Tribunal de première instance, 19 janvier 2017, M. m. C c/ M. m. B

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Abstract🔗

Vente - Garantie du vendeur - Vice caché (oui) - Résolution de la vente (oui)

Résumé🔗

Il convient de prononcer la résolution de la vente d'un véhicule automobile d'occasion, sur le fondement de l'article 1483 du Code civil, dès lors que la boîte de vitesses est affectée de désordres tels qu'elle doit être considérée comme hors d'usage.


Motifs🔗

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

N° 2015/000419 (assignation du 12 mars 2015)

JUGEMENT DU 19 JANVIER 2017

En la cause de :

  • M. m. C, demeurant X1 à Saint-Jean-Cap-Ferrat (06320) France,

DEMANDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'une part ;

Contre :

  • M. m. B, demeurant X2 à Monaco,

DÉFENDEUR, ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

d'autre part ;

LE TRIBUNAL,

Vu l'exploit d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 12 mars 2015, enregistré (n° 2015/000419) ;

Vu le jugement avant-dire-droit rendu par ce Tribunal en date du 7 janvier 2016, ayant rejeté les demandes d'appel en garantie de f. PU. et de la société D formées par m. B ;

Vu les conclusions de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de m. B, en date des 24 mars 2015 (en réalité 2016) et 6 juillet 2016 ;

Vu les conclusions de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de m. C, en date du 1er juin 2016 ;

À l'audience publique du 3 novembre 2016, les conseils des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et le jugement a été mis en délibéré pour être prononcé ce jour 19 janvier 2017 ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Par assignation délivrée le 12 mars 2015 à l'encontre de M. m. B, M. m. C a saisi le Tribunal de première instance d'une action en résolution pour vices cachés de la vente intervenue par courriel du 23 août 2014 d'un véhicule de marque JAGUAR de type CC9G502.

Par jugement rendu le 7 janvier 2016, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des prétentions et moyens antérieurs des parties, le Tribunal a :

  • rejeté les demandes d'appel en garantie de f. PU. et de la société D formées par M. m. B,

  • renvoyé la cause et les parties à l'audience du jeudi 25 février 2016 à 9 heures pour les conclusions au fond de M. m. B,

  • réservé les dépens ;

Dans le dernier état de ses prétentions, par ses conclusions récapitulatives du 1er juin 2016 M. m. C demande au Tribunal de :

  • écarter des débats la pièce n° 6 rédigée en langue italienne produite par M. m. B,

  • prononcer la résolution de la vente du véhicule intervenue entre les parties avec toutes conséquences de droit,

  • ordonner la restitution du prix de vente avec intérêts au taux légal à compter du 23 août 2014,

  • lui donner acte de ce qu'il se tient à disposition de M. m. B pour que ce dernier vienne récupérer son véhicule à ses frais,

  • condamner M. m. B au paiement de la somme de 1.853,82 € à titre de remboursement des frais occasionnés par la vente du véhicule, ainsi que de celle de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

  • débouter M. m. B de ses demandes, fins et conclusions,

  • ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir compte tenu de l'urgence.

M. m. C expose qu'il a acquis de M. m. B le 23 août 2014, un véhicule de marque JAGUAR de type CC9G502 alors immatriculé X à Monaco, mis en vente par ce dernier par une annonce sur Internet présentant faussement ce véhicule comme de ligne « Luxe Premium » alors qu'il appartenait à la catégorie « Luxe » de plus faible gamme, pour le prix de 22.800 €, avec un kilométrage de 76.928 km lors de la remise des clés ;

Qu'après un usage de 300 km, de graves anomalies sont apparues affectant la boite à vitesse et nécessitant son remplacement intégral.

Au visa des articles 1483 et suivants du Code civil il soutient que le véhicule est affecté de vices cachés, aux motifs essentiellement qu'il est apparu un dysfonctionnement de la boite de vitesses après 300 km, dont le rapport d'expertise technique amiable et contradictoire a confirmé la réalité et l'antériorité à la vente, en l'état de la liste des diagnostics d'incidents de ce véhicule ;

Que le vendeur, qui conteste ce faible kilométrage et l'imputabilité certaine à la période précédant la vente de la défaillance de la boite de vitesses est de mauvaise foi puisque les échanges de courriels et une photographie du compteur concomitante à la vente établissent le kilométrage réel lors de la cession ;

Qu'en outre la résolution de la vente s'impose d'autant plus que le véhicule est de gamme inférieure à celle annoncée par le défendeur.

À l'appui de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive, il fait valoir que M. m. B lui avait indiqué refuser de lui vendre le véhicule s'il insistait pour avoir le carnet d'entretien, que le véhicule n'a pas été correctement entretenu, que la pièce adverse n° 6 sur ce point, doit être écartée des débats car elle est rédigée en langue étrangère, que l'immobilisation du véhicule a été la source de frais et de difficultés, auxquels s'ajoutent les frais importants rendus nécessaires par la mise en œuvre de ses droits en justice.

En réponse, par ses conclusions déposées le 24 mars 2016, et le 6 juin 2016, M. m. B demande au Tribunal de débouter M. m. C de ses demandes.

Il soutient pour l'essentiel que la matérialité du vice allégué n'est pas certaine car elle ne procède que du seul relevé électronique de diagnostic relatif au véhicule sans vérification de son état effectif et que le défaut d'antériorité est certain car la défaillance est relevée après un kilométrage plus important que celui porté au certificat de cession ;

Qu'ainsi le demandeur, à qui incombe la charge de la preuve, échoue à démontrer la réunion des conditions cumulatives de l'article 1486 du Code civil.

Il fait valoir enfin sa bonne foi et l'entretien sérieux apporté au véhicule.

SUR CE,

  • Sur la demande de retrait de pièce :

La pièce n° 6 de M. m. B est une facture du 29 août 2014 de la société A, établie en langue italienne, produite suivant bordereau du 24 mars 2016.

À la suite de la demande formulée par M. m. C de voir écarter cette pièce des débats, M. m. B en a communiqué le 6 juillet 2016, sous le n° 6 BIS, la traduction libre, laquelle éclaire suffisamment le Tribunal sur le contenu de la pièce n° 6, en sorte que la demande de retrait se trouve ainsi privée d'objet. M. m. C en sera donc débouté.

  • Sur la demande de résolution de la vente :

L'article 1483 du Code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

À ce titre, il appartient à M. m. C qui s'en prévaut de rapporter la démonstration des conditions cumulatives suivantes :

  • l'existence d'un vice et son caractère caché,

  • la gravité du vice compromettant l'usage normal du véhicule,

  • le caractère antérieur du vice.

Le défaut caché invoqué par M. m. C consiste dans une défaillance de la boite de vitesses du véhicule, qui a pour effet d'altérer lourdement ses performances.

La société BUREAU MONÉGASQUE D'EXPERTISES mandatée par l'assureur du demandeur qui a procédé à une expertise contradictoire, en présence des parties et de l'expert technique assistant le défendeur, appuie ses conclusions sur le relevé électronique d'incidents du véhicule, édité par le garage BAC ou M. m. C a déposé le véhicule à la suite des difficultés rencontrées.

Il ressort de l'analyse de ce relevé que des dysfonctionnements de la boite de vitesse ont été enregistrés pour la première fois à 30.371 km et pour la seconde fois à 74.114 km.

Le véhicule litigieux étant équipé d'un dispositif électronique permettant d'enregistrer les incidents et pannes, l'expert a pu valablement se référer aux données ainsi recueillies sans avoir besoin de procéder au démontage, conformément aux pratiques actuelles de la mécanique.

M. m. B qui était non seulement présent lors de l'expertise mais en outre assisté de son propre conseil spécialisé en expertise automobile n'a pas estimé devoir formuler des observations sur les investigations en cours ni devoir solliciter des investigations supplémentaires. Son propre expert technique définit au contraire l'avarie comme « Boite à vitesses hors d'usage après 77.431 KM ».

Il est dès lors indifférent que le rapport du BUREAU MONÉGASQUE D'EXPERTISES comporte une clause de réserve, habituelle en la manière, rappelant que l'expert n'a pas procédé au démontage,

En l'état de la concordance entre le diagnostic initial posé par le garage BAC MONTE CARLO, et celui posé par l'expert amiable, corroboré par le propre expert assistant le vendeur et en l'absence de tout élément de nature à contredire la fiabilité de ce diagnostic, il est ainsi suffisamment démontré que le véhicule est effectivement atteint des défaillances ainsi relevées.

Le caractère non apparent de ce dysfonctionnement conduit à retenir également qu'il est caché.

M. m. B conteste également l'antériorité du vice caché à la vente au motif que le certificat de cession mentionne un kilométrage de 73.421 km alors que la panne est survenue au km 74.114.

Cependant, une avarie de la boite de vitesses avait été signalée une première fois à 30.371 km.

En outre, M. m. C verse au débat un message que lui a envoyé le vendeur le 4 septembre 2014 depuis son téléphone portable, avant remise du véhicule, comportant deux photographies relatives au véhicule dont l'une du compteur qui porte un kilométrage de 76.928 km, et qu'il ne conteste pas sérieusement dès lors qu'il s'abstient de s'expliquer sur ce que serait selon lui le contenu du message pourtant effectivement adressé ;

Dans un courriel du 9 février 2015 il rappelle au surplus que le kilométrage à l'achat est de « environ 80.000 km » ;

Enfin il n'a nullement réagi à ce kilométrage de 76.928 km lors de l'expertise alors que l'expert le retient expressément.

Ces éléments rapportés aux diagnostics d'avarie sur la boite de vitesses établissent ainsi leur existence avant la vente.

Il n'est enfin ni discutable ni discuté que le véhicule dont la boite de vitesses est hors d'usage n'est pas en état de servir à son usage habituel.

M. m. C qui démontre ainsi la réunion des conditions relatives à un vice caché est donc fondé en son action.

Il convient en conséquence de prononcer la résolution de la vente du véhicule.

Par suite, M. m. B sera condamné à restituer à M. m. C le prix payé soit la somme de 22.800 €, outres les intérêts au taux légal produits par ladite somme depuis le 23 août 2014, date de la vente.

Il résulte de l'article 1488 du Code civil que, outre la restitution du prix, le vendeur est tenu aux frais occasionnés par la vente.

En l'espèce, M. m. C produit les factures correspondant aux frais suivants directement exposés à raison de la vente :

  • facture BAC MONTE CARLO du 2 octobre 2014 : 91,32 €,

  • contrôle technique du 25 septembre 2014 : 63,00 €,

  • plaques d'immatriculation du 16 octobre 2014 : 50,00 €,

  • Frais d'expertise amiable du 11 mai 2015 : 500,00 €,

  • Frais de carte grise du 25 septembre 2014 : 1.149,82 €,

  • TOTAL : 1.853,82 €.

M. m. B sera donc également condamné au paiement de cette somme.

  • Sur la demande en dommages et intérêts :

M. m. C fonde sa demande en dommages et intérêts sur la résistance abusive du défendeur et non sur les dispositions spécifiques de l'article 1487 du Code civil.

Il résulte du rapport du BUREAU MONÉGASQUE D'EXPERTISE qu'une anomalie de la boite à vitesses était déjà présente à 30.371 km puis 74.114 km soit 2814 km avant l'achat par M. m. C ce qui établit, en l'état des distances parcourues, que durant la période où il se trouvait en possession de M. m. B le véhicule pouvait circuler.

Ainsi, s'il est certain que le vice caché préexistait à la vente, il n'est en revanche pas établi que le niveau de gravité de cette avarie, au point d'empêcher le véhicule de circuler dans des conditions normales ait été manifeste avant la vente et qu'ainsi le vendeur en ait eu connaissance.

Par suite, il n'est pas démontré que son refus d'accepter amiablement la résolution de la vente soit fautif, de sorte que les frais engagés par M. m. C pour faire valoir ses droits en justice ne peuvent être corrélés à une résistance abusive.

Il convient en conséquence de débouter M. m. C de sa demande en dommages et intérêts.

  • Sur l'exécution provisoire :

L'urgence invoquée par M. m. CA. BALLERSTER n'étant étayée par aucune motivation particulière et les autres conditions prévues par l'article 202 du Code de Procédure Civile n'étant pas réunies, l'exécution provisoire ne sera pas ordonnée.

  • Sur les dépens :

M. m. B qui succombe pour l'essentiel supportera la charge des dépens, avec distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-Défenseur.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute M. m. C de sa demande tendant à voir ordonner le retrait des débats de la pièce n° 6 produite par M. m. B ;

Prononce la résolution pour vice caché de la vente d'un véhicule JAGUAR de type CC9G502 immatriculé à MONACO C896 puis en France DK 419 JV, conclue entre M. m. B et M. m. C le 23 août 2014 ;

En conséquence,

Condamne M. m. B à restituer à M. m. C la somme de 23.800 € représentant le montant du prix de vente du véhicule, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 23 août 2014 ;

Condamne M. m. B à payer à M. m. C la somme de 1.853,82 € au titre du remboursement des frais occasionnés par la vente ;

Déboute M. m. C de sa demande accessoire de dommages et intérêts ;

Dit que M. m. C devra restituer le véhicule à M. m. B et donne acte à M. m. C de ce qu'il le tient à disposition de M. m. B;

Condamne M. m. B aux dépens, en ce compris ceux réservés par jugement du 7 janvier 2016, avec distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, Madame Geneviève VALLAR, Premier Juge, qui en ont délibéré conformément à la loi assistées, lors des débats seulement, de Madame Carole FRANCESCHI, Greffier stagiaire ;

Lecture du dispositif de la présente décision a été donnée à l'audience du 19 JANVIER 2017, dont la date avait été annoncée lors de la clôture des débats, par Madame Martine COULET-CASTOLDI, Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Carole FRANCESCHI, Greffier stagiaire, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, et ce en application des dispositions des articles 15 et 58 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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