Tribunal de première instance, 26 janvier 2017, La Société A c/ M. Jean-Paul SAMBA et autres
Abstract🔗
Créancier – Inscription de créance – Décision d'admission de créance litigieuse – Effets
Cautionnement – Nullité (non) – Conditions
Banque – Soutien abusif (oui) – Conditions – Dommages-intérêts (non)
Cautionnement – Décharge par subrogation (oui) – Conditions
Résumé🔗
Il est constant en droit monégasque que « si la jurisprudence considère que l'inscription d'un créancier à l'état des créances d'une faillite revêt l'autorité de la chose jugée, il est généralement reconnu que l'irrévocabilité de l'admission ne joue qu'à l'égard de la masse et non à l'égard des créanciers qui ne font pas partie de cette masse, ni des tiers auxquels l'admission est inopposable, car qu'on n'y voie un contrat ou une décision judiciaire, elle ne peut avoir qu'un effet relatif » (arrêt de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco du 1er juillet 1980). Il s'ensuit que l'inscription à l'état de créance est inopposable aux tiers, que le principe de l'irrévocabilité de l'admission n'a pas un caractère absolu et que l'autorité de la chose jugée de la décision du juge commissaire a un caractère relatif. En l'espèce, la SAM A a déposé l'état de sa créance le 29 mai 2013 pour un montant de 1.082.876,08 euros arrêté au 28 mai 2013, à titre privilégié, mais n'a été admise par le syndic que pour la somme de 677.317,70 euros, aucune réclamation n'ayant été faite par la banque. Le 16 août 2012, r. N est décédé laissant son épouse et ses deux enfants pour héritiers. En tant que caution solidaire, r. N est un tiers et a fortiori ses héritiers. En application du droit positif monégasque, la décision judiciaire d'admission de créance n'a qu'un effet relatif envers la caution solidaire qui peut la contester. Dès lors, l'admission de la créance litigieuse ne revêt aucune autorité de la chose jugée envers l'hoirie N.
S'agissant en l'espèce d'un acte de cautionnement conclu en Principauté de Monaco et susceptible d'y être exécuté, il convient de lui appliquer les règles du cautionnement instituées par les articles 1850 et suivants du Code civil monégasque. Or, en droit monégasque, il n'existe point à la charge du banquier une obligation légale d'information de la caution. Le principe demeure qu'une caution est tenue de se renseigner elle-même sur l'évolution de la situation du débiteur qu'elle garantit, écartant ainsi toute obligation d'information de la banque à son égard sur ce point. Toutefois, la question de l'information donnée à la caution peut être appréciée dans le cadre de l'existence de vices du consentement prévus à l'article 971 du Code civil ou d'une violation aux dispositions de l'article 989 du Code civil. En l'espèce, l'acte de cautionnement ne souffrait d'aucune cause de nullité au moment de sa signature par r. N le 5 octobre 1988.
Se fondant sur les dispositions de l'article 989 du Code Civil qui énonce « les conventions doivent être exécutées de bonne foi », la hoirie N soutient que la banque a financé l'activité déficitaire de j. N en maintenant abusivement son concours financier portant de facto préjudice à la caution. Au préalable, il convient de rappeler qu'à ce stade (exécution du contrat), seule la responsabilité de la banque peut être éventuellement retenue et donner lieu à réparation sous la forme de dommages et intérêts, excluant par là même toute nullité de l'acte litigieux. Il est constant que la responsabilité du banquier peut être engagée en cas d'aggravation du passif du débiteur principal aussi bien par l'octroi de crédits nouveaux que par le maintien de crédits déjà ouverts, étant acquis que le banquier doit résilier l'ouverture de crédit préalablement consentie lorsqu'il découvre que le débiteur est en situation désespérée. Il s'ensuit que la vigilance du banquier est requise non seulement lors de l'octroi du crédit mais encore tout au long de l'exécution de celui-ci. Ainsi, il a été jugé qu'une banque engageait sa responsabilité pour soutien abusif si elle apportait un concours financier à une entreprise dont la situation était irrémédiablement compromise, ce qu'elle savait ou aurait dû savoir. En l'espèce, pour rechercher l'éventuelle existence d'un maintien de crédit en présence d'une situation irrémédiablement compromise, il convient d'examiner la situation financière de j. N postérieurement à l'acte de cautionnement. En l'espèce, s'il est manifeste que par son attitude fautive, l'établissement bancaire a permis la poursuite artificielle d'une activité irrémédiablement compromise maintenant une apparence trompeuse de solvabilité, engageant sa responsabilité, force est de constater que les défendeurs à la présente procédure ne sollicitent aucune condamnation pécuniaire à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. En conséquence, cette responsabilité bancaire ne peut être mise en oeuvre.
L'hoirie N critique le comportement fautif de la banque qui n'a pas exigé l'inscription de l'hypothèque sur les quatre appartements appartenant à j. N dès le premier incident de paiement en octobre 1989. En réplique, l'établissement bancaire estime que la garantie constituée par cette promesse d'hypothèque n'était qu'envisagée de façon conditionnelle et n'a finalement jamais été donnée par j. N : elle n'a donc pas pu faire perdre à la caution le bénéfice d'une garantie qui n'a jamais existé. Aux termes de l'article 1876 du Code Civil, « la caution est déchargée, lorsque la subrogation au droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ». Pour que le bénéfice de subrogation puisse jouer, il faut que plusieurs conditions soient réunies : une faute du créancier entraînant un dépérissement de droits préférentiels et un dépérissement qui fasse naître un préjudice pour la caution. En effet, cet article, qui n'établit aucune distinction entre la caution simple et la caution solidaire, subordonne la déchéance du créancier à une faute de sa part et s'applique aussi bien au cas où c'est par simple négligence du créancier que la subrogation est devenue impossible qu'au cas où cette impossibilité proviendrait d'un fait direct et positif de sa part, étant précisé que la faute du créancier, génératrice de la déchéance de son droit, doit être la cause exclusive de la perte du droit préférentiel de la caution. Toutes les fois que la caution se prévaut d'une faute commise par le créancier dans ses rapports avec le débiteur principal, elle peut prétendre à une décharge. Il n'y a plus à se demander si le préjudice subi est direct ou indirect, s'il a ou non été déjà indemnisé. La caution est alors déchargée et le créancier fautif n'est plus condamné à des dommages et intérêts : la décharge directe fonctionne comme une réparation en nature. Ainsi, la caution peut procéder par voie de défense au fond pour demander à être déchargée du cautionnement.
Il lui appartient alors d'indiquer quel droit précis, susceptible de permettre une subrogation, a été perdu du fait de la seule inaction du créancier mais aussi de démontrer que les garanties existaient antérieurement au cautionnement ou que le créancier s'était engagé à les prendre. Au surplus, il est constant que le créancier, bénéficiaire d'une pluralité de sûretés, commet une faute à l'égard de la caution en préférant l'appeler en garantie plutôt que de réaliser les autres sûretés, dont il bénéficie, qui viendraient en déduction de l'engagement de la caution. Pour invoquer l'exception du bénéfice de subrogation, il appartient à la caution, d'une part, de rapporter la preuve que la subrogation a été rendue impossible par le fait exclusif du créancier et, d'autre part, de démontrer le préjudice subi. Quant au créancier, il lui appartient, pour ne pas encourir la déchéance de ses droits contre la caution, d'établir le défaut d'exclusivité de sa faute et/ou l'absence de conséquences préjudiciables de celle-ci. Il s'ensuit que lorsque, concomitamment, le créancier se garantit par un cautionnement et bénéficie d'une sureté réelle provisoire ou d'une promesse d'hypothèque, il s'oblige envers la caution à rendre cette sûreté définitive : le créancier ne peut donc plus se borner à agir dans son strict intérêt personnel mais doit prendre en compte les intérêts de la caution. En l'espèce, il est manifeste que le comportement exclusivement fautif de la banque a fait perdre un droit préférentiel à la caution, ce qui lui a causé un réel préjudice en sorte que l'hoirie N doit bénéficier d'une décharge totale.
Motifs🔗
TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
JUGEMENT DU 26 JANVIER 2017
En la cause de :
La société anonyme monégasque B devenue depuis société anonyme monégasque F aux droits de laquelle vient désormais la société anonyme monégasque dénommée A, dont le siège social se trouve X1 à Monaco, prise en la personne de son président délégué en administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,
DEMANDERESSE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître j.-Pierre LICARI, avocat-défenseur près cette Cour d'appel et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'une part ;
Contre :
1 - M. Jean-Paul SAMBA, ès-qualités de syndic de la liquidation des biens de M. j. N, demeurant en cette qualité 9 avenue des Castelans à Monaco ;
PARTIE INTERVENANTE, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patrice LORENZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
2 - Mme e., a., m. PI., née le 20 janvier 1937 à MONACO, de nationalité française, retraitée, demeurant et domiciliée X1 à MONACO,
3 - M. er., g., l. N, né le 30 janvier 1960 à MONACO, de nationalité française et italienne, employé de banque, demeurant et domicilié X2 à MONACO,
4 - Mlle s., n., l. N, née le 27 novembre 1964 à MONACO, de nationalité italienne, gestionnaire, demeurant et domiciliée X1 à MONACO,
pris en leur qualité d'héritiers de M. r., f., j. N, ayant demeuré en son vivant X1 à MONACO, décédé le 16 août 2012,
DÉFENDEURS, ayant élu domicile en l'Étude Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
d'autre part ;
LE TRIBUNAL,
Vu les exploits d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date des 7 mars, 5 juin et 5 août 1991 ;
Vu le jugement avant-dire-droit en date du 19 mars 1992 ayant ordonné la jonction des instances susvisées portant les numéros de rôle 506, 703 et 168 et ordonné une mission d'expertise confiée à Roland MELAN ;
Vu l'arrêt rendu par la Cour d'appel le 5 octobre 1993 ;
Vu le jugement avant-dire-droit en date du 30 janvier 1997 ayant constaté l'intervention volontaire aux débats de Jean-Paul SAMBA, ès-qualités de syndic de la liquidation des biens de j. N, débouté la F de sa demande de désignation d'un nouvel expert, maintenu François BRYCH en qualité d'expert et ordonné la continuation des opérations d'expertise ;
Vu l'arrêt rendu par la Cour d'appel le 6 janvier 1998 ayant réformé le jugement du 30 janvier 1997 et sursis à statuer sur l'action en paiement contre j. N jusqu'à l'issue de la procédure collective et dit que l'expertise ordonnée se poursuivrait à l'encontre de r. N ;
Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 25 septembre 2014, enregistré (n° 2015/000149) ;
Vu le jugement avant-dire-droit rendu par ce Tribunal en date du 28 juillet 2015 ayant notamment ordonné la jonction entre la procédure n° 2015/000149 et les procédures enrôlées sous les n° 506/91, 703/91 et 168/92 et renvoyé la cause et les parties à l'audience du 14 octobre 2015 ;
Vu les conclusions de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom d e. PI., d er. N et de s. N, en date des 9 décembre 2015 et 11 mai 2016 ;
Vu les conclusions de Maître j.-Pierre LICARI, avocat-défenseur, au nom de la SAM A, en date du 25 février 2016 ;
À l'audience publique du 27 octobre 2016, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries, et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé le 19 janvier 2017 et prorogé au 26 janvier 2017, les parties en ayant été avisées par le Président ;
FAITS ET PROCÉDURE :
Aux termes d'une lettre en date du 5 octobre 1988, la société anonyme dénommée « C » dite « C », aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la A, elle-même venue aux droits de la SAM F, elle-même venue aux droits de la SAM B, elle-même venue aux droits de la SAM C, a consenti à j. N :
un découvert en compte courant de 2.000.000 francs,
un escompte de payer commercial de 2.000.000 francs.
Il a été également stipulé que le découvert produirait intérêt au taux de base de la banque majoré de 3 points, ce taux de base étant alors de 9,95 % et pouvant évoluer en fonction du marché monétaire : la banque se réservant également le droit de mettre fin à la convention à tout moment, moyennant un préavis d'un mois.
Pour la garantie de cette ouverture de crédit d'un montant total de 4.000.000 francs, la SAM C a obtenu :
- un nantissement pris par acte sous seing privé le 12 octobre 1988 sur le fonds de commerce sis X6 à Monaco et sur le fonds de commerce de la SAM D, propriétés de j. N,
- un nantissement pris par acte sous seing privé le 12 octobre 1988 sur les actions détenues par j. N dans la SAM D,
- une promesse d'hypothèque sur 4 appartements appartenant à j. N sis X3 à Cap d'Ail.
Outre, par acte sous seing privé du 12 octobre 1988, r. N s'est portée caution personnelle et solidaire de son frère j. envers la SAM C, à concurrence de 4.000.000 francs augmentés des intérêts, frais et accessoires.
Par acte sous seing privé du 3 octobre 1989, la SAM C a octroyé à j. N une augmentation de sa ligne de crédit qu'elle a portée à la somme de 6.000.000 francs.
En contrepartie de cette augmentation du concours, j. N a affecté en nantissement un autre fonds de commerce de boucherie lui appartenant sis X4 à MONACO.
Par lettre recommandée du 25 octobre 1989, la SAM C a informé j. N de son intention de rejeter toutes opérations se présentant sur un compte débiteur et lui octroyer un délai de trois mois afin de réapprovisionner son compte, à l'époque, à découvert de plus de 6.942.000 francs.
Par courrier recommandé en date du 18 juin 1990, la SAM B, venue aux droits de la SAM C, a confirmé à j. N son accord de mainlevée des inscriptions de nantissement.
Dans ce même courrier, la banque a proposé à j. N l'octroi d'un crédit de 3.000.000 francs pour une durée de 5 ans, sous réserve :
- de l'encaissement de 5.000.000 francs dus au titre de l'expropriation,
- d'un règlement de 1.000.000 francs sous huitaine,
- du maintien des seules garanties : le cautionnement de r. N et la promesse d'hypothèque sur 4 appartements, sis X3 à Cap d'Ail, appartenant à j. N.
Si dans un courrier du 23 juillet 1990, la banque a indiqué que l'encaissement de 5.000.000 francs aurait été effectué au crédit du compte de j. N, le règlement de 1.000.000 francs n'a toutefois pas été réalisé.
Par lettres recommandées des 10 octobre 1990 et 3 décembre 1990, la SAM B, faisant état d'un solde débiteur de 4.442.912,84 francs, a mis en demeure j. N et son frère r. N, en qualité de caution, de payer cette somme et leur a déclaré mettre fin à la convention du 5 octobre 1988.
Par courrier du 17 décembre 1990, la SAM B a mis une nouvelle fois en demeure j. N de payer ladite somme dans le délai d'un mois.
Par ordonnance présidentielle rendue sur pied de requête en date du 24 avril 1991, la SAM B a été autorisée à prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sur un appartement au rez-de-chaussée de l'immeuble sis X5 à Monaco, appartenant à r. N : inscription d'hypothèque prise le 29 avril 1991 (volume 176, numéro 09), renouvelée le 16 mars 2001, puis le 14 janvier 2011(volume 204, numéro 18) avec pour date de péremption le 13 janvier 2021.
Selon d'huissier du 7 mars 1991, la SAM B a fait assigner j. N et r. N aux fins de les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 4.442.912,84 francs, outre intérêts conventionnels, représentant la dette due par le débiteur principal, j. N, outre celle de 500.000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.
Suivant exploit d'huissier du 5 juin 1991, la SAM B a fait assigner r. N aux fins de le voir condamner au paiement de la somme de 4.442.912,84 francs, outre les intérêts conventionnels et de voir déclarer régulière l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991 (volume 176, numéro 09) sur l'appartement de l'immeuble sis X5 à Monaco.
Par ordonnance du Tribunal de Grande Instance de Nice en date du 7 juillet 1991, la SAM B a été autorisée à prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sur une villa « E », n° 90/97 à Saint l. d'Eze, appartenant à j. N.
Selon d'huissier du 5 août 1991, la SAM B a fait assigner j. N aux fins de le voir condamner au paiement de la somme de 4.442.912,84 francs, outre les intérêts conventionnels et de voir déclarer régulière l'inscription provisoire d'hypothèque prise au 4ème Bureau des Hypothèques de Nice le 10 juillet 1991, sur la villa « E » sise à Saint l. d'Eze.
Parallèlement, le 21 janvier 1992, j. N a déposé plainte contre X pour usure, abus de confiance et escroquerie invoquant notamment la convention du 12 octobre 1988 et la dégradation de ses relations avec la banque B (procédure dont l'issue n'est pas connue à ce jour).
Par jugement en date du 19 mars 1992, le Tribunal de Première Instance de Monaco a :
- joint les instances initiées par la SAM B suivant assignations en date des 7 mars 1991, 5 juin 1991 et 5 août 1991 portant respectivement les numéros R.506 et R.703 de l'année 1991 et R.168 de l'année 1992,
- dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,
- avant-dire-droit au fond, ordonné une expertise comptable désignant à cet effet M. Roland MELAN, en qualité d'expert, avec pour mission notamment de procéder à une évaluation de la créance alléguée et faire le compte entre les parties.
Par arrêt du 5 octobre 1993, la Cour d'Appel a jugé irrecevable, en l'état, l'appel formé le 23 juin 1992 par j. N et partant, les appels incidents, contre le jugement précité du 19 mars 1992, et a condamné ce dernier à payer à la SAM B la somme de 10.000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif.
Par ordonnance du 4 novembre 1993, le Juge chargé du contrôle de l'expertise a commis M. François BRYCH en qualité d'expert, en remplacement de M. Roland MELAN.
Par jugement du 3 novembre 1994, le Tribunal de première instance de Monaco a prononcé la liquidation des biens de j. N et désigné Pierre ORECCHIA en qualité de syndic lequel a été remplacé par Jean-Paul SAMBA le 20 octobre 1996 en raison de conflit d'intérêts.
Par ordonnance en date du 19 mars 1996, le Juge chargé du contrôle de l'expertise a renvoyé la cause et les parties à l'audience du Tribunal de Première Instance du 25 avril 1996, pour intervention du syndic de la liquidation des biens de j. N.
La SAM B, devenue entre-temps la SAM F, a sollicité la demande d'un nouvel expert au lieu et place de Monsieur François BRYCH.
Par jugement en date du 30 janvier 1997, le Tribunal de première instance de Monaco a :
- constaté l'intervention volontaire aux débats de Jean-Paul SAMBA, syndic de la liquidation des biens de j. N,
- débouté la SAM F, anciennement B, de sa demande tendant à voir désigner un autre expert,
- ordonné la continuation des opérations d'expertises comme indiqué dans le dispositif du jugement du 19 mars 1992.
Par arrêt en date du 6 janvier 1998, la Cour d'Appel a :
- réformé le jugement du 30 janvier 1997,
- sursis à statuer sur l'action en paiement dirigé contre j. N jusqu'à l'issue de la procédure collective,
- maintenu M. François BRYCH en qualité d'expert,
- ordonné que l'expertise ordonnée par le jugement du 19 mars 1992 se poursuive à l'encontre de r. N.
Un état estimatif des frais d'expertise ayant été établi à hauteur d'une somme comprise entre 373.000 et 943.000 francs, soit une moyenne de 658.000 francs, la F n'a pas voulu supporter le coût de cette expertise.
Dans le cadre de la procédure collective, par lettre du greffe en date du 29 mai 2013, la créance de la SAM A, venue aux droits de la F, a été admise à titre privilégié à hauteur de 677.317,70 euros, ce qui ne dispensait pas la banque de débuter les opérations d'expertise ordonnées par le jugement du 19 mars 1992.
Le 16 août 2012, r. N est décédé à Monaco laissant pour lui succéder son conjoint survivant, e. PI., et deux enfants issus de cette union, er. N et s. N.
Des conclusions en reprise d'instance ont été déposées le 5 juin 2014 et l'assignation a été délivrée le 25 septembre 2014 à leur égard aux fins de :
- dire et juger que la reprise d'instance s'effectuera à leur encontre suivant les derniers errements de la procédure,
- les voir condamner solidairement à payer à la SAM A la somme de 677.310,70 euros,
- voir déclarer régulière et valider l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991 renouvelée le 14 janvier 2011, volume 176 n° 09 sur l'appartement sis X5 à Monaco.
Par conclusions en date des 14 janvier 2015 et 13 mai 2015, l'hoirie N a soulevé in limine litis la péremption de l'instance pour discontinuation des poursuites pendant un an.
Par jugement avant-dire-droit au fond en date du 28 juillet 2015, le Tribunal de première instance de Monaco a :
- ordonné la jonction des procédures initiées suivant assignations des 7 mars 1991, 5 juin 1991 et 5 août 1991 déjà jointes entre elles sous les numéros 506/91, 703/91 et 168/92 avec celle introduite par assignation du 25 septembre 2014 enrôlée sous le n° 2015/000149,
- débouté e. PI., er. N et s. N, pris en leur qualité d'héritiers de r. N, de leur exception de péremption d'instance,
- les a déboutés en conséquence de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- les a renvoyés à conclure au fond pour l'audience du 14 octobre 2015.
Dans ses écritures du 25 février 2016, la SAM A, venant aux droits de la SAM F, sollicite de :
- débouter e. PI., er. N et s. N de l'ensemble de leurs demandes, moyens et conclusions.
Vu la décision d'admission de la créance de la SAM A à hauteur de 677.317,70 euros, à titre privilégié, devenue irrévocable,
- condamner e. PI., er. N et s. N à lui payer cette somme de 677.317,70 euros,
- déclarer régulière et valide avec toutes conséquences de droit, et donc définitive, l'inscription provisoire d'hypothèque, prise le 29 avril 1991, renouvelée le 16 mars 2001 et le 14 janvier 2011, au Bureau des Hypothèques, volume 176, n° 09, sur l'appartement formant le cinquième lot sis au rez-de-chaussée de l'immeuble X5 à Monaco, outre tous droits indivis y relatifs, ledit lot enregistré à la Conservation des Hypothèques de Monaco sous le numéro 48, volume 739, le 19 février 1986.
À l'appui de ses demandes, elle fait valoir en substance :
- que les cautionnements à durée indéterminée sont parfaitement licites et sont majoritaires,
- que la contrepartie est que nul ne pouvant s'obliger à vie, la faculté de résiliation constitue un droit fondamental pour tout contractant qui s'est engagé sans limitation de durée, faculté dont n'a pas usé r. N,
- que ses héritiers, à qui cet engagement de caution a été transmis, sont tenus par ledit engagement en l'absence de renonciation à la succession de r. N,
- que ses héritiers n'apportent nullement la preuve de la non validité de l'engagement de caution au regard de la prétendue absence d'information de la caution quant à la situation désastreuse du débiteur principal,
- que le débiteur principal, j. N, pouvait dégager de grosses rentrées d'argent et sa caution, r. N, connaissait parfaitement l'état de ses affaires puisqu'il exerçait la même activité de boucher que son frère,
- qu'il est tout à fait normal que la banque ait pris plusieurs garanties,
- que dès le 3 décembre 1990, la caution a parfaitement été informée du non-respect des engagements de son frère et n'a jamais contesté la validité de son engagement,
- que l'acte de caution n'ayant pas à être enregistré pour être valable, celui du 12 octobre 1988 est formellement irréprochable,
- que la banque ne connaît pas l'issue de la plainte contre X déposée le 21 janvier 1992 par j. N avec constitution de partie civile pour les délits d'usure, escroquerie et abus de confiance mais elle peut dire qu'aucun de ses représentants ou préposés n'a jamais été inculpé, étant rappelé qu'à l'époque, la responsabilité pénale des personnes morales n'existait pas en droit monégasque,
- qu'il appartient aux défendeurs d'interroger le syndic, Monsieur S., ou le Parquet Général, quant au sort de cette plainte et de cette instruction,
- qu'en son temps, le 28 février 1997, l'avocat de la banque B avait écrit au Juge d'instruction notamment pour savoir si l'information ouverte sur cette plainte avait été clôturée et pour solliciter l'obtention du rapport de l'expert CROCI, désigné à l'époque mais cette lettre est restée sans réponse,
- que la garantie constituée par une promesse d'hypothèque sur quatre appartements appartenant à j. N sis X7 à Cap d'Ail n'était qu'envisagée de façon conditionnelle et n'a finalement jamais été donnée par j. N,
- que les défendeurs essaient de surprendre la religion du Tribunal en essayant de faire croire que cette garantie a, de nouveau, été évoquée dans la lettre de la Banque du 18 juin 1990 proposant une ligne de crédit de 3.000.000 francs,
- que la banque n'a jamais fait perdre à la caution le bénéfice d'une garantie qui n'a jamais existé,
- que les mainlevées de nantissement consenties par la banque sur des fonds de commerce de j. N étaient tout simplement une contrepartie normale du paiement de la somme de 5.000.000 francs,
- qu'aucune négligence ne peut être reprochée à la banque,
- que la banque ne peut fournir une preuve négative de ce qu'elle n'a jamais perçu de versement dans le cadre de la liquidation des biens : seul le syndic peut s'exprimer sur ce point,
- que les défendeurs sont tenus du paiement du principal mais aussi des frais, intérêts et accessoires,
- que la décision d'admission à titre privilégié à hauteur de 677.317,70 euros est aujourd'hui irrévocable.
Par conclusions du 11 mai 2016 e. PI., er. N et s. N demandent au Tribunal de :
- allouer de plus fort l'entier bénéfice de leurs conclusions en date du 9 décembre 2015,
À titre principal,
- dire et juger que la SAM A a manqué à son obligation d'information de la caution, r. N, tant au moment de la régularisation de l'acte de cautionnement qu'au cours de l'exécution de ladite convention et qu'à ce titre, elle s'est rendue coupable d'une réticence dolosive à fournir à la caution des informations déterminantes de son consentement,
En conséquence,
- déclarer nul l'acte de cautionnement sous seing privé régularisé dans ces conditions par r. N le 5 octobre 1988,
- ordonner la mainlevée de l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991 et renouvelée les 16 mars 2001 et 14 janvier 2011 au Bureau des hypothèques Volume 176, n°09, sur l'appartement de r. N formant le cinquième lot sis au rez-de-chaussée de l'immeuble sis X5, ledit lot enregistré à la Conservation des Hypothèques de Monaco sous le numéro 48, Volume 739, le 19 février 1986,
À titre subsidiaire,
Si le Tribunal ne retenait pas la nullité de l'acte de cautionnement susvisé :
Vu l'article 1876 du Code Civil :
- dire et juger qu'en raison de la négligence de la SAM A, la caution a perdu le bénéfice de la subrogation dans plusieurs inscriptions hypothécaires,
Vu l'article 1129 du Code civil :
- dire et juger que les augmentations de concours successifs consentis par la SAM A à j. N ont opéré une novation,
En conséquence,
- dire et juger qu'en leur qualité d'ayants droit de r. N, ils doivent être déchargés de l'obligation de satisfaire aux engagements de leur auteur envers la SAM A, en sa qualité de caution personnelle et solidaire,
- ordonner la mainlevée de l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991 et renouvelée les 16 mars 2001 et 14 janvier 2011 au Bureau des hypothèques Volume 176, n°09, sur l'appartement formant le cinquième lot sis au rez-de-chaussée de l'immeuble sis X5, ledit lot enregistré à la Conservation des Hypothèques de Monaco sous le numéro 48, Volume 739, le 19 février 1986,
À titre infiniment subsidiaire si le Tribunal devait faire, partiellement ou intégralement droit aux demandes de la A :
Vu l'article 1854 du Code civil :
- dire et juger que r. N, en sa qualité de caution, ne peut être tenu au-delà de son engagement contractuel,
Par voie de conséquence,
- dire et juger qu'en tout état de cause, les héritiers de r. N, en leur qualité d'ayants droit de r. N, ne pourront être condamnés qu'au paiement de la somme maximale de 609.796,07 euros, sauf à tenir compte des sommes reçues par la A dans le cadre de la liquidation des biens de j. N et dont elle devra justifier,
En tout état de cause,
- débouter la SAM A, venant aux droits de la SAM F, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SAM A à payer aux héritiers de r. N la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Ils soutiennent pour l'essentiel :
- que la situation de j. N était obérée dès l'année 1988, date de l'acte de cautionnement, comme en atteste le courrier de l'établissement bancaire du 24 octobre1989, et que ces difficultés financières ont été dissimulées à la caution,
- que la banque sait très bien que le paiement de la somme de 5.000.000 francs n'est pas le fruit de l'activité commerciale de j. N mais d'une indemnité versée au titre d'une expropriation dont il a fait l'objet,
- que malgré la parfaite connaissance de cette situation obérée, la banque lui a octroyé le 3 octobre 1989 une augmentation de crédit qu'elle a portée à la somme de 6.000.000 francs, puis encore une nouvelle ligne de crédit de 3.000.000 francs pour une durée de 5 ans,
- que les frères N avaient deux activités indépendantes l'une de l'autre, si bien que r. N n'avait pas connaissance de la gestion de l'activité de son frère j.,
- qu'il ne fait aucun doute que la banque a fourni un soutien abusif au débiteur,
- que si r. N avait eu connaissance de la situation financière obérée de son frère, il ne se serait jamais porté caution,
- que cette obligation d'information, qui pèse sur la banque, découle notamment de l'obligation d'exécuter les conventions de bonne foi, conformément aux dispositions de l'article 989 du Code civil,
- que cette absence d'information a privé r. N d'user de sa faculté de révocation,
- que sur le sort de la plainte pénale, le syndic n'a pas apporté de réponse à leur questionnement,
- qu'il appartenait à la banque d'exiger l'inscription de l'hypothèque sur les 4 appartements, et ce dès le premier incident de paiement en date du 24 octobre 1989 : un tel comportement étant fautif, la caution se trouve déchargée,
- les deux augmentations de concours portant la dette de j. N à une somme astronomique ont entrainé une novation déchargeant la caution de son engagement initial d'un montant de 4.000.000 francs,
- que s'agissant de la somme réclamée par la banque, à défaut de production de la ventilation entre le principal, les frais, intérêts et accessoires, le Tribunal ne pourra prononcer de condamnation supérieure à la somme de 609.796,07 euros,
- que r. N a perdu la chance de se libérer de son engagement de caution en raison de la mauvaise foi de la banque dans l'exécution du contrat de cautionnement.
Monsieur Jean-Paul SAMBA, ès-qualités de syndic à la liquidation des biens de j. N, présent à la présente procédure et représenté par Maître Patrice LORENZI, n'a jamais conclu ni communiqué de pièces.
SUR CE,
Il convient de constater que plus aucune demande n'est formée par la SAM A à l'encontre de j. N, en l'état de l'ouverture de la procédure collective et de la décision d'admission de créance à hauteur de 677.311,70 euros à titre privilégiée, laquelle est devenue irrévocable.
Sur ce point, la SAM A estime que la décision d'admission de sa créance à hauteur de 677.317,70 euros en date du 29 mai 2013, qui est devenue irrévocable, a acquis l'autorité de la chose jugée à l'égard des hoirs de r. N.
Or, il est constant en droit monégasque que « si la jurisprudence considère que l'inscription d'un créancier à l'état des créances d'une faillite revêt l'autorité de la chose jugée, il est généralement reconnu que l'irrévocabilité de l'admission ne joue qu'à l'égard de la masse et non à l'égard des créanciers qui ne font pas partie de cette masse, ni des tiers auxquels l'admission est inopposable, car qu'on n'y voie un contrat ou une décision judiciaire, elle ne peut avoir qu'un effet relatif » ( arrêt de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco du 1er juillet 1980 ).
Il s'ensuit que l'inscription à l'état de créance est inopposable aux tiers, que le principe de l'irrévocabilité de l'admission n'a pas un caractère absolu et que l'autorité de la chose jugée de la décision du juge commissaire a un caractère relatif .
En l'espèce, la SAM A a déposé l'état de sa créance le 29 mai 2013 pour un montant de 1.082.876,08 euros arrêté au 28 mai 2013, à titre privilégié, mais n'a été admise par le syndic que pour la somme de 677.317,70 euros, aucune réclamation n'ayant été faite par la banque.
Le 16 août 2012, r. N est décédé laissant son épouse et ses deux enfants pour héritiers.
En tant que caution solidaire, r. N est un tiers et a fortiori ses héritiers.
En application du droit positif monégasque, la décision judiciaire d'admission de créance n'a qu'un effet relatif envers la caution solidaire qui peut la contester.
Dès lors, l'admission de la créance litigieuse ne revêt aucune autorité de la chose jugée envers l'hoirie N.
Par ailleurs, il est acquis aux débats :
- les engagements de la caution passent à ses héritiers, conformément aux dispositions de 1856 du Code civil et à l'acte de cautionnement litigieux qui stipule expressément : « Il est formellement stipulé que mes héritiers et ayants droits seront solidairement tenus par les engagements résultant de la présente caution et que je renonce à me prévaloir, soit dans mon intérêt, soit au leur, de toutes dispositions pouvant faire échec à la présente clause »,
- il n'y a aucune obligation à ce qu'un acte de caution soit enregistré pour être valable,
- les cautionnements à durée indéterminée sont licites en contrepartie d'une faculté de résiliation à tout moment donnée à la caution, faculté dont n'a pas usé r. N en l'espèce,
- aucune des parties aux débats ne connaissant l'issue de la plainte déposée contre X le 21 janvier 1992 par j. N avec constitution de partie civile du chef de délits d'usure, escroquerie et abus de confiance, ce moyen de défense sera écarté en l'espèce.
Sur la nullité de l'acte de cautionnement :
En défense, la hoirie N reproche à l'établissement bancaire d'avoir manqué à son obligation d'information de la caution tant au moment de la régularisation de l'acte de cautionnement qu'au cours de l'exécution de ladite convention et, à ce titre, s'être rendue coupable d'une réticence dolosive à fournir à cette caution des informations déterminantes de son consentement. Elle estime que le consentement de r. N n'est point valable en ce qu'il a été donné par erreur sur la solvabilité du débiteur principal et par surprise par la réticence dolosive de la banque laquelle a dissimulé la situation obérée de j. N. Elle affirme que dès 1988, lors de l'ouverture de crédit, la situation financière de j. N était obérée et qu'au surplus, la banque a provoqué l'insolvabilité du débiteur principal par un soutien abusif de son client en difficulté.
L'établissement bancaire estime n'avoir commis aucune faute tant à l'égard du débiteur principal que de la caution et qu'en toutes hypothèses, j. N était un homme d'affaire avisé, propriétaire de plusieurs fonds de commerce présentant des garanties quant à sa solvabilité. Quant à r. N, il était lui aussi une caution éclairée du fait de la proximité familiale avec j. N et de leur activité professionnelle similaire.
En exécution de l'acte de cautionnement du 12 octobre 1988 et, conformément aux dispositions de l'article 1852 du Code civil, l'obligation de la caution porte sur une dette en principal de 4.000.000 francs augmentée des intérêts, commissions, frais et accessoires.
Aux termes de cet acte de cautionnement, il est également stipulé :
« Il est expressément entendu que vous ne serez pas tenus de me faire connaître les opérations successives et indéfiniment renouvelées constituant les engagements de quelque nature ou de quelque montant que ce soit du débiteur principal à votre égard, et ce qu'il s'agisse notamment d'un compte unique ou de pluralité de comptes, dont je garantis la bonne fin, ensemble ou pour chaque compte séparément, à votre gré exclusif ».
Le présent engagement souscrit étant conçu en termes généraux, il s'ensuit que le montant dû par la caution s'applique à toutes les sommes pouvant être dues par le débiteur principal sur le solde définitif, en principal et intérêts échus, apparaissant lors de la clôture du compte courant, en raison de l'indivisibilité d'un tel compte. Ainsi, la banque est créancière du solde débiteur dudit compte, à la date de sa clôture, à l'encontre de la caution solidaire du seul fait de la défaillance non contestée du débiteur principal, dès lors que son montant ne dépasse pas la limite de la garantie donnée par cette même caution. Poursuivie par le créancier, la caution peut lui opposer toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette, sans toutefois se prévaloir des exceptions qui sont purement personnelles au débiteur.
S'agissant en l'espèce d'un acte de cautionnement conclu en Principauté de Monaco et susceptible d'y être exécuté, il convient de lui appliquer les règles du cautionnement instituées par les articles 1850 et suivants du Code civil monégasque.
Or, en droit monégasque, il n'existe point à la charge du banquier une obligation légale d'information de la caution. Le principe demeure qu'une caution est tenue de se renseigner elle-même sur l'évolution de la situation du débiteur qu'elle garantit, écartant ainsi toute obligation d'information de la banque à son égard sur ce point.
Toutefois, la question de l'information donnée à la caution peut être appréciée dans le cadre de l'existence de vices du consentement prévus à l'article 971 du Code civil ou d'une violation aux dispositions de l'article 989 du Code civil.
Sur la réticence dolosive au moment de la signature de l'acte de cautionnement :
Aux termes de l'article 971 du Code civil, « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces mesures, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé ».
Ce vice du consentement peut être caractérisé en présence d'une réticence dolosive du créancier à fournir à la caution une information déterminante de son consentement : il est effectivement constant qu'une réticence abusive peut être retenue dès lors qu'un créancier a eu connaissance d'une information décisive et que la caution ne dispose pas de cette information, étant entendu qu'en l'espèce, le contrat de cautionnement est dépourvu de toute clause relative à la situation du débiteur principal.
Il y a donc lieu de se focaliser sur la solvabilité de j. N au moment de l'octroi de l'ouverture de crédit, et notamment en sa capacité à faire face aux échéances du crédit accordé et en la consistance de son patrimoine pour supporter le recours personnel ou subrogatoire de la caution, sachant que l'établissement bancaire a, envers le débiteur principal, un devoir élémentaire de s'informer préalablement sur la situation financière de l'entreprise et de son client . Pour cela, la banque doit exiger des documents comptables des derniers exercices, de la justification de la propriété de biens immobiliers mais n'a pas à se substituer à son client dans l'appréciation de l'opportunité de l'opération financée.
En l'espèce, pour les besoins de ses activités professionnelles, j. N a ouvert un compte courant dans les livres de la SAM C pour un montant total de 4.000.000 francs garanti par les biens suivants lui appartenant :
- un nantissement sur un fonds de commerce situé au X6 à Monaco,
- un nantissement sur un fonds de commerce la SAM D,
- un nantissement d'actions détenues dans la SAM D,
- une promesse d'hypothèques sur 4 appartements situés X3 à Cap d'Ail,
- la caution de son frère r. N.
Par ailleurs, il ressort de la procédure que j. N était également propriétaire :
- d'un appartement situé X1 à Monaco,
- d'une villa « E » située à Saint l. d'Eze,
- d'un fonds de commerce de boucherie situé X4 à Monaco.
Ainsi, si l'établissement bancaire ne s'explique nullement sur les diligences accomplies et les vérifications faites par ses soins avant l'octroi de ce crédit, force est de constater que j. N disposait à l'époque d'un patrimoine immobilier et mobilier conséquent laissant à penser que le remboursement de ce prêt s'exécuterait sans difficulté par le fait même des garanties mises en place et que la situation financière du fonds de commerce concerné n'était pas obérée.
Dès lors, les ayants droit de r. N ne sauraient exciper que le consentement de la caution aurait été vicié par le dol commis par la banque, lequel, ne se présumant point, doit être prouvé par les défendeurs.
Or, en l'espèce, ces derniers n'établissent nullement que la banque ait fait preuve d'une particulière mauvaise foi envers la caution en lui dissimulant des informations, ne démontrent pas que la situation de j. N était irrémédiablement compromise au moment de la signature de l'acte de cautionnement ce que r. N avait fait de la solvabilité du débiteur principal la condition déterminante de son engagement, en sorte qu'ils ne sauraient prétendre que la banque n'aurait recherché que l'obtention d'une garantie supplémentaire dans l'unique dessein de lui faire supporter la dette de son débiteur principal.
Enfin au moment de son engagement, la caution, dont le rôle est de garantir le créancier contre l'insolvabilité de son débiteur, n'est point dispensée de prendre elle-même tous les renseignements de nature à assurer la défense de ses intérêts, peu important l'existence d'un lien étroit de parenté entre la caution et le débiteur principal.
Concernant le moyen tiré de la nullité de l'engagement de caution, les ayants droit de r. N ne produisant aucune pièce à l'appui de leur prétention, aucun dol par réticence ni aucune situation obérée ne peuvent être retenus.
En conséquence, l'acte de cautionnement ne souffrait d'aucune cause de nullité au moment de sa signature par r. N le 5 octobre 1988.
Sur le soutien abusif de l'établissement bancaire postérieurement à la signature de l'acte de cautionnement :
Se fondant sur les dispositions de l'article 989 du Code Civil qui énonce « les conventions doivent être exécutées de bonne foi », la hoirie N soutient que la banque a financé l'activité déficitaire de j. N en maintenant abusivement son concours financier portant de facto préjudice à la caution.
Au préalable, il convient de rappeler qu'à ce stade (exécution du contrat), seule la responsabilité de la banque peut être éventuellement retenue et donner lieu à réparation sous la forme de dommages et intérêts, excluant par là même toute nullité de l'acte litigieux.
Il est constant que la responsabilité du banquier peut être engagée en cas d'aggravation du passif du débiteur principal aussi bien par l'octroi de crédits nouveaux que par le maintien de crédits déjà ouverts, étant acquis que le banquier doit résilier l'ouverture de crédit préalablement consentie lorsqu'il découvre que le débiteur est en situation désespérée. Il s'ensuit que la vigilance du banquier est requise non seulement lors de l'octroi du crédit mais encore tout au long de l'exécution de celui-ci.
Ainsi, il a été jugé qu'une banque engageait sa responsabilité pour soutien abusif si elle apportait un concours financier à une entreprise dont la situation était irrémédiablement compromise, ce qu'elle savait ou aurait dû savoir.
En l'espèce, pour rechercher l'éventuelle existence d'un maintien de crédit en présence d'une situation irrémédiablement compromise, il convient d'examiner la situation financière de j. N postérieurement à l'acte de cautionnement.
Il ressort des courriers des différentes banques qui se sont succédés que, depuis octobre 1989, celles-ci ont consenti successivement à j. N des augmentations de découvert et des augmentations de concours ainsi que des délais de paiement, et ce, malgré le versement d'une somme de 5.000.000 francs provenant d'une indemnité versée au titre d'une expropriation sans aucun lien avec l'activité professionnelle du débiteur principal (courrier du 24 octobre 1989 : pièce n° 7).
En effet, si le 3 octobre 1989, la SAM C a octroyé à j. N une augmentation de sa ligne de crédit porté à la somme de 6.000.000 francs en contrepartie d'un nouveau nantissement sur un autre fonds de commerce de boucherie situé X4 à MONACO, son courrier du 24 octobre 1989 témoigne de la situation obérée de j. N depuis plusieurs mois :
« Nous regrettons vivement votre attitude visant à placer systématiquement notre Banque devant le fait accompli d'augmentations de découverts intempestifs depuis plusieurs mois.
Si nous avons jusqu'à ce jour de fort mauvaise grâce, consenti à honorer vos décaissements afin de ne pas risquer de mettre irrémédiablement votre Entreprise en péril, nous espérons que vous avez bien compris qu'il ne nous sera désormais plus possible d'aller au-delà ».
Au surplus, par courrier du 25 octobre 1989, la SAM C a signifié à j. N son intention de rejeter « tous les appoints qui ne seraient pas couverts par une provision suffisante » en lui octroyant un délai de trois mois afin de réapprovisionner son compte, à l'époque, à découvert de plus de 6.942.000 francs.
Cette situation obérée est corroborée par les tickets d'agios du 31 mars 1989 au 30 septembre 1990 qui démontrent que malgré l'ouverture de crédit de 4.000.000 francs accordée le 5 octobre 1988, le compte était toujours débiteur.
Malgré l'avertissement du mois d'octobre 1989, l'établissement bancaire n'a pas hésité, en juin 1990, et ce malgré une situation débitrice, à procéder à la mainlevée entière et définitive des inscriptions de tous les nantissements sur fonds de commerce et octroyer au débiteur principal une nouvelle ligne de crédit de 3.000.000 francs pour une durée de 5 ans sous réserve :
- de l'encaissement de la somme de 5.000.000 francs due au titre de l'expropriation,
- d'un règlement de 1.000.000 francs sous huitaine,
- du maintien des seules garanties : la promesse d'hypothèque sur 4 appartements, sis X3 à Cap d'Ail et le cautionnement de r. N.
Si la somme de 5.000.000 francs a effectivement bien été réglée, il n'en est pas de même du règlement en une fois de la somme de 1.000.000 francs sous huitaine. Pour autant, la banque a accepté, le 26 juin 1990, que cette somme soit versée à raison de quatre acomptes de 100.000 francs chacun entre fin août et fin novembre 1990 dans l'attente d'un éventuel prêt sollicité par j. N auprès de la banque G.
En dépit des engagements de j. N de respecter ce moratoire, seul l'acompte de fin août a été honoré après représentation, comme le confirme le courrier du service juridique de la banque du 10 octobre 1990, et ce n'est qu'à compter du 3 décembre 1990 que celle-ci a déclaré mettre fin à leurs relations contractuelles, étant observé que par courrier du 17 décembre 1990, la SAM B a mis une nouvelle fois en demeure j. N de payer la somme de 4.442.912,84 francs dans le délai d'un mois.
C'est dans ces conditions que le 29 avril 1991, la SAM B a pris une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sur un appartement au rez-de-chaussée de l'immeuble sis X5 à Monaco, appartenant à la caution, r. N, et l'a assigné en paiement de ladite somme, outre les intérêts conventionnels.
Il s'ensuit dès lors que le fonctionnement anormal du compte a manifestement alerté la banque sur les difficultés économiques rencontrées par j. N ainsi qu'il résulte des divers courriers susmentionnés : ces difficultés caractérisant un état de cessation des paiements ne laissant entrevoir aucune perspective d'amélioration prochaine. La lecture dudit compte des exercices 1989 et 1990 permettait donc à la banque de constater que la situation de la société était irrémédiablement compromise.
En effet, dès 1989, la banque, qui connaissait la situation financière désastreuse de j. N et l'absence de toute perspective de redressement, a cependant maintenu en toute connaissance de cause son activité déficitaire sous la forme d'un découvert important en compte courant dont elle n'ignorait pas qu'il ne pouvait être honoré. En réalité, son état de cessation chronique était dissimulé uniquement en raison de l'octroi de facilités de caisse et de délais de paiement régulièrement repoussés.
Enfin, la mainlevée de tous les nantissements consentis à la banque était malvenue et imprudente, eu égard au fait que celle-ci avait pleinement conscience de la situation de j. N et de l'origine non commerciale de la somme de 5.000.000 francs.
Dès lors, le fait que la caution ait été informée en décembre 1990 du non-respect des engagements de son frère sans en contester leur validité est inopérant en l'espèce, face au comportement négligent de la banque pendant deux années.
De même, le fait que la liquidation des biens n'ait été prononcée qu'en novembre 1994 est indifférent au constat d'une situation financière catastrophique dès 1989.
En conséquence, s'il est manifeste que par son attitude fautive, l'établissement bancaire a permis la poursuite artificielle d'une activité irrémédiablement compromise maintenant une apparence trompeuse de solvabilité, engageant sa responsabilité, force est de constater que les défendeurs à la présente procédure ne sollicitent aucune condamnation pécuniaire à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
En conséquence, cette responsabilité bancaire ne peut être mise en œuvre.
Sur la décharge de la caution par novation :
Les défendeurs estiment que les deux augmentations de concours successifs consentis par la SAM A à j. N ont opéré une novation déchargeant la caution de son engagement initial d'un montant de 4.000.000 francs, et ce, en vertu de l'article 1129 du Code civil qui dispose :
« Par la novation faite entre le créancier et l'un des débiteurs solidaires, les codébiteurs sont libérés.
La novation opérée à l'égard du débiteur principal libère les cautions. Néanmoins, si le créancier a exigé, dans le premier cas, l'accession des codébiteurs, ou, dans le second, celle des cautions, l'ancienne créance subsiste si les codébiteurs ou les cautions refusent d'accéder au nouvel arrangement ».
Il s'ensuit que la novation suppose le remplacement de l'ancienne obligation par une nouvelle et implique qu'en cas d'annulation de la convention novatoire, la première obligation retrouve son efficacité même si l'annulation est du fait du créancier : la preuve de l'intention de nover incombant à celui qui invoque la novation, étant rappelé que la volonté de nover doit être non équivoque et résulter clairement des faits et actes intervenus entre les parties.
Or, en l'espèce, il est expressément stipulé dans la lettre du 18 juin 1990 : « reconnaissance par vos soins de l'absence de toute novation, notamment en ce qui concerne les garanties sus-évoquées, du fait de la consolidation ainsi projetée et qui doit être assortie des mêmes sûretés ».
Dès lors, ce moyen n'est pas invoqué à bon droit.
Sur la décharge de la caution par subrogation :
L'hoirie N critique le comportement fautif de la banque qui n'a pas exigé l'inscription de l'hypothèque sur les quatre appartements appartenant à j. N dès le premier incident de paiement en octobre 1989.
En réplique, l'établissement bancaire estime que la garantie constituée par cette promesse d'hypothèque n'était qu'envisagée de façon conditionnelle et n'a finalement jamais été donnée par j. N : elle n'a donc pas pu faire perdre à la caution le bénéfice d'une garantie qui n'a jamais existé.
Aux termes de l'article 1876 du Code Civil, « la caution est déchargée, lorsque la subrogation au droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ».
Pour que le bénéfice de subrogation puisse jouer, il faut que plusieurs conditions soient réunies : une faute du créancier entraînant un dépérissement de droits préférentiels et un dépérissement qui fasse naître un préjudice pour la caution.
En effet, cet article, qui n'établit aucune distinction entre la caution simple et la caution solidaire, subordonne la déchéance du créancier à une faute de sa part et s'applique aussi bien au cas où c'est par simple négligence du créancier que la subrogation est devenue impossible qu'au cas où cette impossibilité proviendrait d'un fait direct et positif de sa part, étant précisé que la faute du créancier, génératrice de la déchéance de son droit, doit être la cause exclusive de la perte du droit préférentiel de la caution.
Toutes les fois que la caution se prévaut d'une faute commise par le créancier dans ses rapports avec le débiteur principal, elle peut prétendre à une décharge. Il n'y a plus à se demander si le préjudice subi est direct ou indirect, s'il a ou non été déjà indemnisé.
La caution est alors déchargée et le créancier fautif n'est plus condamné à des dommages et intérêts : la décharge directe fonctionne comme une réparation en nature.
Ainsi, la caution peut procéder par voie de défense au fond pour demander à être déchargée du cautionnement. Il lui appartient alors d'indiquer quel droit précis, susceptible de permettre une subrogation, a été perdu du fait de la seule inaction du créancier mais aussi de démontrer que les garanties existaient antérieurement au cautionnement ou que le créancier s'était engagé à les prendre.
Au surplus, il est constant que le créancier, bénéficiaire d'une pluralité de sûretés, commet une faute à l'égard de la caution en préférant l'appeler en garantie plutôt que de réaliser les autres sûretés, dont il bénéficie, qui viendraient en déduction de l'engagement de la caution.
Pour invoquer l'exception du bénéfice de subrogation, il appartient à la caution, d'une part, de rapporter la preuve que la subrogation a été rendue impossible par le fait exclusif du créancier et, d'autre part, de démontrer le préjudice subi.
Quant au créancier, il lui appartient, pour ne pas encourir la déchéance de ses droits contre la caution, d'établir le défaut d'exclusivité de sa faute et/ou l'absence de conséquences préjudiciables de celle-ci.
Il s'ensuit que lorsque, concomitamment, le créancier se garantit par un cautionnement et bénéficie d'une sureté réelle provisoire ou d'une promesse d'hypothèque, il s'oblige envers la caution à rendre cette sûreté définitive : le créancier ne peut donc plus se borner à agir dans son strict intérêt personnel mais doit prendre en compte les intérêts de la caution.
En l'espèce, il est fait état une première fois d'une promesse d'hypothèques sur 4 appartements situés X3 à Cap d'Ail dans l'acte initial d'ouverture de crédit du 5 octobre 1988, « sous réserve d'états hypothécaires négatifs sur ces 4 appartements (cette dernière garantie concerne uniquement la ligne de découvert en compte courant) ».
Il y est fait également référence une seconde fois dans la lettre du 18 juin 1990 en ces termes : « maintien dans toute leur force et consistance des garanties dont nous bénéficions à l'appui de vos engagements et ce, tant à votre égard et vos éléments de patrimoine, qu'à celui de votre frère ».
Mais, il résulte des éléments objectifs du dossier examinés précédemment que la banque, qui a pu un temps bénéficier de nantissements sur trois fonds de commerce et d'un nantissement sur des actions détenues sur une société, a procédé à la mainlevée de l'ensemble de ces nantissements un an seulement après la signature de l'acte de cautionnement, alors même que la situation de la société était déjà obérée. Il est indéniable que cette mainlevée est constitutive d'une faute et n'était pas nécessaire eu égard à la situation financière du débiteur principal.
En outre, la banque ne peut tirer argument de ce que la garantie constituée par la promesse d'hypothèque n'ait jamais été donnée par le promettant, j. N, car il lui appartenait de demander en priorité à celui-ci de concrétiser sa promesse d'hypothèque sur les quatre appartements situés à Cap d'Ail, avant même de prendre le 29 avril 1991, une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sur un appartement appartenant à la caution et de l'assigner en paiement.
Il n'est pas justifié par le créancier qu'il ait préalablement formalisé une telle demande auprès du débiteur principal avant d'agir contre la caution.
En réalité, le créancier a laissé perdre plusieurs sûretés constituées avant ou en même temps que le cautionnement tant au niveau des nantissements que de la promesse d'hypothèque. Il en découle donc pour la caution un préjudice dans la mesure où celle-ci aurait pu tirer un profit effectif des droits, hypothèques et privilèges susceptibles de lui être transmis par la subrogation.
Au surplus, le créancier est dans l'incapacité de démontrer un quelconque partage de responsabilité tant avec le débiteur principal qu'avec la caution et que la disparition des droits préférentiels n'a causé aucun dommage à la caution.
Il est donc manifeste que le comportement exclusivement fautif de la banque a fait perdre un droit préférentiel à la caution, ce qui lui a causé un réel préjudice en sorte que l'hoirie N doit bénéficier d'une décharge totale.
En conséquence, il y a lieu d'ordonner la mainlevée de l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991 et renouvelée les 16 mars 2001 et 14 janvier 2011 au Bureau des hypothèques Volume 176, n°09, sur l'appartement formant le cinquième lot sis au rez-de-chaussée de l'immeuble sis X5, ledit lot enregistré à la Conservation des Hypothèques de Monaco sous le numéro 48, Volume 739, le 19 février 1986.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la hoirie N :
e. PI., er. N et s. N sollicitent la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Mais le fait d'agir en justice ou de résister judiciairement à une demande constitue l'exercice d'un droit et l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'une faute.
L'hoirie N, qui n'indique pas en quoi la banque aurait résisté abusivement, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens :
La demanderesse succombant, il y a lieu de mettre à sa charge les entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort,
Constate que plus aucune demande n'est formée à l'encontre de j. N ;
Déboute e. PI., er. N et s. N ès-qualités d'héritiers de r. N de leur demande de nullité de l'acte de cautionnement en date du 12 octobre 1988 ;
Déboute la SAM A de sa demande en paiement formée à l'encontre d e. PI., d er. N et de s. N ès-qualités d'héritiers de r. N ;
Ordonne la mainlevée de l'inscription provisoire d'hypothèque prise le 29 avril 1991 et renouvelée les 16 mars 2001 et 14 janvier 2011 au Bureau des hypothèques Volume X, sur l'appartement formant le cinquième lot sis au rez-de-chaussée de l'immeuble sis X5, ledit lot enregistré à la Conservation des Hypothèques de Monaco sous le numéro X, le 19 février 1986 ;
Déboute e. PI., er. N et s. N, ès-qualités, de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamne la SAM A aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Vice-Président, Madame Rose m. PLAKSINE, Premier Juge, Madame Geneviève VALLAR, Premier Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Mademoiselle Marine PISANI, Greffier en chef adjoint ;
Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 26 JANVIER 2017, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Mademoiselle Magali GHENASSIA, Vice-Président, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.