des juridictions monégasques de la décision de la demanderesse de charger un notaire monégasque du règlement de la succession de feu p. KN.

En effet, en l'espèce, s'il n'est pas sérieusement discutable que dans le cadre de sa relation avec m. VA. BE., feu p. KN a effectué des séjours à Monaco, de tels séjours sont insuffisants à rapporter la preuve de ce qu'il avait fixé son domicile en Principauté dans des conditions légalement indiscutables à la date de son décès.

Ainsi, outre qu'il n'est ni allégué ni encore moins établi qu'il avait la qualité de résident à Monaco, le libellé du testament authentique dressé le 7 septembre 2009 devant Maître h. R. exclut expressément qu'il y ait été régulièrement domicilié à cette date dans la mesure où il précise qu'il était « en cours de domiciliation en principauté de Monaco, où il demeure actuellement X3 », aucun élément n'étant non plus produit pour établir la réalité de cette adresse et la nature du titre d'hébergement correspondant qui corroborerait cette domiciliation.

À l'inverse, d. KN fait valoir avec pertinence qu'en droit monégasque, le domicile s'entend du lieu du principal établissement ainsi qu'il résulte de l'article 78 du Code de procédure civile, qu'il en est de même en droit belge selon l'article 110 du Code civil belge, que son époux est décédé le 23 janvier 2010 à Woluwe Saint Lambert en Belgique.

Concernant la période qui a précédé le décès, elle verse au débat de multiples pièces démontrant l'étendue du lien qui existait entre p. KN et la Belgique quant au choix de son principal établissement: elle fait ainsi valoir que son numéro de téléphone portable était un numéro belge, qu'il était titulaire d'un bail en Belgique à 1000 Bruxelles, X4 dont les loyers se sont trouvés impayés et pour lequel le propriétaire a mené une procédure afin de récupérer le logement et les sommes dues, les clés n'ayant été pourtant été restituées que le 30 avril 2010 à la suite d'une « convention de résiliation amiable » entre m. VA. BE. et le bailleur.

Elle démontre également qu'un mois avant son décès soit le 1er décembre 2009, p. KN avait demandé à être réinscrit à l'adresse belge située à 1000 Bruxelles, X4 ce qui résulte de la pièce n°27 de m. VA. BE..

Il est ainsi suffisamment établi que p. KN avait établi son principal établissement en Belgique tant à la date du testament qu'à la date de son décès et il en résulte que la mention de sa domiciliation en cours à Monaco figurant au testament du 7 septembre 2009 ne correspond pas à une réalité juridiquement opposable à d. KN.

Enfin le tout est encore confirmé par un procès-verbal d'interpellation par voie d'huissier désigné par une ordonnance présidentielle sur requête en date du 7 mars 2014, dressé le 14 mars 2014, suivant lequel le capitaine chargé du service des résidents à la direction de la Sûreté Publique a déclaré « qu'il n'y avait aucun dossier en instance ; qu'il n'y avait jamais eu de demande et aucune carte de résident délivrée aux noms de : p. KN, p. l. KN, p. l. KN ».

En l'absence de domicile du défunt à Monaco à la date de son décès, la succession de p. KN n'a pas été valablement ouverte à Monaco, et le tribunal de première instance n'est donc pas compétent pour en connaître.

En outre, la procédure diligentée par m. VA. BE. vise également à faire procéder, préalablement aux opérations de la succession, à la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre le défunt et d. KN.

Cependant, en considération des dispositions du droit international privé monégasque qui fixent limitativement la nature des actions entre étrangers pouvant entrer dans le champ de compétence des juridictions monégasques, le tribunal de première instance n'est pas compétent pour connaître d'une demande de liquidation du régime matrimonial concernant deux ressortissants belges mariés en Autriche, en l'absence de tout bien à Monaco.

En définitive, il ne peut être retenu aucun critère de compétence de la juridiction monégasque, ni au titre des personnes concernées, ni au titre de la nature de la procédure.

Enfin, le risque de conflit négatif visé par le jugement de ce tribunal du 16 septembre 2014 qui a ordonné le sursis à statuer est désormais écarté puisque la Cour d'appel de Bruxelles s'est déclarée compétente, avec effet dévolutif, peu important qu'elle n'ait pas encore statué sur la recevabilité des prétentions de m. VA. BE..

En conséquence, il doit être fait droit à l'exception d'incompétence des juridictions monégasques soulevée par d. KN

  • Sur les demandes réciproques des parties en dommages et intérêts :

La demande de dommages et intérêts de m. VA. BE. qui n'avait de sens qu'en cas de succès de sa demande principale doit également être rejetée.

d. KN sollicite l'allocation d'une somme de 20.000¿ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

En l'espèce, m. VA. BE. a d'abord saisi la juridiction belge et alors que la procédure n'était pas terminée, a assigné son adversaire devant la juridiction monégasque, tout en niant devant celle-ci la compétence des juridictions belges.

Enfin après avoir envisagé dans un premier temps, après le prononcé de la décision de la cour d'Appel de Bruxelles retenant sa compétence une radiation ou un désistement de l'instance introduite par ses soins en sollicitant à cet effet plusieurs renvois, m. VA. BE. s'est finalement ravisée en l'état du refus de d. KN de déroger au principe posé par l'article 412 du Code de procédure civile en suite de quoi les parties ont conclu sur la compétence et l'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 1 décembre 2016

Outre sa mauvaise foi, le caractère abusif de sa procédure est ainsi suffisamment démontré et le préjudice subi par d. KN sera légitimement réparé par l'allocation d'une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

  • Sur les dépens :

m. VA. BE. qui succombe sera condamnée aux dépens avec distraction au profit de Maître Didier ESCAUT, Avocat-Défenseur ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,

Vu les articles 3 du Code de procédure civile et 83 du Code civil ;

Se déclare incompétent pour procéder à l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de p. KN et préalablement à la liquidation du régime matrimonial ayant existé entre p. KN et son épouse d. KN ;

Condamne m. VA. BE. à payer à d. KN la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamne m. VA. BE. aux dépens et dit qu'il en sera opéré distraction au profit de Maître Didier ESCAUT, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, Madame Geneviève VALLAR, Premier Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Mademoiselle Marine PISANI, Greffier en chef adjoint ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 2 FEVRIER 2017, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Isabel DELLERBA, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

  • Consulter le PDF